Question de M. BELIN Bruno (Vienne - Les Républicains-R) publiée le 24/04/2025

M. Bruno Belin attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la décision du Niger d'abandonner le français comme langue officielle.
Promulguée le 26 mars 2025 par le général Abdourahamane Tiani, chef du régime militaire, la nouvelle « Charte de la refondation », qui fait désormais office de Constitution, redéfinit le statut des langues dans le pays. Le haoussa devient langue nationale, tandis que l'anglais et le français sont relégués au rang de langues de travail. Le Niger compte pourtant 13 % de francophones, soit plus de 3 millions de personnes.
Cette mesure s'inscrit dans une politique souverainiste assumée par les autorités militaires, qui se sont retirées de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) à la mi-mars, suivant l'exemple du Mali et du Burkina Faso, également dirigés par des juntes militaires. Ces trois pays ont également quitté la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), jugée trop proche de la France, pour créer l'Alliance des États du Sahel (AES). Ils ont par ailleurs rompu leurs relations diplomatiques et militaires avec la France et débaptisé des rues et monuments qui portaient des noms français.
Ces évolutions interrogent profondément l'avenir des relations entre la France et ces pays, avec lesquels l'histoire et les partenariats - notamment à travers l'aide publique au développement et la coopération décentralisée - ont longtemps été denses. À ce jour, de nombreuses collectivités françaises engagées dans des actions de coopération décentralisée restent dans l'incertitude, faute de cadre juridique clair.
Si le sentiment anti-français est une réalité, il est aussi vraisemblablement amplifié par l'influence d'acteurs étrangers souhaitant tirer parti de la situation. Dans ce contexte troublé, la France ne peut se permettre de se détourner du continent africain. Il est urgent de redéfinir un équilibre fondé sur le respect mutuel, la souveraineté et des partenariats renouvelés. Il ne peut y avoir une Europe heureuse et une Afrique malheureuse.
Par conséquent, il demande au Gouvernement de bien vouloir préciser les actions envisagées pour refonder la relation avec les pays du Sahel et plus largement pour définir une nouvelle stratégie partenariale avec le continent africain.

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Erratum : JO du 12/06/2025 p.3384


Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 04/09/2025

La France a pris note de la décision souveraine du Niger de se retirer de l'Organisation Internationale de la Francophonie le 7 mars dernier. Elle rappelle son vif attachement à la Francophonie, dont elle est membre fondateur et pays-hôte. Nos relations diplomatiques ne sont pas rompues avec les trois pays de l'Alliance des Etats du Sahel. Au Mali et au Burkina Faso, nos ambassades sont toujours ouvertes. Au Niger, suite au coup d'Etat du 26 juillet 2023, nous avons pris la décision de fermer notre ambassade jusqu'à nouvel ordre et de rappeler notre ambassadeur, car sa sécurité n'était plus garantie. L'ambassade du Niger à Paris reste néanmoins ouverte. En matière de coopération, la dégradation de la situation sécuritaire et la montée des discours hostiles à la France ne nous permettent plus de garantir la bonne exécution de l'aide publique au développement ni la sécurité des organisations récipiendaires. Le cas malien se singularise par ailleurs par l'interdiction prise par les autorités de tout financement public et tout appui français aux ONG, empêchant ainsi la poursuite de notre aide humanitaire bilatérale dans le pays. Au Niger et au Burkina Faso, la plupart de nos actions d'aide au développement et d'appui budgétaire ont été suspendues. Conformément au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, certaines d'entre elles maintiennent toutefois des actions de coopération dans ces deux pays lorsque cela est possible, au regard notamment d'une situation sécuritaire très dégradée. Si la relation politique que la France entretient avec le Mali, le Burkina Faso et le Niger a été profondément transformée suite aux différents coups d'Etats successifs, nous restons attentifs au sort des populations de ces pays et cherchons à préserver les liens avec les sociétés civiles sahéliennes et avec les diasporas africaines que nous avons en commun. Cette priorité accordée aux sociétés civiles dans la région est une priorité générale de notre politique étrangère sur l'ensemble du continent africain, qui ne saurait se résumer au cas des juntes sahéliennes. Dès 2017, à l'occasion de son discours à Ouagadougou, le Président de la République a annoncé sa feuille de route pour renouveler notre action et nos partenariats sur le continent. Plusieurs priorités mobilisent aujourd'hui le ministère, ses ambassades et les opérateurs : le renforcement des liens avec les sociétés civiles et les diasporas, le traitement des questions mémorielles, le suivi des demandes de restitution de restes humains et de biens culturels ainsi que le plaidoyer pour le rehaussement de la place de l'Afrique dans la gouvernance mondiale. S'agissant en particulier des sociétés civiles et des diasporas, au quotidien et par le biais de différents outils, nous nous attachons à renforcer les liens économiques, artistiques, sportifs, ou encore universitaires entres les sociétés civiles africaines et la société française. La richesse du partenariat Afrique-France se définit par la densité de ces différents liens humains.

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