Question de Mme PONCET MONGE Raymonde (Rhône - GEST) publiée le 24/04/2025
Mme Raymonde Poncet Monge attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur sur les dysfonctionnements récurrents de la plateforme de demandes de titres de séjour. En effet, les difficultés administratives se sont intensifiées à la suite de la dématérialisation progressive des démarches relatives aux demandes de titres de séjour. Or sans remettre en cause l'utilité de l'accélération de la transformation numérique de l'administration, celle-ci doit s'opérer sans compromettre les garanties d'opérationnalité dont les administrés bénéficiaient via les démarches non dématérialisées. Pourtant, depuis 5 ans, selon le défenseur des droits le nombre de réclamations reçues par l'institution en matière de droits des étrangers a crû de 400 %.
Ainsi chaque année, plus d'un million d'étrangers, déjà déclarés ou en attente de l'être pour la première fois, sont impactés par la dématérialisation de leur demande de titre.
Le défenseur des droits alerte depuis plusieurs années sur ce phénomène croissant. Dans le rapport « L'Administration numérique pour les étrangers en France (ANEF) : une dématérialisation à l'origine d'atteintes massives aux droits des usagers » paru en décembre 2024, l'autorité administrative indépendante formule des recommandations « visant à consacrer le droit à un accès aux demandes de titre omnicanal pour toutes et pour tous ».
La première des 14 recommandations du rapport demande « d'intégrer dans le CESEDA une disposition reconnaissant le droit de réaliser toute démarche par un canal non dématérialisé, sans condition préalable ».
Cette recommandation s'appuie notamment sur la décision du 3 juin 2022 du Conseil d'État. La haute juridiction administrative a partiellement annulé un décret en imposant au pouvoir réglementaire, d'une part de prévoir des mesures d'accompagnement pour les personnes rencontrant des difficultés d'accès à l'ANEF, et d'autre part de garantir un accès de substitution dans le cas où les mesures d'accompagnement se verraient être insuffisantes.
Pourtant, malgré le bilan critique dressé par le défenseur des droits, au sujet du déploiement de l'ANEF, les usagers sont toujours confrontés à de grandes difficultés.
De ce fait, le 27 mars 2025, dix associations ont porté un recours devant le Conseil d'État afin de dénoncer les dysfonctionnements « massifs et récurrents » de la plateforme de demandes de titres de séjours.
À travers cette saisine, ces associations, alertent sur les conséquences dramatiques engendrées par les complications numériques rencontrées par les demandeurs de titre.
Les associations énumèrent les préjudices subis par ces personnes : « Des parcours de vie brisés, des personnes empêchées de travailler, des entreprises privées de salariés, des associations qui s'épuisent dans des procédures dysfonctionnelles et des services préfectoraux qui peinent à débloquer des situations ». Elles dénoncent une « volonté politique de multiplier les obstacles » (vis-à-vis de l'obtention ou du renouvellement des titres de séjour).
Il est impératif et urgent de trouver des solutions afin de permettre aux demandes, notamment de renouvellement, d'être traitées avec plus d'efficacité. Faute de renouvellement, chaque année, des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants sont privés de leurs droits, de leurs accès à l'emploi et aux prestations sociales.
Par conséquent, elle lui demande quelles mesures concrètes il compte prendre afin de remédier à ces graves dysfonctionnements qui, tous les jours, affectent des personnes se retrouvant (trop) souvent seules et en détresse face aux difficultés parfois insurmontables liées aux démarches dématérialisées.
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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 05/06/2025
La dématérialisation des procédures de demandes de titres de séjour et de documents de voyage et de circulation dans l'ANEF s'est effectuée progressivement, depuis 2020. Ce déploiement progressif a été effectué afin de répondre aux enjeux de dématérialisation et de transformation publique, mais également afin de répondre à un enjeu d'obsolescence des technologies utilisées jusqu'à présent. En parallèle des travaux sur le nouveau système d'information (SI), le SI historique doit continuer à fonctionner afin de maintenir la continuité du service. Une partie non négligeable des difficultés techniques résulte du maintien de ce SI historique. Son décommissionnement, actuellement en cours, permettra de réduire ces difficultés techniques et le déploiement des dernières fonctionnalités sur l'ANEF permettra de les résoudre durablement. Le ministère a déployé un plan d'action pour lutter contre les ruptures de droits. Ce plan s'articule autour de quatre leviers complémentaires : un volet réglementaire, un volet informatique, un volet de pilotage du réseau et un volet communication, chacun visant à minimiser les sources de fragilité identifiées suite à la mise en place de l'ANEF. Sur le volet réglementaire, le décret n° 2023-191 du 22 mars 2023 prévoit qu'une « solution de substitution prenant la forme d'un accueil physique permettant l'enregistrement de la demande » est mise en place pour les personnes qui, malgré l'accompagnement proposé par l'administration, « se trouvent dans l'impossibilité constatée d'utiliser le téléservice pour des raisons tenant à la conception ou au mode de fonctionnement de celui-ci ». L'arrêté ministériel du 1er août 2023 précise les conditions de recours et les modalités de mise en oeuvre de la solution de substitution. A cet effet, un réseau de Points d'Accueil Numériques (PAN) a été mis en place dans les préfectures pour renforcer l'accessibilité des services auprès des publics rencontrant des difficultés avec le numérique. Ces points d'accès sont disponibles dans toutes les préfectures et dans certaines sous-préfectures, notamment celles assurant cette mission spécifique. Les points d'accueil numériques offrent un espace équipé de matériel informatique ainsi qu'un accompagnement personnalisé, grâce à la présence de médiateurs numériques formés pour guider les usagers dans leurs démarches. Pour les territoires où les volumes de demandes sont particulièrement élevés, 44 préfectures et 8 sous-préfectures ont mis en place des points d'accueil numériques dédiés spécifiquement aux démarches de l'ANEF. Dans les autres départements, cet accompagnement est proposé au sein des PAN existants, déjà dédiés aux démarches telles que les permis de conduire et les cartes grises. En complément de cet accompagnement de proximité, le centre de contact citoyen (CCC) de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) propose un soutien téléphonique et mail pour les usagers ayant des questions ou rencontrant des difficultés dans leurs démarches en ligne. Ce centre mobilise environ 150 agents formés pour répondre aux besoins des usagers, offrant une assistance téléphonique ainsi que la possibilité de poser des questions via un formulaire en ligne. Ce service, centralisé mais accessible, garantit aux usagers un accompagnement adapté et réactif, réduisant ainsi les risques de blocage. En 2024, le centre de contact citoyens (CCC) de France Titres a transmis 4 377 signalements à la DGEF. En parallèle, 1 120 942 demandes ont été déposées sur l'ANEF. C'est donc 0,4% du volume des demandes qui aboutissent à un blocage de l'usager signalé au CCC et non résolu par celui-ci. Enfin, pour se conformer à la décision du Conseil d'État de juin 2022, un arrêté a été signé le 1er août 2023, accompagné d'une instruction adressée aux préfets. Cet arrêté précise les modalités de traitement des situations bloquantes rencontrées par les usagers de l'ANEF. Lorsqu'une difficulté technique ne peut être résolue dans un délai raisonnable, une convocation en préfecture est organisée, permettant ainsi à l'usager de déposer son dossier sous forme papier. Ce dispositif assure la continuité de l'accès aux services pour tous les usagers, même en cas d'obstacles techniques, tout en veillant à ce que le passage au numérique ne devienne pas une entrave au droit de chacun d'accéder aux services publics. Sur le volet informatique, côté agent, des ajustements techniques ont été réalisés pour renforcer les capacités de l'ANEF et ainsi réduire les risques d'interruption de droits notamment par la mise en place de dispositifs permettant aux agents de préfectures d'identifier les dossiers pour lesquels les titres arrivent prochainement à expiration. Cette capacité de priorisation vise à faciliter le traitement des demandes urgentes et renforce la continuité des droits pour les usagers. Coté usager, un système de notifications « push » est en service depuis fin avril 2024 pour rappeler aux usagers, en amont de l'échéance, les démarches à entreprendre pour le renouvellement de leurs titres permettant ainsi un accompagnement plus proactif de l'administration. Sur le volet de pilotage du réseau, le ministère renforce la coopération entre les différentes parties prenantes par une communication plus fluide entre la Direction Générale des Étrangers en France (DGEF) et les préfectures. D'importants moyens sont ainsi mobilisés pour relever le défi de la transition numérique et renforcer la qualité du service rendu à l'usager. A cet égard, l'accompagnement au bénéfice des services des préfectures a été renforcé par les services centraux par le biais notamment de « missions d'appui et de conseil » (avec un objectif de couverture de 95 % des préfectures d'ici fin 2025). Ce dispositif facilite la détection et la résolution des anomalies techniques de manière coordonnée permettant une réponse plus rapide et mieux adaptée aux difficultés rencontrées ainsi que la mise en oeuvre de solutions de contournement si nécessaire. Par ailleurs, une cellule numérique du quotidien ANEF a été créé courant avril 2025 pour renforcer l'accompagnement des préfectures au changement. Cette cellule est accompagnée, dans le cadre de ses déplacements en préfectures, par une équipe technique qui prend en charge les anomalies sur place. Plusieurs déplacements ont déjà eu lieu et d'autres sont d'ores et déjà programmés. Enfin, sur le volet communication, chaque déploiement de nouvelles téléprocédures ou fonctionnalités est assorti d'un dispositif d'accompagnement renforcé à l'égard des usagers et des préfectures à différentes étapes de leur mise en service : guides et manuels divers dédiés aux préfectures (J-15), formations du CCC (j-20), Webinaires (j-10), Webinaires « retours d'expérience » (J+30 à 60). De plus la rubrique « besoin d'aide ? » du portail usager ANEF est composée de plusieurs FAQ complètes et fait régulièrement l'objet de mise à jour afin de renforcer la qualité de l'information fournie à l'usager. Par ces plans d'actions, le ministère réaffirme son engagement à garantir un accès équitable aux droits pour tous les usagers de l'ANEF.
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