Question de M. FERNIQUE Jacques (Bas-Rhin - GEST) publiée le 10/04/2025

M. Jacques Fernique interroge M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur sur la dégradation continue des conditions de travail des chauffeurs de taxis. Cette précarisation est accentuée par la concurrence déloyale imposée par les plateformes de voiture de transport avec chauffeur (VTC) comme Uber, Bolt ou Heetch. Les chauffeurs de ces plateformes enfreignent régulièrement la réglementation en vigueur sans être sanctionnés, exacerbant les tensions sur le terrain.

Ces tensions ne sont pas anecdotiques : l'exercice du métier de chauffeur de taxi devient dangereux, source d'angoisse. Les confrontations avec les chauffeurs de plateformes vont jusqu'aux agressions verbales et physiques. Dans ma circonscription, des voitures de taxi ont même été cassées, voire brûlées.

Pourtant, la loi pour encadrer l'activité des chauffeurs VTC existe. C'est la loi n° 2016-1920 du 29 décembre 2016 relative à la régulation, à la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes. Elle leur impose de retourner à leur siège social entre chaque course. Elle leur interdit aussi de stationner ou de marauder aux abords des lieux stratégiques pour la clientèle, comme les gares. Or, ces dispositions sont largement bafouées sur le terrain.

J'ai auditionné le syndicat des chauffeurs de taxi de ma circonscription, le Bas-Rhin : ils ne demandent pas la suppression de la concurrence, ni même une nouvelle loi, mais simplement le respect des règles en vigueur !

Le manque de contrôles et de sanctions favorise l'illégalité. Les plateformes elles-mêmes incitent leurs chauffeurs à contourner les règles pour gagner (modestement) leur vie. Sans intervention des forces de l'ordre et un renforcement des contrôles, la situation restera insoluble. Ce n'est pas aux chauffeurs eux-mêmes d'assurer cette mission de contrôle !

Cette situation n'est pas nouvelle. Elle ne fait que s'accentuer ces dernières années. Or, l'inertie politique à ce sujet interroge. Depuis les révélations Uber files, nous savons que le Président de la République est très complaisant et clément vis à vis de ces plateformes et leurs pratiques agressives. Une loi a été votée et doit être appliquée. Pourquoi un tel laissez-faire ?

Des solutions existent. En Allemagne, par exemple, les VTC ne peuvent accepter de nouvelles courses tant qu'ils ne sont pas revenus à leur base, une règle directement intégrée aux applications, qui ne peut donc pas être contournée.

D'un côté, nous avons donc des chauffeurs de VTC précaires, au statut flou, prisonniers du fonctionnement algorithmique de leur plateforme et poussés à l'illégalité. De l'autre, des chauffeurs de taxi exposés à une concurrence accrue et à des comportements agressifs, qui peinent de plus en plus à trouver une clientèle.

Il lui demande s'il compte faire en sorte que la transposition dans notre droit de la directive européenne sur les travailleurs des plateformes sécurise au maximum les chauffeurs des plateformes et aboutisse sur un réel statut salarial. Serait-il également envisageable de permettre aux taxis réglementés de circuler dans les couloirs de bus à au niveau de service ? Cela renforcerait leur attractivité. Enfin, à défaut d'un encadrement plus strict de l'activité des chauffeurs VTC, il lui demande s'il compte au moins renforcer les contrôles pour rétablir un équilibre et apaiser les tensions.

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Réponse du Ministère délégué auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement publiée le 09/07/2025

Réponse apportée en séance publique le 08/07/2025

M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, auteur de la question n° 455, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.

M. Jacques Fernique. Madame la ministre, ma question porte sur la dégradation des conditions de travail des chauffeurs de taxi.

Leur précarisation, vous le savez, est accentuée par la concurrence déloyale des plateformes de voitures de transport avec chauffeur (VTC), dont les chauffeurs sont amenés à enfreindre régulièrement la réglementation, d'autant que les contrôles, et par conséquent les sanctions, sont rares.

Cette situation exacerbe les tensions sur le terrain, conduisant à des agressions verbales et parfois physiques. Dans ma circonscription du Bas-Rhin, des voitures ont ainsi été endommagées, voire incendiées.

Pourtant, une loi encadrant l'activité des chauffeurs de VTC existe ; elle leur impose de retourner à leur siège social entre chaque course et leur interdit de stationner ou de marauder aux abords des lieux stratégiques pour la clientèle tels que les gares. Or ces dispositions sont largement bafouées sur le terrain...

J'ai auditionné le syndicat des chauffeurs de taxi du Bas-Rhin, qui ne demande ni la suppression de la concurrence ni même une nouvelle loi, mais simplement l'application de contrôles et de sanctions pour assurer le respect des règles en vigueur. La promesse récente du Gouvernement de renforcer les contrôles est donc une bonne nouvelle.

Néanmoins, on ne peut ignorer que les plateformes elles-mêmes poussent leurs chauffeurs à contourner les règles pour leur permettre de gagner modestement leur vie. D'ailleurs, depuis les révélations des Uber Files, nous savons que, entre 2014 et 2016, le ministre de l'économie de l'époque a oeuvré avec une grande complaisance auprès des plateformes pour déréguler le marché.

Les mesures récemment annoncées par le Gouvernement constituent une avancée, mais ne changeront pas la donne structurellement. Les plateformes conserveront la même logique.

Pourquoi se borner à sanctionner les chauffeurs de manière individuelle, comme vous le faites avec les trois nouvelles amendes qui entrent en vigueur ? Il faut toucher au mode de fonctionnement des plateformes elles-mêmes.

Des solutions collectives existent. En Allemagne, par exemple, les applications ne peuvent proposer de nouvelles courses aux chauffeurs de VTC tant que ceux-ci ne sont pas revenus à leur base. À Strasbourg, on ne comprend pas pourquoi ce qui réussit à Kehl ne pourrait s'appliquer chez nous.

Comment le Gouvernement compte-t-il agir pour sortir de cette situation conflictuelle ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Jacques Fernique, ma réponse étant très longue, je vous l'adresserai par écrit et me contenterai ici d'aller à l'essentiel.

Je vous remercie d'appeler notre attention sur la question de la concurrence déloyale entre taxis et VTC. Le Gouvernement travaille sur le sujet de la régulation des plateformes, en particulier la ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique.

Sachez que les forces de l'ordre sont pleinement mobilisées pour mener des opérations de surveillance et de contrôle. Elles disposent pour ce faire d'outils renforcés. Une expérimentation menée pendant trois mois dans le ressort de douze tribunaux judiciaires a abouti à la généralisation de nouveaux délits depuis le 1er juillet 2025 : l'exercice illégal de l'activité d'exploitant de taxi, la prise en charge d'un client sur la voie ouverte à la circulation publique sans justification ou encore l'exploitation de VTC sans inscription au registre. Les forces de sécurité intérieure, police et gendarmerie, sont mobilisées.

Dans le Bas-Rhin, en particulier, dix-sept infractions ont été relevées au cours du premier semestre 2025. Ce chiffre, quoique sans doute très inférieur à la réalité, témoigne d'un mouvement. Sept de ces infractions sont liées au stationnement illégal, c'est-à-dire au maraudage en quête de clients.

Au sein de l'agglomération parisienne, où cette fraude est très répandue, l'unité de contrôle des transports de personnes est active ; elle opère en civil et joue un rôle central dans la lutte contre les taxis clandestins, le racolage et le travail illégal, en particulier aux abords des gares et des aéroports.

Pour renforcer la réponse pénale, un plan d'action a été mis en oeuvre par le préfet de police, en lien étroit avec les parquets de Paris, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Nous avons particulièrement ciblé les multirécidivistes du racolage.

Comme je vous l'indiquais, ma réponse écrite sera beaucoup plus détaillée, mais je tenais à vous assurer de notre parfaite mobilisation pour que ces infractions à la loi cessent, y compris dans leur dimension numérique.

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