Question de M. ROIRON Pierre-Alain (Indre-et-Loire - SER) publiée le 17/04/2025
M. Pierre-Alain Roiron attire l'attention de M. le ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la série de mesures fortement préjudiciables au secteur de la recherche engagées, depuis son retour à la Maison Blanche, par le président Donald Trump : coupes budgétaires massives dans les programmes scientifiques, licenciements d'agents au sein des agences fédérales dédiées à la santé ou au climat, et retrait d'organisations internationales majeures comme l'Organisation mondiale de la santé. Ces décisions suscitent l'inquiétude de nombreuses communautés scientifiques, aux États-Unis comme à l'international, qui y voient un affaiblissement de la liberté académique et une menace pour les grands équilibres démocratiques fondés sur l'indépendance de la recherche. Dans ce contexte, vous avez annoncé avoir sollicité les établissements français - universités, organismes nationaux, Agence nationale de la recherche - pour qu'ils proposent des pistes concrètes d'accueil des chercheurs potentiellement contraints de quitter les États-Unis. La plupart des universités françaises, à l'image de celle de Tours dans son département, ont déjà fait part de leur mobilisation. À Tours, l'accueil de dix à quinze chercheurs représenterait un investissement compris entre 4 et 5 millions d'euros sur trois ans, à raison de 450 000 euros par chercheur, en tenant compte de l'ensemble des coûts liés à la recherche, aux ressources humaines et à l'intégration dans les laboratoires. Si cette volonté d'ouverture est saluée, elle suppose une préparation rigoureuse en matière de financement, de conditions d'accueil, de coordination entre les acteurs, ainsi qu'une identification claire des priorités scientifiques à renforcer au niveau national. Elle implique également une approche européenne coordonnée : face à ce qui s'apparente à une nouvelle vague de fuite des cerveaux, la France et ses partenaires de l'Union européenne doivent se doter d'une stratégie ambitieuse pour attirer et retenir ces talents, en consolidant l'espace européen de la recherche et en valorisant la science comme levier de souveraineté et d'innovation. Or, si la France dispose d'atouts indéniables - un environnement scientifique de qualité, des valeurs démocratiques fortes et une réelle liberté académique -, elle souffre encore d'un manque de compétitivité dans l'attractivité de ses carrières scientifiques, faute de moyens stables, de simplification administrative et de valorisation suffisante des chercheurs étrangers. Il est donc urgent de transformer ce contexte international en opportunité stratégique. Ainsi, il lui demande quels dispositifs concrets sont à l'étude ou déjà engagés pour structurer cet accueil dans la durée, si des moyens budgétaires spécifiques seront mobilisés, et comment le Gouvernement entend garantir la cohérence de cette démarche avec la stratégie nationale de recherche et les besoins exprimés par les établissements français.
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Réponse du Ministère auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 30/04/2025
Réponse apportée en séance publique le 29/04/2025
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, auteur de la question n° 470, adressée à M. le ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. Pierre-Alain Roiron. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les mesures fortement préjudiciables prises par l'administration Trump : coupes massives dans les programmes scientifiques, licenciements d'agents au sein des agences fédérales dédiées à la santé ou au climat, ou encore retrait d'organisations internationales majeures comme l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Ces décisions inquiètent la communauté scientifique mondiale, qui y voit un affaiblissement de la liberté académique et une menace pour les équilibres démocratiques fondamentaux fondés sur l'indépendance de la recherche.
Dans ce contexte, vous avez annoncé avoir sollicité les établissements français, notamment les universités et l'Agence nationale de la recherche (ANR), pour qu'ils proposent des pistes d'accueil pour les chercheurs contraints de quitter les États-Unis.
Plusieurs universités, dont celle de Tours, dans le département d'Indre-et-Loire, ont déjà annoncé qu'elles répondraient présent. À Tours, l'accueil de dix à quinze chercheurs représenterait un investissement compris entre 4 millions et 5 millions d'euros sur trois ans, à raison de 450 000 euros par chercheur, en tenant compte de l'ensemble des coûts liés à la recherche, aux ressources humaines et à l'intégration dans les laboratoires.
Si cette volonté d'ouverture est essentielle, elle doit s'accompagner d'une coordination rigoureuse entre les acteurs, de financements adaptés et d'une stratégie claire, à l'échelle tant nationale qu'européenne.
Face à cette nouvelle vague de fuite des cerveaux venue d'outre-Atlantique, la France et ses partenaires doivent se doter d'une stratégie ambitieuse pour attirer et retenir ces talents, en consolidant l'espace européen de la recherche et en valorisant la science comme levier de souveraineté et d'innovation. Or, si la France dispose d'atouts indéniables, elle souffre encore d'un manque d'attractivité, faute de moyens stables et de valorisation suffisante des chercheurs, notamment d'origine étrangère.
Monsieur le ministre, quels dispositifs sont à l'étude ou déjà engagés pour structurer cet accueil dans la durée ? Des moyens budgétaires spécifiques y seront-ils alloués ? Comment cette démarche s'articulera-t-elle avec la stratégie nationale de recherche et avec les besoins exprimés par les établissements français ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, vous avez raison : l'inquiétude que vous avez décrite est palpable dans l'ensemble des laboratoires et des universités, auxquels je rends régulièrement visite j'étais d'ailleurs récemment à Tours.
Comment expliquer ce sentiment ? La réponse est simple. Les États-Unis investissent des sommes considérables dans ce domaine. En opérant des coupes radicales dans les projets de recherche, le gouvernement américain affaiblit indirectement aussi des programmes internationaux majeurs, ce qui affectera notamment la recherche dans des secteurs tels que l'observation de la Terre, le climat ou encore la santé.
Face à l'inquiétude, réaffirmons tout d'abord le principe de liberté académique, auquel la France et l'Europe sont très attachées.
Au-delà du message, nous avons mis en place des dispositifs pour soutenir des initiatives comme celles des universités de Tours et de Marseille ou de CentraleSupélec, qui accueillent des chercheurs internationaux.
Nous avons également déployé la plateforme Choose France for Science. Celle-ci s'adosse sur des budgets additionnels, grâce au soutien de France 2030. Cette plateforme a été lancée il y a quelques semaines par Élisabeth Borne et repose sur des cofinancements allant jusqu'à 50 %, qui permettront aux universités et aux organismes de recherche d'accueillir des chercheurs internationaux.
En outre, dès le 5 mai prochain, le Président de la République accueillera à Paris une conférence, réunissant notamment les ministres de la recherche européens et la présidente de la Commission européenne, sur la place de la recherche en France et dans l'Union. La question que vous soulevez sera au coeur de nos discussions.
Enfin, au-delà de la question de l'accueil des chercheurs, nous devons nous demander quels programmes la France et l'Europe doivent développer pour garantir leur autonomie et se projeter dans l'avenir de la recherche.
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