Question de Mme PONCET MONGE Raymonde (Rhône - GEST) publiée le 12/06/2025

Mme Raymonde Poncet Monge interroge Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche concernant les garanties apportées par la France en matière de protection des droits des peuples autochtones dans le cadre de ses politiques écologiques.
En effet, la reconnaissance des peuples autochtones à travers le monde est un impératif urgent, dans un objectif de protection des droits humains mais les avancées réelles peinent à se concrétiser. Le traitement des peuples autochtones de Guyane française témoigne de la lenteur des actions politiques en ce sens. La question de la protection effective de leurs territoires ancestraux se pose avec acuité. Le mode de vie de ces communautés, parfaitement intégré à la préservation de la biodiversité amazonienne, illustre l'importance de conjuguer protection environnementale et respect des droits humains.
En 2020, la France s'est engagée à porter l'objectif de transformer 30 % des zones terrestres et maritimes de la planète en aires protégées à l'horizon 2030 (objectif 30x30). Depuis, cet objectif a été officiellement adopté lors de la conférence des parties 15 (COP15) de la Convention sur la diversité biologique (CDB) à Montréal en décembre 2022.
Cependant, plusieurs études, telle « Au-delà de la «participation» : Peuples autochtones, conservation de la nature et aires protégées » produite par la FAO, mettent en exergue les risques de non-respect des droits des peuples autochtones et estiment que des centaines de millions de personnes pourraient être affectées négativement par l'expansion massive des aires protégées si celles-ci sont conduites de manière verticale, sans respecter les droits des personnes concernées. Selon l'étude ci-dessus, 86 % des aires protégées en Amérique latine sont habitées, avec une majorité de populations autochtones.
Par le passé, l'accaparement des terres et les multiples violations des droits humains lors de la création des aires protégées soulignent que toute augmentation doit être conçue et conduite sous la protection stricte des droits des peuples vivant dans ces territoires. Le média Survival International a, dans un passé récent, largement documenté les expulsions forcées et les violences commises par des écogardes dans certaines aires protégées, notamment en République démocratique du Congo.
La correction de la trajectoire passe par le renforcement des droits territoriaux des populations locales, comme par la reconnaissance des territoires autochtones, composantes essentielles de la stratégie de protection de la biodiversité. Or de telles garanties s'avèrent presque absentes de la stratégie de l'Union européenne en faveur de la biodiversité et du document de travail du cadre mondial de la biodiversité pour l'après 2020.
En 2025, alors que nous sommes à mi-chemin de l'échéance fixée pour l'objectif 30x30, elle souhaiterait savoir si le Gouvernement français a conduit des études d'impacts afin d'évaluer le nombre de personnes dont les droits territoriaux et les moyens de subsistance pourraient être affectés par le doublement des aires protégées dans le but de les protéger.
Par ailleurs, elle s'interroge sur les dispositions concrètes prises depuis 2022 pour garantir que le consentement libre, informé et préalable (CLIP) des peuples autochtones soit recueilli et respecté dans la mise en oeuvre du cadre mondial pour la biodiversité.

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Transmise au Ministère de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature


Réponse du Ministère de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature publiée le 04/12/2025

La France est attachée à la bonne prise en compte des populations autochtones dans la mise en oeuvre de sa politique relative à la protection de la biodiversité. Au niveau national, la réforme de la gouvernance des parcs nationaux, portée par la loi de 2006, a permis d'associer étroitement les acteurs du territoire à l'administration des parcs nationaux, et notamment les peuples autochtones. Cela s'est traduit par l'élaboration, au niveau de chaque parc national concerné, d'une charte issue de la concertation avec les communes et les acteurs du territoire. Cette charte a pour objectif de traduire la continuité écologique et l'existence d'un espace de vie qui comprend "le coeur", espace naturel préservé soumis à une réglementation visant à la préserver et "l'aire d'adhésion" constituée des communes et communautés dont les territoires sont situés autour du coeur. La charte vise également à fédérer les engagements de chaque collectivité signataire autour d'un projet de développement durable. Pour le cas du Parc amazonien de Guyane, ce se traduit par la représentation des autorités coutumières au sein de son conseil d'administration. Les parcs naturels marins (PNM), gérés par l'Office français de la biodiversité, sont un exemple de l'évolution de la législation française en matière de prise en compte des populations locales. En effet, les conseils de gestion des PNM sont majoritairement composés d'élus locaux, de représentants des professionnels, des acteurs sociaux-économiques pour donner un ancrage local fort aux décisions de gestion de ces aires protégées. Dans le cadre d'actions de coopération internationale menées par les opérateurs français (Expertise France, AFD) et qui concourent à rendre effectif l'engagement de la France pour appuyer les pays dans la mise en oeuvre du cadre mondial pour la biodiversité, plusieurs projets de préservation de la biodiversité sont menés en prenant en compte les peuples autochtones et leur participation active à la gouvernance des écosystèmes. De manière générale, les axes de travail actuellement privilégiés pour garantir une prise en compte effective des populations autochtones sont les suivants : 1) L'appui au développement de modèles d'aires protégées avec participation des communautés autochtones et communautés forestières à la gouvernance et à la gestion (modèles de co-administration par exemple) ; 2) Le soutien à des activités génératrices de revenus liées à la protection de l'écosystème (agroforesterie ou production non ligneuse - açaï, ramon, apiculture, etc.) ; 3) L'appui au développement de mécanismes de rémunération du travail de protection de l'écosystème adaptés aux contextes locaux (paiements pour services écosystémiques, crédits biodiversité, fonds fiduciaire locaux alimentés par les parties prenantes locales - organisations autochtones, municipalités et acteurs privés locaux par exemple -). En particulier, des projets menés en Amérique Centrale, en Amazonie, dans le bassin du Congo et en Papouasie-Nouvelle-Guinée, assurent l'inclusion des populations autochtones et communautés locales dans la réalisation d'activités pour la préservation de la biodiversité, via notamment l'organisation de consultations locales, la réalisation d'études d'impact environnemental et social avec les plans d'action liés, l'appui à la définition et mise en oeuvre d'amendements juridiques pour permettre la bonne application de la loi sur les aires protégées et garantir une gestion efficace et inclusive des aires protégées. Par ailleurs, plusieurs dispositions concrètes ont été prises depuis 2022 pour garantir le recueil et le respect du consentement libre, informé et préalable (CLIP) des peuples autochtones dans la mise en oeuvre du cadre mondial pour la biodiversité : Lors de la COP16 de la Convention sur la diversité biologique, au mois d'octobre 2025, des avancées importantes ont été réalisées afin de garantir le respect du consentement libre, informé et préalable (CLIP) des peuples autochtones et des communautés locales. Cette conférence a notamment abouti à la création d'un organe subsidiaire dédié aux peuples autochtones et communautés locales (SB8J), fruit de plus de cinq années de négociations. Ce nouvel organe subsidiaire a pour mandat de formuler des recommandations à l'attention de la Conférence des Parties et des autres organes subsidiaires de la convention sur toutes les questions relatives aux peuples autochtones et communautés locales. La France a soutenu la création de ce nouvel organe qu'elle voit comme une avancée contribuant au renforcement de l'engagement et de la participation pérenne des peuples autochtones et communautés locales à la Convention et, qui par ce biais, permet d'assurer à leur égard le respect du CLIP dans toute décision de la Convention liée à la mise en oeuvre du cadre mondial de la biodiversité. De plus, dans le cadre de sa co-présidence de la Coalition de la haute ambition pour la nature et les peuples (HAC N&P), la France promeut un espace de dialogue international autour des différentes approches nationales relatives aux zones conservées par les populations autochtones et les communautés locales (ICCAs). En effet, les populations autochtones et communautés locales revendiquent la reconnaissance des ICCAs en tant que catégorie distincte, indépendante des aires protégées et autres mesures de conservation efficace par zone (AMCEZ), à comptabiliser pour l'atteinte de l'objectif 30x30. Cet espace de discussion constitue un progrès important garantissant une meilleure visibilité des positions des populations autochtones et des communautés locales et de l'importance du respect du CLIP, en amont des négociations du nouvel organe subsidiaire de la Convention sur la diversité biologique dédié aux peuples autochtones et communautés locales (SB8J). Enfin, la prise en compte des peuples autochtones dans la mise en oeuvre du cadre mondial pour la biodiversité a pu être rappelé récemment dans d'autres enceintes internationales : dans le communiqué adopté sous présidence italienne du G7 en 2024 ou par les membres du G20 en 2023, sous présidence indienne, qui ont souligné dans le communiqué le rôle important joué par les communautés locales et peuples autochtones dans la préservation des écosystèmes, les forêts, l'eau, la lutte contre la pollution, la désertification, ainsi que la nécessité de mieux les intégrer dans les politiques de préservation, restauration et d'utilisation durable des ressources.

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