Question de M. MONTAUGÉ Franck (Gers - SER) publiée le 12/06/2025

M. Franck Montaugé attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur le rôle stratégique de la normalisation volontaire dans la compétitivité économique française.
Dans un contexte de recomposition rapide des équilibres industriels mondiaux, la France est confrontée à une double exigence : réindustrialiser durablement son territoire et préserver sa compétitivité face à un environnement géoéconomique tendu.
La réalité des rapports économiques internationaux amène à constater que la bataille n'est plus seulement technologique ou industrielle mais qu'elle est aussi normative. Les normes volontaires, bien qu'elles ne soient pas juridiquement contraignantes, fixent dans les faits les standards d'accès aux marchés, garantissent l'interopérabilité des systèmes et structurent la concurrence internationale. Ces normes, élaborées notamment au sein de l'ISO ou de l'IEC, deviennent des leviers puissants de souveraineté.
Alors que les grandes puissances investissent massivement pour renforcer leur influence normative, la France recule. Pour la première fois, elle glisse au 4e rang mondial dans les instances internationales de normalisation, derrière la Chine, les États-Unis et l'Allemagne, réduisant ainsi sa capacité à peser dans l'élaboration des règles qui structureront l'économie de demain.
Cette perte d'influence est d'autant plus préoccupante qu'elle concerne des secteurs stratégiques pour notre avenir : hydrogène décarboné, intelligence artificielle, cybersécurité ou encore transition énergétique. Autant de domaines dans lesquels l'Europe et la France doivent rester des puissances normatives.
À ces enjeux s'ajoutent des filières clés telles que celles de l'agriculture et de l'agroalimentaire, fortement impactées par les exigences normatives inhérentes aux traités de libre-échange. Les normes fixées au niveau international, sans réelle prise en compte des spécificités locales, conditionnent l'accès aux marchés étrangers pour nos producteurs, tout en exposant notre marché intérieur à une concurrence normative asymétrique. Sur ce point la démarche dite du « codex alimentarius » mériterait de prospérer dans le cadre des normes de qualité alimentaire promues par la France dans le cadre européen.
La France doit également jouer un rôle déterminant pour que les enjeux liés à la décarbonation, à la préservation de la biodiversité, à la réduction de l'empreinte écologique et à la responsabilité sociétale des entreprises soient pleinement intégrés dans les normes comptables internationales (IFRS) voire les directives « CSRD » sur le reporting extra-financier et « C3SD » sur le devoir de vigilance. Une telle évolution permettrait de mieux comparer les performances globales des entreprises et de valoriser celles qui adoptent des pratiques vertueuses, contribuant ainsi concrètement aux transitions économique, environnementale et sociale en cours.
Aussi, il interroge M. le ministre pour savoir quelles actions le Gouvernement entend mettre en oeuvre pour réintégrer pleinement la normalisation volontaire dans la politique économique nationale et quels moyens seront mobilisés pour encourager la participation active des entreprises françaises aux instances de normalisation internationales.

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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique publiée le 11/09/2025

La normalisation constitue un facteur important de compétitivité pour les entreprises : elle leur permet, par l'homogénéisation des spécifications des produits et services, l'accès à l'ensemble des marchés mondiaux. Le baromètre annuel de la normalisation 2025 établi par l'AFNOR confirme la tendance qui se dessine depuis plusieurs années : alors que l'Allemagne et les Etats-Unis maintiennent un investissement constant qui leur permet de rester aux deux premières places dans les organismes internationaux de normalisation, l'investissement massif des pays asiatiques leur assure une influence croissante depuis 10 ans. Le Japon a ainsi assuré une montée en puissance lente mais constante. La Chine, quasiment inexistante dans ces instances en 2004, s'est hissée en 2024 à la 3ème place, la France étant à la 5ème place. Face à cette offensive massive, et en se basant sur l'expérience acquise, la France doit maintenir sa place, sachant que 90% des nouvelles normes sont élaborées au niveau européen ou international. Le maintien de cette place nécessite l'intensification de la participation et du soutien des entreprises aux travaux de normalisation afin que la France parvienne à prendre la présidence, le secrétariat ou l'animation de travaux de normalisation sur des secteurs clé. Cette intensification implique une plus forte sensibilisation, des décideurs publics comme des entreprises, aux enjeux de la normalisation. Dans ce cadre, les services de l'Etat et l'AFNOR travaillent conjointement pour accroître la connaissance de la normalisation auprès des décideurs publics et son portage politique. A titre d'exemple, un travail est actuellement mené afin de définir les modalités à mettre en oeuvre pour sensibiliser le tissu industriel français aux enjeux de transformation numérique permis par les « SMART standards », et AFNOR a été intégrée, à compter l'année 2025 aux correspondants du programme ETIncelles, afin de sensibiliser les PME du programme aux enjeux de la normalisation. Par ailleurs, l'accueil, en France, à l'occasion du centenaire d'AFNOR, de l'assemblée générale de l'ISO en France en septembre 2026, constituera une opportunité de mise en avant de la France au niveau international et de sensibilisation aux enjeux et bénéfices apportés par la normalisation volontaire des décideurs publics et des entreprises, en valorisant ainsi les impacts de la normalisation volontaire. Enfin, le Gouvernement maintient son soutien à l'engagement des entreprises dans ces travaux par le biais du CIR, le crédit impôt recherche, qui inclut les dépenses de normalisation.

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