Question de M. GENET Fabien (Saône-et-Loire - Les Républicains-R) publiée le 19/06/2025
M. Fabien Genet attire l'attention de M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice sur les insuffisances des dispositifs de protection actuellement en vigueur contre les violences faites aux femmes. Le 12 mai 2025, une mère de famille d'origine ukrainienne âgée de 55 ans, a été tuée par balles par son ex-conjoint en pleine rue dans une commune de Saône-et-Loire, alors qu'elle se rendait sur son lieu de travail. Si les violences qu'elle a subies faisaient l'objet d'une procédure judiciaire en cours depuis plusieurs mois pour violences intrafamiliales et qu'elle bénéficiait d'une mesure d'éloignement ainsi que d'un hébergement mis à disposition par la municipalité afin qu'elle puisse se loger à l'écart de son agresseur, ces mesures n'ont pas permis d'empêcher ce drame, qui constitue le 29ème féminicide recensé depuis le début de l'année 2025. Malgré les outils déjà en place, comme le bracelet anti-rapprochement ou les ordonnances de protection, des améliorations semblent nécessaires afin de renforcer la protection effective des femmes signalant des violences, en particulier l'extension des conditions de placement sous bracelet anti-rapprochement, l'évaluation systématique du risque létal pour toute personne ayant porté plainte et le renforcement de la coordination territoriale entre les différents services policiers, judiciaires, sociaux et associatifs. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures que le Gouvernement entend prendre pour renforcer la protection des femmes victimes de violences conjugales et prévenir plus efficacement les féminicides.
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Transmise au Ministère de la justice
Réponse du Ministère de la justice publiée le 18/12/2025
Depuis de nombreuses années, la lutte contre les violences intrafamiliales est un enjeu majeur pour le Gouvernement et une priorité de politique pénale du ministère de la Justice. Les dernières réformes législatives mises en oeuvre, qui s'inscrivent dans les orientations de la consultation du Grenelle et du Plan interministériel pour l'égalité entre les femmes et les hommes 2023-2027, s'articulent autour de trois axes majeurs. La protection et l'accompagnement des victimes ont été renforcés. Ainsi, afin de mieux repérer les victimes, la loi du 30 juillet 2020 a offert la possibilité aux professionnels de santé de signaler sans leur accord des violences exercées au sein du couple lorsque celles-ci apparaissent en danger immédiat et ne sont pas en mesure de se protéger (article 226-14 3° du code pénal). Ce signalement a été facilité par l'élaboration d'un vademecum à destination des professionnels de santé. Les outils de protection ont été également développés. La loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille a assoupli les conditions d'octroi du téléphone grave danger. Le procureur de la République peut désormais à tout stade de la procédure, y compris pendant la phase d'enquête, en cas de grave danger menaçant une victime de violences dans le cadre conjugal ou une victime de viol, attribuer à cette dernière pour une durée de six mois renouvelables, et si elle y consent expressément, un dispositif de téléprotection. La loi précitée a également créé le bracelet anti-rapprochement (BAR), dispositif permettant une géolocalisation en continu du porteur du bracelet et de la personne protégée, susceptible d'être mis en oeuvre en matière civile, ainsi qu'en matière pénale aussi bien durant la phase précédant le jugement que dans le cadre d'une peine. Expérimenté d'abord dans cinq juridictions, le BAR a été rapidement généralisé à l'ensemble du territoire. Plus récemment, la loi n° 2024-536 du 13 juin 2024 renforçant l'ordonnance de protection et créant l'ordonnance provisoire de protection immédiate a allongé la durée maximale de l'ordonnance civile de protection permet au juge aux affaires familiales de mettre en place des mesures d'urgence, sans attendre le dépôt d'une plainte par la victime, de 6 à 12 mois. Elle prévoit aussi la possibilité pour le procureur de la République en cas d'urgence de requérir qu'une ordonnance provisoire de protection immédiate soit prise par le juge aux affaires familiales dans les 24 heures de sa saisine. L'information de la victime a également été renforcée. Le décret 24 décembre 2021 relatif aux mesures de surveillance applicables lors de leur libération aux auteurs d'infractions commises au sein du couple prévoit que l'autorité judiciaire doit aviser la victime d'infractions commises au sein du couple, de la sortie de détention d'une personne poursuivie ou condamné. Par ailleurs, et comme vous le soulignez, la lutte contre les violences conjugale exige une approche globale d'une situation individuelle de violences intrafamiliales et plusieurs dispositifs de coordination ont été créés. Le décret n° 2023-1077 du 23 novembre 2023 a institué des pôles spécialisés en matière de violences intrafamiliales au sein des tribunaux judiciaires et des cours d'appel. Un comité de pilotage (COPIL VIF), adossé à chaque pôle et composé de tous les acteurs de la juridiction et partenaires institutionnels et associatifs en charge de cette problématique, a pour mission notamment d'assurer un suivi particulier des situations individuelles à risque. L'applicatif SISPoPP (Système informatisé de suivi des politiques pénales prioritaires), encadré par le décret n° 2023-935 du 10 octobre 2023 déployé à l'échelle nationale, constitue l'outil numérique au soutien de l'activité des pôles VIF conçu pour favoriser la visualisation contextualisée et actualisée des situations en matière notamment de violences conjugales, et le partage d'information au sein de l'autorité judiciaire ainsi qu'entre cette dernière et l'ensemble des partenaires pertinents. En outre, le fichier de prévention des violences intrafamiliales a été également déployé depuis le mois d'avril 2024. Ce portail accessible aux membres des forces de sécurité intérieure regroupe la visualisation des données contenues dans six fichiers relevant respectivement des ministères de l'Intérieur et de la Justice. Le FPVIF permet ainsi de guider l'action des forces de l'ordre lorsqu'elles interviennent sur une situation de violences intra-familiales, dans le cadre de la procédure judiciaire, de déclencher le cas échéant des mesures d'accompagnement et de protection des victimes et d'améliorer le suivi des auteurs et prévenir le risque de réitération des infractions. Les développements du FPVIF se poursuivent. Enfin, afin de renforcer le suivi des auteurs, en octobre 2020, un dispositif expérimental de « contrôle judiciaire avec placement probatoire » (CJPP) des auteurs de violences conjugales a été lancé au sein de deux juridictions pilotes étendu depuis à 8 autres juridictions. Ce dispositif permet à la fois l'éviction immédiate du domicile conjugal de l'auteur des faits et sa prise en charge globale dans un hébergement adapté, où il bénéfice d'un accompagnement sanitaire, social, éducatif ou psychologique. Soyez assuré, Monsieur le sénateur, que le ministère de la Justice est pleinement mobilisé pour garantir l'effectivité de la protection des victimes de violences conjugales ou intrafamiliales. Cet impératif, auquel j'attache une importance particulière, est régulièrement rappelé aux parquets dans les nombreuses circulaires et dépêches dédiées, et encore récemment dans ma circulaire de politique pénale générale diffusée le 27 janvier 2025. J'ai en outre lancé une mission d'inspection afin d'évaluer l'ensemble des dispositifs et d'identifier les manières de compléter la protection des femmes. Celle-ci rendra ses conclusions à l'automne. J'en tirerai les conclusions qui s'imposeront.
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