Question de M. LEMOYNE Jean-Baptiste (Yonne - RDPI) publiée le 12/06/2025

M. Jean-Baptiste Lemoyne interroge Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur le caractère insoutenable de la dette de l'État vis à vis des départements compte tenu de la compensation totalement insuffisante de dépenses sociales à l'instar du revenu de solidarité active (RSA).
À titre d'exemple, le département de l'Yonne consacre 60 millions d'euros de son budget par an an titre du RSA. Alors qu'il s'agit d'une allocation relevant de la solidarité nationale, et malgré la promesse d'une compensation à l'euro près, l'État ne rembourse seulement que 27 millions d'euros de cette somme. Le département de l'Yonne est donc contributeur net au titre du RSA à hauteur de 33 millions d'euros par an sur un budget de 474 millions d'euros. À cela s'ajoutent des indus dont la Cour des comptes a estimé qu'ils atteignaient 6,3 milliards d'euros au niveau national, dont 5,2 millions d'euros environ pour le seul RSA dans l'Yonne. Face à l'asphyxie des départements, une expérimentation a été conduite dans trois départements où le RSA a été recentralisé (Ariège, Pyrénées-Orientales, Seine-Saint-Denis). Les rapporteurs spéciaux du Sénat ont d'ailleurs montré que cette expérimentation avait conduit à la fin de l'effet ciseau pour les départements concernés puisque les recettes reprises par l'État étaient inférieures aux dépenses exposées par ces départements.
Aussi, il souhaite savoir selon quelles modalités l'État entend être enfin au rendez-vous de la justice budgétaire et territoriale. S'agit-il d'améliorer la compensation pour qu'elle couvre les sommes versées par les départements ? Ou bien s'agit-il d'une nouvelle étape de recentralisation ?

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Réponse du Ministère délégué auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de l'autonomie et du handicap publiée le 25/06/2025

Réponse apportée en séance publique le 24/06/2025

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, auteur de la question n° 597, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Le 18 juin est une date qui marque un sursaut national dans notre histoire. Depuis cette année, le 18 juin est également le jour du dépassement, c'est-à-dire le jour à partir duquel les départements assument seuls la solidarité nationale.

Quelles mesures de compensation le Gouvernement envisage-t-il de mettre en place pour permettre aux départements de faire face aux différentes charges qu'ils supportent en matière sociale ?

Je pense tout particulièrement au revenu de solidarité active (RSA). Le département de l'Yonne consacre au versement de cette prestation 60 millions d'euros, compensés seulement à hauteur de 27 millions d'euros par l'État. Cela signifie que le département de l'Yonne, donc le contribuable icaunais, en assume 33 millions d'euros. Il y a là un effet ciseaux insupportable.

Quelles sont les pistes pour résorber ce grave problème, qui pèse lourdement sur les finances locales ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée de l'autonomie et du handicap. Monsieur le sénateur, en tant que conseillère départementale du Nord, je connais bien cette problématique, puisque mon département compte le plus grand nombre de bénéficiaires du RSA. Je mesure donc pleinement l'impact que cela peut représenter.

Les départements se trouvent aujourd'hui dans une situation financière extrêmement difficile, en raison de ce double effet ciseaux, qu'ils évoquent régulièrement : d'un côté, une croissance continue des dépenses sociales - vous avez mentionné le RSA, mais l'on retrouve des difficultés analogues s'agissant du handicap ou de l'autonomie -, de l'autre, des recettes qui stagnent, voire diminuent, en lien avec la baisse de la dynamique des droits de mutation à titre onéreux (DMTO).

Dans ce contexte, le Gouvernement a souhaité rouvrir le dialogue via un comité des financeurs, piloté par M. le ministre François Rebsamen.

Parallèlement, Mme Catherine Vautrin et moi-même avons mis en place un comité des financeurs spécifique afin d'apporter un soutien aux départements sur la question du Ségur pour tous. Un nouvel accord a pu être trouvé. Il a permis de réaffirmer un certain nombre de règles encadrant les modalités de dialogue entre l'État et les départements.

Des études ont été commandées afin de réaliser un point complet sur les financements apportés par l'État. En ce qui concerne le RSA, trois expérimentations de centralisation sont en cours, dont les premiers résultats montrent que ce dispositif est a priori favorable aux départements concernés. Ces évaluations seront prochainement menées à bien, en parallèle de l'étude sur les financements apportés par l'État.

Il sera également nécessaire de reprendre les discussions sur les taux de compensation de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH).

Le Gouvernement est bien conscient des difficultés rencontrées par les départements et il entend accompagner ces derniers. Il l'a déjà démontré à plusieurs reprises, notamment en stabilisant les taux de compensation. Il reste cependant des progrès à accomplir.

Tel sera l'enjeu des prochains débats budgétaires.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour la réplique.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Madame la ministre, je sais que votre action est déterminée. Néanmoins, ne le prenez pas en mauvaise part, là où il faut des décisions, vous me répondez discussions et études.

Le problème de fond demeure : nous faisons face à un véritable jeu de bonneteau. Certes, l'État a consenti à une hausse des droits de mutation à titre onéreux, mais cela reste dérisoire. Pour l'Yonne, cette hausse ne représente que 800 000 euros, quand, dans le même temps, comme l'a relevé la Cour des comptes, les indus du RSA s'élèvent à 5 millions d'euros !

Je formule donc la proposition suivante : systématiser la régularisation de la compensation lors des collectifs budgétaires, afin que la promesse de l'euro près soit bien tenue.

À cela s'ajoute un problème de forme. Lorsque les plus hautes instances de la caisse d'allocations familiales (CAF) se déplacent dans mon département, le président du conseil départemental, Grégory Dorte - qui est le payeur -, n'est même pas prévenu !

Il y va de l'avenir même de notre décentralisation, donc de celui des politiques de proximité - les routes, les collèges, les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis), etc.

Madame la ministre, l'État doit être au rendez-vous de la justice budgétaire et fiscale.

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