Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UC) publiée le 31/07/2025
M. Hervé Maurey rappelle à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice les termes de sa question n° 04881 sous le titre « Carences de l'État dans la prise en charge des enfants victimes de la défaillance de leur cellule familiale », qui n'a pas obtenu de réponse à ce jour.
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Transmise au Ministère de la justice
Réponse du Ministère de la justice publiée le 04/12/2025
A titre liminaire, il est rappelé que les différentes lois de décentralisation à compter de 1982 ont placé la compétence en matière de protection de l'enfance sous l'égide des départements, chefs de file de la protection sociale. A ce titre, la protection de l'enfance fonctionne selon une double protection administrative et judiciaire, sous la responsabilité des conseils départementaux d'une part, et du procureur de la République et des juges des enfants (compétents depuis 1958 en matière d'enfance en danger) d'autre part. Toutefois, malgré le principe de subsidiarité de l'intervention judiciaire, au moins 75% des mesures mises en oeuvre par les conseils départementaux sont ordonnées par l'autorité judiciaire (Cour des comptes, novembre 2020). Ces chiffres seuls contredisent l'allégation d'un désengagement de l'Etat en protection de l'enfance. Par ailleurs, ils soulignent que si l'Etat est un acteur clé de la protection de l'enfance, il ne peut rien seul : tous les acteurs, au premier rang desquels les départements mais aussi les associations et les communes, ont également un rôle à jouer. La situation de crise que traverse le secteur de la protection de l'enfance n'est malheureusement plus à démontrer : manque de moyens humains et financiers, surcharge de travail, capacité limitée d'accompagnement des familles, crise du travail social, disparité de l'offre éducative selon les territoires, saturation des structures d'accueil et des dispositifs de placement, délais excessivement longs voire inexécution de certaines mesures ordonnées par l'autorité judiciaire Ces difficultés ont été largement documentées dans plusieurs rapports récents aux termes de travaux exhaustifs, dont le Gouvernement salue la qualité. Les administrations et le Gouvernement ont d'ailleurs pleinement participé à ces travaux, contribuant ainsi directement à dresser un état des lieux fin des difficultés variées et sérieuses du secteur en vue d'y apporter les réponses les plus adaptées. Dans ce contexte, le Gouvernement se mobilise et prend d'ores et déjà des mesures très concrètes. La Justice seule a ainsi lancé trois actions d'envergure depuis le début de l'année : Comme vous le relevez, le garde des Sceaux a récemment réaffirmé, par sa circulaire d'organisation de contrôles au sein des structures accueillant des mineurs placés sur décision judiciaire du 28 avril 2025, la place de l'autorité judiciaire et des services de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) pour garantir la sécurité des enfants placés en assistance éducative. Cette circulaire invite notamment les magistrats du parquet et les services de la PJJ à visiter ces établissements pour s'assurer des conditions de prise en charge des enfants qui leur sont confiés. Des outils sont en cours d'élaboration afin d'aider les professionnels à mener à bien ces missions essentielles pour la sécurité des enfants placés. Les instances locales de dialogue permettront une coordination entre les acteurs concernés, dont en particulier les départements. Conscient de la charge de travail actuelle des juges des enfants, le garde des Sceaux a annoncé un premier renforcement des effectifs d'ici 2027, avec 100 nouveaux magistrats. Cette mesure s'inscrit dans la continuité de la loi n° 2023-1059 d'orientation et de programmation pour le ministère de la Justice 2023 - 2027 qui prévoit un renforcement sans précédent des moyens humains, matériels et organisationnels du ministère de la Justice jusqu'en 2027. En outre, la Justice et la Famille travaillent actuellement étroitement à la construction du plan de refondation de la protection de l'enfance annoncé par la ministre Catherine VAUTRIN, le 9 avril 2025. De nouvelles annonces seront faites à ce sujet très prochainement. Par ailleurs, le Gouvernement a conscience de l'enjeu de la santé mentale des enfants protégés, qui sont malheureusement nombreux à présenter des troubles de conduites et d'autres troubles psychiques, le plus souvent associés à des facteurs socioéconomiques et familiaux défavorables (vulnérabilité économique des parents, antécédents dans la petite enfance de violences physiques et verbales, déscolarisation, etc.). A ce titre, la Justice et la Santé ont par exemple conclu une charte de partenariat en santé publique 2022-2026 qui est déclinée en coordination avec les agences régionales de santé (ARS) et permet une meilleure prise en compte des jeunes de la PJJ dans les projets territoriaux de santé mentale. Ces mesures sont aussi inscrites dans la feuille de route santé des personnes sous main de justice 2024-2028. Un plan national de prévention du suicide des mineurs suivis par la PJJ 2024-2027 a été diffusé, visant l'hébergement, le milieu ouvert et l'insertion. Il vient compléter le plan spécifique pour les mineurs détenus, piloté par la direction de l'administration pénitentiaire auquel la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) est associée. Cette mobilisation a vocation à se poursuivre, notamment s'agissant du champ de la santé mentale, grande cause nationale 2025 du Gouvernement. A ce titre, l'engagement de la PJJ doit être particulièrement souligné. Ainsi, les journées PJJ promotrices de santé (4 et 5 février 2025) ont été consacrées à la santé mentale des jeunes suivis par la PJJ. Ces travaux ont rassemblé environ 300 professionnels de terrain de la PJJ, ainsi que des partenaires institutionnels et associatifs pour aborder les politiques publiques mises en oeuvre, la promotion du bien-être, le repérage des troubles psychiques et l'accès aux soins. La PJJ travaille également au déploiement d'Internats socio-éducatifs médicalisés pour adolescents (ISEMA), c'est-à-dire des établissements médicosociaux dédiés aux jeunes protégés présentant des troubles psychiques majeurs et récidivants, qui nécessitent une prise charge intersectorielle à la fois éducative, pédagogique et psychiatrique. De plus, la PJJ met des professionnels à disposition dans les maisons des adolescents (MDA) dans le cadre de la convention nationale entre la DPJJ et l'association nationale des MDA (ANMDA). En augmentant la fréquence et le nombre d'orientations des jeunes de la PJJ vers la MDA, ces mises à disposition favorisent une intervention précoce et une orientation médicale adaptée. Les services déconcentrés de la PJJ sont aussi de plus en plus nombreux à recruter des psychiatres, chargés d'évaluer les jeunes avec des troubles psychiques. Il s'agit d'un premier niveau de réponse efficace aux besoins médicaux des jeunes et aux difficultés rencontrées par les professionnels éducatifs chargés de leur suivi. En tout état de cause, soyez assuré de la détermination du Gouvernement tout entier à poursuivre le travail interministériel étroit (Justice, Santé, Famille, Education nationale, etc.) indispensable à un fonctionnement efficace de la protection de l'enfance : en effet, la mobilisation conjointe des diverses institutions et acteurs compétents demeure plus que jamais nécessaire pour favoriser les prises en charge des enfants les plus vulnérables de notre pays.
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