Question de Mme LERMYTTE Marie-Claude (Nord - Les Indépendants) publiée le 16/10/2025

Mme Marie-Claude Lermytte rappelle à M. le ministre de l'intérieur les termes de sa question n° 05391 sous le titre « Progression inquiétante de la consommation de cannabinoïdes de synthèse chez les jeunes », qui n'a pas obtenu de réponse à ce jour.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 06/11/2025

La consommation de nouveaux produits de synthèse est croissante en Europe et en France depuis 20 ans, générant un développement du trafic. La France est confrontée à une multiplication de nouveaux produits, destinés à alimenter la consommation locale ou à être réexpédiés dans d'autres pays. Elle est aussi une zone de transit pour les flux de produits précurseurs. Les cannabinoïdes de synthèse (ou « cannabis de synthèse ») sont des molécules chimiques aux multiples appellations commerciales. Les risques qu'ils représentent sont d'autant plus élevés que les consommateurs ignorent souvent la nature exacte des produits achetés. Des cas d'intoxication - notamment de mineurs, comme souligné dans la question écrite - sont régulièrement observés dans plusieurs régions. En France, la liste des cannabinoïdes de synthèse classés comme stupéfiants est fixée par un arrêté du 31 mars 2017 du ministre chargé de la santé, qui a complété de manière significative la liste établie par arrêté en 2015. Afin de contourner la réglementation, les structures moléculaires sont régulièrement modifiées par les trafiquants. Par ailleurs, si la consommation et le trafic des « cannabis de synthèse » classés stupéfiants sont pénalement sanctionnés en France, d'autres pays, y compris au sein de l'Union européenne, n'ont pas la même législation prohibitive. Cette situation met en évidence la difficulté à endiguer ce type de menace sans une approche internationale, au regard de la stratégie de contournement des législations. Parmi les multiples appellations commerciales des cannabinoïdes de synthèse, figure le « Buddha Blue » (ou « Pète ton crâne », ou « PTC »), qui peut concerner plusieurs molécules synthétiques difficiles à détecter. Il se présente le plus souvent sous la forme d'e-liquide à vapoter. Ce produit est prisé par les usagers qui recherchent la discrétion (absence d'odeur / possibilité de le confectionner soi-même / usage de e-cigarettes). Cette drogue est particulièrement plébiscitée par les collégiens/lycéens qui confondent ces e-liquides avec ceux contenant du CBD, aujourd'hui légalisé. Il s'agit d'un enjeu de santé publique, d'autant plus que les effets puissants peuvent entraîner des hospitalisations, et que la consommation de « PTC » n'est pas détectée par les dépistages salivaires utilisés pour le THC (cannabis). La direction nationale de la police judiciaire (DNPJ), en particulier l'Office anti-stupéfiants (OFAST), et la direction de la police judiciaire de la préfecture de police (PJ-PP) sont particulièrement investies dans la lutte contre les drogues de synthèse. Celle-ci relève du combat global mené par les forces de sécurité intérieure de l'État contre les organisations criminelles agissant dans le trafic de stupéfiants. En 2024 par exemple, elles ont saisi 9 090 510 comprimés d'ecstasy/MDMA (+123 % par rapport à 2023) et 618 kg d'amphétamine/méthamphétamine (+ 133 %), soit des saisies record. Au regard de la sensibilité du sujet, un travail est actuellement mené en lien avec l'OFAST. L'effet recherché est d'optimiser la remontée statistique liée aux saisies de stupéfiants en l'enrichissant d'un certain nombre d'informations. Ainsi, l'application OSIRIS devrait à terme remplacer l'actuelle interface aux fins de centraliser les remontées mensuelles des saisies de stupéfiants, y compris les drogues de synthèse connues. Bien qu'une large part des quantités mises hors-circuit en France serait destinée à des marchés étrangers, le marché de consommation en France est dynamique et requiert donc le maintien d'un niveau de vigilance élevé. Alors que la lutte contre le trafic de stupéfiants a été érigée en priorité absolue par le ministre de l'intérieur, la mobilisation des forces de l'ordre est totale. Elle bénéficie des avancées majeures introduites par la loi du 13 juin 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic, dotant les préfets et les services d'enquête de moyens élargis. La création d'un parquet national anti-criminalité organisée contribue à doter notre pays d'un arsenal juridique considérablement renforcé. Police et gendarmerie sont mobilisés pour lutter contre la criminalité organisée. Toute la chaîne de police judiciaire s'engage dans ce contentieux. En gendarmerie, l'ensemble des unités sont mobilisées, depuis les brigades territoriales, jusqu'aux offices centraux, en passant par les brigades et sections de recherches, par les structures départementales, régionales et nationales d'animation, centralisation et rapprochement du renseignement et de l'investigation judiciaire. L'unité nationale de police judiciaire (UNPJ) de la gendarmerie, créée le 1er septembre 2025, regroupe sous un commandement unifié les capacités d'investigation, de renseignement criminel et d'expertise criminalistique, pour apporter un appui solide aux unités, mener des investigations d'initiative et de haut niveau, et développer une stratégie judiciaire nationale contre les groupes criminels. La lutte contre le fléau du trafic de stupéfiants bénéficie aussi des mesures engagées dans le cadre des plans d'action départementaux de restauration de la sécurité du quotidien pour renforcer la présence des forces de l'ordre sur la voie publique et frapper, par tous les leviers, l'écosystème de la drogue. La création en mai 2025 d'une nouvelle et véritable task-force, l'état-major de lutte contre la criminalité organisée, composé de représentants de toutes les administrations concernées, va également permettre d'améliorer l'efficacité de l'action inter-services et interministérielle. Le contrôle des précurseurs chimiques est également un élément essentiel pour limiter la production des drogues de synthèse et le développement de laboratoires clandestins. La Mission nationale de contrôle des précurseurs chimiques (MNCPC), rattachée au ministère chargé de l'économie et des finances, pilote et coordonne la mise en oeuvre des politiques de lutte contre le détournement des précurseurs chimiques de drogues. La recherche et le développement d'outils plus performants de détection, d'identification et d'analyse des « nouvelles drogues de synthèse », pour lesquelles les tests classiques comme les dépistages salivaires sont inefficaces, sont en cours. Une expérimentation d'un nouvel appareil, le MICRONIR, a ainsi été lancée au sein de plusieurs départements. Cet appareil permet de dépister en quelques secondes une large gamme de produits stupéfiants, y compris certaines drogues de synthèse. Ce combat implique d'agir de manière ferme et déterminée sur la demande en responsabilisant et en sanctionnant les consommateurs, notamment par le recours plus intensif aux amendes forfaitaires délictuelles. Le nombre de mis en cause pour usage de stupéfiants suit une tendance à la hausse depuis septembre 2024 et près de 197 000 amendes forfaitaires délictuelles ont été traitées en 2024, soit une augmentation de plus de 21 % par rapport à 2023. Près de 70 000 personnes ont été mises en cause par les forces de l'ordre pour usage de stupéfiants au cours des seuls mois d'avril à juin 2025, soit + 6 % par rapport au trimestre précédent. Pour sensibiliser et responsabiliser, une vaste campagne de communication a également été menée par le ministère de l'intérieur en février. Les policiers comme les gendarmes interviennent également régulièrement dans les collèges et lycées, dans le cadre du partenariat avec l'éducation nationale, pour des actions de sensibilisation sur les risques liés à la consommation de stupéfiants, tant en matière de drogues de synthèse que d'autres stupéfiants. En matière de prévention, au-delà des services du ministère de l'intérieur, de nombreux acteurs, publics, privés et associatifs, du champ sanitaire, éducatif et social ont un rôle essentiel à jouer, sachant que le premier maillon de la prévention repose sur les parents.

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