Question de M. CAMBIER Guislain (Nord - UC) publiée le 02/10/2025
M. Guislain Cambier attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur la profonde instabilité qui caractérise, depuis plusieurs années, la politique publique française de rénovation énergétique, et sur ses effets particulièrement néfastes pour l'industrie nationale de l'isolation.
Alors que les fabricants d'isolant représentent près de 5 000 emplois directs et plus de 10 000 emplois indirects en France, la succession de réformes, d'assouplissements ou d'exclusions liés aux dispositifs publics, tels que MaPrimeRénov', fragilise dangereusement ce secteur stratégique. Depuis le début de l'année 2025, le marché recule d'environ 5 %, une chute que professionnels et industriels imputent à l'absence de visibilité réglementaire et à la volatilité des soutiens publics : en témoignent la suspension du Parcours accompagné, l'exclusion récente de l'isolation des murs intérieurs et extérieurs de MaPrimeRénov' parcours par geste, ou encore la modification du coefficient de conversion d'énergie primaire pour l'électricité dans le diagnostic de performance énergétique (DPE), qui a artificiellement réduit le périmètre des passoires thermiques de 850 000 logements.
Ces « stop and go » réglementaires ont des conséquences directes sur l'activité et l'emploi : ils provoquent le gel, voire l'annulation, de projets de rénovation et détériorent la confiance des ménages et des entreprises.
En outre, le signal politique véhiculé par l'exclusion de l'isolation des murs des dispositifs d'aides publiques décrédibilise une solution pourtant essentielle à la performance énergétique, au confort et à la salubrité des logements, alors même que la seule électrification massive ne saurait répondre à tous les enjeux.
Il lui demande donc quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour garantir la stabilité pluriannuelle de la politique de rénovation énergétique. Il souhaite également savoir si le Gouvernement envisage de réintégrer l'isolation des murs dans le dispositif MaPrimeRénov'. Enfin, il l'interroge sur les mesures prévues pour préserver la croissance industrielle française dans le secteur de l'isolation face à cette crise de confiance des acteurs économiques.
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Transmise au Ministère de la ville et du logement
Réponse du Ministère de la ville et du logement publiée le 05/11/2025
Réponse apportée en séance publique le 04/11/2025
M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier, auteur de la question n° 722, transmise à M. le ministre de la ville et du logement.
M. Guislain Cambier. Monsieur le ministre, nous sommes nombreux à nous interroger sur la cohérence et la stabilité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, notamment concernant le rôle de l'isolation.
La publication du décret du 8 septembre dernier concernant MaPrimeRénov' prévoit la suppression de l'aide relative au geste d'isolation des murs - par l'intérieur et l'extérieur - dans le parcours par geste, suppression effective au 1er janvier 2026.
Pourtant, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) évalue les déperditions thermiques par les murs à 25 %. Cette décision est intervenue contre l'avis du Conseil national de l'habitat (CNH), qui a estimé la mesure contraire au principe d'efficacité énergétique durable. L'isolation des murs représentait près de 20 % des dossiers MaPrimeRénov' au premier semestre 2025.
Le message économique est préoccupant. Le stop and go des aides publiques, avec notamment une reprise timide du parcours prévu pour les rénovations d'ampleur jusqu'à la fin de l'année, met en péril de nombreux artisans et entreprises et menace l'emploi industriel en France.
Le message politique est, lui, dangereux. En décrédibilisant l'isolation au profit d'une stratégie d'électrification massive, vous ne réduisez pas les fractures et les factures énergétiques des ménages et vous pérennisez des logements insalubres.
Pour le particulier comme pour les professionnels, cette exclusion s'ajoute au manque de lisibilité et de stabilité à long terme des dispositifs d'aide.
Monsieur le ministre, pouvez-vous clarifier votre vision de la rénovation énergétique en France ? Quelles mesures immédiates seront-elles prises pour revenir sur le décret du 8 septembre 2025 et réintégrer l'isolation des murs dans le dispositif MaPrimeRénov' ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement. Monsieur le sénateur Cambier, je comprends le besoin de stabilité et de visibilité éprouvé par l'ensemble des acteurs économiques de la rénovation énergétique. Le stop and go que nous avons subi cette année a de lourdes conséquences et ne doit en aucun cas se reproduire. Il faudra donc clarifier la méthode.
Vous évoquez la question de l'électrification. Pour vous répondre à ce sujet, je serai - et je vous prie de m'en excuser - un peu technique : la modification du coefficient de conversion de l'énergie finale en énergie primaire pour l'électricité dans le diagnostic de performance énergétique (DPE) était nécessaire. Autrement dit, il eût été incohérent, alors que nous avons la chance de disposer d'une production électrique décarbonée, de ne pas renforcer le vecteur électrique dans le calcul du DPE. En bref, l'utilisation de radiateurs électriques en France n'a pas la même portée sur le climat et sur les enjeux liés au carbone que dans d'autres pays ; il fallait donc revaloriser ce coefficient.
La réouverture du guichet pour les rénovations d'ampleur au début du mois d'octobre 2025 s'accompagne de nouvelles modalités d'accès visant à mieux cibler les aides sur les logements présentant les besoins les plus importants. Cette réouverture a d'ailleurs connu un réel succès, puisque 6 000 dossiers ont été déposés dès les tout premiers jours. Nous constatons donc une attente forte de la part de nos concitoyens et des ménages français.
Notre action s'est concentrée d'abord sur les logements les plus énergivores - les passoires thermiques - et sur les gestes les plus efficaces pour décarboner tout en réalisant des économies d'énergie. Enfin, les plafonds pour les travaux ont été ajustés au plus près des besoins de la profession.
L'isolation des murs, de fait, n'est pas totalement exclue, puisqu'elle doit simplement être prise en compte dans le cadre d'une rénovation d'ampleur, c'est-à-dire d'un projet global concernant le logement. Mais il est vrai qu'elle ne figure plus dans le parcours par geste comme par le passé, du moins pour le moment, c'est-à-dire durant cette période de deux mois qui a été rouverte.
La discussion sera remise au goût du jour pour l'année 2026. Je ne peux pas vous faire d'annonce aujourd'hui, mais nous menons des discussions avec les représentants de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) - je les ai d'ailleurs rencontrés hier matin. Tout cela répond à un impératif à la fois d'efficacité des politiques publiques et d'efficience en termes d'accompagnement des ménages.
Enfin, le Gouvernement confirme son engagement en faveur de la rénovation énergétique des logements.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.
M. Vincent Jeanbrun, ministre. Nous maintiendrons bien évidemment les moyens consacrés à l'Anah à un niveau élevé. Ainsi, en 2026, nous ferons le maximum pour atteindre nos objectifs et soutenir l'industrie.
M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier, pour la réplique.
M. Guislain Cambier. J'ai bien relevé que les mesures envisagées ne revêtent qu'un caractère temporaire, avant une nouvelle discussion sur le processus que vous pourriez engager afin d'aboutir à une rénovation aussi cohérente que possible.
La meilleure énergie demeure bien entendu celle que l'on ne consomme pas. Mieux vaut donc isoler que produire, qu'il s'agisse d'une énergie carbonée ou non - mais il est tout de même préférable qu'elle ne le soit pas...
Je prends donc bonne note de votre réponse et reste à votre disposition pour évoquer la suite, étant également administrateur de l'Anah.
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