Question de M. DARNAUD Mathieu (Ardèche - Les Républicains) publiée le 27/11/2025
Question posée en séance publique le 26/11/2025
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe INDEP.)
M. Mathieu Darnaud. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, doit-on considérer que l'on est riche en France quand on dispose de l'eau courante, du chauffage, d'un lavabo ou d'une baignoire ? C'est pourtant ce que nous révèle le nouveau mode de calcul de la taxe foncière, qui considère cela comme des « éléments de confort » et qui instaure des mètres carrés supplémentaires fictifs.
Loin d'une mesure d'équité, nous sommes plutôt face à un chef-d'oeuvre de cynisme. Jugez-en vous-même : l'eau courante, ce sera 4 mètres carrés supplémentaires ; la lumière, 2 mètres carrés ; le chauffage, 2 mètres carrés ; les toilettes, 3 mètres carrés ; un lavabo, 3 mètres carrés ; et - comble du luxe... - la baignoire, 5 mètres carrés. (Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Dès lors, une personne qui dispose d'un studio de 15 mètres carrés se verra imposer sur la base d'un appartement de 34 mètres carrés.
Ma question sera simple et directe, monsieur le Premier ministre. Considérant qu'il s'agit non pas d'éléments de « confort », mais d'éléments de décence, donnerez-vous une suite favorable à ce nouveau mode de calcul de la taxe foncière ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP. - Mmes Cécile Cukierman et Cathy Apourceau-Poly applaudissent également.)
Réponse du Premier ministre publiée le 27/11/2025
Réponse apportée en séance publique le 26/11/2025
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d'abord, au nom du Gouvernement, de saluer la mémoire des deux anciens parlementaires dont vous venez de rappeler les mérites éminents.
Monsieur le président Darnaud, à question précise, réponse précise, d'autant que vous êtes un bon connaisseur de ces sujets qui concernent les collectivités locales : il faut changer de méthode, tant à court terme qu'à long terme.
Pour le court terme, les acteurs concernés - ministres, représentants des groupes sénatoriaux et des associations d'élus - sont parvenus ce matin, lors d'une réunion, à un constat clair : toute approche nationale est mort-née. Il faudra donc revenir à une approche départementale, éventuellement infradépartementale, voire communale.
La cartographie montre que nous sommes en train de traiter nationalement un sujet qui, parfois, n'a strictement rien à voir d'un département à un autre. J'irai même plus loin, monsieur le président Darnaud, en disant que certains départements ne sont pratiquement pas concernés de sorte que, pour le dire de manière diplomatique, il existe une géographie qui mériterait que l'on s'y penche...
Une telle approche va prendre du temps. Je vous propose donc, si vous en êtes d'accord, de dilater le calendrier jusqu'au mois de mai ou juin prochain pour permettre cette approche départementale ou infradépartementale, comme ce fut le cas jadis - vous le savez.
Je vois bien que certains extrêmes viennent déjà taper sur les élus en leur faisant un mauvais procès (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) ; il suffit, mesdames, messieurs les sénateurs, d'écouter les déclarations de certains partis extrêmes, ces derniers jours, critiquant les élus locaux ou la représentation nationale. Ne leur donnons pas davantage de carburant !
Ensuite, il faut changer de méthode pour l'avenir.
En 2023, dans le rapport d'une mission d'information dont vous étiez rapporteur, monsieur Darnaud, vous appeliez de vos voeux un changement - cela me rappelle des conversations que nous avons eues, vous et moi, dans des fonctions précédentes. Il est clair que notre système de revalorisation des bases locatives, tel qu'il existe depuis 1959, a trouvé toutes ses limites et est devenu caduc.
Le sujet est manifestement difficile, car nous disons cela depuis dix ans, mais nous ne réformons pas le système.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Encore plus longtemps !
M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. Vous avez raison, monsieur le sénateur, cela fait même plus que dix ans.
Nous savons pourquoi : le sujet est à la fois très technique et très politique.
Par conséquent, je vous propose, si vous en êtes d'accord, et si le président du Sénat l'est aussi, puisque tous vos groupes politiques ont mené des travaux sur le sujet au cours de ces dernières années, de faire en sorte d'amorcer une réforme dans la durée et dans le respect de l'intérêt général, de la protection des élus locaux et de leur pouvoir de fixer les taux, à la hausse comme à la baisse.
Je fais partie de celles et ceux qui défendent cette manière de voir, car on ne peut pas prôner démocratie et liberté locales, d'un côté, et critiquer les élus, de l'autre. Ceux qui ne sont pas contents des politiques menées localement n'ont qu'à se présenter aux élections municipales ; c'est à cela que servent les élections et c'est le principe même de la démocratie.
En tout cas, monsieur le président Darnaud, les règles telles qu'elles ont été conçues par l'administration ne sont pas faites pour gêner, mais certaines d'entre elles finissent par ne plus être comprises, parce que notre système initial n'a que trop vieilli de sorte qu'il est devenu incompréhensible.
Ainsi, si l'on ajoute des règles qui paraissent complètement déconnectées de toute forme de sens commun, il est évident que personne ne les comprendra, ce qui pose une question plus grave : le consentement à l'impôt.
En résumé, nous vous avons entendus, mesdames, messieurs les sénateurs, et je vous propose de changer de méthode et de calendrier, de revenir à la départementalisation et d'essayer une bonne fois pour toutes, même si cela ne sera pas facile, de tracer un chemin nouveau pour la révision des bases locatives. L'intérêt général le commande.
En tout cas, je remercie les parlementaires pour leur mobilisation sur ce dossier. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI. - M. Marc Laménie applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour la réplique.
M. Mathieu Darnaud. Monsieur le Premier ministre, il est effectivement urgent de revenir sur ce mode de calcul de la taxe foncière. Nous allons examiner dans quelques jours le projet de loi de finances pour donner à la France un budget. Notre message est clair : nous voulons plus d'économies et moins de taxes injustes.
Puisque nous avons devant nous, dans cet hémicycle, la statue de Colbert, je voudrais le citer : « L'art de l'imposition consiste à plumer l'oie pour obtenir le plus possible de plumes avec le moins possible de cris. » Je souhaite que nous évitions, au Parlement comme au Gouvernement, de trouver là une source d'inspiration ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Nous en sommes tout déconfits !
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