Question de M. SZCZUREK Christopher (Pas-de-Calais - NI) publiée le 27/11/2025

Question posée en séance publique le 26/11/2025

M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe. (MM. Aymeric Durox et Stéphane Ravier applaudissent.)

M. Christopher Szczurek. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le garde des sceaux, le centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil, dans le Pas-de-Calais, est un établissement modèle. Il est le témoin que, lorsque l'ambition et la volonté politique sont clairement marquées, il est possible d'aboutir à une politique carcérale intransigeante, protectrice pour la société, tout en restant digne pour le détenu.

Ma collègue Brigitte Bourguignon vient de rappeler fort justement l'autorisation de sortie accordée à un narcotrafiquant particulièrement dangereux lundi dernier. La direction de l'établissement s'est opposée à cette sortie, le parquet s'y est opposé, vous vous y êtes opposé, mais la cour d'appel de Douai a finalement confirmé la décision du juge de l'application des peines.

Certes, le détenu s'est rendu à son entretien et en est rentré, sans escorte policière ; mais cela pourrait créer une jurisprudence désastreuse, en plus de démotiver le personnel pénitentiaire, administratif comme surveillant, qui réalise un travail considérable avec une réelle volonté de servir.

Malheureux hasard, la mère dudit détenu a été mise en garde à vue hier matin pour trafic de stupéfiants, sans que l'on sache s'il y a un lien entre les deux événements.

Voilà quelques jours, c'était un détenu qui s'évadait à Rennes après avoir été autorisé par la direction de l'établissement pénitentiaire à participer à une sortie dans un planétarium.

Monsieur le ministre, ce n'est pas vous qui êtes en cause, c'est ce climat d'inversion des valeurs qui fait du criminel une victime et de l'innocent et du représentant de l'ordre un coupable : une dérive entre le mauvais rousseauisme, selon lequel le bon reste tapi en chacun de nous, et le sociologisme à l'américaine, qui voudrait que l'homme ne soit que le produit de sa société. Si personne n'est destiné au pire, ne peut-on au moins admettre que les individus font un choix consenti entre le bien et le mal ?

La séparation des pouvoirs est un principe fondamental, mais elle ne peut fonctionner que sur la base d'un équilibre, libéré de la volonté permanente du judiciaire d'humilier et de défier l'exécutif et le législatif. Vous ne pourrez pas commenter ce point et je le comprends parfaitement. Depuis l'affaire Amra et après l'exécution de Mehdi Kessaci, il y a urgence.

Nous saluons votre volonté de prévoir des évolutions législatives, mais pensez-vous qu'elles nous préserveront de mauvaises décisions judiciaires ou administratives ? (MM. Aymeric Durox et Joshua Hochart ainsi que Mme Vivette Lopez applaudissent.)


Réponse du Ministère de la justice publiée le 27/11/2025

Réponse apportée en séance publique le 26/11/2025

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, j'ai eu l'occasion de répondre à Mme Bourguignon au sujet du centre pénitentiaire de haute sécurité du bassin minier : je le réaffirme, nous modifierons la loi. J'espère que vous nous soutiendrez sur les changements qu'il faut opérer à l'égard des narcotrafiquants et des auteurs d'actes de criminalité organisée les plus dangereux.

Comme vous, comme beaucoup de Français, j'ai été particulièrement choqué par l'autorisation de sortie pour aller visiter un planétarium accordée par l'établissement de Rennes à une personne s'étant déjà évadée, et ce en dépit des instructions écrites que j'avais adressées à l'ensemble des directeurs de prison.

J'ai donc pris la responsabilité de ne pas confirmer le chef d'établissement de Rennes ; c'est la première fois depuis fort longtemps que cela arrive pour un responsable de ce rang. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - Mme Sylvie Vermeillet, MM. Louis Vogel et Pierre-Jean Verzelen applaudissent également.)

M. Olivier Paccaud. Très bien !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Ayant entendu de la part des organisations syndicales qu'il y avait peut-être d'autres responsabilités dans cette décision tout à fait contraire à la volonté des Français, du législateur et du ministre, j'ai demandé hier qu'une inspection me rende ses conclusions sous dix jours.

Il s'agit de savoir qui a organisé cette sortie et comment, alors même que les profils ne correspondaient pas à notre demande, qu'elle ne concordait pas avec la politique pénitentiaire que je souhaite et que, chaque année, plusieurs personnes ne rentrent pas en prison à l'issue de ce type de sortie - il faut en avoir conscience.

Vous l'aurez remarqué, je me suis efforcé, depuis mon arrivée au ministère de la justice, de changer profondément la politique carcérale.

De ce point de vue, mesdames, messieurs les sénateurs, ce qui se passe dans nos prisons, je l'ai dit à plusieurs reprises, est tout à fait inacceptable. Ça l'est d'abord pour les agents pénitentiaires eux-mêmes, qui font un travail formidable. Il manque aujourd'hui 4 000 agents pénitentiaires, en raison de l'augmentation du nombre de personnes qui vont en prison. Nous leur devons un budget, monsieur le Premier ministre, puisque ce sont 1 000 recrutements nets supplémentaires que nous avons prévus en leur faveur dans le projet de budget 2026 ; cela n'a jamais été le cas.

Inacceptables sont aussi les téléphones portables présents dans les prisons, véritable plaie en République. Il ne s'agit pas seulement d'une question de narcotrafic ou de terrorisme. Je pense aussi à cette femme qui reçoit chez elle, depuis la cellule de prison où est détenu son ex-conjoint, qui l'a violée ou tabassée, des coups de téléphone de harcèlement.

C'est aussi pour cela que nous nous battons contre les téléphones portables. Nous allons donc mettre fin à ce système. Il nous faut des moyens ; le Premier ministre les donne. Il nous faut de la volonté ; avec vous, je sais que je l'incarnerai à la tête du ministère de la justice. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)

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