B. LES OBSERVATIONS DE VOTRE COMMISSION

Elles seront pour l'essentiel de deux ordres.

Tout d'abord, les orientations de la réforme proposée par le Gouvernement vont, pour l'essentiel, dans le sens préconisé par le Sénat depuis un certain nombre d'années. Il est remarquable de constater que le " discours " gouvernemental qui accompagne les nouvelles mesures est bien différent de celui qui était tenu en 1997 quand le Sénat décidait de créer une commission d'enquête sur le sujet.

A cette époque, il n'était question que de la survenance imminente d'une grave crise financière du système autoroutier. La Haute Assemblée, au contraire, jugeait que l'équilibre financier des sociétés d'autoroutes était globalement respecté même si des mesures étaient nécessaires concernant l'allongement de la durée des concessions des sociétés existantes et l'alignement du statut juridique, financier et comptable des SEMCA sur le droit commun.

Le Gouvernement semble s'être rallié à ces positions et recommandations de bon sens.

Il convient de s'en féliciter.

En second lieu, votre rapporteur constate que le projet d'ordonnance visé par le projet de loi d'habilitation va bien au-delà de la simple transposition des prescriptions communautaires qu'il s'agisse de la directive " Poids lourds " du 17 juin 1999 explicitement visée ou même de la fameuse directive " Travaux " du 14 juin 1993.

En prolongeant, tout d'abord, la durée des concessions de six SEMCA (article premier), comme le recommandait d'ailleurs le Sénat, le Gouvernement entend améliorer la situation financière des sociétés d'économie mixte existantes en les mettant sur un pied d'égalité avec la société privée COFIROUTE ou d'autres sociétés européennes. Il ne s'agit pas à proprement parler d'adaptation de notre droit interne aux exigences communautaires.

Il en va de même des dispositions de l'article 2 qui mettent fin aux règles garantissant aux société d'économie mixte la reprise de leur passif . Il s'agit là, en contrepartie de l'alignement juridique et financer des SEMCA sur le droit des sociétés commerciales, de la disparition d'un avantage dérogatoire au droit commun.

D'autre part, en insérant dans notre code de la voirie routière les principes de non discrimination et de modulation des péages, le projet d'ordonnance étend à l'ensemble des usagers des règles que la directive communautaire " Poids lourds ", n'entend appliquer, pour le moment, qu'aux véhicules lourds de transport de marchandises.

S'agissant de la non-discrimination, le point 4 de l'article 7 de la directive précise que " les péages et droit d'usage sont appliqués sans discrimination, directe ou indirecte, en raison de la nationale du transporteur ou de l'origine ou de la destination du transport ".

S'agissant de la modulation, le point 5 du même article énonce par ailleurs que " les péages et droits d'usage sont mis en oeuvre et perçus, et leur paiement est contrôlé, de façon à gêner le moins possible la fluidité du trafic en évitant tout contrôle ou vérification obligatoire aux frontières intérieures de la Communauté. A cette fin, les Etats membres coopèrent afin d'instaurer des moyens permettant aux transporteurs d'acquitter les droits d'usage 24 heures sur 24, au moins dans les points de vente principaux, à l'aide de tous les moyens de paiement classiques, au sein ou en dehors des Etats membres où ils sont perçus. Les Etats membres dotent les points de paiement des péages et droits d'usage des installations adéquates pour préserver les normes types de sécurité routière ".

Le nouvel article L.118-1 du code de la voirie routière proposé à l'article 3 du projet d'ordonnance généralise ces principes en énonçant que : " les péages sont perçus sans discrimination directe ou indirecte en raison de la nationalité de l'usager ou de l'origine ou de la destination du transport .

Ils peuvent être modulés pour des motifs de régulation du trafic sur des axes congestionnés ".

En ce qui concerne la suppression du principe de gratuité (article 4 du projet d'ordonnance) de l'usage des autoroutes, tel qu'il résulte jusqu'à présent de la rédaction de l'article L.122-4 du code de la voirie routière, l'exposé des motifs du projet d'ordonnance la présente comme l'adaptation de notre droit interne aux " caractéristiques actuelles du secteur autoroutier ".

Il n'est pas question là non plus de transposition de règles communautaires.

Enfin, les nouvelles rédactions des articles L.153-1 à L.153-3 du code de la voirie routière concernant l'autorisation de mise à péage des ouvrages d'art nationaux, départementaux et communaux.

Désormais, toutes les collectivités pourraient, en toute liberté, instaurer un péage sur leurs ouvrages d'art, y compris lorsque cet ouvrage est exploité en régie.

Ces mesures, qu'aucune contrainte communautaire n'imposait, auront des conséquences très importantes. Elles traduisent des choix politiques précis qui méritent à l'évidence d'être soumis au débat parlementaire.

Ces quelques rappels conduisent votre rapporteur à la conclusion que les dispositions relatives au secteur autoroutier figurant dans le présent projet de loi d'habilitation doivent être absolument discutées au sein des assemblées.

Les considérations d'urgence aujourd'hui invoquées du fait des contraintes communautaires ou des nécessités économiques ne sont pas recevables dès lors -nous l'avons vu- que la plupart des innovations proposées reflètent des choix purement français sur des sujets qui ont depuis des années retenu l'attention du Sénat et de l'Assemblée nationale.

Au mois de novembre 1999, le ministre de l'Equipement, des Transports et du Logement s'était d'ailleurs engagé, devant les Commission des Affaires économiques et des Finances du Sénat à déposer un projet de loi sur ces sujets.

Il serait impensable d'escamoter une discussion dans laquelle d'autres questions fondamentales pourraient -et devraient- d'ailleurs, être soumises au Parlement s'agissant en particulier de la concurrence et de la complémentarité entre tous les modes de transport .

Interrogée par votre rapporteur, une grande organisation professionnelle de transporteurs routiers de marchandises a appelé, par exemple, de ses voeux une réflexion sur la prise en charge par chaque mode de transport de ses coûts externes mais aussi internes !

Est-il imaginable que nous fassions l'impasse sur ce type de débats ?

Votre rapporteur vous proposera en conséquence de supprimer l'article 4 du projet de loi d'habilitation.

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Sous réserve des modifications qu'elle vous propose, votre Commission des Affaires économiques a donné un avis favorable à l'adoption du présent projet de loi.

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