2. Des affectations de recettes sans lien avec l'objet de la mesure à financer

Votre rapporteur pour avis ne peut que constater l'absence totale de cohérence, au sein du FOREC, entre les affectations proposées de recettes à des dépenses dont l'objet est sans lien avec l'origine des ressources.

Cette " tuyauterie " paraît contraire à l'un des principes de base du droit budgétaire français, la non-affectation des recettes aux dépenses. Si ce principe s'applique au budget de l'Etat, il ne devrait pas être étranger, à ce point, aux divers fonds de financement, puisque ceux-ci ont vocation à isoler des politiques publiques et les moyens qui leur sont affectés, en principe dans un but de visibilité et donc de simplification de la présentation des actions de l'Etat.

Or, le FOREC est une illustration, presque caricaturale, de la " tuyauterie ".

Pourtant, au-delà des principes, votre rapporteur pour avis considère que cette situation est source de risques réels.

En effet, quel devrait être l'objet de l'imposition des tabacs, des alcools, ou des activités polluantes ? Logiquement, du point de vue de la rationalité économique, ce type d'imposition a un but dissuasif : réduire la consommation de produits qui peuvent être dangereux pour la santé, ou inciter à l'utilisation d'énergies propres protectrices de l'environnement, afin d'acquitter une imposition moins importante.

Or, l'affectation du produit de ce type d'impôts au FOREC va à l'encontre de ces objectifs.

Au contraire, en effet, la réduction du temps de travail coûtant excessivement cher - 85 milliards de francs en 2001, 105 milliards de francs estimés à terme - le gouvernement a intérêt à maximiser le produit de ces impôts, c'est-à-dire à espérer que les recettes fiscales en résultant soient les plus importantes possibles.

L'affectation à des dépenses pérennes considérables d'impôts aussi sensibles transforme la nature de ces derniers : l'objectif de santé publique ou de protection de l'environnement passe au second plan, le rendement fiscal devenant prioritaire.

C'est du reste la même analyse qu'a récemment faite le Conseil économique et social dans un projet d'avis sur le suivi de l'effet de serre, à propos de l'extension projetée de la TGAP. Comme l'a indiqué le président de la section des activités productives, de la recherche et de la technologie du Conseil économique et social, " la taxation des entreprises est justifiée dès lors qu'elle sert à l'effort de réduction des émissions de gaz polluants, sinon, il s'agit d'un impôt, un simple droit à polluer acheté par les entreprises sans retour pour la collectivité ". Le produit de la TGAP devrait, logiquement, être affecté à la lutte contre l'effet de serre. Votre rapporteur pour avis reconnaît s'interroger sur la contribution des 35 heures à la réduction de l'effet de serre...

M. Alfred Recours, l'année dernière, partageait ce sentiment, mais semble avoir changé d'avis - ou dissimulé sa véritable opinion ? - cette année.

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M. Alfred Recours, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, estimait que : " il apparaît indispensable que les recettes spécifiques collectées sur les ventes de tabac soient clairement affectées à la santé ", et poursuivait : " le droit de consommation sur les tabacs devrait être intégralement affecté à la sécurité sociale, pour lui permettre de faire face aux dépenses générées par les pathologies attribuables au tabac ainsi que de financer des actions de prévention et d'éducation sanitaire ".

Pourtant, cette année, il écrit dans son rapport précité que la fin de l'affectation du produit du droit de consommation sur les tabacs manufacturés au budget de l'Etat constitue une " simplification méritoire ", " conformément à une des propositions du rapport qu'il avait remis au Premier ministre sur ce sujet en octobre 1999 ".

Or, votre rapporteur pour avis s'interroge sur le lien réel entre le FOREC et la sécurité sociale, les 35 heures étant un dispositif de la politique de l'emploi, et sur les conséquences qu'aura l'affectation du droit de consommation sur les tabacs à ce fonds sur la lutte contre les effets néfastes du tabagisme ou en faveur des " actions de prévention et d'éducation sanitaire " !

Les modalités de financement de la réduction du temps de travail retenues par le gouvernement ont finalement pour conséquence, dans un objectif de rendement, d'encourager l'alcoolisme, le tabagisme et la pollution , comme le montre le graphique ci-après :

Ainsi, en 2001, le coût des 35 heures sera supporté, à hauteur de 71 milliards de francs, soit 83,5 % du total, par les droits de consommation sur les tabacs manufacturés et sur les alcools, ainsi que par la TGAP.

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