B. LA DISTRIBUTION COOPÉRATIVE EN QUÊTE DE RATIONALISATION

Dans un rapport d'information publié en décembre 1994, votre commission des affaires culturelles estimait que, fondé sur le triptyque liberté, égalité, solidarité et après avoir donné de remarquables preuves de sa valeur et de sa vitalité, le système français de distribution de la presse, et singulièrement le système coopératif, devait faire face à une nécessité nouvelle de rationalité sans renier ses principes fondateurs.

Quelques années et un plan de modernisation plus tard, cette appréciation reste intégralement valable en ce qui concerne la distribution coopérative, marquée par les graves difficultés que connaît son acteur principal et incontournable, les NMPP.

1. Le plan de modernisation 1994-1997

Il est utile de rappeler les grandes lignes du plan de modernisation mis en oeuvre par les NMPP entre 1994 et 1997 avec un succès certain mais insuffisant pour contrecarrer les germes de remise en cause qui se dessinaient déjà clairement en 1994.

a) La diminution du coût d'intervention des NMPP

La diminution du coût des prestations des NMPP a été le principal objectif du plan de modernisation. Il s'agissait de faire passer ce coût de 14 % de la valeur faciale des titres distribués à 10 % à la fin de 1997, ce qui impliquait une économie de 737 millions de francs avec les frais de fonctionnement de l'entreprise.

Cet objectif a été dépassé, puisque les NMPP ont réduit en trois étapes à 9 % leur coût d'intervention.

Le 1 er octobre 1994, celui-ci était porté à 13 % de la valeur faciale des titres. Le 1 er juillet 1995, il était porté à 11 %. Depuis le 1 er janvier 1996, il est de 9 %.

L'économie récurrente annuelle correspondante, de 817 millions de francs, a été partagée entre les éditeurs de presse à hauteur de 80 % et les diffuseurs à hauteur de 20 %.

Elle a été rendue possible en particulier par un plan social qui a entraîné le départ de 1025 salariés avec l'aide des pouvoirs publics.

b) Les mesures structurelles d'accompagnement

Un vaste effort de réorganisation et de modernisation a accompagné la mise en oeuvre du plan :

- la restructuration du réseau de dépositaires a permis de passer de 1251 dépôts en 1994 à 372 dépôts au 31 décembre 1997. Moins nombreux, les dépôts sont devenus mieux capables d'investir -dans l'informatique notamment-, de développer une politique d'animation commerciale de leur points de vente et d'adopter des procédures de travail standardisées et optimisées ;

- la réforme du traitement des invendus, rendue possible par la réduction du nombre des dépositaires et leur professionnalisation, a consisté à délocaliser chez les dépositaires, la destruction des invendus, opération qui, auparavant, n'était effectuée qu'à Paris dans le centre d'invendus de Bobigny. Au 31 décembre 1997, les dépôts " agréés en destruction locale " étaient au nombre de 269. Corollaire indispensable de cette réforme : la mise en place de procédures strictes de sécurisation du traitement comptable, informatique et physique des exemplaires invendus ;

- la réorganisation et la modernisation du traitement des quotidiens a été réalisée avec l'ouverture, en mai 1994, du centre de Stains en remplacement du centre de la Villette. Doté de technologies industrielles automatisées ce centre traite 1,1 million d'exemplaires/jour avec une productivité accrue ;

- la modernisation de la distribution des publications est passée par l'optimisation des chaînes de traitement et de l'organisation du travail dans les centres de traitement des publications de Rungis et de Saint-Denis ;

- l'amélioration des services rendus aux éditeurs a été rendue possible par la mise en oeuvre de nouvelles bases de données communes à tous les acteurs de la chaîne de distribution, sur les titres, le réseau et les ventes. Une architecture informatique rénovée a permis aux éditeurs d'optimiser et d'affiner leurs actions de réglage sur les titres. Il est désormais plus facile de gérer les titres point de vente par point de vente.

Le développement et la modernisation du réseau des diffuseurs de presse a constitué le dernier volet du plan de modernisation. Les NMPP ont mené à la fois une politique d'implantation et de modernisation des points de vente, afin de favoriser l'émergence de nouveaux types de magasins.

2. La crise de 1999

La mise en oeuvre du plan 1994-1997 n'a pas permis d'atténuer des tensions qui se sont cristallisées à la fin de 1999 autour du problème de la refonte des barèmes tarifaires.

a) Les symptômes

On a mentionné plus haut le rôle crucial des NMPP dans la distribution coopérative de la presse.

Il convient de rappeler ici que trois sociétés de messageries assurent le groupage et la distribution dans le réseau de la vente au numéro.

Les NMPP sont une SARL née d'un rapprochement des éditeurs parisiens avec la librairie Hachette, " en vue d'établir un accord qui, par l'association des journaux à diffuser et des techniciens susceptibles d'utiliser au mieux les actifs appartenant à la librairie Hachette permettrait d'harmoniser au mieux les intérêts de tous et de chacun, et d'assurer la distribution des quotidiens et périodiques " comme l'énonce la déclaration d'intention qui devait, le 16 avril 1947, donner naissance aux NMPP sur le fondement juridique offert par l'article 4 de la loi du 2 avril 1947.

Cinq coopératives regroupant quelque 700 sociétés éditrices sont associées pour assurer la distribution de quelque 2 500 titres avec le concours de la société Matra-Hachette, dans le cadre de contrats de groupage et de distribution passés entre elles et les NMPP, société commerciale de distribution au sens de l'article 4 de la loi de 1947.

Les cinq coopératives détiennent 51 % du capital social des NMPP et désignent 5 des 8 gérants qui administrent la société. Le directeur général est désigné par Hachette, qui détient 49 % du capital social et est considéré comme " opérateur " de la société. Au sein des assemblées générales des coopératives, chaque titre détient une voix.

Les ventes des NMPP représentaient en 1998 35 % du marché total de la vente de la presse, 51 % du marché de la vente au numéro, et 88 % du marché de la vente au numéro de la presse nationale. On notera aussi que quelque 50 % de la distribution globale de la presse passent par des grossistes liés en quelque façon aux NMPP ou à Hachette, leur opérateur et actionnaire à 49 %.

Pour une grande partie de la presse, la presse parisienne et les magazines en particulier, les NMPP constituent donc indubitablement un interlocuteur d'un poids tout particulier.

La SAEM Transports presse est liée aux NMPP et à Hachette : la SOPREDIS, filiale à 87,2 % d'Hachette, possède 49 % du capital social de la SAEM Transports presse dont les opérations de distribution sont assurées par les NMPP.

Les messageries lyonnaises de presse (MLP) sont enfin une coopérative groupant quelque 200 adhérents et assurant elle-même, sans l'intermédiaire d'une société commerciale, l'intégralité des opérations de distribution de quelque 650 titres sur l'ensemble du territoire.

Les parts de marché des MLP ont tendance à augmenter, représentant en 1998 12,3 % du marché de la distribution coopérative et 14,9 % du marché des publications, segment sur lequel une forte concurrence s'est instaurée avec les NMPP. Traduction comptable de cette évolution, le chiffre d'affaires des MLP est passé de 0,3 milliard de francs à 2,7 milliards de francs de 1993 à 1998.

Un certain nombre d'hebdomadaires et d'autres publications ont en effet confié leurs distributions aux MLP afin de réaliser des économies parfois substantielles sur leurs coûts de distribution. C'est ainsi que le passage aux MLP, en mai 1999, de l'hebdomadaire Point de vue aurait généré pour lui une économie de 6 millions de francs.

Cet exemple est emblématique de la critique latente portée depuis plusieurs années par la presse magazine contre les barèmes tarifaires des NMPP. Ceux-ci seraient excessivement favorables aux quotidiens nationaux eu égard aux charges particulières de logistique que suscite les conditions d'urgence dans lesquelles il est par nature indispensable de les distribuer sur l'ensemble du territoire. Les MLP, qui ne distribuent pas de quotidiens, sont soumis à des contraintes plus souples qui leur permettent de consentir aux magazines des conditions plus favorables que les NMPP.

Quoi qu'il en soit de cette esquisse d'analyse, sur laquelle on reviendra après, il faut constater l'existence d'une tendance de plus en plus affirmée des titres de la presse magazine à envisager de confier leur distribution aux MLP, ce qui n'est pas sans conséquence sur le chiffre d'affaires des NMPP et par voie de conséquence sur la pérennité d'une solidarité entre les diverses catégories de presse, qui apparaît consubstantielle au système français de distribution sans être explicitement instituée par la loi Bichet du 2 avril 1947.

Les départs de titres magazines des NMPP représenteraient ainsi en valeur plus de 680 millions de francs depuis 1996 en prix public des titres.

Or il se trouve que la situation financière de l'entreprise n'est pas florissante : des projections économiques annoncent un déficit d'exploitation de 277 millions de francs en 2003.

C'est à l'occasion d'une réforme des barèmes proposée en septembre 1999 pour endiguer la contestation de la presse magazine, que s'est déclenchée la crise à la suite de laquelle une remise à plat de l'ensemble du système est apparue inéluctable.

b) Le déclenchement de la crise

La direction des NMPP a soumis en septembre 1999 aux coopératives d'éditeurs de nouveaux barèmes tarifaires plus favorables aux magazines, en précisant que leur adoption devait se traduire par un déficit prolongé. Ces propositions se sont heurtées à l'opposition des quotidiens. Par suite, la décision a été reportée au 1 er janvier 2000, dans l'attente des conclusions d'une mission sur la distribution de la presse nommée par le gouvernement.

Un communiqué publié en août 1999 par M. Alain Ayache, président de la coopérative des publications parisiennes, avait pu donner la mesure des revendications, plus radicales qu'un simple aménagement des barèmes, exprimées par les publications elles-mêmes : " il est naturel, dans un contexte d'ouverture à la concurrence, que face aux NMPP, leader incontestable sur le marché, un challenger, les MLP, tente de se frayer une place en proposant des barèmes plus attractifs grâce, il est vrai aussi à des structures plus souples et plus légères.

Face à ce défi qui leur est lancé, les NMPP vont adapter leurs barèmes pour retenir les éditeurs qui seraient tentés de changer de boutique.

Mais, en réalité, le fond du problème pour les NMPP passe par un drastique allégement de leurs structures, à tous les niveaux, par un état d'esprit conquérant, par une attitude moins distante à l'égard des éditeurs, et en n'oubliant jamais que ceux-ci réunis dans les 5 coopératives sont les actionnaires majoritaires de l'entreprise ! Mais aussi par une prise de conscience du conseil de gérance qui ne doit jamais perdre de vue son rôle principal : la défense des intérêts de tous les éditeurs et notamment des plus petits, quotidiens, hebdomadaires ou périodiques dont le nombre est indispensable à l'équilibre financier des NMPP. Mais plus encore au pluralisme de la presse auquel les Français sont indéfectiblement attachés ".

C'est dans une telle perspective de remise à plat que M. Jean-Claude Hassan s'est acquitté de la mission confiée par la ministre de la culture et de la communication.

c) Le rapport Hassan

Avant de rappeler le contenu de ses propositions, on notera les réticences du rapport de M. Jean-Claude Hassan sur la question de la péréquation, et l'absence dans ce texte de toute prise de position claire sur ce point.

Tout en notant dans la troisième partie de son rapport que la péréquation à proprement parler répartit à l'intérieur de chaque coopérative et par le biais du barème tarifaire les coûts de distribution entre les titres selon leur prix de vente, les titres chers contribuant plus que les autres ; tout en rappelant à juste titre que ce mode de péréquation est une composante légitime de la solidarité instituée par le groupage entre les éditeurs et que ceux-ci n'y sont pas fondamentalement hostiles, M. Jean-Claude Hassan aborde de façon moins claire la question de la répartition des coûts entre la presse quotidienne et les publications, en particulier la presse magazine : " entre les quotidiens et les publications traitées par les NMPP qui appartiennent à des coopératives différentes, seule la communauté de destin dans la même société commerciale crée des solidarités qui ne sont pas inscrites dans chacun des deux barèmes pris séparément " .

La cinquième partie du rapport, intitulée significativement " la vraie-fausse question du déficit des quotidiens " , tout en estimant que " cette question a été agitée de manière inutilement polémique " note que le déficit allégué de la distribution des quotidiens, plusieurs dizaines de centimes par exemplaires vendus, reflète, à le supposer établi et consensuel, " l'état actuel des conditions d'exploitation des NMPP ; il ne fait pas cas de certaines réformes envisagées mais non réalisées non plus que d'une modernisation à venir qui pourrait le modifier fortement ".

Le rapport concède un peu plus loin qu'il " existe sans doute un déficit d'exploitation des quotidiens " , tout en avançant dans une note de bas de page attachée au même paragraphe que " rien ne confirme, et notamment pas les observations étrangères, que la distribution des quotidiens est structurellement déficitaire " .

La référence aux observations étrangères apparaît peu appropriée, dans la mesure où le système français est entièrement différent des systèmes de distribution des pays voisins, et où sa spécificité explique seule l'existence du problème de péréquation que nous évoquons.

Mais ces circonlocutions ont sans doute une explication. Elles tendent à minimiser le problème de la péréquation des charges entre les quotidiens et les magazines afin de mieux écarter la mise en évidence de la situation particulière de la presse quotidienne nationale d'information politique et générale, spécialement visée par le débat sur la péréquation. Il s'agit de rejeter par avance la conclusion nécessaire d'un examen objectif du dossier : l'Etat, et non l'ensemble de la presse distribuée par les NMPP, doit prendre en charge les coûts supplémentaires afférents à la distribution de la presse quotidienne nationale d'information politique et générale, conformément à sa mission de conforter l'expression et la diversité des courants d'opinion.

Il est sans doute plus facile pour l'Etat d'abonder chaque année les médiocres crédits consacrés à la presse d'information politique et générale, et de s'en targuer devant le Parlement, que de s'attaquer aux problèmes cruciaux.

Ce qui conforte cette analyse du rapport Hassan est la conclusion même de celui-ci sur ce point : " On pourrait estimer qu'en matière de distribution de la presse comme en matière de télécommunications, il y a lieu d'instaurer un service universel qui comprend la distribution sur tout ce territoire, dans de bonnes conditions de rapidité et de simultanéité, de la presse quotidienne d'information politique et générale. (...) Ce ne sera pas l'orientation retenue plus loin. (...) A ce stade, il faut donc que la question tarifaire soit consécutive et non préalable à une réforme des NMPP ".

• La mise à l'écart de l'Etat ainsi réalisée, la sixième partie du rapport Hassan présente les principales conclusions de son auteur.

Il présente à cet égard quelques conditions :

- Que des conditions tarifaires trop éloignées des prix auxquels conduirait la prise en compte des seuls facteurs logistiques de formation des coûts ne finissent pas par inciter au départ certains éditeurs ou certains titres.

- Que d'éventuelles discriminations positives en faveur de tel ou tel type de presse, pour répondre à des préoccupations d'intérêt général, ne soient pas d'un coût excessivement supérieur au montant des aides publiques consenties au système.

- Que l'insuffisante transparence du fonctionnement de l'entreprise solidaire ne crée pas une suspicion générale, certes compatible avec l'immobilisme, mais certainement pas avec la réforme.

- Que la position dominante ne soit pas l'occasion d'en abuser.

On notera que les deux premiers points paraissent accorder à la question des tarifs le caractère de préalable qui lui est dénié dans un autre passage du rapport.

Le rapport rappelle ensuite que " les prévisions financières des NMPP, aujourd'hui déjà mauvaises, sont appelées à s'aggraver aussi bien en cas d'immobilisme -car alors les pertes de chiffres d'affaires ont un effet cumulatif- qu'en cas de baisse défensive des barèmes pour faire face à la concurrence ".

Il propose en conséquence :

- d'engager au plus tôt une profonde réforme industrielle afin que les éditeurs se dotent d'un outil efficient à vocation durable ;

- de permettre ainsi la réforme commerciale sans laquelle la blessure de la concurrence serait à terme mortelle ;

- d'accompagner ce mouvement d'une réforme institutionnelle qui favorise l'engagement et la responsabilité des éditeurs-coopérateurs (ou du moins de ceux qui le souhaitent).

Il admet enfin que des baisses défensives de barèmes sont nécessaires, tout en notant :

" Elles ne sont à l'évidence pas finançables par une augmentation de la contribution des titres, moins nombreux, qui continueraient à confier leur distribution aux NMPP. Une seule voie existe : celle de l'amélioration de l'efficacité économique de l'entreprise, afin que le service que les éditeurs coopérateurs souhaitent soit produit suffisamment moins cher qu'aujourd'hui pour que la tentation de la sécession ne se fasse pas trop forte pour certains grands groupes de presse.

Il s'agit ensuite, et c'est au moins aussi important, de savoir répartir par la construction de nouveaux barèmes l'effet de cette amélioration globale de l'efficacité économique entre les différents titres, entre les différentes coopératives, entre les différentes familles de presse ".

Des responsabilités de la puissance publique à l'égard d'une presse indispensable au bon fonctionnement de la démocratie, on constate qu'il n'est guère question.

3. Le plan stratégique 2000-2003

Un consensus a pu être établi en février 2000 entre les éditeurs de la presse quotidienne et magazine ainsi qu'entre les éditeurs et l'opérateur-actionnaire Hachette sur ces grands axes d'un plan stratégique de réorganisation des NMPP.

• Le contenu du plan

Les axes stratégiques retenues sont les suivants :

- améliorer l'efficacité de la distribution des quotidiens dans les domaines industriel et commercial ;

- tirer le meilleur parti de la nouvelle logistique des magazines ;

- achever la réforme des invendus ;

- refonder la structure de distribution de Paris Diffusion Presse (Paris et petite couronne) sur une logique de dépôts ;

- redéfinir la relation avec les dépositaires de presse dans une optique concurrentielle : passer de 350 dépôts aujourd'hui à 200 dépôts et 30 plates-formes quotidiens et mettre en place une rémunération modulée ;

- optimiser les actions commerciales vers les éditeurs : mieux relayer leurs opérations de terrain, mieux valoriser la richesse des bases de données NMPP ;

- adapter la tarification à l'environnement concurrentiel ;

- optimiser l'adéquation du niveau 3 (réseau des points de vente) aux attentes des lecteurs pour vendre plus et mieux la presse ;

- accroître la performance des équipes fonctionnelles ;

- réformer l'informatique pour mieux accompagner les activités de l'entreprise et produire de la valeur ajoutée ;

- moderniser les structures institutionnelles.

Un volet social accompagne ces orientations. Il prévoit 797 suppressions de postes d'ici à la fin de 2003 : 429 postes d'ouvriers, 129 postes d'employés et 239 postes de cadres. L'organisation cible à la fin de 2003 est ainsi de 1540 salariés : 640 ouvriers, 210 employés et 690 cadres. Ce volet social concerne tous les établissements de l'entreprise. Les NMPP rappellent à cet égard que l'ajustement des effectifs est une nécessité ancienne et permanente. Elle sera la conséquence des aménagements industriels et des réorganisations du plan stratégique qui visent à réduire les coûts pour tenir compte de la presse concurrentielle.

La priorité sera donnée à la concertation, avec comme objectifs de rechercher un accord d'entreprise, optimiser les mutations internes, voire externes, favoriser l'aide à la formation et à l'installation, mettre au point un dispositif de départ pour les salariés plus âgés.

En ce qui concerne le financement du plan, trois axes sont prévus :

- l'entreprise engage l'ensemble de ses fonds propres ainsi que les provisions constituées à cet effet ;

- l'opérateur a renoncé à percevoir sa redevance à partir de 1999 et pour la durée du plan. Un effort similaire est attendu de la part des éditeurs en ce qui concerne le " trop perçu " ;

- la mission de service universel qui incombe aux NMPP amène à solliciter de l'Etat une aide publique indispensable pour résoudre l'équation économique du plan stratégique. Il s'agit d'obtenir de l'Etat la compensation du surcroît pour l'entreprise de la distribution des quotidiens, évaluée à 250 millions de francs.

• La première phase de la mise en oeuvre

Les cinq coopératives des NMPP ont adopté en juin dernier de nouveaux barèmes qui, pour les magazines, visent trois objectifs majeurs :

- reconquérir des parts de marché sur le segment des petits et moyens titres, en instaurant notamment des bonifications spécifiques pour les titres dont la fourniture ne dépasse pas 200 000 exemplaires et dont le prix de vente est de 15 francs ou plus (85 % des titres magazines distribués par les NMPP entrent dans cette catégorie) ;

- fidéliser les éditeurs qui choisiront de confier durablement la distribution de leurs titres aux NMPP, en créant une " prime de fidélité " annuelle. Son montant, calculé en pourcentage des ventes, est croissant d'année en année : 0,20 % la première année (2000), 0,30 % l'année suivante (2001), et enfin 1,10 % en 2002 ;

- adopter un système de facturation des invendus plus équitable en réformant en profondeur pour tous les titres le mécanisme des frais sur invendus du barème.

• Le rôle de l'Etat

On aura constaté sans surprise que les analyses du rapport Hassan sur le service universel n'ont pas suscité l'adhésion des auteurs du plan stratégique des NMPP.

Le discours de l'Etat est plus ambigu. Le caractère d'intérêt public de la distribution coopérative est constamment relevé. Recevant le 25 février 2000 le syndicat Filpac-CGT, Mme Catherine Trautmann manifestait ainsi sa volonté de " veiller à ce que le plan de restructuration garantisse les enjeux du pluralisme et de la liberté d'expression " 2 ( * ) . Elle n'aurait pas rejeté, devant les dirigeants des NMPP et les représentants de la presse, le principe d'une contribution de l'Etat à la mise en oeuvre du plan, fixant des conditions : l'adoption définitive du plan, l'examen du compte d'exploitation sur trois ans, l'abandon de la redevance d'Hachette et du trop-perçu reversé aux éditeurs sur la base des économies réalisées 3 ( * ) . Ces conditions ont été largement acceptées. Ainsi le discours de l'Etat semble-t-il désormais moins précis.

Interrogée par votre rapporteur lors de son audition du 17 octobre par votre commission, Mme Catherine Tasca notait : " en ce qui concerne le problème spécifique des NMPP, une demande d'aide de 200 à 250 millions de francs par an pendant quatre ans a été présentée à l'Etat afin de permettre la mise en place d'un nouveau plan de modernisation. Il est difficile de répondre à une demande d'une telle ampleur, d'autant que la commission européenne pourrait trouver à redire à l'octroi d'une aide directe et massive à une entreprise privée, et que la certitude que le plan de modernisation offre une solution durable n'est pas encore acquise. Il convient donc de poursuivre l'examen de ce dossier en étudiant les données économiques du fonctionnement des NMPP et en définissant les conditions de la poursuite de ses misions. En tout état de cause, il est important de maintenir le système de gestion collective de la distribution, dont la disparition serait un recul " .

Face à cette prise de position au mieux ambiguë et au pis annonciatrice d'une stratégie de défaussement identique à celle adoptée à l'égard de l'AFP comme on l'a vu ci-dessus, votre commission ne peut que rappeler le caractère d'intérêt public de la distribution coopérative de la presse, et tout particulièrement le caractère d'intérêt public qui s'attache à la distribution de la presse d'information politique et générale.

Il serait absolument légitime que l'Etat prenne en charge les coûts spécifiques afférents à la distribution de ce type de presse dans le cadre juridique de la notion de service universel que la commission européenne ne saurait critiquer à l'heure où l'Union adopte une charte des droits fondamentaux qui consacre solennellement les principes de la démocratie et dresse un inventaire de leurs conséquences.

L'appel à l'Europe devrait ainsi manifestement jouer en faveur de la prise de responsabilité de l'Etat et non pas contre !

S'il est vrai par ailleurs que l'aide globale demandée par les NMPP est équivalente au montant annuel des aides directes à la presse, on peut estimer que la pérennité d'une distribution coopérative répondant à l'intention justement manifestée par le législateur lors de l'adoption de la loi du 2 avril 1947, est à ce prix. C'est en tout état de cause l'analyse de votre commission, qui rappelle que la presse d'information générale et politique ne pourra conforter son lectorat, reconquérir des positions et poursuivre sa contribution à la vie démocratique de notre pays que si elle conserve la possibilité d'atteindre son public potentiel dans de bonnes dispositions et à un coût raisonnable.

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Pas davantage que l'Assemblée nationale, le Sénat n'a le privilège de déclarer blanc ou noir le tableau des crédits inscrits au titre du projet de loi de finances pour 2001, pour ce qui concerne particulièrement le volume et l'affectation des crédits consacrés au développement de la presse écrite.

Mais pour 2001, votre rapporteur a estimé, en conscience, que l'environnement de ce secteur, vital en économie et incontournable en démocratie, était de plus en plus gris ; qu'il ne fallait pas se contenter de la " surface des choses ", de l'évolution du chiffre d'affaires ou de la stabilisation du lectorat.

Dans un monde qui bouge, où les médias électroniques et télévisuels réagissent à l'échelle de l'Europe et du monde, le Gouvernement de la France, aiguillonné par le Parlement, doit montrer la voie : le déclin de la presse écrite n'est pas inexorable, il y faut des lignes budgétaires, il y faut une volonté nationale.

Les propositions budgétaires pour 2001 esquivent les problèmes de l'AFP, de la distribution de la presse, du statut des correspondants de presse, de la forte relance d'un fonds de modernisation, voulu cependant par le législateur, etc...

Le refus, proposé par votre rapporteur, des crédits d'aide au développement de la presse sanctionne donc un budget de pure reconduction, sans élan nouveau, là où était possible un budget d'aide à la reconquête.

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* 2 Le Monde du 26 février 2000.

* 3 Le Monde du 26 février 2000.

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