B. UN EXEMPLE DE DIFFICULTÉ D'APPLICATION : L'ÉLEVAGE DES AGNEAUX DE PRÉ SALÉ

Les éleveurs d'agneaux de pré salé du département de la Manche ont, voici près de sept ans, déposé une demande tendant à la création d'une appellation d'origine contrôlée concernant leur produit. Ces animaux sont élevés dans le sud du département, et notamment dans la baie du Mont-Saint-Michel. Malheureusement, une interprétation stricte voire même excessive menace d'empêcher la réalisation de ce projet.

En effet, certains services extérieurs de l'Etat considèrent que le code de l'urbanisme leur interdit de délivrer tout permis de construire, jusque et y compris ceux qui sont nécessaires aux constructions destinées à abriter des troupeaux ovins . Du fait du code de l'urbanisme, l'agneau de pré salé n'a pas de toit !

Ils se fondent sur les dispositions de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme qui interdit toute construction nouvelle en dehors des espaces urbanisés, sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage.

Ils invoquent, en outre, le premier alinéa du même article, issu de la loi " littoral ", qui prévoit que l'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en " hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ". Hélas, on voit mal comment les agneaux de pré salé qui vivent sur un territoire spécifique, doté d'un biotope très particulier, à l'équilibre duquel ils participent, pourraient vivre en zone urbanisée fût-ce des hameaux intégrés à l'environnement !

Le second alinéa du même paragraphe précise, quant à lui, que nonobstant ces dispositions, " les constructions ou installations liées aux activités agricoles ou forestières qui sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées peuvent être autorisées, en dehors des espaces proches du rivage, avec accord du préfet, après avis de la commission départementale des sites, perspectives et paysages ". Cependant, le même texte ajoute une restriction à cette dérogation en prévoyant qu'elle ne peut jouer si " les constructions ou les installations sont de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages ".

Sur le terrain, les agriculteurs qui souhaitent poursuivre l'élevage d'agneaux de pré salé se voient opposer cette réglementation complexe par les services extérieurs de l'Etat.

En premier lieu, toute construction nouvelle est interdite dans la bande des cent mètres et dans les " espaces proches du rivage ". De ce fait, lorsque des sièges d'exploitations agricoles s'y trouvent situés, les exploitants sont, au mieux, autorisés à procéder à des mises aux normes, à l'exclusion de toute extension ou de toute nouvelle construction.

En second lieu, il semble que certains services appliquent la législation avec plus de zèle que ne le justifient l'esprit et la lettre de la loi. En effet, le " II " de l'article L. 146-4 précité prévoit que l'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches des rivages doit être justifiée et motivée par le POS en fonction des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau ou, le cas échéant, moyennant l'accord du représentant de l'Etat. Or certains services considèrent que la procédure de consultation de la commission départementale des sites prévus au second alinéa du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme pour les seuls sites naturels sensibles est applicable à toute extension de l'urbanisation motivée par le POS conformément aux dispositions du II du même article. Alors que le second alinéa du I précité avait été inséré au code de l'urbanisme par l'article 109 de la loi d'orientation agricole (LOA) afin d'assouplir une règle d'application délicate, il est donc utilisé pour alourdir un peu plus une législation très complexe.

On notera, au surplus, que la mise en oeuvre de l'article 109 de la loi d'orientation agricole a suscité d'autres difficultés d'application, du fait des interférences qu'elle suscite dans les services avec l'instruction des demandes de permis de construire. Dans l'esprit du législateur, la procédure de l'article 109 était nettement indépendante de celle relative au permis de construire. Or, selon des informations recueillies par votre rapporteur pour avis, dans certains départements, le représentant de l'Etat estime que les procédures sont liées et refuse d'inscrire les dossiers présentés à l'ordre du jour des réunions de la commission des sites tant que l'instruction du permis de construire n'est pas terminée. De son côté, la DDE attend l'avis de la commission des sites pour se prononcer sur l'autorisation de construire...

Votre commission des Affaires économiques juge souhaitable de mettre un terme à ces blocages et à ces atermoiements en prévoyant dans la partie réglementaire du code de l'urbanisme que l'avis de la commission des sites est :

- requis par les services instructeurs au même titre que les accords et avis à recueillir auprès des personnes publiques, services et commission intéressées tels que le prévoient les lois ou règlements en vigueur ;

- rendu dans un délai d'un mois à compter de la réception de la demande.

Il doit, en outre, être précisé que le rôle de la commission départementale des sites est d'apprécier l'impact de la construction sur le paysage et l'environnement et non pas l'incidence du fonctionnement de l'exploitation sur l'environnement, appréciation qui relève de la compétence du conseil départemental d'hygiène consulté par ailleurs dans lors de l'instruction des demandes de permis de construire.

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