C. UNE RÉACTION POLITIQUE S'IMPOSE

1. La Poste reste fragile

Votre commission travaille depuis maintenant plusieurs années à la prise de conscience, qu'elle estime insuffisante de la part de l'opinion et des pouvoirs publics, de la fragilité de La Poste .

Une conception passéiste, liée, il est vrai, à un puisant lien affectif entre la nation et ce service public, prévaut toujours dans la mentalité collective.

Or, La Poste n'est pas immortelle . Ses métiers se transforment, ses marchés évoluent, les technologies changent, le paysage dans lequel elle opère se bouleverse, ses partenaires d'hier sont aujourd'hui des concurrents actifs.

Votre rapporteur ne citera, sous forme d'interrogation, que quelques-uns des points de fragilité de l'opérateur postal.

Le coût du réseau est-il soutenable ?

La présence de La Poste sur le territoire, à laquelle les élus et les Français sont si attachés, a un coût.

17.071 points de contact, dans 11.000 communes, 40.245 agents de guichet : c'est une présence séculaire de La Poste dans nos villes et nos villages que résument ces quelques chiffres.

Oui, mais...10.000 bureaux sont situés dans des communes de moins de 2.000 habitants, le réseau n'ayant presque pas évolué depuis la première guerre mondiale, 57 % des bureaux ne réalisent que 10 % du chiffre d'affaires, alors que les 1.300 bureaux les plus actifs (8 % du réseau) réalisent la moitié de l'activité.

Oui, mais... 2.000 à 2.400 bureaux ont moins d'une heure d'activité par jour, 3.000 bureaux moins de 2 heures, alors que dans certaines zones urbaines, la densité postale est bien moindre.

Oui, mais...cette présence, décalée démographiquement, a un coût financé par l'opérateur . Le surcoût de la présence liée à l'aménagement du territoire est actuellement évalué à 3,8 milliards de francs par le Gouvernement, dont 527 millions au titre des zones urbaines sensibles.

L'abattement fiscal octroyé en compensation par la loi du 2 juillet 1990, évalué à 1,9 milliard en 1999, ne sera plus que de 1,0 milliards en 2003, compte tenu de la réforme de la taxe professionnelle, soit une baisse de 46 %.

Cette situation est-elle juste ? Est-elle soutenable dans un environnement concurrentiel ?

Le contrat de plan a prévu la constitution de commissions départementales de la présence postale territoriale pour faire évoluer le réseau postal. Il ressort des bilans d'activité de ces commissions, élaborés par les préfets, qu'en 1999, 73 réunions ont été tenues dans 50 départements, ce qui a conduit à des adaptations d'horaires dans 175 bureaux, sur 11 départements, à 24 jumelages dans 4 départements, à la création de 4 agences postales communales et à 9 fermetures dans 4 départements.

Ces chiffres amènent à s'interroger : les commissions départementales de la présence postale territoriale, dont nombre d'élus ont parfois pu constater les aléas de fonctionnement, sont-elles des leviers d'action à la mesure de l'enjeu ?

Le transport de la presse : une juste compensation ?

Le transport et la distribution de la presse sont pour La Poste un service obligatoire, dont son cahier des charges précise qu'il fait l'objet " d'une juste compensation financière " .

Mais le taux de couverture par des financements extérieurs des coûts assumés par La Poste avait été évalué en 1993 à seulement 28 % ! Aussi les accords dits " Galmot ", conclus en 1996, ont-ils, notamment, permis un accroissement de ce taux de couverture.

Cette couverture (58,4 %) est-elle désormais suffisante à l'heure où le marché postal s'ouvre de plus en plus à la concurrence ?

CHARGE FINANCIÈRE LIÉE AU TRANSPORT POSTAL DE LA PRESSE

en milliers de francs

1997

1998

1999

Coût global

7 387

7 424

7 461

Recettes et contribution de l'Etat

4 037

4 172

4 357

Solde à la charge de La Poste

3 350

3 252

3 104

Taux de couverture (2/1)

54,6 %

56,2 %

58,4 %

La fonction de bancarisation des plus démunis : un rôle enfin reconnu ?

La Poste assure, dans certains quartiers, notamment à travers la gestion du Livret A, une fonction sociale en matière financière qui n'est ni officiellement reconnue ni réellement compensée.

Avec la perspective de la facturation du traitement des chèques, elle pourrait recueillir un nombre croissant d'exclus de fait du système bancaire.

Aussi le Sénat a-t-il récemment adopté, lors de la discussion du projet de loi sur les nouvelles régulations économiques, dont votre rapporteur était rapporteur pour avis, un dispositif législatif instaurant un service de base bancaire, sur la proposition, notamment, de notre collègue Gérard Larcher et de votre rapporteur.

Votre commission souhaite que la mission d'intérêt général assurée par La Poste dans le secteur financier soit mieux reconnue et, le cas échéant, compensée.

La forme sociale de La Poste : un outil de modernisation ?

La Poste demeure l'établissement public qu'elle est devenue suite à la réforme Quilès de 1990, qui a fait franchir une première étape à ce qui était jusqu'alors l'administration des PTT. En particulier, La Poste ne dispose pas d'un capital social.

Cette forme juridique est-elle adaptée aux impératifs du temps présent ?

Votre rapporteur pour avis rappelle que les précédents rapports d'information de la Commission des affaires économiques et du groupe d'études sur l'avenir de La Poste s'étaient prononcés pour une transformation de La Poste en société à capitaux publics.

Votre Commission des Affaires économiques estime que l'ensemble de ces questions doit désormais être débattu globalement par la représentation nationale.

2. L'avenir du service public postal appelle un débat national autour d'une loi d'orientation postale

Depuis la publication du rapport d'information précité de notre collègue Gérard Larcher " Sauver la Poste : devoir politique, impératif économique " , en octobre 1997, votre commission ne cesse de réclamer la discussion d'une grande loi d'orientation postale qui assure l'avenir de La Poste et intègre les évolutions rendues nécessaires par le droit communautaire -et notamment par l'adoption de la directive du 15 décembre 1997 sur les services postaux communautaires, libéralisant partiellement le secteur-.

Le Gouvernement s'était, un temps, engagé à cette discussion.

Ainsi, au compte rendu des débats de l'Assemblée nationale du 2 février 1999, lors de la discussion du projet de loi d'orientation d'aménagement du territoire, figurent les propos suivants du ministre chargé de la Poste, tenus au sujet de l'amendement " de transposition de la directive postale " déposé par le Gouvernement :

" La Commission supérieure du service public a été consultée sur ce texte (...). Nous comprenons sa préoccupation, (...) que je sais partagée sur tous ces bancs, que puisse être examiné par le Parlement un projet d'ensemble se rapportant à ces questions du service public de La Poste .

C'est pourquoi, comme je l'ai indiqué à la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications, j'ai proposé au premier ministre que le Gouvernement dépose, dans les prochains mois, un projet de loi qui donnera aux activités postales un cadre juridique complet et qui confortera ainsi la lisibilité d'ensemble de notre réglementation relative au service public. Il permettra, par ailleurs, de débattre largement -je pense que nous en avons besoin- du service public, de sa modernisation, de son encouragement par les pouvoirs publics et par le Gouvernement. "

On sait bien qu'il n'en a rien été, le Gouvernement demandant au contraire au Parlement de l'habiliter à finir de transposer par voie d'ordonnance la directive postale de 1997 !

Votre rapporteur pour avis renvoie sur ce sujet aux développements du rapport pour avis 10 ( * ) de notre collègue Ladislas Poniatowski sur l'examen du projet de loi n°473 d'habilitation du Gouvernement à transposer des directives par ordonnances, qui expose les motifs ayant conduit le Sénat à refuser une telle habilitation.

Votre Commission des Affaires économiques estime en effet qu'une loi d'orientation postale demeure nécessaire pour assurer l'avenir de La Poste.

* 10 Rapport n°31 de M. Ladislas Poniatowski au nom de la commission des affaires économiques, Sénat 2000-2001

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