B. LES CONDITIONS D'UNE ADAPTATION PARFOIS DIFFICILE

1. L'état d'esprit des personnels : un malaise certain

Depuis plusieurs années déjà, la gendarmerie paraît traverser une crise de confiance. Ce constat s'est trouvé corroboré par les rapports sur l'état d'esprit des personnels, réalisés au mois de mai 2000. Les indications contenues dans cette évaluation conduite trois mois après la réunion du CFMG de février 2000 qui avait pourtant entendu répondre à certaines préoccupations, traduisent, principalement au sein des sous-officiers de gendarmerie servant dans les unités de terrain, un large sentiment d'inquiétude, voire de pessimisme.

Cette situation résulte de la conjonction de plusieurs facteurs. S'il ne faut pas sous-estimer le retentissement des " affaires corses ", la dégradation de la confiance trouve naturellement son origine dans des causes plus profondes. En premier lieu, l'Arme a connu, dans un délai rapproché, une succession de réformes dont la conjonction a fini par créer un certain climat d'instabilité : intégration des gendarmes adjoints, constitution d'un corps militaire de soutien, application plus rigoureuse des règles de mobilité, réorganisations diverses. Parallèlement, la charge de travail s'est indéniablement accrue.

La gendarmerie, on l'a vu, est de plus en plus sollicitée, notamment pour assurer la sécurité dans les zones périurbaines. Or la loi de programmation 1997-2002 n'a pas prévu une augmentation des effectifs professionnels. La seule ressource supplémentaire dont disposera la gendarmerie lui sera procurée par les gendarmes adjoints dont le nombre (16 200), à l'échéance de la loi de programmation, dépassera celui des gendarmes adjoints (12 000) auxquels ils sont appelés à se substituer à la suite de la suppression du service national.

Dans ces conditions, on ne doit pas s'étonner que le nombre d'heures de travail journalier moyen par gendarme départemental soit ainsi passé de 9 h en 1994 à 9 h 20 en 1999. De même le nombre de jours pendant lesquels les unités de gendarmerie mobile ont été déplacées s'élevait à 193 en 1994 et 204 en 1999.

Cette situation, à rebours des évolutions que connaît la société civile dans laquelle la gendarmerie se trouve immergée, apparaît sans aucun doute comme une des clefs du malaise actuel.

Si les réformes, en particulier l'intégration des gendarmes adjoints, peuvent être progressivement assimilées par l'institution, les sujétions liées à la charge de travail n'ont pu, jusqu'à présent, recevoir que des compensations seulement partielles.

a) L'intégration progressive des gendarmes adjoints

Les gendarmes adjoints sont destinés à remplacer progressivement les appelés du service national. Recrutés pour une durée d'un an dans le cadre de contrats renouvelables quatre fois, ils bénéficient ensuite d'une formation de 16 semaines dont 10 en école.

La mise en place de cette réforme a soulevé deux inquiétudes principales : la première porte sur la capacité de la gendarmerie à susciter, dans le contexte nouveau du volontariat, un nombre de candidatures suffisant, la seconde présente un caractère plus qualitatif et concerne le niveau de formation des personnel ainsi recrutés.

. Les aspects quantitatifs : un volet de candidature satisfaisant

Depuis le 1 er août 1998, date de l'ouverture du recrutement des gendarmes adjoints, la Gendarmerie compte à ce jour (fin octobre 2000) 7 675 volontaires affectés (soit un nombre légèrement supérieur de postes budgétaires ouverts -7 300- compte tenu des marges de manoeuvre dont la gendarmerie peut disposer en gestion). En outre, 898 gendarmes adjoints sont en cours de formation.

Sur les 11 519 candidats qui se sont présentés en 2000, 4 495 ont signé le contrat d'engagement comme gendarme adjoint.

Ce taux de sélection de l'ordre d'1 sur 2,5 peut être jugé satisfaisant. Ce résultat, qui n'était pas acquis, est le fruit de l'effort poursuivi par la gendarmerie dans une double direction.

En premier lieu les conditions matérielles de l'emploi de gendarme adjoint ont été rendues plus attractives. Si la rémunération de base (4 800 F nets) reste inférieure à celles accordées aux adjoints de sécurité (police nationale) et aux agents locaux de médiation (collectivités territoriales principalement), les gendarmes adjoints sont nourris, logés et habillés. La seule garantie de l'hébergement -et non du logement- pour le militaire professionnel peut, certes, constituer une contrainte. Cependant, les nouvelles opérations de construction et de réhabilitation de casernes prévoient désormais la réalisation d'un module d'hébergement individuel (une chambre et une salle d'eau privative représentant une surface de 14m²). Quant aux gendarmes adjoints mariés ou charges de famille, ils peuvent bénéficier de l'indemnité pour charges militaires et des aides de droit commun en matière de logement .

Les perspectives d'intégration des gendarmes adjoints dans les cadres professionnels de la gendarmerie apparaissent comme un autre élément important pour encourager le volontariat. De son côté, l'Arme a sans doute tout intérêt à tirer parti de l'expérience acquise par les intéressés. C'est pourquoi, si les volontaires désireux de devenir sous-officiers de gendarmerie doivent naturellement satisfaire aux épreuves de sélection habituelles, il est apparu souhaitable de prendre en compte, parmi les critères de recrutement, la manière de servir et les appréciations portées par les échelons de commandement.

Ceux qui n'auront pas été retenus en qualité de sous-officiers ou qui souhaitent choisir une autre orientation professionnelle pourront, pour leur part, bénéficier des congés de reconversion dès lors qu'ils auront accompli quatre ans de service conformément aux dispositions de la loi du 19 décembre 1996 relative aux mesures d'accompagnement en faveur des militaires.

S'il existe une préoccupation de nature quantitative, elle porte moins cette année sur le nombre de candidats que sur la décrue plus sensible que prévu du nombre des appelés ainsi que de la réduction des créations de postes de volontaire par rapport aux objectifs prévisionnels fixés chaque année pour atteindre à l'échéance de la loi de programmation, l'effectif de 16 232 gendarmes adjoints. Ainsi, le nombre de postes budgétaires en 2001 s'élèvera à 11 025 (contre 12 174 dans le cadre d'une montée en puissance régulière des gendarmes adjoints). Dès lors, le projet de budget pour 2002 devra prévoir la création beaucoup plus importante -5 200 postes- que les années passées, pour atteindre l'effectif de la loi de programmation. Cet objectif apparaît ambitieux au regard des normes habituelles permises par le ministère de l'économie et des finances.

. Les aspects qualitatifs

Le niveau initial des gendarmes adjoints apparaît nettement inférieur à celui des gendarmes auxiliaires puisque la moitié d'entre eux n'ont pas le baccalauréat (25 % des gendarmes auxiliaires seulement, se trouvent dans ce cas).

Niveau scolaire comparé des gendarmes adjoints et auxiliaires

Gendarmes auxiliaires

1999

Gendarmes adjoints

(depuis le recrutement)

niveau inférieur baccalauréat

25,5

47,10

titulaire baccalauréat

52,2

49,20

niveau supérieur baccalauréat

23,2

3,70

Ce constat a conduit la direction générale de la gendarmerie nationale à décider d'allonger la période de formation initiale des gendarmes adjoints de deux semaines supplémentaires à compter du 1 er septembre 2000. En outre, dès que la capacité des écoles de formation le permettra, les gendarmes auxiliaires qui renouvelleront leur contrat après dix mois de service en unité, bénéficieront d'une formation complémentaire de quatre semaines .

Les gendarmes adjoints sont affectés en priorité dans les emplois pourvus précédemment par les affectés du service national. Certains d'entre eux sont également intégrés au sein de la gendarmerie mobile qui jusqu'à présent ne comptait aucun gendarme auxiliaire.

A ce jour, la moitié des brigades à effectif de six -les brigades des zones rurales- compte dans leurs rangs un gendarme adjoint. Il conviendra de veiller à une composition équilibrée des brigades afin de permettre une bonne intégration des gendarmes adjoints.

Le renforcement de la formation des gendarmes adjoints constitue un progrès indéniable. Il ne lève pas cependant toutes les incertitudes sur la qualité de cette ressource nouvelle.

C'est pourquoi les besoins en effectifs de la gendarmerie devront être satisfaits à l'avenir par le renforcement des personnels professionnels .

b) La délicate recherche de compensation pour la charge de travail

L'accroissement de la charge de travail constitue un sujet de préoccupation majeur pour les personnels de la gendarmerie et la principale motivation de la session extraordinaire du CFMG du 28 février 2000.

On le sait, depuis cinq ans, même si la situation peut beaucoup varier d'une brigade à l'autre, le nombre d'heures travaillées tend à augmenter en moyenne. D'après une étude sur le temps d'activité des militaires, réalisée par l'observatoire social de la défense, la moitié des gendarmes départementaux accomplissent entre 9 et 10 h de travail effectif par jour, hors permanences et astreintes à domicile.

Dès lors, malgré les efforts déjà entrepris par la gendarmerie (mise en oeuvre de renforts permanents -avec les PSIG- ou saisonniers -renforcement de certaines brigades pendant les périodes estivales ou hivernales), le principe -réaffirmé par la circulaire ministérielle du 8 février 1994- de cinq quartiers libres par quinzaine, apparaissait de fait difficilement applicable.

Le CFMG du 28 février 2000 a tenté de corriger ces tendances en adoptant une série d'aménagements à l'organisation de la gendarmerie départementale. Il a été ainsi décidé en premier lieu que les plages horaires d'accueil du public dans les brigades ainsi que les conditions du transfert des appels vers les centres opérationnels de la gendarmerie (COG) seraient désormais déterminées en fonction des spécificités locales.

Ces mesures conjuguées avec une modification des astreintes des personnels, devraient permettre un certain assouplissement des contraintes pesant sur les personnels. Le dispositif, doit-on le rappeler, a été complété grâce à l'augmentation des effectifs décidée par le CFMG , par la création de nouveaux pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG) -60 en 2000- et le renforcement des COG par 130 gendarmes. La création de PSIG dans les compagnies qui, jusqu'à présent n'en disposaient pas, permettra aux brigades à faible effectif de bénéficier réellement de l'allégement des astreintes.

Pour la gendarmerie mobile, plusieurs mesures ont également été adoptées : assurance de 8 heures de repos lorsque le militaire est effectivement libéré de toute servitude, attribution de l'intégralité du droit au repos acquis à l'issue de la mission. En outre, les déplacements outre-mer et en Corse ouvriront droit, pour la fraction du séjour excédant 4 semaines, à une majoration du repos hebdomadaire, afin d'assurer un repos de 24 h sur place et de 36 h à la résidence, par semaine supplémentaire. Enfin, compte tenu de l'augmentation régulière du nombre de jours de déplacement pour les escadrons, le ministre de la défense a souhaité l'organisation d'un audit relatif aux gardes statiques et, de manière plus générale, un examen de la situation de la gendarmerie mobile dans son ensemble. Ces dernières études, d'après les informations communiquées à votre rapporteur, ont d'ailleurs conclu à une situation de tension excessive.

Une commission du suivi des mesures annoncées le 28 février 2000 sous la présidence du général Lepetit, a constaté qu'une part importante de ces mesures avaient d'ores et déjà été mises en oeuvre.

Ces aménagements semblent toutefois avoir été jugés avec une certaine circonspection par les personnels car ils ne répondent pas à l'une de leurs principales revendications : la compensation de la charge de travail sous la forme d'une indemnité. Les attentes des personnels en la matière sont fortes et ne peuvent que s'aiguiser dans la perspective de l'application de la loi relative à la réduction du temps de travail en 2002 à la fonction publique.

La loi sur les 35 h ne pourra pas s'appliquer à la gendarmerie soumise au principe général de disponibilité qui résulte de son statut militaire (les militaires " peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu " aux termes de l'article 12 de la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires).

Une instruction du 10 décembre 1979 portant application du règlement de discipline générale des armées a d'ailleurs précisé la portée de cette obligation : " le service des militaires s'il comporte une part de travail accompli dans le cadre d'un programme déterminé et d'horaires réguliers, s'étend aussi, sans restriction de temps et de lieu d'activités liées à la permanence de l'action, aux missions ou aux obligations de présence que le commandement est appelé à prescrire pour l'accomplissement de la mission ". Compte tenu des évolutions de la société civile, cette contrainte qui fait aussi la force de l'Arme et doit, à ce titre, continuer de prévaloir, ne peut toutefois demeurer sans contrepartie. Il en va du caractère attractif du métier de gendarme pour les années à venir.

Au cours de la session du CFMG de mai 2000, le ministre de la défense a, certes, décidé la constitution d'un groupe de travail, composé de membres du CFMG chargés d'analyser le dispositif indemnitaire dont bénéficient les différentes catégories de militaires de la gendarmerie et de déterminer les améliorations prioritaires souhaitables. Les propositions de ce groupe de travail présentées lors du dernier CFMG, le 26 octobre 2000, s'articulent autour de deux volets :

- la revalorisation des différentes indemnités catégorielles,

- la mise en place d'une compensation financière pour charge militaire.

Cette dernière proposition ne paraît pas devoir se concrétiser à court terme. Sa mise en oeuvre effective dépend en effet des résultats de la réflexion engagée à une échelle plus large pour la revalorisation de la condition de tous les militaires. Or il ne semble pas que cette étude ait beaucoup progressé. Dans ces conditions, l'on pourrait s'orienter, à terme plus rapproché, vers l'augmentation de certaines indemnités liées à la charge de travail effective.

Une telle orientation doit cependant encore être confirmée et même dans cette hypothèse, elle risque de présenter une portée trop limitée pour satisfaire tous les personnels. La réponse aux attentes des gendarmes, par ailleurs, ne saurait revêtir seulement un caractère financier : elle passe aussi par la poursuite des efforts engagés cette année pour favoriser une organisation plus pertinente de certaines tâches. Il est certain en effet que les personnels supportent de moins en moins bien les perturbations que provoque leur travail sur leur vie familiale.

De manière plus générale, des travaux sur la revalorisation de la condition militaire dans son ensemble afin d'en préserver le caractère attractif ont été engagés et pourraient aboutir à l'horizon 2002.

L'adaptation de la gendarmerie ne peut pas seulement résulter de l'augmentation des effectifs, elle passe aussi par une organisation plus efficace, d'une part de ses structures, et d'autre part, de ses méthodes de commandement.

2. L'indispensable évolution des structures et de l'organisation

a) La mise en place de structures plus rationnelles

La gendarmerie semble avoir aujourd'hui tiré les leçons de l'échec du plan de redéploiement de 1998, élaboré sur un mode directif et sans réelle concertation. Si le principe de redéploiement demeure, il ne saurait tenir lieu de moyen exclusif pour dégager les effectifs supplémentaires. Il faut se féliciter, à cet égard, que les déboires enregistrés il y a deux ans aient obligé la gendarmerie à concevoir et conduire, de manière encore expérimentale, des formules alternatives qui préservent pour l'essentiel le maillage de la gendarmerie. Par ailleurs, l'Arme ne pouvait faire l'économie d'une réflexion sur la superposition de ses structures : votre rapporteur est convaincu, pour sa part, qu'une simplification des échelons de commandement permettrait de révéler des gisements d'économie en matière d'effectifs. Il convient de saluer à cet égard certaines initiatives prises dans ce sens au cours de l'année 2000.

. Les redéploiements

Les redéploiements se poursuivent aujourd'hui sur des bases mieux fondées.

Dans les zones de police nationale , ils répondent à une logique de rationalisation difficilement contestable : ils visent en effet à ne conserver qu'une seule brigade territoriale par circonscription de sécurité publique (CSP), voire par district de sécurité publique lorsque plusieurs circonscriptions de sécurité publique sont contiguës. La réorganisation de l'implantation de la gendarmerie, fin 1999, dans les départements de la petite couronne parisienne, où les missions de sécurité relèvent de la police nationale, s'inscrit dans ce cadre. Le regroupement des moyens et des personnels au sein d'un nombre limité d'unités a ainsi permis de dégager des effectifs (55 sous-officiers) reventilés en grande couronne parisienne.

Au sein de la zone de gendarmerie , le principe d'une brigade par canton a été réaffirmé par les pouvoirs publics. Dans tous les cas le projet de dissolution est soumis à un examen au cas par cas, sous l'égide du préfet et en étroite concertation avec les élus concernés.

La liste des dissolutions pour 1999 et 2000 montre d'ailleurs que les mesures ont principalement porté sur les unités implantées en zone de police nationale.

Année 2000 (au 1 er septembre)

Bilan des dissolutions de brigades territoriales : 11

7 brigades territoriales en zone de police nationale :

. Besançon-Planoise (Doubs)

. Vienne-Estressin (Isère)

. Arques (Pas-de-Calais)

. Wizernes (Pas-de-Calais)

. Halluin (Nord)

. Lannoy (Nord)

. Le Mans-Nord (Sarthe)

4 brigades territoriales et postes permanents en zone de gendarmerie nationale :

. Cozzano (Corse du Sud)

. Oletta (Haute-Corse)

. Abries (Hautes-Alpes)

. Ribiers (Hautes-Alpes)

En outre, 2 brigades territoriales ont été transférées au sein de la zone de gendarmerie nationale :

. Mérignac à Saint-Jean d'Illac (Gironde)

. Essey-lès-Nancy à Seichamps (Meurthe et Moselle)

. La recherche de solutions alternatives

La rationalisation peut cependant emprunter d'autres voies que la dissolution. Ainsi, à titre expérimental, la gendarmerie a cherché à développer la sectorisation du service des unités. Le principe repose sur une meilleure coordination des moyens de plusieurs brigades territoriales implantées dans un périmètre rapproché. L'expérience est entourée d'un double garantie : maintien de conditions d'accueil satisfaisantes pour le public, délai d'intervention n'excédant pas trente minutes.

La sectorisation, mise en oeuvre sous la responsabilité des commandants de groupement, modulée selon les particularités du contexte local, obéit au principe d'une déconcentration qui avait fait défaut au projet de redéploiement gouvernemental de 1998.

. La simplification des structures

L'organisation de la gendarmerie, très hiérarchisée, se traduit par une superposition de structures de commandement dont les responsabilités respectives n'apparaissent pas toujours clairement et par l'immobilisation au sein de services d'état-major d'effectifs qui pourraient faire valoir leurs compétences dans des cadres plus opérationnels. Un effort de simplification s'impose progressivement comme en témoignent deux initiatives adoptées au cours de cette année.

En premier lieu, à la suite des intempéries et de la marée noire survenues à la fin de l'année 1999, le ministre de l'Intérieur a proposé de réduire à sept le nombre de zones de défense, afin de permettre une mobilisation plus efficace des moyens. Ce redécoupage de l'organisation territoriale de défense impliquait celui du dispositif territorial de la gendarmerie. En conséquence, les circonscriptions de gendarmerie d'Orléans et de Dijon ont été dissoutes le 1 er juillet 2000. Parallèlement, les 4 e (Orléans) et 8 e (Dijon) légions de gendarmerie mobile ont été supprimées. Les formations et unités anciennement subordonnées aux commandants de circonscription d'Orléans et de Dijon ont été placées en fonction de leur implantation géographique sous l'autorité des commandants des régions Sud-Ouest à Bordeaux, Est à Metz et Ouest à Rennes. Ces restructurations ont permis de libérer un effectif de 174 personnels parmi lesquels 71 ont été réaffectés en unités territoriales.

Une autre simplification de structures est intervenue en outre-mer : le 1 er septembre 1999, la légion de gendarmerie des Antilles-Guyane a été dissoute.

Les trois groupements de gendarmerie départementale qui y étaient rattachés ont été transformés en trois commandements territoriaux (Guadeloupe, Guyane, Martinique) dotés d'une réelle autonomie : la chaîne hiérarchique s'est trouvée simplifiée et les délais de traitement des dossiers ont été raccourcis. De même la mise en place d'un commandement de la gendarmerie pour la Nouvelle-Calédonie, le 15 avril 2000, s'est accompagnée de la suppression du groupement de gendarmerie de la Nouvelle-Calédonie et de son état-major.

Ces différentes opérations ont permis de dégager des effectifs supplémentaires (27 militaires) réaffectés dans d'autres unités implantées en outre-mer.

. Une déconcentration souhaitable sous réserve de l'aménagement de contrôles plus efficaces

Les différentes modifications de structure qui viennent d'être évoquées témoignent un certain mouvement de déconcentration que votre rapporteur appelle de ses voeux depuis plusieurs années.

Cette évolution s'est manifestée de manière plus directe par trois séries d'innovations qui tendent toutes à conférer des responsabilités accrues aux échelons territoriaux :

- au niveau de la répartition des effectifs , le commandant de légion a la possibilité de procéder, sous plafond de ses effectifs, à des rééquilibrages entre unités (en 1999, 335 postes ont ainsi été déplacés au sein des légions, 443 l'ont été cette année) ;

- au niveau de la création des structures , la mise en place de nouvelles brigades de prévention de la délinquance juvénile interviendra désormais en fonction des propositions faites par les échelons territoriaux de commandement ;

- enfin, au niveau de l'organisation des services , les conditions de l'accueil du public dans les brigades ainsi que les modalités de transfert d'appel des brigades vers les centres opérationnels de gendarmerie seront déterminées par les commandants de groupement sur proposition des commandants de compagnie après consultation des commandants de brigade. De même, les expériences de sectorisation sont décidées par les commandants de légion sur proposition des commandants de groupement, après approbation des commandants de circonscription.

Ces différentes mesures ont pour mérite de redonner une capacité d'initiative aux échelons territoriaux souvent mieux à même d'apprécier les réalités locales et d'adapter en conséquence le service aux besoins du lieu et du moment. L'évolution peut contribuer au renforcement de la sécurité de proximité à laquelle nos citoyens aspirent.

Elle s'impose aussi sous l'effet des transformations de la société française : la gendarmerie a de plus en plus pour interlocuteur des responsables à même de décider de leur propre autorité et sans délai.

Le renforcement de la capacité d'initiative doit s'accompagner, en contrepartie, d'un renforcement des modalités d'évaluation des personnels et des actions entreprises. En d'autres termes, l'adaptation d'un modèle de commandement très hiérarchique suppose une meilleure capacité de contrôle.

L'affaire dite des " paillotes corses " a mis en exergue certaines faiblesses de la gendarmerie dans ce domaine. Aussi la recherche d'un nouvel équilibre entre ces trois axes que sont le maintien indispensable du principe hiérarchique, une responsabilisation accrue, et l'organisation de contrôles efficaces constituera sans doute l'une des gageures que la gendarmerie devra relever dans les années à venir.

b) La réforme du recrutement des officiers décidée dans un souci de diversification de la composition de l'Arme

Depuis 1997, une réflexion a été menée sur les modalités de recrutement et de formation des officiers de gendarmerie. Ces travaux, inspirés par la volonté de rapprocher davantage la gendarmerie de la société au contact de laquelle elle évolue, ont conclu à l'opportunité de puiser l'essentiel du recrutement direct parmi des candidats issus du milieu universitaire sélectionnés par concours au niveau d'un diplôme de deuxième cycle. Ces propositions se concrétiseront dès la rentrée 2001.

A cette date, le recrutement direct, jusqu'à présent assuré principalement par l'Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr, se fera par un concours unique autonome, ouvert aux étudiants titulaires d'une maîtrise. Par ailleurs, les autres modes de recrutement sont maintenus, qu'il s'agisse des filières internes, de la filière " officier des armées " par concours sur épreuves, du recrutement sur titre, du recrutement à l'Ecole polytechnique et, enfin, du recrutement des officiers sous contrat -dont le contingent devrait même être augmenté.

La modification des voies de recrutement requiert également la réforme de la formation initiale et continue des officiers de gendarmerie.

L'Ecole des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN) de Melun, chargée de la formation initiale et des cours d'application recevra les élèves pour deux années :

- la première année sera pour une large part consacrée à la formation militaire et d'officier ;

- la seconde année privilégiera davantage la formation spécifique et la préparation aux emplois (les officiers des filières " officier des armées " et Ecole polytechnique, compte tenu de leur niveau et diplômes militaires déjà acquis, n'accompliront que cette deuxième année de formation).

L'enseignement renforcera la part dévolue aux disciplines administratives et juridiques et s'ouvrira aux institutions et administrations partenaires de la gendarmerie, en particulier celles de la justice, de l'Intérieur et des douanes.

Les nouvelles conditions de recrutement et de formation ne conduiront-elles pas cependant à distendre les liens entre la gendarmerie et l'institution militaire ? Telle est sans doute la principale question soulevée par la réforme.

Certaines garanties ont d'ores et déjà été apportées pour prévenir une telle évolution.

En premier lieu, les officiers seront placés dès le début de leur formation sous statut militaire. Ensuite, plus du tiers de la formation initiale devrait par ailleurs être commune avec les armées. Ainsi, dès leur première année de formation, tous les officiers de gendarmerie devraient suivre à Coëtquidan un module complet de formation de niveau " chef de section ". Par ailleurs, ils seront également appelés à participer aux côtés des officiers de recrutement direct des autres armées, à un séminaire au cours duquel pourront être débattus les grands problèmes de défense.

En outre, la formation militaire continue restera dispensée dans un cadre interarmées, notamment au niveau du collège interarmées de défense puis du centre des hautes études militaires. Enfin, le ministère de la défense s'est également engagé à accroître la participation des officiers supérieurs de la gendarmerie nationale au sein des états-majors d'armées, interarmées ou interalliés.

Il conviendra sans doute de rester vigilant sur la permanence du lien entre la gendarmerie et les armées. Sous cette réserve, la diversification du recrutement des officiers constitue sans doute un élément important de l'adaptation de l'Arme à l'évolution de ses missions.

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