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Avis n° 95 (2000-2001) de M. Paul MASSON , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 23 novembre 2000

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N° 95

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 23 novembre 2000

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances pour 2001 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME V

DÉFENSE - GENDARMERIE

Par M. Paul MASSON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Jean Bernard, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Xavier Dugoin, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, Louis Le Pensec, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry,
MM. René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Michel Pelchat, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 2585 , 2624 à 2629 et T.A. 570

Sénat : 91 , 92 (annexes n os 43 et 44 ) (2000-2001)

Lois de finances .

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le projet de budget de la gendarmerie pour 2001 permettra de répondre dans une large mesure aux exigences liées au fonctionnement courant des unités. Il constitue de ce point de vue un progrès évident au regard de la dotation, manifestement sous évaluée, attribuée à l'Arme dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2000

Cependant, il assure avant tout un rattrapage des insuffisances constatées par le passé. Il n'est pas sûr, en revanche, qu'il prenne une juste mesure des besoins qui se présenteront dans l'avenir et sans doute dès 2001, qu'il s'agisse de la rénovation devenue indispensable des infrastructures, de la revalorisation des rémunérations ou encore des effectifs nécessaires à l'accomplissement des missions.

C'est pourquoi, après avoir analysé les crédits prévus pour 2001, votre rapporteur évoquera les perspectives de longue durée dans lesquelles l'exercice budgétaire doit nécessairement s'inscrire.

I. LE PROJET DE BUDGET DE LA GENDARMERIE : UNE PRISE EN COMPTE PLUS ÉQUILIBRÉE DES BESOINS DE L'ARME

Le projet de loi de finances pour 2001 prévoit une hausse de 2,6 % des crédits de la gendarmerie dont la dotation passera en effet de 23,17 milliards de francs en 2000 à 23,77 milliards de francs.

Cette évolution se compare favorablement à la progression plus limitée (+ 0,5 %) du projet de budget -hors pension- du ministère de la défense dans son ensemble. Elle constitue le prolongement logique de l'effort particulier décidé en faveur de la gendarmerie à l'issue de la réunion du Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie (CFMG) le 28 février 2000 pour permettre une augmentation des effectifs au-delà des objectifs fixés par la loi de programmation militaire 1997-2002, ainsi que pour renforcer les moyens d'équipement et de fonctionnement. L'enveloppe dévolue à la gendarmerie apparaît ainsi conforme, dans ses grandes lignes, à la priorité affichée par les pouvoirs publics à la sécurité intérieure.

A. L'ÉVOLUTION POSITIVE DES CRÉDITS DU TITRE III

1. Une augmentation des effectifs professionnels

Les rémunérations et charges sociales représentent 81 % des ressources prévues au titre III, et 73,6 % de la dotation totale de la gendarmerie. La progression des crédits (+ 2,3 %) par rapport à l'an passé s'explique principalement par les créations d'emplois et, de manière plus accessoire, par certaines mesures de revalorisation.

Evolution des effectifs 2000-2001

Effectifs pour 2000

Net

Effectifs pour 2001

I - OFFICIERS

A - Officiers de gendarmerie

Général de division

Général de brigade

Colonel

Lieutenant-colonel et chef d'escadron

Capitaine, lieutenant et sous-lieutenant

Total A

B - Corps de soutien

Colonel

Lieutenant-colonel et chef d'escadron

Capitaine, lieutenant et sous-lieutenant

Total B

Total I

8

17

228

1 155

2 089

3 497

2

28

56

86

3 583

14

70

126

210

1

6

6

13

223

8

17

242

1 225

2 215

3 707

3

34

62

99

3 806

II - SOUS-OFFICIERS

A - Sous-officiers de gendarmerie

Aspirant

Major

Adjudant-chef

Adjudant

Maréchal des logis-chef

Gendarme

Total A

B - Corps de soutien

Major

Adjudant-chef

Adjudant

Sergent-chef

Sergent

Total B

Total II

70

1 510

3 468

8 422

8 197

51 916

73 583

72

369

486

648

1 221

2 796

76 379

40

24

44

76

91

- 114

161

12

51

64

67

115

309

470

110

1 534

3 512

8 498

8 288

51 802

73 744

84

420

550

715

1 336

3 105

76 849

III - PERSONNELS DU RANG

C - Appelés :

Sous-lieutenant

Aspirant

Gendarme auxiliaire maréchal des logis

Gendarme auxiliaire brigadier-chef

Gendarme auxiliaire brigadier

Gendarme auxiliaire de 1 ère classe

Gendarme auxiliaire

Total III

12

92

261

468

945

773

4 852

7 403

- 5

- 39

- 108

- 194

- 390

- 319

- 2 846

- 3 901

7

53

153

274

555

454

2 006

3 502

IV - VOLONTAIRES

Aspirant

Maréchal des logis

Brigadier-chef

Brigadier

Volontaire

Total IV

30

170

306

1 123

5 671

7 300

31

112

194

751

2 637

3 725

61

282

500

1 874

8 308

11 025

TOTAUX GENERAUX

Militaires

Civils

94 665

1 858

517

63

95 182

1 921

TOTAL GENERAL

96 523

580

97 103

a) Un coup d'arrêt apporté à la réduction des emplois de sous-officiers

La loi de programmation 1997-2002 avait prévu que la seule progression d'effectifs dont bénéficierait la gendarmerie proviendrait des recrutements des volontaires destinés à remplacer les appelés du service national (16 232 volontaires contre 12 017 appelés). Le nombre de professionnels ne connaîtrait pas, en revanche, de variation et resterait sur la durée de la programmation à son niveau de 1996, soit 81 652. Cette stabilité recouvrerait cependant d'importantes modifications au sein des différentes catégories de personnels : la réduction de 5 777 postes de sous-officiers permettant les créations d'emplois d'officiers (+ 1 255) , de membres du corps de soutien (+ 3 520) et enfin de personnels civils (+ 1 002).

Lors du Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie, le 28 février 2000, le ministre de la défense a fixé un nouveau cap à l'évolution des effectifs : il a, en effet, décidé la création de 1 500 postes de sous-officiers entre 2000 et 2002 , à raison de 500 postes par an. Compte tenu des besoins en personnels professionnels pour les unités les plus chargées, l'inversion de tendance décidée par le gouvernement apparaît opportune.

Le projet de budget porte la marque de ces mouvements opposés ; la prise en compte des décisions gouvernementales fait cependant plus que compenser les effets de l'application de la loi de programmation.

Les mesures d'effectifs prévues au titre de la loi de programmation militaire prévoient :

- la création de 234 emplois d'officiers (66,1 millions de francs) ;

- la création de 564 emplois de sous-officiers du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie (93,6 millions de francs) ;

- la suppression de 889 emplois de sous-officiers de gendarmerie (soit une économie de 176 millions de francs) ;

- la création de 3 752 emplois de volontaires (272,7 millions de francs) en contrepartie de la suppression de 3 057 emplois d'appelés (- 55 millions de francs) ;

- la transformation de 233 emplois de gendarmes (4 millions de francs) en 21 emplois de major, 38 emplois d'adjudant-chef, 87 emplois d'adjudant, 87 emplois de maréchal des logis-chef .

A la suite des décisions gouvernementales de février 2000, le projet de budget prévoit la création de 1 000 emplois de sous-officiers de gendarmerie. En fait, la gendarmerie avait été autorisée à créer 500 postes en 2000. Les crédits inscrits au tire III permettent de régulariser ces créations tout en assurant le financement des 500 autres postes annoncés par le gouvernement pour 2001.

Le quart de ces créations a toutefois été financé sur des crédits qui auraient dû en principe, dans le cadre de la loi de programmation, permettre la création d'emplois d'officiers et de sous-officiers du corps administratif et technique et d'emplois de civils 1 ( * ) . L'effectif professionnel de la gendarmerie n'aura été effectivement accru en 2001 que de 705 personnels professionnels supplémentaires. On peut regretter cet écart par rapport à l'annonce faite lors du Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie.

Outre la création des 1 000 emplois de sous-officiers, il faut également mentionner, parmi les mesures d'effectif non prévues par la loi de programmation, la création de 50 emplois de sous-officiers au titre de l'extension du réseau autoroutier.

. Les réserves

L'augmentation de l'enveloppe destinée aux réserves (avec une mesure nouvelle de 24,2 millions de francs à laquelle il convient d'ajouter 7 millions de francs pour le fonctionnement) traduit l'effort nécessaire pour accompagner la montée en puissance des nouvelles réserves. La gendarmerie devrait compter en effet en 2002 la moitié de l'ensemble des réservistes, soit 50 000 hommes répartis entre : 2 270 officiers, 19 730 sous-officiers et 28 000 militaires du rang. La réserve opérationnelle réunira cependant des effectifs limités à 13 000 : elle se compose des personnes qui auront accepté de souscrire un engagement pour servir dans la réserve. Au 1 er juillet 2000, 6 820 contrats d'engagement pour servir dans la réserve étaient en cours de validité (1 540 officiers, 2 355 sous-officiers et 2 925 militaires du rang). Un effort important doit encore être consenti pour parvenir à l'objectif que la gendarmerie s'est assigné. La dotation budgétaire pour 2001 devrait permettre d'augmenter de 66 % l'activité en portant à 134 000 le nombre de journées de convocation.

b) Les mesures de revalorisation

Le projet de budget permet d'accorder certaines mesures de revalorisation des traitements. Même s'il pourrait être utilement complété, cet effort, d'un coût limité pour l'Etat (26 millions de francs), constitue un signal très utile au moment où les militaires de la gendarmerie sont soumis à une pression croissante.

Les crédits inscrits au titre III autorisent ainsi trois séries de mesures.

- L'attribution de 60 primes supplémentaires de qualification (soit 26 % de la solde) pour les officiers . La prime de qualification bénéficie aux officiers titulaires du brevet du collège interarmées de défense (CID) ou de diplômes universitaires. Le contingent de primes dont disposait la gendarmerie permettait jusqu'à présent de ne gratifier que les brevetés du CID. La mesure prévue cette année permettra d'élargir le bénéfice de cette prime aux officiers titulaires de diplômes universitaires. Elle répond ainsi aux besoins de diversification souhaitable des cursus au sein de la gendarmerie.

- L'attribution de 1 581 primes supplémentaires de qualification (soit 10 % de la solde) pour les sous-officiers . Cette prime est accordée en principe aux sous-officiers totalisant au moins quinze ans de service militaire et détenant un diplôme de qualification supérieure, obtenu en école de gendarmerie après une formation de deux mois. Compte tenu de l'insuffisance des crédits, les ayants droit devraient attendre 7 ans avant de percevoir cette prime. La mesure inscrite dans le budget de 2001 permettra de réduire de moitié ce délai -3 200 primes nouvelles auraient été nécessaires pour le supprimer.

- L'attribution de 5 000 points de nouvelle bonification indiciaire (NBI) " politique de la ville ". A la différence de la prime de qualification, la bonification indiciaire est attachée à l'exercice d'une responsabilité particulière et est intégrée à la retraite. Cette mesure permet d'accorder le bénéfice de la NBI aux militaires servant dans les brigades territoriales concernées par la politique de la ville.

Il paraît indispensable que ces mesures puissent être étendues au cours des prochaines années.

2. Les crédits de fonctionnement : un rattrapage devenu indispensable

Montant et évolution des dépenses de fonctionnement prévues
dans le projet de budget pour 2001

Chapitres articles

LFI 2000

PLF 2001

Evolution en valeur absolue

Evolution en %

Chapitre 34.06 - Article 10

Fonctionnement des formations

1 620,5

1 953,4

+ 332,9

+ 20,5

Chapitre 34.06 - Article 20

Locations immobilières

1 399,3

1 347,0

- 52,3

- 3,7

Chapitre 34.06 - Article 30

Frais généraux du service du génie

9,1

9,1

0

0

Chapitre 34.06 - Article 41

Dépenses centralisées de soutien

119,4

116,4

- 3

- 2,5

Chapitre 34.06 - Article 50

Informatique, bureautique, télématique

41,1

40,1

- 1

- 2,4

Chapitre 34.06 - Article 94

Sous-traitance

7,9

7,4

- 0,5

- 6,3

Chapitre 34.07 - Article 10 (IJAT)

268,7

268,7

0

0

Chapitre 34.07 - Article 20 (transports)

83,9

83,9

0

0

Chapitre 34.10 (alimentation)

242,4

228,1

- 14,3

- 5,9

Total

3 792,3

4 054,1

261,8

+ 6,9

Hors rémunérations et charges sociales, les crédits de fonctionnement s'élèvent à 4,054 milliards de francs, soit une hausse de 6,9 % par rapport à l'an passé. Si elle marque une progression significative au regard de la loi de finances initiale pour 2000, cette dotation apparaît davantage comme une stabilisation de l'enveloppe effectivement allouée en 2000 dans la mesure où les crédits de la gendarmerie ont été abondés en cours d'année d'un montant de 350 millions de francs, à la suite de la session extraordinaire du conseil de la fonction militaire de la gendarmerie du 28 février 2000.

Les crédits de fonctionnement avaient été en effet manifestement sous-évalués dans le projet de budget 2000. Un rattrapage était de toute façon indispensable. Votre rapporteur avait d'ailleurs déploré, dans l'analyse qu'il avait consacrée l'an passé aux crédits de fonctionnement de la gendarmerie, cette pratique largement inspirée par Bercy, qui consiste à inscrire systématiquement une enveloppe inférieure aux besoins, quitte à procéder ensuite aux corrections nécessaires.

De telles méthodes n'affectent pas seulement la pertinence du contrôle parlementaire lors de l'examen budgétaire, elles soumettent également la gestion des unités de la gendarmerie à une improvisation peu conforme à l'exercice des missions de sécurité confiées à l'Arme. Ces considérations ont été entendues et le projet de budget pour 2001, en inscrivant comme il se doit, les crédits conformes aux besoins attestés des unités, constitue un retour à ce qui n'aurait jamais dû cesser d'être la règle.

Les crédits dégagés au cours de l'année 2000 (350 millions de francs) avaient été répartis entre le fonctionnement des formations (consommations téléphoniques -40 millions de francs- ; entretien des véhicules de service -30 millions de francs- ; carburants -60 millions de francs- ; la rénovation et l'entretien de l'environnement immobilier -80 millions de francs-), les fournitures de bureau et matériels consommables informatiques (50 millions de francs), les indemnités de déplacement temporaire (90 millions de francs).

L'effort est reconduit dans le cadre du projet de loi de finances pour 2001 mais il porte principalement sur le fonctionnement des formations au risque de ne pas satisfaire tous les besoins sur d'autres types de dépenses, en particulier les locations immobilières.

a) La priorité accordée au fonctionnement des formations

Les crédits de fonctionnement des unités progressent de 20,5 % par rapport au montant inscrit dans la loi de finances pour 2000, mais seulement de 6,7 % par rapport aux crédits initiaux abondés au cours de l'année. Ils traduisent ainsi une consolidation de l'enveloppe dont la gendarmerie a pu disposer en 2000 et permettent enfin d'attribuer à l'Arme des crédits conformes à ses besoins.

L'augmentation de la dotation de fonctionnement (+ 332,9 millions de francs) résulte de mesures positives pour un montant de 347 millions de francs et de mesures d'économies et de transfert à hauteur de 14 millions de francs.

Au titre des mesures positives il convient de citer :

- moyens nouveaux pour le fonctionnement : 183 millions de francs

- fonctionnement de 1 000 gendarmes supplémentaires : 53 millions de francs

- fonctionnement afférent aux mesures d'effectifs liées à la loi de programmation : 14 millions de francs

- fonctionnement des réserves : 7 millions de francs

- fonctionnement de 50 gendarmes supplémentaires à l'extension du réseau autoroutier : 2 millions de francs

- ajustement carburants : 87,7 millions de francs

Les crédits inscrits sur ce dernier poste pourraient cependant se révéler insuffisants. Le budget 2000 avait établi ses prévisions sur la base d'un cours du baril estimé à 14,60 $ et d'un taux de change d'un dollar à 6 F. Or, sur les cinq premiers mois de l'année 2000, le cours réel moyen du baril s'est établi à 26,28 $ et le cours du dollar à 6,86 F. Le cours prévisionnel du baril pour 2001 s'élève à 20 $ le baril. Cette estimation se trouvera sans doute contredite par la réalité.

Les réductions sont intervenues à deux titres principaux :

- économie sur la TVA : - 13,4 millions de francs

- transfert d'emplois au profit du service de santé des armées : - 0,5 million de francs.

b) L'insuffisance des dotations pour les locations immobilières

Les autres postes liés aux dépenses de fonctionnement enregistrent tous une baisse.

Cette évolution peut s'expliquer pour une part par les économies réalisées au titre de la TVA, soit 9,5 millions de francs, non compris l'article 10 du chapitre 34-06.

Les crédits d'alimentation ont ainsi été diminués, sans justification, de 14,3 millions de francs (- 5,9 %).

La dotation consacrée aux loyers enregistre une baisse de 52 millions de francs (- 3,7 %). Sans doute faut-il prendre en compte les effets de la montée en puissance des personnels des corps techniques et administratifs qui n'ont pas le statut de militaire et ne sont donc pas logés au titre de la nécessité absolue des services. Cependant cette évolution s'est trouvée infléchie cette année avec la création de postes de 1 500 sous-officiers sur trois ans. En outre les arriérés de paiement des loyers représentent un montant considérable. Dans ces conditions, la dotation dévolue aux loyers sera insuffisante et un ajustement devra être apporté dans le cadre de la loi de finances rectificative.

B. LES CRÉDITS D'ÉQUIPEMENT : UN EFFORT ENCORE INSUFFISANT POUR L'IMMOBILIER

Le tire V dans le cadre du projet de budget pour 2001, connaît une évolution contrastée . En effet, si les autorisations de programme progressent de 1 % pour s'élever à 2,231 milliards de francs, les crédits de paiement diminuent de 2,2 % (soit une dotation de 2,228 milliards de francs contre 2,279 milliards de francs en 2000). L'érosion des crédits de paiement ne devrait pas peser à l'excès sur les équipements de la gendarmerie dans la mesure où l'achèvement -prévu cette année- du déploiement du réseau de télécommunications Rubis, seul programme majeur de l'Arme, permet de redéployer les ressources disponibles au profit, en particulier, des matériels indispensables au service quotidien des unités.

En revanche, les moyens dévolus aux infrastructures demeurent encore insuffisants au regard des besoins de rénovation du parc immobilier de la gendarmerie.

1. La priorité accordée aux matériels nécessaires au fonctionnement courant des unités

a) L'achèvement du programme Rubis

Après avoir encore représenté 22 % des crédits du titre V, la part désormais dévolue au programme Rubis ne dépasse pas 3,5 % des dépenses d'équipement dans le projet de loi de finances initiale pour 2001.

En effet, à la fin de cette année l'ensemble des 97 groupements de gendarmerie de la France métropolitaine aura été doté du réseau Rubis. Dans ces conditions, le projet de budget pour 2001 prévoit le paiement du solde du programme Rubis (soit 7,4 millions de francs) et le financement d'opérations complémentaires destinées à améliorer le fonctionnement de ce système de radiocommunication avec :

- le déploiement des premiers relais radio afin d'optimiser la couverture radioélectrique du réseau ;

- l'augmentation de la dotation en terminaux radio des unités ;

- la mise en oeuvre de relais radio mobiles de secours.

Ces évolutions du programme Rubis représentent un coût de 68,6 millions de francs.

Il est donc possible aujourd'hui de dresser un premier bilan de ce programme qui a, pendant une décennie, mobilisé l'essentiel des ressources consacrées à l'équipement de la gendarmerie.

Un audit conduit en 1999-2000 dans le cadre du contrôle des prix de revient des programmes d'armement, a porté une appréciation favorable sur les conditions de mise en oeuvre de Rubis.

Sur le plan financier, le coût total du programme RUBIS s'élève à 2,241 milliards de francs 2 ( * ) . Il est supérieur de 17 millions à l'estimation initiale (soit une augmentation de 0,8 %).

Toutefois, ce coût final est inférieur aux 2,531 milliards de francs annoncés lors de la réévaluation réalisée en 1994 du fait de l'intégration d'équipements portatifs non prévus à l'origine pour des raisons de disponibilité technologique.

Il faut ajouter que l'exportation de matériels communs à Rubis a entraîné le versement à l'Etat de redevances d'études, d'outillage et de contrôle pour un montant de 2,5 millions de francs et permis une diminution du coût du marché de l'ordre de 6 millions de francs.

Le programme Rubis a en effet donné naissance au produit Matracom 9 600 sur la base de la norme Tetrapol. 44 réseaux Tetrapol (dont 14 confidentiels : 4 au Moyen-Orient, 3 en Asie, 1 en Amérique et 6 en Europe) ont été commercialisés de par le monde. La technologie Tetrapol a connu un revers avec le refus de l'instance européenne compétente (l'European telecommunication standard institute -ETSI) d'en v alider la norme en 1999. Le préjudice supporté par Tetrapol par rapport à la norme concurrente Tetra (seule reconnue par l'ETSI) demeure limité sur le marché européen car chaque Etat a désormais l'obligation d'évaluer avec la même impartialité les deux solutions techniques. Il est, en outre, sans effet hors du vieux continent dans la mesure où les Etats-Unis ont élaboré une norme équivalant à la technologie Tetrapol.

Sur le plan du fonctionnement, le bilan de Rubis apparaît également satisfaisant. A la fin de l'année tous les groupements disposeront d'un système opérationnel.

Il faut ajouter que l'interopérabilité de Rubis avec le réseau de communication de la police nationale ACROPOL, basée sur la norme Tetra, a été assurée en Corse. Il reste encore à la conduire à bien sur le continent.

Lors d'un sondage sur le moral mené au printemps 1999, 92 % des personnels concernés par l'emploi du réseau Rubis s'étaient déclarés satisfaits du fonctionnement du réseau.

b) Une remise à niveau des autres équipements de la gendarmerie

La marge de manoeuvre financière dégagée par l'achèvement du programme Rubis bénéficie principalement aux moyens de fonctionnement quotidien des unités. Cette orientation s'inscrit dans le prolongement de l'effort particulier décidé à la suite de la session extraordinaire du Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie du 28 février 2000. Le gouvernement avait en effet décidé alors, outre une augmentation des effectifs et des crédits de fonctionnement, un renforcement des équipements des unités :

- dotation de 1 500 véhicules en sus du plan d'accroissement du parc automobile prévu en 2000 afin d'équiper plus particulièrement les brigades à 6 ne disposant que d'un seul véhicule ;

- l'acquisition de 3 500 ordinateurs supplémentaires afin de doter toutes les unités d'un poste pour deux militaires et l'installation d'un télécopieur dans les unités urbaines classées en zone urbaine sensible ;

- l'augmentation du parc de téléphones portables à raison d'un appareil par unité de 6 gendarmes et deux appareils par unité comportant un effectif supérieur à 6.

. Les moyens de communication

Les crédits prévus dans le cadre du budget 2001 traduisent une attention particulière à l'amélioration des moyens de communication :

- pour les groupements outre-mer , l'achèvement de l'équipement en émetteurs-récepteurs HF et VHF, particulièrement nécessaires dans ces zones souvent très étendues (Polynésie) où les liaisons téléphoniques traditionnelles ne sont pas toujours possibles ;

- pour la gendarmerie mobile et départementale , la mise en place d'émetteurs-récepteurs de transmissions de données HF de deuxième génération ; ces matériels permettront aux escadrons de gendarmerie mobile de communiquer de manière sécurisée avec les unités de gendarmerie mobile et départementale (200 stations seront déployées sur les années 2001-2002 au profit de la gendarmerie mobile et des groupements de gendarmerie départementale ; 400 stations devraient l'être à partir de 2003 au profit des compagnies de gendarmerie départementale) ;

- pour la gendarmerie mobile , l'équipement en postes radio de quatrième génération (VHF kaki) destinés à renouveler les matériels kaki d'ancienne génération (le programme devrait s'étendre de 2001 à 2005 pour un montant de 50 millions de francs) ;

- pour le groupe de surveillance et d'intervention de la gendarmerie nationale (GSIGN) et les groupes d'observation et de surveillance des sections de recherche , le renouvellement des moyens de télécommunications dont ils disposent ;

- pour les détachements de gendarmerie en opérations extérieures qui, souvent dans l'urgence, avaient dû déployer des réseaux de radiocommunication de circonstance non sécurisés et, surtout, non compatibles avec ceux des  armées, la mise en place de nouveaux matériels adaptés à ce type de mission et interopérables avec ceux des forces terrestres présentes. La gendarmerie a décidé de s'appuyer sur le réseau de radiocommunication de l'armée de terre, RENABEC (réseau numérique à base d'équipements civils) et de financer les terminaux nécessaires à ses unités.

Par ailleurs, s'agissant des installations téléphoniques, les crédits du titre V permettent le renouvellement de 400 autocommutateurs de petite capacité et de 25 de grande capacité. En outre, la gendarmerie procédera à l'acquisition de 1 700 télécopieurs en clair.

. L'informatique

Dans ce domaine, la dotation en autorisations de programme est principalement consacrée à l'informatique de gestion avec le renouvellement du système décentralisé GEAUDE (mini-ordinateurs, réseaux locaux et imprimantes).

. Les véhicules

Le parc automobile de la gendarmerie -marqué par son vieillissement- bénéficie d'un effort particulier avec la livraison de 1 600 véhicules de brigade, 140 véhicules de liaison, 30 véhicules utilitaires et 10 véhicules de transport en commun. Ces dotations sont destinées à renouveler les matériels existants.

En outre, le projet de budget prévoit la livraison de 400 motocyclettes destinées principalement à assurer les missions de police de la route.

. Les autres aspects des besoins quotidiens des unités

Le souci de satisfaire les besoins d'équipement liés à l'exercice quotidien des missions des unités, a conduit par ailleurs à consacrer un effort particulier à la sécurité (fourniture de 5 000 gilets pare-balles à port apparent et de 10 000 gilets pare-balles à port discret) ainsi qu'au cadre de travail et de vie (mobilier de bureau et matériel de couchage).

. Les projets d'équipement plus lourds

- Les hélicoptères

Depuis plusieurs années déjà, le renouvellement des douze hélicoptères de sauvetage et d'intervention monoturbine Alouette III de la gendarmerie s'imposait en raison, d'une part, de l'obsolescence de ces équipements et, d'autre part, de la modification de l'évolution des normes européennes qui interdisent l'utilisation d'appareils monoturbine au-dessus des zones urbaines. Au terme d'une procédure de marché négocié, la société Eurocopter s'est vu confier une commande ferme de 8 appareils BK 117 C2 (future appellation EC 145) dont la livraison s'échelonnera sur trois ans :

- 1 appareil en 2001

- 4 appareils en 2002

- 3 appareils en 2003

Le montant total de ces acquisitions s'élèvera à 332 millions de francs.

Par la suite, comme l'a indiqué le directeur général de la Gendarmerie lors de son audition devant votre commission, six autres appareils de ce type seront commandés (entre 2003 et 2008). A partir de 2005, le renouvellement des 30 hélicoptères de surveillance et de liaison sera engagé.

Les financements nécessaires seront prévus dans la future loi de programmation.

- Les véhicules blindés

Le parc des blindés de la gendarmerie n'est plus, depuis plusieurs années, à la mesure des missions de maintien de l'ordre auxquelles il est, en principe, destiné. Il se compose de 155 véhicules blindés à roues de la gendarmerie VBRG (dont 37 en place outre-mer) et de 28 véhicules blindés canon VBC.

Il est devenu indispensable de renouveler ces matériels. La gendarmerie, consciente du risque soulevé par la faiblesse de ce chaînon dans l'éventail des moyens utilisés pour le maintien de l'ordre, a cependant longtemps hésité sur les caractéristiques d'un nouveau type de véhicule dont elle souhaitait qu'il présente une certaine polyvalence.

Depuis le mois d'octobre 1999, l'Arme conduit avec la délégation générale pour l'armement une analyse des caractéristiques auxquelles doit répondre un véhicule blindé dans le cadre du maintien de l'ordre. Ce travail devrait aboutir à l'élaboration d'un cahier des charges fonctionnel à la spécification technique des besoins avant la fin de l'année 2000.

2. Les infrastructures : un besoin de rénovation considérable non satisfait

L'enveloppe allouée aux infrastructures enregistre une légère progression par rapport au budget pour 2000 : les autorisations de programme passent ainsi de 856 millions de francs à 866 millions de francs (+ 1,1 %) et les crédits de paiement, de 817 millions de francs à 838 millions de francs (+ 2,6 %). Cet effort, réel, demeure toutefois encore largement insuffisant au regard des besoins de rénovation et d'accroissement du parc immobilier de la gendarmerie.

Le projet de loi de finances se distingue cependant au titre VI par une augmentation significative de la subvention pour la construction des casernes par les collectivités locales (101 millions de francs en autorisations de programme et 50 millions de francs en crédits de paiement + 11,1 %).

Au 31 décembre 1999, le parc de la gendarmerie se composait de 81 741 logements, dont 13 655 pris à bail hors caserne. Le tiers de ces logements appartient aux collectivités locales représentées à part égale par les départements et par les communes.

Les besoins de renouvellement du parc immobilier peuvent être estimés à 1 500 unités logement 3 ( * ) par an. Or, comme le montrent les tableaux des mises en chantier et des livraisons, les réalisations, faute de moyens budgétaires suffisants, demeurent en deçà de ce niveau.

Mises en chantier

(en nombre d'équivalent unité logement)

année

état

collectivité territoriale et particuliers

total

1996

800

415

1 215

1997

934

470

1 404

1998

880

353

1 233

1999

914

231

1 145

2000

(prévision)

780

280

1 060

La livraison intervient dans un délai moyen de dix-huit mois à deux ans selon la taille de l'opération.


Année


Etat

Collectivité territoriale et particuliers


Total

1996

973

310

1 283

1997

838

338

1 176

1998

871

454*

1 325*

1999

911

243

1 154

2000

(prévision)

901

300

1201

*+ 121 logements à Lure.

a) Les opérations de l'Etat : des moyens insuffisants

La dotation budgétaire de 2001 devrait permettre la livraison de 750 équivalents unité logement et la commande de 787 équivalents unité logement (contre 925 l'an passé).

Les principales opérations susceptibles d'être lancées en 2001 sont les suivantes :

Grandes opérations à financer en 2001 sous réserve qu'aucune mesure d'ajustement budgétaire n'intervienne avant le vote du budget

(en millions de francs)

Mende (Lozère) Construction d'une caserne GD (2 e tranche)

73,4

Digne les Bains (Alpes de Haute Provence) Construction d'une caserne GM (2 e tranche)

60

Maisons-Alfort (Val de Marne) Réhabilitation de caserne (parkings et mess)

45

Pamandzi (Mayotte) Construction d'une caserne (1 ère tranche)

32

Pithiviers (Loiret) Reconstruction de la caserne GD et GM (1 ère et 2 e tranches)

62

Istres (Bouches du Rhône) Extension et restructuration de la caserne GD

37,45

Ecoles (Auch, Tulle, Melun...) Restructuration extension

175

Rennes (Ille et Vilaine) Construction d'un bâtiment administratif

35

Marseille (Bouches du Rhône) Construction de logements et d'un ensemble alimentation loisirs et bâtiment d'hébergement (1 ère tranche)

80

Beauvais (Oise) Extension et réhabilitation de la caserne (1 ère tranche)

42

b) L'aide des collectivités territoriales encouragée par le redressement des subventions de l'Etat

Confronté à un cadre budgétaire contraint, l'Etat tend à se reposer sur les collectivités territoriales pour prendre en charge une partie du coût de réalisation des infrastructures. La mise en place d'un cadre incitatif est cependant apparue indispensable. Les bases en ont été posées par le décret n° 94-1158 du 27 décembre 1994 : octroi d'une subvention de l'Etat fixée à 18 % du coût plafond des unités logement ou à 20 % pour les communes de moins de 10 000 habitants qui ne bénéficient pas du concours financier d'une ou de plusieurs collectivités. Une circulaire du 10 janvier 1995 a, certes, assujetti les travaux de construction de gendarmeries à la TVA mais en compensant cette nouvelle charge par un relèvement du montant des coûts plafonds de la construction. L'effet incitatif s'est traduit par une augmentation des dossiers proposés par les collectivités territoriales, dans le cadre de la phase préalable, à l'agrément de la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN).

Cependant les moyens financiers consentis par l'Etat n'ont pas été à la mesure du dispositif ainsi mis en place . Aux termes de la loi de programmation, les subventions d'investissement accordées aux collectivités territoriales demeurent en effet limitées à une moyenne de 40 millions de francs par an alors que le double de ce montant serait sans doute nécessaire pour satisfaire les besoins. Dès lors, le nombre de dossiers en attente d'une décision d'agrément de la DGGN représentent quelque 1 500 unités logement.

Votre rapporteur a, à plusieurs reprises, attiré l'attention des pouvoirs publics sur cette situation peu cohérente avec la volonté affichée du gouvernement d'impliquer davantage les collectivités dans le financement des infrastructures. Le ministre de la défense a pris en compte ces préoccupations en décidant le 31 mars 2000, d'abonder le titre VI de 50 millions de francs pour l'année. Des programmes supplémentaires ont ainsi été agréés (350 unités logement environ). L'effort est prolongé dans le projet de loi de finances pour 2001. Si le titre VI a désormais des moyens nécessaires pour assurer la réalisation des projets les plus urgents (financement de quelque 680 équivalents unités logement), il ne permettra cependant pas de ne concrétiser qu'une partie des projets présentés par les collectivités.

Par ailleurs, la nouvelle attention accordée par l'Etat à la participation des collectivités territoriales devrait également se traduire par un assouplissement de la réglementation . Ainsi la circulaire du 28 janvier 1993 relative aux conditions de prise à bail par l'Etat des casernes édifiées au profit de la gendarmerie, pourrait être révisée afin que soient supprimées les dispositions limitant ainsi à 40 unités logement la capacité des casernements ainsi réalisée.

II. L'ADAPTATION INDISPENSABLE DE L'ORGANISATION ET DES MOYENS DE LA GENDARMERIE DANS UN ENVIRONNEMENT EN PROFONDE TRANSFORMATION

A. L'ACCROISSEMENT DES CHARGES

Les statistiques d'activité de la gendarmerie (102 000 000 d'heures, dont plus de 13 % consacrés aux activités de nuit) ne doivent pas dissimuler sous l'apparence d'une relative stabilité, les profondes mutations auxquelles l'Arme se trouve confrontée dans l'exercice de ses missions depuis au moins une décennie.

La gendarmerie ne pouvait évidemment rester étrangère aux grandes transformations de la société française : urbanisation, augmentation de la population dans certaines zones autrefois consacrées aux seules activités agricoles ou, au contraire, désertification de territoires entiers. Si le cadre d'action de la gendarmerie s'est modifié, l'échelle de ses interventions s'est également élargie et doit prendre en compte de plus en plus la dimension internationale.

C'est pourquoi votre rapporteur a choisi de présenter cette année un premier bilan des actions entreprises par la gendarmerie pour s'adapter à l'évolution de ses missions de sécurité intérieure.

Par ailleurs, la pérennisation de certaines opérations extérieures, dont l'intervention au Kosovo constitue l'illustration éloquente, a mis en relief les besoins liés à la gestion civile des crises. Le Conseil européen de Feira en juin 2000 a ainsi décidé la création d'une force de police internationale. Aussi est-il également apparu opportun d'évoquer dans le présent rapport la façon dont la gendarmerie se trouvera impliquée dans ce nouveau type d'actions.

1. Les nouveaux besoins liés aux évolutions démographiques

L'implication croissante de la gendarmerie dans la sécurité des zones périurbaines s'est principalement traduite par un renforcement des moyens existants et la mise en oeuvre d'un nouveau mode d'intervention des escadrons de gendarmerie mobile désormais " fidélisés " pour certains d'entre eux sur un territoire donné.

a) Le renforcement des moyens consacrés à la sécurité des zones périurbaines

. L'augmentation des effectifs

Le Conseil de sécurité intérieure du 27 janvier 1999 avait décidé l'affectation de 7 000 policiers et gendarmes supplémentaires sur trois années dans les 26 départements les plus touchés par la délinquance et la criminalité. Pour la gendarmerie, cette mesure se traduit par le redéploiement chaque année, entre 1999 et 2001, de 700 militaires expérimentés vers les brigades concernées.

Pour mettre en oeuvre la décision du CSI, la gendarmerie a établi en 1999 un classement des unités périurbaines selon des critères fondés sur les fragilités potentielles, les violences urbaines et la criminalité sur voie publique. Une liste de 184 unités prioritaires et de 809 unités difficiles a ainsi été définie.

Les unités en zone périurbaine représentent 26 % des brigades territoriales de la gendarmerie, 39 % des effectifs de l'Arme et 51 % des crimes et délits constatés .

Le renforcement des effectifs des brigades des zones périurbaines s'inscrit dans un double objectif exprimé en termes de ratio d'un gendarme pour 800 habitants pour les 184 premières brigades et d'un gendarme pour 900 habitants pour les 809 autres.

En 1999, 788 gendarmes ont été redéployés. En 2000, 667 l'ont déjà été.

Parallèlement à l'augmentation des effectifs, la signature de contrats locaux de sécurité -30 % d'entre eux concernent la zone de gendarmerie- permet de favoriser, à l'échelle de la commune, une meilleure coordination des acteurs intéressés par la sécurité. Il est encore trop tôt cependant pour dresser un premier bilan de cette expérience.

. La création d'unités spécialisées

- Les brigades de prévention de délinquance juvénile (BPDJ)

39 brigades de ce type ont été créées entre le 1 er septembre 1997 et le 1 er septembre 1999. Ces unités, subordonnées aux commandants de groupement de gendarmerie départementale, interviennent principalement dans les zones périurbaines. La brigade comprend 6 militaires : 1 adjudant, 1 maréchal des logis-chef et 4 gendarmes comprenant au moins un formateur relais antidrogue et une femme. Ces personnels sont tous volontaires et rigoureusement sélectionnés.

Les BPDJ ont une vocation préventive fondée sur un contact régulier avec les jeunes et le partenariat avec d'autres secteurs institutionnels. Elles sont toutefois de plus en plus sollicitées pour exercer des activités de police judiciaire. En effet, elles répondent à un besoin spécifique pour lequel les structures traditionnelles ne sont pas toujours les mieux adaptées.

A ce jour, quatre brigades comptent dans leurs rangs des officiers de police judiciaire habilités à l'exercice des attributions liées à cette qualité. Dans ces unités les activités de police judiciaire -qui occupent entre 60 à 80 % du temps de travail- tendent à supplanter les missions de prévention. L'expérience pourrait ainsi conduire à modifier le décret du 9 mai 1995 relatif aux catégories de services afin de généraliser les habilitations des OPJ servant au sein d'une BPDJ. En tout état de cause un équilibre devra être préservé entre les activités de prévention et celles consacrées à la police judiciaire.

La direction générale de la gendarmerie a décidé que les créations d'unités interviendraient désormais en fonction des propositions faites par les échelons territoriaux de commandement. C'est sur la base d'une initiative déconcentrée que sera ainsi mise en place avant la fin de l'année 2000 une quarantième BPDJ à Châteaudun (Eure et Loir).

- Les pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG)

Implantés depuis 1995 dans les zones sensibles sur le plan de la délinquance juvénile et rattachés à une compagnie de gendarmerie départementale, les PSIG assurent une double mission :

. renforcer rapidement et à tout moment les brigades affectées sur les lieux d'un crime ou d'un délit, ou de tout autre événement troublant l'ordre public ;

. exercer, hors le temps de ces interventions, des missions de surveillance générale de jour et de nuit, en complément des services effectués par les brigades territoriales.

La gendarmerie compte aujourd'hui 301 PSIG (dont 9 implantés outre-mer). 60 de ces unités ont été mises en place au 1 er juillet 2000 grâce à une partie des effectifs supplémentaires dont la gendarmerie a bénéficié à la suite de la session extraordinaire du CFMG du 28 février dernier. 40 nouveaux PSIG pourraient être créés en 2001 dans le cadre du renforcement des effectifs.

b) Un premier bilan de la fidélisation des escadrons de gendarmerie mobile

Le Conseil de sécurité intérieure du 19 avril 1999 a décidé de réorienter l'action d'une partie des forces mobiles (escadrons de gendarmerie mobile (EGM), compagnies républicaines de sécurité) au profit des zones urbaines et périurbaines les plus sensibles.

Les missions dévolues à ces unités ne relèvent pas du maintien de l'ordre traditionnel mais de la sécurisation. Cet objectif commande la durée de l'engagement, fixée à 6 mois.

Les deux tiers des unités devront être concentrées dans les zones fortement urbanisées de la police nationale et un autre tiers dans les zones périurbaines de la compétence de la gendarmerie nationale.

En 1999, 6 escadrons ont été engagés dans les départements de la Gironde, de l'Isère, de Loire-Atlantique, de l'Oise, du Pas-de-Calais et du Bas-Rhin. En 2000, 3 escadrons l'ont été en Seine-et-Marne, dans les Yvelines et dans le Val d'Oise. Enfin, en 2001 le dispositif sera complété par 3 escadrons en Eure-et-Loir, dans l'Hérault et dans le Var.

La fidélisation d'unités en principe vouées à la mobilité, l'emploi d'escadrons de gendarmerie mobile dans des zones de police nationale : ces innovations comportaient plusieurs inconnues. C'est pourquoi les conditions d'emploi des unités fidélisées ont été précisées par deux instructions du 21 septembre 1999 et du 13 mars 2000 signées conjointement par le ministre de l'Intérieur et le ministre de la défense. Ces textes fixent le cadre des missions dévolues aux forces mobiles ainsi que l'organisation de leur action.

. Les missions

Les escadrons ne sont placés ni sous réquisition, ni sous le régime de la demande de concours. Ils agissent sur ordre du ministère de la défense pour assurer, dans les zones sensibles fortement urbanisées, des missions de deux types : la surveillance générale et la prévention des troubles à l'ordre public ; les services d'ordre ou d'intervention ponctuelle de sécurité publique.

Les unités peuvent cependant être employées au-delà des missions de sécurisation dans certaines conditions :

- les unités fidélisées peuvent être employées à titre exceptionnel pour des opérations de maintien de l'ordre sous réserve que l'EGM concerné puisse disposer du préavis nécessaire à sa mise sur pied en unité constituée ; le préavis ne s'impose cependant pas " en cas d'événement imprévu d'ampleur limitée causant des troubles à l'ordre public et nécessitant réellement une intervention urgente " : l'EGM pourra alors " intervenir à la demande du préfet sur l'ensemble de la circonscription de sécurité publique concernée par ce trouble ". Toutefois, dans ce cas, le volume minimal engagé ne pourrait être inférieur au peloton ;

- l'EGM peut, en outre, à titre exceptionnel, être utilisé ponctuellement en soutien pour assurer les tâches et servitudes liées au fonctionnement de la justice ainsi qu'à la police des étrangers. Cet emploi est soumis à l'autorisation préalable du commandant de circonscription de gendarmerie et fait l'objet d'un compte rendu systématique à la direction générale de la gendarmerie nationale.

Par ailleurs, il faut signaler deux autres garanties :

- les services nocturnes ne doivent pas être systématiques et, sauf événements graves, ils ne sauraient excéder la première partie de nuit ;

- à l'exception des situations d'urgence, toute mission de garde statique est exclue.

. L'organisation

Par ailleurs l'escadron est employé en formation constituée (escadron, peloton ou groupe) et non sous la forme de mise à disposition individuelle de personnels. Il reste sous le commandement de son chef organique. En outre, sous réserve de circonstances exceptionnelles, la mixité des patrouilles avec les personnels de la police nationale est exclue.

Enfin, sur le plan logistique, il convient de relever que le souci de favoriser la capacité opérationnelle des EGM a conduit à privilégier la mise à disposition d'un cantonnement dans l'agglomération ou à proximité, afin de réduire les délais de route.

Si l'emploi des EGM a ainsi été entouré de garanties certaines, l'expérience d'une année de " fidélisation " fait cependant apparaître un bilan contrasté.

La présence des forces de gendarmerie contribue certainement à l'action de prévention, même s'il est naturellement difficile d'en mesurer les effets. Elle est en tout cas très appréciée par la population et les élus.

Cependant, trois risques n'ont pas été complètement écartés. En premier lieu l'objectif retenu pour la répartition des forces mobiles -2/3 en zone de police nationale, 1/3 en zone de gendarmerie nationale- ne tient pas toujours compte des réalités de la délinquance. La sécurisation d'une zone donnée peut entraîner un déplacement de la délinquance dans le proche périmètre. Ainsi, dans le Rhône où une compagnie républicaine de sécurité avait été fidélisée en zone de police nationale, il a été nécessaire de renforcer en juin le groupement de gendarmerie par un escadron à la suite de la dégradation de la situation de la sécurité en zone de gendarmerie nationale. Dans le département de l'Oise, le préfet a souhaité conserver la répartition à part égale des unités dans chacune des deux zones.

Ensuite, certaines dérives sont apparues dans les conditions d'emploi. Les EGM ont parfois été contraints d'assumer des missions (gardes statiques, escortes, services d'ordre) auparavant dévolues aux compagnies départementales d'intervention qui sont progressivement dissoutes dans le cadre de la réorganisation des unités de police nationale. Or, sauf à revoir complètement la répartition des compétences entre les deux forces de police telle qu'elle a été fixée par la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité de 1995, la gendarmerie n'a pas vocation à suppléer la police nationale dans les zones qui relèvent de ses attributions.

Enfin, les escadrons fidélisés ont connu une activité très soutenue . Le service de nuit a pu être encadré plus rigoureusement par l'instruction défense/intérieur du 13 mars 2000. Cependant, l'intégralité du repos et des permissions n'a pu être accordée. De même, ces conditions d'emploi pèsent sur le temps consacré à la formation, indispensable pourtant pour préserver la capacité opérationnelle des unités en particulier dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre.

D'une manière générale, il faut ainsi souligner que si chaque escadron doit, en principe, bénéficier de quatre semaines de neutralisation pour la formation à la résidence ou en camp, 42 escadrons de marche sur 142, ont eu cette faculté sur l'année d'instruction 1999-2000.

Pour votre rapporteur, il serait sans doute opportun, à la lumière de l'expérience acquise, de ramener de 6 à 4 mois la durée de mission des unités fidélisées . Cette modification permettrait en effet de mieux répartir la charge sur l'ensemble des unités, éviter l'usure du personnel et, enfin, réduire les risques de perte de capacité opérationnelle au maintien de l'ordre.

2. Le poids croissant de la présence extérieure

Au 1 er août 2000, la gendarmerie compte 111 officiers et 952 sous-officiers en service à l'étranger.

en ambassade

319

renfort sécurité au profit des représentations diplomatiques françaises

151

en coopération militaire technique

81

en détachement d'assistance militaire temporaire

9

en mission de l'ONU (dont FINUL au Liban : 5)

91

en mission OTAN

194

en mission UEO (Albanie)

18

en organisation de l'Union européenne

10

en organisations internationales (SHAPE, JIATFE et DOMP)

3

détachement prévôtal d'Allemagne

30

en prévôté (permanente : 45, de circonstance hors ONU : 4)

49

en école de sous-officiers en Italie, Espagne et Portugal (FIEP)

3

en stage à l'étranger

5

Ces chiffres permettent de prendre la mesure de la part croissante des activités internationales au sein des missions de la gendarmerie.

Cette présence hors des frontières apparaît, certes, une chance pour le rayonnement de l'Arme et le modèle français de sécurité dans le monde, mais elle demeure aussi une source indéniable de contrainte à l'heure où l'augmentation des effectifs suffit à peine à satisfaire aux besoins de la sécurité intérieure.

Or cette charge qui s'est aggravée à la suite de la multiplication des opérations extérieures pourrait peser d'un poids plus lourd encore dans la perspective de la mise en place d'une force de police internationale dont le principe a été arrêté par le Conseil européen de Feira, au Portugal, en juin dernier.

a) La mobilisation accrue de la gendarmerie dans le cadre des opérations de maintien de la paix

La présence de la gendarmerie aux opérations de maintien de la paix repose traditionnellement sur trois composantes :

- les prévôts attachés aux bataillons français et chargés de faire respecter les lois et règlements français au sein de ces unités ;

- les membres de la police militaire internationale (UNMP) intégrés dans les équipes internationales, responsables du respect des règlements des Nations unies au sein de l'ensemble des forces ;

- les contrôleurs de police (CIVPOL) chargés de veiller au respect des droits de l'homme par les polices locales -en particulier en matière d'incarcération- et, le cas échéant, de missions de formation auprès de ces polices.

Ce dispositif peut être complété, comme c'est le cas au Kosovo et en Bosnie, par des formations mobiles de type classique, chargées d'assurer la sécurité intérieure.

Aujourd'hui les opérations extérieures mobilisent 400 militaires (32 officiers et 368 sous-officiers) dont la quasi-totalité est affectée dans les Balkans.

- en Bosnie :

. le groupe international de police -ONU- (6 officiers, 101 sous- officiers)

. la stabilisation force (SFOR) -OTAN- (7 officiers, 44 sous- officiers)

- au Kosovo :

. la KFOR (Kosovar force) -OTAN- (12 officiers, 125 sous- officiers)

. CIVPOL - MINUK- (2 officiers, 75 sous-officiers)

- en Albanie : élément multinational de Conseil en matière de police -UEO- (4 officiers, 14 sous-officiers)

- au Liban : FINUL (5 sous-officiers)

- en République Centrafricaine : CIVPOL - ONU (1 officier)

- au Tchad : prévôté (4 sous-officiers)

Le déploiement le plus important concerne le Kosovo . Il s'inscrit dans le double cadre des interventions de l'OTAN et de l'ONU.

Au titre de l'OTAN, le détachement gendarmerie de la brigade Leclerc assume les missions de maintien de l'ordre. Il comprend 12 officiers et 125 sous-officiers regroupés principalement au sein d'un détachement de manoeuvre comprenant trois composantes :

. un escadron de gendarmerie mobile chargé d'assurer prioritairement les missions de maintien de l'ordre au profit de la brigade Leclerc mais aussi d'autres activités telles que recherche de renseignements, sécurisation, îlotages, contrôles routiers et escortes de convois (avec les VBRG) ;

. un peloton de gendarmerie de surveillance et d'investigations (PGSI) destiné à travailler dans l'ensemble de la zone confiée à la brigade française (renseignements, prévôté et enquêtes).

. 12 sous-officiers intégrés dans les brigades prévôtales adaptées aux unités de l'armée de terre déployées au Kosovo et en Macédoine.

Sous l'égide des Nations unies, la gendarmerie assure également une mission de police civile sur la base de la résolution 1244. L'effectif, fort de 77 officiers et sous-officiers déployés dans la région de Mitrovica, a d'abord vocation à veiller à la sécurité intérieure dans l'attente du déploiement des premiers policiers kosovars. A terme, ils assurent les missions de police civile internationale (contrôles, formation et conseils des polices locales).

b) La mise en place d'une force de police internationale

Le champ d'action de la gendarmerie dans le cadre des opérations extérieures s'est donc élargi bien au-delà des activités classiques de prévôté . Cette évolution ne doit pas surprendre : en effet, la pérennisation des opérations de maintien de la paix fait apparaître de nouveaux besoins moins liés à l'arrêt des combats qu'à la mise en place progressive d'un ordre civil. Les forces armées ne sont pas toujours les plus adaptées pour répondre à un besoin qui sort de leur champ classique d'attributions.

La gendarmerie, dont c'est au contraire la vocation, est ainsi de plus en plus sollicitée.

Le chef d'état-major des armées a ainsi relevé devant la commission de la défense de l'Assemblée nationale que " pour maintenir l'ordre dans la zone Mitrovica, seul s'est avéré efficace un escadron de gendarmerie mobile disposant, en cas de besoin, de l'appui d'une unité de l'armée de terre instruite par la gendarmerie ".

Par ailleurs, à l'échelle du Kosovo, les effectifs des policiers internationaux demeurent très insuffisants compte tenu de la lenteur du déploiement des unités spécialisées prévues dans le cadre du mandat de l'ONU.

C'est pourquoi l'utilité d'une force de police internationale, plus rapidement mobilisable, s'est progressivement imposée. Le Conseil européen de Feira a ainsi décidé la mise en place d'une force de police professionnelle de 5 000 hommes dont 1 000 seraient projetables dans un délai de trente jours.

La gendarmerie étudie actuellement son niveau de participation dans le cadre d'une contribution française de l'ordre d'un cinquième de la composante de déploiement rapide (1 000) et de près du dixième du contingent complémentaire (4 000). Sur ces bases, la gendarmerie pourrait tenir à disposition :

- 200 gendarmes au titre du déploiement rapide (la contrainte de disponibilité immédiate conduit à privilégier à ce stade l'emploi de forces de police à statut militaire)

- 200 gendarmes environ au titre du deuxième temps de la mise en place de la force (le complément, soit quelque 200 personnes, étant fourni par la police nationale).

La concrétisation du Sommet de Feira rendra alors nécessaire une nouvelle augmentation d'effectifs.

B. LES CONDITIONS D'UNE ADAPTATION PARFOIS DIFFICILE

1. L'état d'esprit des personnels : un malaise certain

Depuis plusieurs années déjà, la gendarmerie paraît traverser une crise de confiance. Ce constat s'est trouvé corroboré par les rapports sur l'état d'esprit des personnels, réalisés au mois de mai 2000. Les indications contenues dans cette évaluation conduite trois mois après la réunion du CFMG de février 2000 qui avait pourtant entendu répondre à certaines préoccupations, traduisent, principalement au sein des sous-officiers de gendarmerie servant dans les unités de terrain, un large sentiment d'inquiétude, voire de pessimisme.

Cette situation résulte de la conjonction de plusieurs facteurs. S'il ne faut pas sous-estimer le retentissement des " affaires corses ", la dégradation de la confiance trouve naturellement son origine dans des causes plus profondes. En premier lieu, l'Arme a connu, dans un délai rapproché, une succession de réformes dont la conjonction a fini par créer un certain climat d'instabilité : intégration des gendarmes adjoints, constitution d'un corps militaire de soutien, application plus rigoureuse des règles de mobilité, réorganisations diverses. Parallèlement, la charge de travail s'est indéniablement accrue.

La gendarmerie, on l'a vu, est de plus en plus sollicitée, notamment pour assurer la sécurité dans les zones périurbaines. Or la loi de programmation 1997-2002 n'a pas prévu une augmentation des effectifs professionnels. La seule ressource supplémentaire dont disposera la gendarmerie lui sera procurée par les gendarmes adjoints dont le nombre (16 200), à l'échéance de la loi de programmation, dépassera celui des gendarmes adjoints (12 000) auxquels ils sont appelés à se substituer à la suite de la suppression du service national.

Dans ces conditions, on ne doit pas s'étonner que le nombre d'heures de travail journalier moyen par gendarme départemental soit ainsi passé de 9 h en 1994 à 9 h 20 en 1999. De même le nombre de jours pendant lesquels les unités de gendarmerie mobile ont été déplacées s'élevait à 193 en 1994 et 204 en 1999.

Cette situation, à rebours des évolutions que connaît la société civile dans laquelle la gendarmerie se trouve immergée, apparaît sans aucun doute comme une des clefs du malaise actuel.

Si les réformes, en particulier l'intégration des gendarmes adjoints, peuvent être progressivement assimilées par l'institution, les sujétions liées à la charge de travail n'ont pu, jusqu'à présent, recevoir que des compensations seulement partielles.

a) L'intégration progressive des gendarmes adjoints

Les gendarmes adjoints sont destinés à remplacer progressivement les appelés du service national. Recrutés pour une durée d'un an dans le cadre de contrats renouvelables quatre fois, ils bénéficient ensuite d'une formation de 16 semaines dont 10 en école.

La mise en place de cette réforme a soulevé deux inquiétudes principales : la première porte sur la capacité de la gendarmerie à susciter, dans le contexte nouveau du volontariat, un nombre de candidatures suffisant, la seconde présente un caractère plus qualitatif et concerne le niveau de formation des personnel ainsi recrutés.

. Les aspects quantitatifs : un volet de candidature satisfaisant

Depuis le 1 er août 1998, date de l'ouverture du recrutement des gendarmes adjoints, la Gendarmerie compte à ce jour (fin octobre 2000) 7 675 volontaires affectés (soit un nombre légèrement supérieur de postes budgétaires ouverts -7 300- compte tenu des marges de manoeuvre dont la gendarmerie peut disposer en gestion). En outre, 898 gendarmes adjoints sont en cours de formation.

Sur les 11 519 candidats qui se sont présentés en 2000, 4 495 ont signé le contrat d'engagement comme gendarme adjoint.

Ce taux de sélection de l'ordre d'1 sur 2,5 peut être jugé satisfaisant. Ce résultat, qui n'était pas acquis, est le fruit de l'effort poursuivi par la gendarmerie dans une double direction.

En premier lieu les conditions matérielles de l'emploi de gendarme adjoint ont été rendues plus attractives. Si la rémunération de base (4 800 F nets) reste inférieure à celles accordées aux adjoints de sécurité (police nationale) et aux agents locaux de médiation (collectivités territoriales principalement), les gendarmes adjoints sont nourris, logés et habillés. La seule garantie de l'hébergement -et non du logement- pour le militaire professionnel peut, certes, constituer une contrainte. Cependant, les nouvelles opérations de construction et de réhabilitation de casernes prévoient désormais la réalisation d'un module d'hébergement individuel (une chambre et une salle d'eau privative représentant une surface de 14m²). Quant aux gendarmes adjoints mariés ou charges de famille, ils peuvent bénéficier de l'indemnité pour charges militaires et des aides de droit commun en matière de logement .

Les perspectives d'intégration des gendarmes adjoints dans les cadres professionnels de la gendarmerie apparaissent comme un autre élément important pour encourager le volontariat. De son côté, l'Arme a sans doute tout intérêt à tirer parti de l'expérience acquise par les intéressés. C'est pourquoi, si les volontaires désireux de devenir sous-officiers de gendarmerie doivent naturellement satisfaire aux épreuves de sélection habituelles, il est apparu souhaitable de prendre en compte, parmi les critères de recrutement, la manière de servir et les appréciations portées par les échelons de commandement.

Ceux qui n'auront pas été retenus en qualité de sous-officiers ou qui souhaitent choisir une autre orientation professionnelle pourront, pour leur part, bénéficier des congés de reconversion dès lors qu'ils auront accompli quatre ans de service conformément aux dispositions de la loi du 19 décembre 1996 relative aux mesures d'accompagnement en faveur des militaires.

S'il existe une préoccupation de nature quantitative, elle porte moins cette année sur le nombre de candidats que sur la décrue plus sensible que prévu du nombre des appelés ainsi que de la réduction des créations de postes de volontaire par rapport aux objectifs prévisionnels fixés chaque année pour atteindre à l'échéance de la loi de programmation, l'effectif de 16 232 gendarmes adjoints. Ainsi, le nombre de postes budgétaires en 2001 s'élèvera à 11 025 (contre 12 174 dans le cadre d'une montée en puissance régulière des gendarmes adjoints). Dès lors, le projet de budget pour 2002 devra prévoir la création beaucoup plus importante -5 200 postes- que les années passées, pour atteindre l'effectif de la loi de programmation. Cet objectif apparaît ambitieux au regard des normes habituelles permises par le ministère de l'économie et des finances.

. Les aspects qualitatifs

Le niveau initial des gendarmes adjoints apparaît nettement inférieur à celui des gendarmes auxiliaires puisque la moitié d'entre eux n'ont pas le baccalauréat (25 % des gendarmes auxiliaires seulement, se trouvent dans ce cas).

Niveau scolaire comparé des gendarmes adjoints et auxiliaires

Gendarmes auxiliaires

1999

Gendarmes adjoints

(depuis le recrutement)

niveau inférieur baccalauréat

25,5

47,10

titulaire baccalauréat

52,2

49,20

niveau supérieur baccalauréat

23,2

3,70

Ce constat a conduit la direction générale de la gendarmerie nationale à décider d'allonger la période de formation initiale des gendarmes adjoints de deux semaines supplémentaires à compter du 1 er septembre 2000. En outre, dès que la capacité des écoles de formation le permettra, les gendarmes auxiliaires qui renouvelleront leur contrat après dix mois de service en unité, bénéficieront d'une formation complémentaire de quatre semaines .

Les gendarmes adjoints sont affectés en priorité dans les emplois pourvus précédemment par les affectés du service national. Certains d'entre eux sont également intégrés au sein de la gendarmerie mobile qui jusqu'à présent ne comptait aucun gendarme auxiliaire.

A ce jour, la moitié des brigades à effectif de six -les brigades des zones rurales- compte dans leurs rangs un gendarme adjoint. Il conviendra de veiller à une composition équilibrée des brigades afin de permettre une bonne intégration des gendarmes adjoints.

Le renforcement de la formation des gendarmes adjoints constitue un progrès indéniable. Il ne lève pas cependant toutes les incertitudes sur la qualité de cette ressource nouvelle.

C'est pourquoi les besoins en effectifs de la gendarmerie devront être satisfaits à l'avenir par le renforcement des personnels professionnels .

b) La délicate recherche de compensation pour la charge de travail

L'accroissement de la charge de travail constitue un sujet de préoccupation majeur pour les personnels de la gendarmerie et la principale motivation de la session extraordinaire du CFMG du 28 février 2000.

On le sait, depuis cinq ans, même si la situation peut beaucoup varier d'une brigade à l'autre, le nombre d'heures travaillées tend à augmenter en moyenne. D'après une étude sur le temps d'activité des militaires, réalisée par l'observatoire social de la défense, la moitié des gendarmes départementaux accomplissent entre 9 et 10 h de travail effectif par jour, hors permanences et astreintes à domicile.

Dès lors, malgré les efforts déjà entrepris par la gendarmerie (mise en oeuvre de renforts permanents -avec les PSIG- ou saisonniers -renforcement de certaines brigades pendant les périodes estivales ou hivernales), le principe -réaffirmé par la circulaire ministérielle du 8 février 1994- de cinq quartiers libres par quinzaine, apparaissait de fait difficilement applicable.

Le CFMG du 28 février 2000 a tenté de corriger ces tendances en adoptant une série d'aménagements à l'organisation de la gendarmerie départementale. Il a été ainsi décidé en premier lieu que les plages horaires d'accueil du public dans les brigades ainsi que les conditions du transfert des appels vers les centres opérationnels de la gendarmerie (COG) seraient désormais déterminées en fonction des spécificités locales.

Ces mesures conjuguées avec une modification des astreintes des personnels, devraient permettre un certain assouplissement des contraintes pesant sur les personnels. Le dispositif, doit-on le rappeler, a été complété grâce à l'augmentation des effectifs décidée par le CFMG , par la création de nouveaux pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG) -60 en 2000- et le renforcement des COG par 130 gendarmes. La création de PSIG dans les compagnies qui, jusqu'à présent n'en disposaient pas, permettra aux brigades à faible effectif de bénéficier réellement de l'allégement des astreintes.

Pour la gendarmerie mobile, plusieurs mesures ont également été adoptées : assurance de 8 heures de repos lorsque le militaire est effectivement libéré de toute servitude, attribution de l'intégralité du droit au repos acquis à l'issue de la mission. En outre, les déplacements outre-mer et en Corse ouvriront droit, pour la fraction du séjour excédant 4 semaines, à une majoration du repos hebdomadaire, afin d'assurer un repos de 24 h sur place et de 36 h à la résidence, par semaine supplémentaire. Enfin, compte tenu de l'augmentation régulière du nombre de jours de déplacement pour les escadrons, le ministre de la défense a souhaité l'organisation d'un audit relatif aux gardes statiques et, de manière plus générale, un examen de la situation de la gendarmerie mobile dans son ensemble. Ces dernières études, d'après les informations communiquées à votre rapporteur, ont d'ailleurs conclu à une situation de tension excessive.

Une commission du suivi des mesures annoncées le 28 février 2000 sous la présidence du général Lepetit, a constaté qu'une part importante de ces mesures avaient d'ores et déjà été mises en oeuvre.

Ces aménagements semblent toutefois avoir été jugés avec une certaine circonspection par les personnels car ils ne répondent pas à l'une de leurs principales revendications : la compensation de la charge de travail sous la forme d'une indemnité. Les attentes des personnels en la matière sont fortes et ne peuvent que s'aiguiser dans la perspective de l'application de la loi relative à la réduction du temps de travail en 2002 à la fonction publique.

La loi sur les 35 h ne pourra pas s'appliquer à la gendarmerie soumise au principe général de disponibilité qui résulte de son statut militaire (les militaires " peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu " aux termes de l'article 12 de la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires).

Une instruction du 10 décembre 1979 portant application du règlement de discipline générale des armées a d'ailleurs précisé la portée de cette obligation : " le service des militaires s'il comporte une part de travail accompli dans le cadre d'un programme déterminé et d'horaires réguliers, s'étend aussi, sans restriction de temps et de lieu d'activités liées à la permanence de l'action, aux missions ou aux obligations de présence que le commandement est appelé à prescrire pour l'accomplissement de la mission ". Compte tenu des évolutions de la société civile, cette contrainte qui fait aussi la force de l'Arme et doit, à ce titre, continuer de prévaloir, ne peut toutefois demeurer sans contrepartie. Il en va du caractère attractif du métier de gendarme pour les années à venir.

Au cours de la session du CFMG de mai 2000, le ministre de la défense a, certes, décidé la constitution d'un groupe de travail, composé de membres du CFMG chargés d'analyser le dispositif indemnitaire dont bénéficient les différentes catégories de militaires de la gendarmerie et de déterminer les améliorations prioritaires souhaitables. Les propositions de ce groupe de travail présentées lors du dernier CFMG, le 26 octobre 2000, s'articulent autour de deux volets :

- la revalorisation des différentes indemnités catégorielles,

- la mise en place d'une compensation financière pour charge militaire.

Cette dernière proposition ne paraît pas devoir se concrétiser à court terme. Sa mise en oeuvre effective dépend en effet des résultats de la réflexion engagée à une échelle plus large pour la revalorisation de la condition de tous les militaires. Or il ne semble pas que cette étude ait beaucoup progressé. Dans ces conditions, l'on pourrait s'orienter, à terme plus rapproché, vers l'augmentation de certaines indemnités liées à la charge de travail effective.

Une telle orientation doit cependant encore être confirmée et même dans cette hypothèse, elle risque de présenter une portée trop limitée pour satisfaire tous les personnels. La réponse aux attentes des gendarmes, par ailleurs, ne saurait revêtir seulement un caractère financier : elle passe aussi par la poursuite des efforts engagés cette année pour favoriser une organisation plus pertinente de certaines tâches. Il est certain en effet que les personnels supportent de moins en moins bien les perturbations que provoque leur travail sur leur vie familiale.

De manière plus générale, des travaux sur la revalorisation de la condition militaire dans son ensemble afin d'en préserver le caractère attractif ont été engagés et pourraient aboutir à l'horizon 2002.

L'adaptation de la gendarmerie ne peut pas seulement résulter de l'augmentation des effectifs, elle passe aussi par une organisation plus efficace, d'une part de ses structures, et d'autre part, de ses méthodes de commandement.

2. L'indispensable évolution des structures et de l'organisation

a) La mise en place de structures plus rationnelles

La gendarmerie semble avoir aujourd'hui tiré les leçons de l'échec du plan de redéploiement de 1998, élaboré sur un mode directif et sans réelle concertation. Si le principe de redéploiement demeure, il ne saurait tenir lieu de moyen exclusif pour dégager les effectifs supplémentaires. Il faut se féliciter, à cet égard, que les déboires enregistrés il y a deux ans aient obligé la gendarmerie à concevoir et conduire, de manière encore expérimentale, des formules alternatives qui préservent pour l'essentiel le maillage de la gendarmerie. Par ailleurs, l'Arme ne pouvait faire l'économie d'une réflexion sur la superposition de ses structures : votre rapporteur est convaincu, pour sa part, qu'une simplification des échelons de commandement permettrait de révéler des gisements d'économie en matière d'effectifs. Il convient de saluer à cet égard certaines initiatives prises dans ce sens au cours de l'année 2000.

. Les redéploiements

Les redéploiements se poursuivent aujourd'hui sur des bases mieux fondées.

Dans les zones de police nationale , ils répondent à une logique de rationalisation difficilement contestable : ils visent en effet à ne conserver qu'une seule brigade territoriale par circonscription de sécurité publique (CSP), voire par district de sécurité publique lorsque plusieurs circonscriptions de sécurité publique sont contiguës. La réorganisation de l'implantation de la gendarmerie, fin 1999, dans les départements de la petite couronne parisienne, où les missions de sécurité relèvent de la police nationale, s'inscrit dans ce cadre. Le regroupement des moyens et des personnels au sein d'un nombre limité d'unités a ainsi permis de dégager des effectifs (55 sous-officiers) reventilés en grande couronne parisienne.

Au sein de la zone de gendarmerie , le principe d'une brigade par canton a été réaffirmé par les pouvoirs publics. Dans tous les cas le projet de dissolution est soumis à un examen au cas par cas, sous l'égide du préfet et en étroite concertation avec les élus concernés.

La liste des dissolutions pour 1999 et 2000 montre d'ailleurs que les mesures ont principalement porté sur les unités implantées en zone de police nationale.

Année 2000 (au 1 er septembre)

Bilan des dissolutions de brigades territoriales : 11

7 brigades territoriales en zone de police nationale :

. Besançon-Planoise (Doubs)

. Vienne-Estressin (Isère)

. Arques (Pas-de-Calais)

. Wizernes (Pas-de-Calais)

. Halluin (Nord)

. Lannoy (Nord)

. Le Mans-Nord (Sarthe)

4 brigades territoriales et postes permanents en zone de gendarmerie nationale :

. Cozzano (Corse du Sud)

. Oletta (Haute-Corse)

. Abries (Hautes-Alpes)

. Ribiers (Hautes-Alpes)

En outre, 2 brigades territoriales ont été transférées au sein de la zone de gendarmerie nationale :

. Mérignac à Saint-Jean d'Illac (Gironde)

. Essey-lès-Nancy à Seichamps (Meurthe et Moselle)

. La recherche de solutions alternatives

La rationalisation peut cependant emprunter d'autres voies que la dissolution. Ainsi, à titre expérimental, la gendarmerie a cherché à développer la sectorisation du service des unités. Le principe repose sur une meilleure coordination des moyens de plusieurs brigades territoriales implantées dans un périmètre rapproché. L'expérience est entourée d'un double garantie : maintien de conditions d'accueil satisfaisantes pour le public, délai d'intervention n'excédant pas trente minutes.

La sectorisation, mise en oeuvre sous la responsabilité des commandants de groupement, modulée selon les particularités du contexte local, obéit au principe d'une déconcentration qui avait fait défaut au projet de redéploiement gouvernemental de 1998.

. La simplification des structures

L'organisation de la gendarmerie, très hiérarchisée, se traduit par une superposition de structures de commandement dont les responsabilités respectives n'apparaissent pas toujours clairement et par l'immobilisation au sein de services d'état-major d'effectifs qui pourraient faire valoir leurs compétences dans des cadres plus opérationnels. Un effort de simplification s'impose progressivement comme en témoignent deux initiatives adoptées au cours de cette année.

En premier lieu, à la suite des intempéries et de la marée noire survenues à la fin de l'année 1999, le ministre de l'Intérieur a proposé de réduire à sept le nombre de zones de défense, afin de permettre une mobilisation plus efficace des moyens. Ce redécoupage de l'organisation territoriale de défense impliquait celui du dispositif territorial de la gendarmerie. En conséquence, les circonscriptions de gendarmerie d'Orléans et de Dijon ont été dissoutes le 1 er juillet 2000. Parallèlement, les 4 e (Orléans) et 8 e (Dijon) légions de gendarmerie mobile ont été supprimées. Les formations et unités anciennement subordonnées aux commandants de circonscription d'Orléans et de Dijon ont été placées en fonction de leur implantation géographique sous l'autorité des commandants des régions Sud-Ouest à Bordeaux, Est à Metz et Ouest à Rennes. Ces restructurations ont permis de libérer un effectif de 174 personnels parmi lesquels 71 ont été réaffectés en unités territoriales.

Une autre simplification de structures est intervenue en outre-mer : le 1 er septembre 1999, la légion de gendarmerie des Antilles-Guyane a été dissoute.

Les trois groupements de gendarmerie départementale qui y étaient rattachés ont été transformés en trois commandements territoriaux (Guadeloupe, Guyane, Martinique) dotés d'une réelle autonomie : la chaîne hiérarchique s'est trouvée simplifiée et les délais de traitement des dossiers ont été raccourcis. De même la mise en place d'un commandement de la gendarmerie pour la Nouvelle-Calédonie, le 15 avril 2000, s'est accompagnée de la suppression du groupement de gendarmerie de la Nouvelle-Calédonie et de son état-major.

Ces différentes opérations ont permis de dégager des effectifs supplémentaires (27 militaires) réaffectés dans d'autres unités implantées en outre-mer.

. Une déconcentration souhaitable sous réserve de l'aménagement de contrôles plus efficaces

Les différentes modifications de structure qui viennent d'être évoquées témoignent un certain mouvement de déconcentration que votre rapporteur appelle de ses voeux depuis plusieurs années.

Cette évolution s'est manifestée de manière plus directe par trois séries d'innovations qui tendent toutes à conférer des responsabilités accrues aux échelons territoriaux :

- au niveau de la répartition des effectifs , le commandant de légion a la possibilité de procéder, sous plafond de ses effectifs, à des rééquilibrages entre unités (en 1999, 335 postes ont ainsi été déplacés au sein des légions, 443 l'ont été cette année) ;

- au niveau de la création des structures , la mise en place de nouvelles brigades de prévention de la délinquance juvénile interviendra désormais en fonction des propositions faites par les échelons territoriaux de commandement ;

- enfin, au niveau de l'organisation des services , les conditions de l'accueil du public dans les brigades ainsi que les modalités de transfert d'appel des brigades vers les centres opérationnels de gendarmerie seront déterminées par les commandants de groupement sur proposition des commandants de compagnie après consultation des commandants de brigade. De même, les expériences de sectorisation sont décidées par les commandants de légion sur proposition des commandants de groupement, après approbation des commandants de circonscription.

Ces différentes mesures ont pour mérite de redonner une capacité d'initiative aux échelons territoriaux souvent mieux à même d'apprécier les réalités locales et d'adapter en conséquence le service aux besoins du lieu et du moment. L'évolution peut contribuer au renforcement de la sécurité de proximité à laquelle nos citoyens aspirent.

Elle s'impose aussi sous l'effet des transformations de la société française : la gendarmerie a de plus en plus pour interlocuteur des responsables à même de décider de leur propre autorité et sans délai.

Le renforcement de la capacité d'initiative doit s'accompagner, en contrepartie, d'un renforcement des modalités d'évaluation des personnels et des actions entreprises. En d'autres termes, l'adaptation d'un modèle de commandement très hiérarchique suppose une meilleure capacité de contrôle.

L'affaire dite des " paillotes corses " a mis en exergue certaines faiblesses de la gendarmerie dans ce domaine. Aussi la recherche d'un nouvel équilibre entre ces trois axes que sont le maintien indispensable du principe hiérarchique, une responsabilisation accrue, et l'organisation de contrôles efficaces constituera sans doute l'une des gageures que la gendarmerie devra relever dans les années à venir.

b) La réforme du recrutement des officiers décidée dans un souci de diversification de la composition de l'Arme

Depuis 1997, une réflexion a été menée sur les modalités de recrutement et de formation des officiers de gendarmerie. Ces travaux, inspirés par la volonté de rapprocher davantage la gendarmerie de la société au contact de laquelle elle évolue, ont conclu à l'opportunité de puiser l'essentiel du recrutement direct parmi des candidats issus du milieu universitaire sélectionnés par concours au niveau d'un diplôme de deuxième cycle. Ces propositions se concrétiseront dès la rentrée 2001.

A cette date, le recrutement direct, jusqu'à présent assuré principalement par l'Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr, se fera par un concours unique autonome, ouvert aux étudiants titulaires d'une maîtrise. Par ailleurs, les autres modes de recrutement sont maintenus, qu'il s'agisse des filières internes, de la filière " officier des armées " par concours sur épreuves, du recrutement sur titre, du recrutement à l'Ecole polytechnique et, enfin, du recrutement des officiers sous contrat -dont le contingent devrait même être augmenté.

La modification des voies de recrutement requiert également la réforme de la formation initiale et continue des officiers de gendarmerie.

L'Ecole des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN) de Melun, chargée de la formation initiale et des cours d'application recevra les élèves pour deux années :

- la première année sera pour une large part consacrée à la formation militaire et d'officier ;

- la seconde année privilégiera davantage la formation spécifique et la préparation aux emplois (les officiers des filières " officier des armées " et Ecole polytechnique, compte tenu de leur niveau et diplômes militaires déjà acquis, n'accompliront que cette deuxième année de formation).

L'enseignement renforcera la part dévolue aux disciplines administratives et juridiques et s'ouvrira aux institutions et administrations partenaires de la gendarmerie, en particulier celles de la justice, de l'Intérieur et des douanes.

Les nouvelles conditions de recrutement et de formation ne conduiront-elles pas cependant à distendre les liens entre la gendarmerie et l'institution militaire ? Telle est sans doute la principale question soulevée par la réforme.

Certaines garanties ont d'ores et déjà été apportées pour prévenir une telle évolution.

En premier lieu, les officiers seront placés dès le début de leur formation sous statut militaire. Ensuite, plus du tiers de la formation initiale devrait par ailleurs être commune avec les armées. Ainsi, dès leur première année de formation, tous les officiers de gendarmerie devraient suivre à Coëtquidan un module complet de formation de niveau " chef de section ". Par ailleurs, ils seront également appelés à participer aux côtés des officiers de recrutement direct des autres armées, à un séminaire au cours duquel pourront être débattus les grands problèmes de défense.

En outre, la formation militaire continue restera dispensée dans un cadre interarmées, notamment au niveau du collège interarmées de défense puis du centre des hautes études militaires. Enfin, le ministère de la défense s'est également engagé à accroître la participation des officiers supérieurs de la gendarmerie nationale au sein des états-majors d'armées, interarmées ou interalliés.

Il conviendra sans doute de rester vigilant sur la permanence du lien entre la gendarmerie et les armées. Sous cette réserve, la diversification du recrutement des officiers constitue sans doute un élément important de l'adaptation de l'Arme à l'évolution de ses missions.

CONCLUSION

Le projet de budget de la gendarmerie doit s'apprécier dans un contexte général de profonde transformation des missions dévolues à l'arme. Son implication croissante dans les zones périurbaines implique non seulement un renforcement des effectifs, mais aussi une adaptation des méthodes d'action.

Compte tenu des incertitudes liées au recrutement des gendarmes adjoints, il apparaît souhaitable que l'augmentation, indispensable, des effectifs soit principalement assurée dans l'avenir par des professionnels. La future loi de programmation devra prendre en compte cette exigence.

Quant aux modifications de l'organisation et des méthodes requises par les mutations du contexte dans lequel intervient l'Arme, l'effort est engagé mais doit se poursuivre. La réforme du recrutement des officiers représentera sans doute un jalon décisif dans ce processus. Une composition plus diversifiée des cadres de la gendarmerie apparaît comme une évolution souhaitable, mais elle ne doit cependant pas se traduire par un affaiblissement du lien avec l'institution militaire dont il convient de rappeler une fois encore qu'il constitue l'un des atouts majeurs de l'Arme.

Or, le statut militaire des forces de sécurité intérieure est aujourd'hui discuté. Certaines voix n'ont pas hésité à tirer prétexte des péripéties de l' " affaire corse " pour réclamer un rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur. Ces positions encore marginales pourraient cependant trouver un relais au niveau européen dans la perspective de l'élaboration d'un code européen d'éthique de la police par le Conseil de l'Europe. Il a ainsi été avancé, dans ce cadre, que les services de police devraient être organisés sur des bases civiles. Est-il nécessaire de rappeler que, pour votre rapporteur, une remise en cause de la spécificité du statut de la gendarmerie présenterait beaucoup plus d'inconvénients que d'avantages pour l'organisation de la sécurité dans notre pays. La façon dont l'Arme saura s'acquitter de ses missions dans l'avenir constituera sans doute un élément décisif pour conforter la place qu'elle occupe dans le dispositif français de sécurité.

Le projet de budget, même s'il ne répond que partiellement aux incertitudes de l'avenir, permet de remédier dans une certaine mesure aux insuffisances observées dans la période récente. Considéré de manière isolée, il justifierait sans doute une appréciation positive. Il doit toutefois être analysé dans un cadre plus vaste : le budget de la défense, dont l'évolution inquiétante justifie le vote négatif que propose votre commission.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent avis au cours de sa réunion du mercredi 8 novembre 2000.

A l'issue de l'exposé du rapporteur pour avis, M. Charles-Henri de Cossé-Brissac s'est inquiété des effets de l'application de la loi relative aux 35 heures et de la réduction des effectifs des brigades sur le moral des personnels de la gendarmerie. Il a par ailleurs attiré l'attention sur le décalage entre un commandement souvent assuré par des hommes jeunes et des sous-officiers plus anciens.

M. Michel Caldaguès a approuvé le principe d'un recrutement distinct pour les officiers de la gendarmerie. Il a estimé, en effet, que la formation des cadres devait prendre en compte les évolutions du monde contemporain. Il s'est interrogé à cet égard sur les conditions de sélection des carabiniers italiens dotés, comme la gendarmerie française, d'un statut militaire. M. Paul Masson a précisé que le recrutement des carabiniers s'organisait à l'échelon national pour les officiers et local pour les sous-officiers, en ajoutant que ces militaires recevaient, les uns et les autres, une formation spécifique.

M. André Rouvière, après avoir souligné l'objectivité de la présentation qu'avait faite le rapporteur du projet de budget pour 2001, s'est montré plus réservé sur les perspectives d'avenir, évoquées par M. Paul Masson, en relevant que certaines hypothèses pourraient se trouver infirmées. Il a estimé que la prise en charge, par les escadrons de gendarmerie mobile fidélisés, de certaines tâches telles que les escortes, n'était pas en soi choquante si elle ne portait pas préjudice à la mission de sécurisation. Il a par ailleurs reconnu la réalité du malaise au sein de la gendarmerie, en soulignant que cette situation était peut-être moins liée à l' " effet 35 heures " qu'au non-remplacement des absents au sein des brigades. Il a enfin ajouté que le projet de budget justifiait, à son avis, un vote positif. M. Paul Masson a noté sur ce point que les dotations destinées à la gendarmerie s'inscrivaient dans le cadre du budget de la défense dont l'évolution globale appelait un jugement pour le moins critique.

M. Serge Vinçon a estimé que les moyens budgétaires prévus pour 2001 n'apportaient pas de réelle réponse au malaise de la gendarmerie et ne permettaient pas, en particulier, une progression des effectifs à la mesure des besoins observés. Il a ajouté que le climat de tension actuel paraissait d'autant plus préoccupant qu'il pourrait, à terme rapproché, toucher l'ensemble des armées si aucune mesure rapide et concrète n'était mise en oeuvre. Par ailleurs, il a appelé de ses voeux une réflexion approfondie sur les conditions de recrutement des officiers.

A M. Aymeri de Montesquiou qui faisait état de retards de règlement importants pour les locations immobilières de la gendarmerie, dans le département du Gers, M. Paul Masson a précisé qu'il s'agissait d'un sujet de préoccupation à l'échelle nationale.

M. André Roujas a souhaité obtenir des précisions sur l'évolution du budget de la gendarmerie depuis une décennie. Il a également mis en avant la situation particulière des gendarmes par rapport aux autres personnels militaires. M. Paul Masson a indiqué que le budget avait connu une progression régulière mais mesurée au cours des dernières années. Il a ajouté cependant que les dotations prévues en 2001 s'inscrivaient dans une perspective de court terme qui ne prenait pas véritablement en compte les besoins futurs de la gendarmerie.

M. Xavier de Villepin, président, a réaffirmé la nécessité de maintenir le statut militaire de la gendarmerie qui constitue l'un des principaux atouts de cette force. Il s'est demandé à cet égard si la réforme du recrutement des officiers de gendarmerie ne conduirait pas à relâcher le lien entre les gendarmes et les autres militaires. Il s'est en outre interrogé sur les conditions de mise en place de nouveaux mécanismes d'expression pour les militaires. Il a souhaité que les membres de la commission soient associés aux décisions qui pourraient être prises en la matière par le gouvernement.

M. Paul Masson a précisé que la formation des officiers de la gendarmerie, telle qu'elle était désormais envisagée, comprendrait des aspects communs aux autres formations militaires. Il a, par ailleurs, estimé que les modes d'expression actuels reconnus aux personnels pouvaient évoluer.

M. Michel Caldaguès a indiqué pour sa part qu'il souhaitait une évolution progressive du statut de la gendarmerie dont le caractère militaire ne devait cependant pas être remis en cause.

*

La commission a ensuite examiné l'ensemble des crédits du ministère de la Défense inscrits dans le projet de loi de finances pour 2001au cours de sa réunion du mercredi 22 novembre 2000.

M. Xavier de Villepin, président, a tout d'abord indiqué que le projet de loi de finances 2001 pour la défense, fondé sur des dotations globalement reconduites par rapport à l'an passé, relativement favorable en son titre III, demeurait en revanche préoccupant pour les crédits d'équipement du titre V. Depuis 1997, a-t-il rappelé, et hors revue de programmes, ce sont quelque 12 % des dotations prévues pour l'équipement des armées, sur la durée de la loi de programmation, qui manquaient par rapport aux bases sur lesquelles le Parlement s'était prononcé. Le projet de budget 2001 pour la défense, en s'inscrivant aussi, comme l'an passé, dans cette logique, ne permettait aucun rattrapage.

Certes, a-t-il relevé, les dotations du présent projet de loi ne mettent pas en cause la réalisation des commandes et des livraisons de matériels de l'annuité 2001 de la loi de programmation. Les armées se trouvent cependant confrontées à deux types de rigidité du fait de ces contractions budgétaires répétées : d'abord, les commandes globales, fortement mobilisatrices d'autorisations de programme, ensuite, à enveloppe de titre V constante et contrainte, les dotations étant réservées prioritairement aux livraisons et aux commandes d'équipement, des crédits font défaut pour les dépenses d'entretien programmé des matériels entraînant un taux d'indisponibilité et de vieillissement des équipements particulièrement préoccupant.

Pour M. Xavier de Villepin, président, ce budget 2001, vraisemblablement comme celui de l'année prochaine (dernière annuité de l'actuelle programmation), augurait mal d'une loi de programmation 2003-2008 qui sera une loi de fabrication, venant après la présente loi de développement de programmes. En conséquence, les engagements financiers qu'elle comportera devront être significativement augmentés et impérativement tenus.

Enfin, le projet de loi de finances 2001, en ce qu'il n'était pas conforme aux engagements pris en 1998 en matière de ressources pour l'équipement des forces, donnait un mauvais signal à l'égard de nos partenaires européens. Alors que la situation économique et financière témoigne d'une certaine embellie, notre ambition politique en ce domaine n'est pas relayée par un volontarisme budgétaire satisfaisant, à l'inverse, notamment, de ce que font nos partenaires britanniques.

Pour ces raisons, M. Xavier de Villepin, président, a indiqué qu'il se rangerait à l'avis défavorable de la majorité des rapporteurs pour avis.

M. Serge Vinçon a souscrit à l'analyse formulée par M. Xavier de Villepin, président. Il s'est félicité de ce que la professionnalisation, engagée par la présente loi de programmation, se révélait un choix positif. Il s'est dit satisfait de voir que le titre III avait honoré les engagements pris à ce titre, tout en relevant que, désormais, l'amélioration nécessaire de la condition militaire devrait être mieux prise en compte. Il s'est, en revanche, déclaré inquiet des divers " décrochages " constatés au niveau des crédits d'équipement entraînant, notamment, un retard du programme Rafale pénalisant son exportation, ou encore un volontarisme budgétaire pour la défense inférieur à celui de nos partenaires britanniques.

M. Michel Caldaguès a estimé qu'il ne saurait se prononcer en faveur d'un budget qui ne tenait pas compte de ce que le Parlement avait voté. Il décelait là une manière, pour le ministère des finances, de " tricher " sur les crédits de défense. Au surplus, il a estimé que, dans un contexte où la France affichait une ambition mondiale pour l'emploi de nos forces, les ressources financières n'étaient pas à la hauteur de l'objectif recherché.

La commission a alors émis un avis défavorable sur l'ensemble des crédits du ministère de la défense inscrits dans le projet de loi de finances pour 2001.

* 1 225 emplois de sous-officiers CSTAG, 10 emplois d'officiers et 60 postes de personnel civil.

* 2 Evaluation en Franc constant (valeur 1986)

* 3 L'unité logement correspond au logement nu, concédé par nécessité absolue de service, et à une quote-part des locaux de service et techniques.

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