B. LES CONTRATS DE QUALIFICATION : DES INIATIVES HASARDEUSES

La démarche du Gouvernement suivie pour les contrats d'apprentissage se retrouve pour les contrats de qualification. Mais, dans ce dernier cas, les conséquences risquent d'être plus graves encore, le dispositif des contrats de qualification étant plus fragile que celui de l'apprentissage.

1. Un dispositif utile, mais encore fragile

Les contrats de qualification 5 ( * ) constituent un dispositif utile, apprécié et de plus en plus utilisé d'insertion professionnelle des jeunes.

Le contrat de qualification

Le contrat de qualification est un contrat de travail à durée déterminée (6 à 24 mois) destiné aux jeunes de 16 à 25 ans révolus qui n'ont pu acquérir une qualification au cours de leur scolarité ou dont la qualification ne permet pas l'accès à un emploi. Ce contrat prévoit une période de formation dont les enseignements généraux, professionnels et technologiques, représentent au minimum 25 % de la durée totale du contrat. Il doit déboucher sur une qualification professionnelle qui doit être sanctionnée par un titre homologué ou un diplôme de l'enseignement technologique, ou être reconnue dans les classifications d'une convention collective de branche, ou figurer sur une liste établie par la commission paritaire nationale de l'emploi de la branche professionnelle.

L'employeur bénéficie de l'exonération des cotisations de sécurité sociale et cotisations patronales dues au titre des accidents du travail et des allocations familiales dans la limite du SMIC ; une prise en charge forfaitaire de 60 francs (majoration possible de 25 %) par heure de formation et par jeune accueilli est assurée par l'employeur dans le cadre de sa participation au financement de la formation professionnelle. Depuis le 1 er juillet 1993, une prime à l'embauche de 7.000 francs pour les contrats d'une durée supérieure à 18 mois et de 5.000 francs pour les autres est versée lors de l'enregistrement du contrat. A compter du 15 octobre 1998, cette aide forfaitaire est accordée si le jeune n'est titulaire d'aucun diplôme sanctionnant le second cycle de l'enseignement secondaire général, technologique ou professionnel, à l'exception du certificat d'aptitude professionnelle, du brevet d'études professionnelles ou d'un titre homologué de niveau équivalent.

La rémunération du jeune est calculée en fonction de son âge et de son ancienneté dans la mesure. Elle varie de 30 % du SMIC pour les 16/17 ans au cours de la première année du contrat, à 75 % du minimum conventionnel pour les plus de 20 ans à partir de la seconde année.

Source : DARES

L'augmentation sensible des flux d'entrée en contrats de qualification constatée depuis 1996 témoigne de l'attractivité du dispositif.

Flux annuels d'entrées en contrats de qualification

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000 (1)

2001 (1)

118.425

100.721

96.604

101.163

116.787

118.550

125.000

123.000

(1) Prévisions budgétaires Source : MES-DARES

Ce succès quantitatif se double d'une incontestable réussite qualitative.

Le contrat de qualification répond bien aux aspirations actuelles des jeunes qui peuvent ainsi s'engager rapidement dans la vie professionnelle, sans pour autant renoncer à la formation et à l'obtention d'une qualification. Il permet également de faciliter l'insertion des jeunes qui soit n'ont pas de réelle qualification professionnelle au sortir du système scolaire, soit n'ont acquis que des qualifications inadaptées.

Il correspond aussi aux attentes des entreprises en leur permettant de participer à la construction de compétences adaptées à leurs besoins dans le cadre de programmes relativement courts et qualifiants.

En outre, comme il est signalé dans une publication du ministère de l'emploi, " il s'adapte aux situations les plus diverses grâce à une forte plasticité. Dans une période où le chômage coexiste avec certaines pénuries de main d'oeuvre, il contribue au fonctionnement du marché du travail en réalisant l'appariement entre les jeunes et les entreprises ". 6 ( * )

Pour autant, l'année 1999 a été marquée par un net ralentissement des embauches de jeunes en contrat de qualification en dépit de la reprise de l'emploi. Celles-ci n'ont en effet progressé que de 2 % en 1999 après avoir augmenté de 15 % en 1998.

Les contrats de qualification ont en effet été fragilisés en 1999 par la suppression de la prime au contrat de qualification pour les jeunes ayant acquis un diplôme, à l'exception du CAP, du BEP ou d'un titre équivalent, qui a été institué par le décret n° 98-909 du 12 octobre 1998.

Le Gouvernement avait alors pris le risque de réduire l'attractivité de ces contrats. Les conséquences ne se sont pas fait attendre.

2. La suppression dangereuse de la prime des contrats de qualification

L'Etat participe au financement du contrat de qualification de deux manières :

- il compense l'exonération de cotisations sociales,

- il verse une prime à l'embauche.

En 2001, les crédits budgétaire en faveur du contrat de qualification pour les jeunes atteindront 2,9 milliards de francs.

Crédits budgétaires en faveur du contrat de qualification

(en millions de francs)

LFI 1999

LFI 2000

PLF 2001

Evolution en %

Primes

343

233

157

- 32,6 %

Exonérations de cotisations sociales

2.608

2.660

2.784

+ 4,7 %

Total

2.951

2.893

2.941

+ 1,7 %

Mais l'essentiel du financement des contrats de qualification repose aujourd'hui sur les entreprises. Les organismes collecteurs paritaires agréés (OCPA) au titre des formations en alternance prennent en effet en charge les dépenses de formation liées à ces contrats dans une limite forfaitaire de 60 francs par heure. Au total, en 1999, les OCPA ont consacré 4,427 milliards de francs à ces dépenses, soit une prise en charge moyenne de près de 50.000 francs par contrat pour une durée moyenne de formation de 862 heures.

Le projet de loi de finances pour 2001 se révèle être très restrictif pour les contrats de qualification.

Il prévoit ainsi une diminution de 2.000 personnes pour les entrées dans le dispositif en 2001, tirant les conséquences du " recentrage " opéré en 1999 et anticipant surtout la suppression à venir de la prime.

Car, le présent budget prévoit la suppression de cette prime, mesure qui, à la différence du " recentrage " de la prime d'apprentissage, s'appliquera à toutes les entreprises quels que soient leurs effectifs et permettra d'économiser 152 millions de francs en 2001, puis 153 millions en 2002.

Le Gouvernement a en effet annoncé son intention de supprimer la prime, à compter du 1 er janvier 2001, par un décret non encore publié, le projet de budget se contentant alors d'anticiper les conséquences financières d'une telle mesure.

Votre commission est très opposée à une telle mesure. Elle exprime la crainte qu'elle ne porte un coup fatal à un dispositif utile, mais fragile.

Elle considère d'abord que la suppression de la prime risque de limiter le recrutement de jeunes non qualifiés, très éloignés de l'emploi.

Elle estime également qu'elle risque de priver les entreprises d'un instrument efficace d'adaptation des qualifications des jeunes à leurs besoins en compétences.

Pour ces raisons, et n'étant pas en mesure de proposer la suppression d'une décision qui relève du domaine réglementaire, votre commission appelle solennellement le Gouvernement à renoncer à son projet et à ne pas persister dans la voie initialement envisagée.

* 5 Votre rapporteur pour avis n'abordera ici que les contrats de qualification en faveur des jeunes et se permet de renvoyer à l'avis de M. Louis Souvet, rapporteur pour avis des crédits de l'emploi, pour les contrats de qualification-adultes, compte tenu de leur spécificité qui va bien au delà du seul champ de la formation professionnelle.

* 6 DARES, Premières informations et premières synthèses, septembre 2000, n° 38-1.

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