II. LES MOYENS CONSACRÉS À LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE NE LUI PERMETTENT DE RÉPONDRE QU'IMPARFAITEMENT AUX DÉFIS QUI S'IMPOSENT À ELLE

A. LE DÉFI DU TRAITEMENT DE LA DÉLINQUANCE JUVÉNILE

1. L'augmentation de la délinquance des mineurs

Depuis plusieurs années, la délinquance des mineurs ne cesse de croître fortement. Cette année, comme le souligne notre collègue M. Jean-Patrick Courtois 2 ( * ) , elle se stabilise à un niveau alarmant (en cumulant zones de police et zones de gendarmerie) et se caractérise par un recours quasi systématique à la violence.

La police nationale a mis en cause 126.000 mineurs 3 ( * ) en 1999 soit une augmentation de 5,7 % par rapport à 1998. La part des mineurs dans le total des mis en cause s'élève à 22,5 % , cette proportion étant très variable selon les infractions. A titre d'exemple, les mineurs commettent 52 % des vols avec violences, 52 % des incendies volontaires et 50 % des dégradations de biens publics. En revanche, la gendarmerie nationale a mis en cause 43.900 mineurs en 1999, soit 16 % de moins qu'en 1998. La part des mineurs dans le total des personnes mises en cause par la gendarmerie nationale est de 18,6 %. Ces chiffres laissent à penser que la délinquance des mineurs augmente fortement là où elle est la plus grave, c'est-à-dire dans les zones urbaines, pour lesquelles la police nationale est compétente.

Face à cette hausse de la délinquance des mineurs, la justice des mineurs est fortement sollicitée.

2. L'activité des parquets

L'activité pénale des parquets est en nette augmentation puisque ceux-ci ont traité 141.200 procès-verbaux et plaintes en 1999 soit 9 % de plus qu'en 1998.

La circulaire du 15 juillet 1998 invite les parquets à développer les mesures alternatives aux poursuites pénales : simple avertissement délivré par un service de police ou de gendarmerie et notifié au mineur, rappel à la loi effectué par le substitut spécialement chargé des affaires de mineurs ou par le délégué du procureur de la République, classement sous condition ou mesure de réparation. Ainsi, les réparations sont passées de 3.740 en 1994 à 10.750 en 1999 soit une augmentation de 43 % par rapport à 1998.

Parmi les 141.200 procès verbaux et plaintes, les parquets ont classé sans suite 69.100 dossiers soit 49 % 4 ( * ) ; ils ont adressé 52.800 requêtes aux juges des enfants soit 37 % des affaires traitées ; enfin 13.500 médiations et réparations ont été menées et 5.700 informations ont été ouvertes. L'activité des parquets montre le développement du traitement en temps réel et des procédures alternatives aux poursuites pénales. Mais le principe de spécialisation des parquets mineurs n'est pas encore unanimement respecté.

Cette augmentation de l'activité des parquets trouvera en partie sa source dans le développement des délégués du procureur de la République , chargés de mettre en oeuvre, à la demande et sous le contrôle des parquets, des mesures décidées par ces derniers, principalement des rappels à la loi et des classements sous condition lorsque les faits sont peu graves et que le mineur est primo-délinquant. Ils étaient 117 fin 1998 et 435 fin 1999, dont un tiers s'occupe exclusivement des mineurs . Une formation systématique des délégués du procureur doit se mettre en place fin 2000.

3. Le travail des juges a porté notamment sur 39 000 mineurs délinquants condamnés et 121 000 mineurs en danger

Les juges d'instruction ont quant à eux connu une baisse de leur activité en direction des mineurs. Ils ont transmis 4.500 dossiers aux juges ou aux tribunaux pour enfants, ont placé 2.300 mineurs sous contrôle judiciaire, 1.500 mineurs en détention provisoire et ont transmis 120 dossiers à la chambre d'accusation.

L'activité pénale des juges des enfants et des tribunaux pour enfants se traduit par 22.800 mesures pré-sentencielles, 55.400 jugements et 78.800 mesures et sanctions définitives en 1999. Sur les 38.600 mineurs ayant fait l'objet de condamnations pénales , 36.800 l'ont été pour des délits, 1.200 pour des contraventions de cinquième classe et 600 pour crime.

L'activité civile des juges des enfants a porté en 1999 sur 121.200 mineurs en danger soit 3,6 % de moins qu'en 1998. Les juges des enfants ont prononcé 58.900 mesures d'investigation, 116.900 mesures d'action éducative en milieu ouvert (AEMO) et 98.000 mesures de placement (total des mesures nouvelles ou renouvelées).

Les mesures d'investigation confiées à la protection judiciaire de la jeunesse ont été plus nombreuses en 1998 qu'en 1997 (+ 6,6 %) et se répartissent en 42.400 recueils de renseignements socio-éducatifs demandés par le parquet ou réalisés à la demande du juge des enfants (obligatoires si ce dernier envisage l'incarcération du mineur) ; 17.000 enquêtes sociales, réalisées par des assistant(es) sociaux(ales) ; 24.600 mesures d'investigation pluridisciplinaire, prononcées par ordonnance du juge des enfants avant jugement.

Les crédits du ministère de la justice pour 2001 devront tenir compte de l'entrée en vigueur au 16 juin 2001 de l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires des mineurs placés en garde à vue 5 ( * ) .

* 2 Avius n° 97 (Sénat, 2000-2001) de M. Jean-Patrick Courtois au nom de la commission des Lois sur les crédits du ministère de l'Intérieur consacrés à la police et à la sécurité, inscrits dans le projet de loi de finances pour 2001.

* 3 Source : " Crimes et délits constatés en France en 1999 par les services de police et de gendarmerie ", document conjoint des ministères de l'Intérieur et de la Défense, février 2000.

* 4 A titre de comparaison, les classements sans suite concernent 8,3 % des procès verbaux reçus par les parquets mais 32,5 % des affaires poursuivables mettant en cause des adultes. Les motifs des classements sans suite sont les recherches infructueuses, le désistement ou la carence du plaignant, l'état mental déficient, la responsabilité de la victime, la victime désintéressée d'office, la régularisation d'office, le préjudice ou le trouble peu important.

* 5 Article 14 de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

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