2. La complexification continue des finances sociales

a) La question des incessantes affectations de ressources

En 2002, quatre des cinq principaux impôts et taxes affectés à la sécurité sociale auront vu leur clef d'affectation modifiée, soit par la loi créant l'APA, soit par le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale. Au total, ainsi que le note le rapporteur pour avis de la commission des finances de l'Assemblée nationale, notre collègue député Jérôme Cahuzac, « cette année, sur les douze principales recettes fiscales et non fiscales affectées à la sécurité sociale (hors CRDS et contributions pharmacie), huit sont modifiées en 2002 : droits sur les alcools, droits sur les tabacs, contribution additionnelle sur les assurances de voitures, taxe sur les conventions d'assurance, taxe de prévoyance, C3S, prélèvement social de 2 %, redevances UMTS ».

Il convient d'ajouter à cette liste la modification de la répartition de la CSG au profit du fonds de financement de l'APA et au détriment du FSV.

Clefs de répartition des principaux impôts et taxes affectés à la sécurité sociale

2000

2001

2002

CSG

- CNAF

1,1 %

1,1 %

1,1 %

- CNAMTS

5,1 %

5,25 %

5,25 %

- FSV

1,3 %

1,15 %

1,05 %

- APA

-

-

0,1 %

2 % CAPITAL

- CNAM

8 %

-

-

- CNAF

13 %

-

-

- CNAV

30 %

30 %

15 %

- FRR

49 %

50 %

65 %

- FSV

-

20 %

20 %

DROITS TABACS

- CNAM

13,48 %

2,61 %

8,84 %

- FOREC

80 %

97 %

90,77 %

- fonds amiante

0,4 %

0,39 %

0,39 %

- Etat

6,12 %

-

-

DROITS ALCOOLS

- FSV

8 %

-

-

- CNAM

45 %

45 %

-

- FOREC

47 %

55 %

100 %

TAXE ASSURANCE

- FOREC

-

24,7 %

30,56 %

- Etat

100 %

75,3 %

69,44 %

Votre rapporteur pour avis ne peut que déplorer cette tendance, récurrente au gré des lois de financement, à multiplier ces changements d'affectations de recettes selon les besoins de tel ou tel fonds ou de présentation comptable de tel ou tel solde.

Ces affectations successives, outre leur manque de lisibilité pour le citoyen et le peu de cas qu'elles font de l'objectif d'intelligibilité de la loi, appellent deux remarques.

Elles ôtent toute incitation à la maîtrise des dépenses dans la mesure où, d'une part, le gouvernement ne craint pas de jouer avec une recette pour « colmater les brèches » s'ouvrant ici ou là et où, d'autre part, en supprimant tout lien entre la recette et la dépense, une des variables potentielles pour une maîtrise des dépenses disparaît.

Elles se font en dehors de toute prise en considération de l'objet de la ressource affectée. Ceci soulève un problème de fond : l'affectation des ressources ne peut se justifier, en droit financier public, qu'en raison de l'existence d'un lien direct entre une dépense et une recette. La suppression de tout lien enlève de ce fait la justification de l'affectation et donne des arguments supplémentaires aux tenants de l'application, aux organismes de sécurité sociale, du principe d'universalité budgétaire 31 ( * ) . En multipliant les modifications d'affectations, le gouvernement fait le lit d'une remise en cause profonde de la séparation de branches.

b) Les transferts financiers
(1) Les transferts 2001

De nombreux transferts sont prévus au titre de 2001 soit dans le présent projet de loi de financement, soit dans d'autres supports législatifs :

• la branche accidents du travail verse au FIVA une dotation de 210 millions d'euros ;

• la CNAMTS transfère au FOREC 908 millions d'euros de droits indirects sur les alcools ;

• l'Etat transfère au FOREC 457 millions d'euros de taxe sur les conventions d'assurance ;

• l'Etat verse au FRR une somme indéterminée au titre des redevances UMTS, mais qui pourrait s'élever à 1,24 millions d'euros ;

• le FSV verse au FRR 290 millions d'euros correspondant à son excédent 2000.

(2) Les transferts 2002

Les transferts supplémentaires - qui ne prennent donc pas en compte ceux existants - prévus par le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale illustrent bien la complexité du champ des finances sociales :

• la branche accidents du travail verse au FIVA une dotation de 76 millions d'euros ;

• la branche accidents du travail verse à la CNAMTS au titre de la sous-déclaration des accidents du travail 154 millions d'euros ;

• la CNAMTS transfère au FOREC 900 millions d'euros de produit de la cotisation additionnelle sur les contrats d'assurance des véhicules terrestres à moteur ;

• la CNAMTS transfère au FOREC 887 millions d'euros de produit des droits indirects sur les alcools ;

• le FOREC transfère à la CNAMTS 549 millions d'euros de droits sur les tabacs ;

• la CNAF verse 229 millions d'euros au fonds d'investissement des crèches ;

• la CNAF verse au FSV 457 millions d'euros au titre des majorations de pensions ;

• la CNAVTS transfère au FRR 302 millions d'euros de produit du prélèvement de 2 % sur le capital ;

• l'Etat verse au FRR une somme qui pourrait s'élever à 1,24 milliard d'euros, au titre des redevances UMTS ;

• l'Etat verse au FRR une somme qui pourrait s'élever à 1,24 milliard d'euros, au titre des privatisations ;

• l'Etat transfère au FOREC 765 millions d'euros de produit de la taxe sur les conventions d'assurance ;

• le FSV transfère au FOREC 437 millions d'euros de produit de la taxe sur la prévoyance.

• Le FSV transfère au fonds de financement de l'APA 0,1 point du produit de la CSG.

Au total, l'examen des gains et des pertes nets de ressources montre que le FOREC, le FRR, le fonds crèches, le FIVA et le fonds APA bénéficient d'apports nets, synonymes de dépenses nouvelles alors que les accidents du travail, la CNAMTS, la CNAF, la CNAVTS et l'Etat contribuent sans que pour autant leurs dépenses diminuent.

Ceci constitue aux yeux de votre rapporteur pour avis un raccourci frappant d'une tendance lourde à l'oeuvre au sein des organismes de sécurité sociale : la création des fonds est constitutive de pertes de recettes et de complexité des relations financières, mais ne se traduit pas par une meilleure maîtrise des dépenses ; bien au contraire, la création d'un fonds doit s'analyser comme l'implantation d'un germe inflationniste en matière de dépenses sociales.

* 31 C'est un argument qui explique la définition plus précise donnée par la loi organique n° 2001-692 du 1 er aout 2001 relative aux lois de finances des affectations des recettes au sein des comptes d'affectation spéciale du budget de l'Etat : « les comptes d'affectation spéciale retracent, dans les conditions prévues par une loi de finances, des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses ».

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