I. UN CONTEXTE INQUIÉTANT

A. UNE INSÉCURITÉ EN ACCROISSEMENT

1. Des statistiques globales de la délinquance orientées à la hausse

Avec 3 771 849 faits constatés , l'année 2000 a connu une augmentation de 5,72% des crimes et des délits.

Après plusieurs années consécutives de baisse entre 1994 et 1997, la délinquance est donc repartie à la hausse.

Les chiffres du premier semestre 2001 amplifient ce phénomène puisqu'une augmentation de 9,58% a été constatée.

ÉVOLUTION DÉCENNALE DE LA CRIMINALITÉ EN FRANCE

Années

Nombre d'infractions

Evolution
en %

Taux pour 1000 habitants

1990

3.492.712

+ 6,93

62

1991

3.744.112

+ 7,20

66

1992

3.830.996

+ 2,32

67

1993

3.881.894

+ 1,33

67

1994

3.919.008

+ 0,96

67

1995

3.665.320

- 6,47

63

1996

3.559.617

- 2,88

61

1997

3.493.442

- 1,86

60

1998

3.565.525

+ 2,06

61

1999

3.567.864

+ 0,07

61

2000

3.771.849

+ 5,72

64

Données communiquées par le ministère de l'Intérieur

Cette augmentation concerne l'ensemble des catégories d'infractions . Les vols représentent près du tiers des infractions. A notamment été enregistrée une recrudescence de vols de téléphones portables.

La délinquance de voie publique augmente de 2%.

LES CATÉGORIES D'INFRACTIONS

Catégorie

Faits constatés

% du total

Évolution 2000/1999

Vols

2.334.696

61,9

3,7%

Infractions économiques et financières

352.164

9,3

19,1%

Atteintes aux personnes

254.514

6,8

9,1%

Autres infractions (dont stupéfiants)

830.475

22

5,6%

Total

3.771.849

100

5,7%

Données communiquées par le ministère de l'Intérieur

On rappellera que, sur longue période, les chiffres de la criminalité ont été multipliés par plus de 6 depuis 1950 , la croissance ayant été constante depuis cette date, à des rythmes plus ou moins élevés, avec néanmoins un premier retournement de tendance de 1984 à 1988, et un autre de moindre ampleur de 1994 à 1997.

Données communiquées par le ministère de l'Intérieur

2. Une délinquance présentant des caractéristiques inquiétantes

La délinquance est de plus en plus violente et elle implique de plus en plus de mineurs .

On assiste à une recrudescence de la violence . Les coups et blessures volontaires et les vols avec violence ont continué à augmenter en 2000 respectivement de 11,8% et 15,8%, et ont chacun plus que doublé depuis 1988 .

Évolution des infractions violentes les plus courantes


Infractions


1988


1992


1996


1999


2000


Évolution 2000/1999


Évolution 2000/1988


Coups et blessures

Volontaires


42 512


55 613


75 425


95 235


106 484


+ 11,8%


+150%


Vols avec violence


43 409


60 324


70 031


87 432


101 223


+ 15,8%


+135%

Données communiquées par le ministère de l'Intérieur

Les vols à main armée, en diminution ces dernières années ont connu une recrudescence de plus de 15% en 2000, plus de 8500 braquages ayant été dénombrés. Les attaques spectaculaires de convoyeurs de fonds impliquant des armes de guerre se sont notamment multipliées en 2000 et en 2001.

La violence urbaine devient de plus en plus préoccupante. Plusieurs centaines de quartiers sensibles sont régulièrement le siège de violences anti-policières. Certains quartiers, paisibles en apparence, sont par ailleurs placés sous la coupe des trafiquants de drogue, les forces de sécurité hésitant à s'y aventurer. Devant votre commission, le ministre de l'intérieur a indiqué que la multiplication des actions ciblées menées par les forces de l'ordre pour éliminer les trafics des cités alimentaient provisoirement une violence anti-policière orchestrée par des trafiquants dérangés dans leurs activités.

Le nombre de mineurs mis en cause s'accroît. En 2000, 175 256 mineurs ont été mis en cause, soit une augmentation de 2,9% par rapport à l'année 1999.

La part des mineurs dans l'ensemble des personnes mises en cause s'est élevée à 21%. Elle n'était que de 10% en 1970 et de 13,2% en 1991.

Les mineurs sont responsables de plus de la moitié des vols de deux roues à moteur et de plus du tiers de la délinquance de voie publique.

Devant un tel constat, votre commission ne peut que regretter que les propositions effectuées par le Sénat dans le cadre du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne sur le rapport de notre excellent collègue Jean-Pierre Schosteck 1( * ) , n'aient non seulement pas été retenues mais encore qu'il ait été impossible d'ouvrir un véritable débat avec l'Assemblée nationale et le gouvernement.

Il s'agissait pourtant d'éviter l'ancrage des mineurs dans la délinquance, notamment par une meilleure responsabilisation des parents et par la sanction du recours aux mineurs pour commettre des infractions. Il s'agissait également de renforcer l'efficacité des dispositions répressives de l'ordonnance de 1945 sans remettre en question son objectif éducatif et préventif.

3. La faiblesse des taux d'élucidation

La faiblesse des taux d'élucidation contribue à alimenter l'insécurité et à décourager les citoyens de porter plainte.

Le taux moyen d'élucidation s'est établi à 26,8% en 2000 . Il convient d'observer que ce taux est en baisse constante ces dernières années puisque qu'il était de 36,8% en 1991, 30,20% en 1996, 28,63% en 1998 et 27,63 en 1999.

Ce taux moyen cache de profondes disparités entre les infractions. Si 78,2% des homicides sont élucidés, seuls le sont 8% des cambriolages d'habitations principales et 5,2% des vols à la roulotte.

Les infractions subies le plus couramment par les citoyens ont donc une chance minime d'être élucidées.


Une fois élucidées, elles ont en outre plus d'une chance sur trois d'être classées sans suite par les parquets faute de moyens. Votre commission a fréquemment déploré cette rupture de la chaîne répressive qui accroît le sentiment d'impunité chez les délinquants et provoque le découragement des citoyens et des forces de police .

4. Une réflexion en cours sur la mesure de la délinquance

Comme votre commission l'a souligné les années antérieures, les statistiques officielles de la criminalité issues des états dits « 4001 » sont en décalage avec la réalité. Elle reflètent en effet plus l'activité des services de police ou la propension des citoyens à porter plainte que la délinquance réelle si bien qu'il est justifié d'évoquer un « chiffre noir de la criminalité ».

Le ministre de l'intérieur a évoqué la création d'un observatoire de la délinquance qui permettrait d'évaluer sans polémique la délinquance et l'insécurité réelle.

Pour l'heure, une mission de réflexion a été confiée à deux députés, MM. Christophe Caresche et Robert Pandraud, afin d'élaborer un nouvel instrument statistique de mesure de l'insécurité destiné à entrer en vigueur après 2002 et dont la mise en oeuvre conditionnerait l'installation de l'observatoire précité.

Le ministère de l'intérieur souhaite que ce futur instrument statistique permette, à la fois, de mesurer la délinquance et la criminalité avec plus de rigueur et de transparence qu'aujourd'hui et de suivre l'évolution des activités des services d'enquête, ainsi que les suites données par l'autorité judiciaire aux affaires dont elle est saisie.

B. UNE GÉNÉRALISATION DE LA POLICE DE PROXIMITÉ HYPOTHÉQUÉE PAR LE MANQUE DE MOYENS

Pour lutter contre l'insécurité au quotidien, le Gouvernement est attaché au développement d'une politique de sécurité de proximité, dans la ligne des orientations définies au colloque de Villepinte en octobre 1997.

Il s'agit de substituer à une police chargée principalement d'assurer le maintien de l'ordre, une police ayant pour objectif premier d'assurer la sécurité quotidienne des citoyens et de lutter contre la délinquance de masse.

Cette politique repose sur la définition de territoires géographiquement identifiés, la responsabilisation et la polyvalence des fonctionnaires concernés et la mise en place d'un accueil personnalisé du public ainsi que d'un partenariat actif avec tous les acteurs des contrats locaux de sécurité.

L'expérimentation a débuté au printemps 1999 dans cinq circonscriptions de sécurité publique (Beauvais, Châteauroux, Nîmes, Les Ulis, et Garges-les-Gonesse). Elle a été étendue à partir d'octobre 1999 sur 62 sites ciblés.

Parallèlement a été mise en place à Paris, dès le 18 avril 1999, une réforme de la préfecture de police caractérisée notamment par la création d'une direction de la police urbaine de proximité (D.P.U.P.) à laquelle ont été rattachés les services locaux.

Au vu des conclusions de la mission d'évaluation des expérimentations, placée sous l'égide de l'inspection générale de la police nationale, rendues publiques le 30 mars 2000 lors des assises nationales de la police de proximité, il a été décidé de procéder à une généralisation progressive en trois phases de la police de proximité, qui devrait être achevée au mois de juin 2002 :

- 1 ère phase (avril à décembre 2000)  extension de la police de proximité à l'ensemble du ressort des circonscriptions dans lesquelles étaient inclus les 62 sites expérimentaux ;

- 2 ème phase (octobre 2000 à octobre 2001) : extension à 176 nouvelles circonscriptions réparties sur 80 départements ;

- 3 ème phase : juin 2001 à juin 2002.

L'arrêté du 22 mai 2000 a modifié le règlement général d'emploi de la police nationale du 22 juillet 1996 pour inscrire la police de proximité dans les missions et l'organisation des circonscriptions de sécurité publique.

La circulaire du 11 juin 2001 a marqué le début du lancement de la dernière phase de généralisation dont la mise en oeuvre effective devrait débuter au début de l'année 2002.

Pour accompagner la mise en oeuvre de cette généralisation, des enveloppes de 100  et de 200 millions de francs ont été ouvertes par les budgets pour 2000 et 2001. Une nouvelle enveloppe de 22,87 millions d'euros (150 millions de francs) ouverte au budget 2002 lui sera largement consacrée.

Un redéploiement de 1 206 agents du corps de maîtrise et d'application est intervenu dans le courant de l'année 2000 au profit de la police de proximité. 1600 nouveaux redéploiements devraient intervenir en 2001. Ces redéploiements devraient se poursuivre en 2002.

Le Conseil de sécurité intérieur du 27 janvier 1999 avait prévu le redéploiement de 1200 policiers par an pendant trois ans au bénéfice des zones sensibles. Dans son rapport sur l'exécution du budget 2000, la Cour des comptes fait ressortir que les 26 départements classés les plus sensibles n'ont en réalité bénéficié en 2000 que de l'affectation de 132 policiers supplémentaires , tous fonctionnaires confondus.

Un effort particulier de formation a été engagé : 40 000 fonctionnaires devraient avoir bénéficié d'une formation à la police de proximité à la fin du processus de généralisation.

Cette formation est d'autant plus nécessaire que les conclusions de la mission d'évaluation conduite par l'inspection de la police nationale ont fait ressortir, au mois de juin dernier, l'absence d'adhésion des personnels de base à la réforme.

La mise en place de la police de proximité va de pair avec la mise en oeuvre des contrats locaux de sécurité . En application des circulaires interministérielles du 28 octobre 1997 et du 7 juin 1999, ces contrats ont pour objet de mobiliser tous les partenaires publics et tous les acteurs sociaux dans la mise en oeuvre au niveau local d'un véritable dispositif préventif et répressif de lutte contre l'insécurité.

Ces contrats déterminent les objectifs à atteindre et les actions à engager sur la base d'un diagnostic local de sécurité.

Au 31 août 2001, 528 contrats avaient été signés et 200 autres étaient en préparation. Ces contrats sont cosignés par le préfet, le procureur de la République et le ou les maires concernés et associent, outre les services de l'Etat, des partenaires privés tels les bailleurs sociaux, les sociétés de transports en commun, les organismes consulaires, les commerçants ou des associations.

A la même date, environ 9000 agents de médiation sociale, relevant de la loi n° 97-940 du 16 octobre 1997 relative au développement d'activité pour l'emploi des jeunes et de son décret d'application n° 97-954 du 17 octobre 1997, avaient été recrutés dans le cadre de ces contrats.

Il semblerait que l'implication sur le terrain des différents services de l'État soit souvent insuffisante et que le bilan de ces contrats soit souvent décevant. Une majorité de maires estiment ne pas être suffisamment associés à leur mise en oeuvre.

Une réelle politique de proximité exigerait à la fois davantage de moyens placés au contact des populations et une meilleure implication des élus locaux.

Votre commission regrette à cet égard que les propositions effectuées par le Sénat, sur le rapport de notre excellent collègue Jean-Pierre Schosteck 2( * ) , lors de la discussion du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne n'aient pas été retenues. Il ne s'agissait pas de transformer le maire en « shérif » mais de le placer au coeur des questions de sécurité dans sa commune, notamment en lui permettant d'obtenir l'information indispensable dont il est le plus souvent privé. Le Premier ministre lui-même, lors du congrès des maires de France, a reconnu la nécessité d'une meilleure association des maires, évoquant notamment l'information sur les suites judiciaires données aux plaintes, disposition que le Sénat avait pourtant adoptée contre l'avis du ministre de l'intérieur, et qui n'a pas été retenue par l'Assemblée nationale.

1. Un manque de policiers sur le terrain

Une politique de proximité nécessite des moyens importants en personnels placés au contact des populations . Or, les effectifs de policiers sont à l'heure actuelle lourdement grevés par les vacances de postes résultant du temps de formation des agents appelés à remplacer les nombreux personnels partant en retraite. En outre, de multiples policiers ne sont pas en contact avec les populations du fait de l'accomplissement de tâches purement administratives, de gardes statiques ou de tâches « indues » ne relevant pas en principe des missions de la police.

Afin de mieux gérer la présence policière par tranche horaire, en fonction des rythmes de travail propres à chaque unité et des récupérations d'heures supplémentaires, la police nationale a développé le programme GEOPOL. L'alimentation de ce programme ne semble cependant pas encore suffisamment automatisée pour être parfaitement crédible.

En tout état de cause, il semble que la montée en puissance de la politique de proximité s'accompagne de difficultés réelles pour mettre en place les policiers nécessaires à la réussite de cette politique. Des recrutements conséquents s'imposent en tout état de cause si l'on veut éviter que la police de proximité ne s'exerce au détriment des unités d'investigation .

En l'absence de recrutements, plusieurs voies ont été recherchées sans réel succès pour redéployer des effectifs sur le terrain.

a) Les redéploiements territoriaux entre la police et la gendarmerie nationale

A la suite du rapport de nos collègues MM. Jean-Jacques Hyest et Roland Carraz, le Gouvernement avait, lors du conseil de sécurité intérieure du 27 avril 1998, retenu le principe d'un redéploiement territorial des forces de police et de gendarmerie qui aurait permis d'affecter un plus grand nombre de policiers et gendarmes dans les zones sensibles. Ce plan aurait notamment conduit à la fermeture de 94 commissariats.

Devant les oppositions exprimées à ce projet, tant par les élus concernés que par les personnels, le gouvernement avait, dans un premier temps, chargé M. Guy Fougier de mener des consultations complémentaires.

Le Premier ministre a en définitive annoncé, le 20 janvier 1999, l'abandon du projet global de redéploiement, indiquant que les concertations seraient menées au cas par cas avec les élus concernés .

Depuis est intervenue la fermeture de six circonscriptions de sécurité publique 3( * ) .

Sont également intervenus des ajustements du ressort des circonscriptions de sécurité publique à la suite de transferts de responsabilité entre la police et la gendarmerie nationale.

Au total, ces opérations ont impliqué le transfert de 43 617 habitants de la responsabilité de la gendarmerie nationale à celle de la police nationale et de 145 846 habitants de la police vers la gendarmerie nationale, soit un différentiel de 101 846 habitants placés désormais sous la responsabilité de la gendarmerie nationale.

b) La fidélisation des forces mobiles

Le Conseil de sécurité intérieure du 19 avril 1999 a retenu le principe d'une fidélisation dans les zones sensibles de forces de CRS et de gendarmerie mobile à hauteur de 1500 CRS et 1500 gendarmes sur une période de trois ans. L'opération devrait être achevée à la fin de l'année 2001.

Cette fidélisation devait être accompagnée de la dissolution des compagnies départementales d'intervention dont les effectifs devaient être redistribués au bénéfice de la police de proximité. Ces compagnies ont été en fait remplacées par des groupes d'appui à la police de proximité.

Concernant les CRS, cinq compagnies sont affectées à résidence pendant trois ou quatre mois consécutifs , par roulement d'unités implantées sur un même site. Les départements concernés sont les Bouches du Rhône (CRS n° 53 à 55), la Haute Garonne (CRS n° 26 et 27), le Nord (CRS n° 11 et 12), le Rhône (CRS n° 45 et 46) et l'Essonne (CRS n° 5 et 8).

Conformément aux voeux du personnel, la période de sédentarisation, initialement fixée à six mois, a été réduite à quatre mois ou trois mois selon les unités.

Des détachements d'intervention à résidence de 60 fonctionnaires sont prévus dans douze autres compagnies . Ils sont également fidélisés par roulement des effectifs affectés dans les unités concernées. Huit détachements ont déjà été mis en place en 1999 et 2000 : Alpes maritimes (CRS n° 6) ; Ille-et-Vilaine (CRS n° 9) ; Loire (CRS n° 50), Hauts-de-Seine (CRS n°s 2 et 61) Seine-Saint-Denis (CRS n°s 4 et 7) et Val-de-Marne (CRS n° 3). Les quatre derniers détachements sont en cours de création : Meurthe-et-Moselle (CRS n° 39), Moselle (CRS n° 30) et Seine-Maritime (CRS n°s 31 et 32).

Cette opération ne rencontre pas véritablement l'adhésion des personnels. Ces derniers font ressortir que la non perception de l'indemnité journalière d'absence temporaire (IJAT) n'est pas entièrement compensée par l'indemnité représentative d'heures supplémentaires dont ils bénéficient.

c) L'externalisation de certaines tâches

Le ministre de l'intérieur souhaite encourager l'externalisation de certaines charges, concernant principalement la maintenance informatique et les ateliers de réparation de véhicules. La Cour des comptes a en effet relevé le nombre important de policiers se consacrant à ces tâches. Des consignes ont été données par une circulaire du 3 juin 1999 pour encourager le recours au secteur privé. L'ensemble des secrétariats généraux pour l'administration de la police ont eu recours en 2001 à des prestataires privés pour les petites réparations automobiles. 17,95 millions de francs ont été affectés à cette mesure. Il est envisagé en conséquence de redéployer 271 fonctionnaires de police actifs avant la fin de l'année 2001. Devrait être en outre conduite en 2002, dans deux secrétariats généraux pour l'administration de la police, une expérience de gestion pour compte du parc automobile de la police par des prestataires privés.

d) La limitation des « charges indues »

Par ailleurs, la réflexion qui s'était engagée à l'occasion du vote de la loi d'orientation du 21 janvier 1995 concernant la suppression de nombreuses « charges indues », s'agissant notamment des gardes statiques, des transferts de détenus, de la garde des détenus hospitalisés ou de l'établissement des procurations de vote, n'a pas encore abouti.

Le conseil de sécurité intérieure du 6 décembre 1999 a cependant prévu de transférer à l'administration pénitentiaire les escortes de détenus consultants médicaux ainsi que la garde des détenus hospitalisés dans les unités hospitalières sécurisées inter-régionales actuellement en cours de création. En outre, une expérience, actuellement menée par la chancellerie, de rationalisation des missions d'extraction des détenus devrait être généralisée.

Il est également envisagé de limiter les gardes statiques de bâtiments en ayant davantage recours aux systèmes de vidéo-surveillance ou aux rondes mobiles motorisées. Ces gardes ont en effet représenté 1,8 millions d'heures-fonctionnaire en 2000 pour les seuls fonctionnaires de la direction de la sécurité publique, ce qui correspond à l'emploi à temps plein de plus de 1000 agents.

e) Le recours à des personnels administratifs

Les recrutements de personnels administratifs devant permettre de décharger les policiers sont intervenus en nombre insuffisant par rapport aux prévisions de la loi d'orientation du 21 janvier 1995. Alors que cette loi avait prévu la création de 4 300 emplois administratifs au sens strict en 5 ans, moins de 500 créations de postes sont intervenues entre le 1 er janvier 1995 et le 1 er janvier 2000. Les 550 emplois créés dans le budget 2001 et les 243 emplois créés dans le budget 2002 ne permettront pas de rattraper le retard.

Comme l'a relevé la Cour des comptes dans son rapport paru en janvier 2000, le coût d'un agent administratif est de 50% inférieur à celui d'un policier actif. Or, la police française apparaît sous administrée par comparaison aux polices étrangères : le ratio des personnels administratifs par rapport aux actifs y est inférieur à 10% alors qu'il est de 20% aux Pays-Bas, de 30% en Allemagne et de 32,5% au Royaume-Uni. Il est indispensable de décharger davantage les policiers de tâches administratives de manière à ce qu'ils puissent se consacrer pleinement à leurs missions proprement policières sur le terrain.

f) L'indemnisation plutôt que la récupération des heures supplémentaires

Plus de 9 millions et demi d'heures supplémentaires sont dues aux policiers, tous services confondus. Ces derniers ont pris l'habitude de les récupérer sous forme de repos compensateurs. Or, cette forme de récupération grève considérablement la capacité opérationnelle sur le terrain, principalement quand les agents choisissent de capitaliser les heures en fin de carrière, bénéficiant ainsi d'une retraite avancée sans pouvoir être remplacés. Une expérimentation a été conduite dans deux arrondissements parisiens et deux départements pour indemniser les heures supplémentaires des agents du corps de maîtrise et d'application plutôt que d'en prévoir la récupération. Cette expérience, conduite sur le principe du volontariat, a connu un échec. Sa généralisation demeure donc très hypothétique.

2. Une police de proximité reposant sur des emplois jeunes

Faute de policiers sur le terrain, la police de proximité repose sur des emplois jeunes dont le recrutement s'avère difficile .

Étaient en fonction au mois d'août 2001, 16 322 adjoints de sécurité , pour un effectif budgétaire de 20 000 et environ 9 000 agents locaux de médiation sociale sur les 15 000 prévus.

Le recours à ces agents, opéré dans le cadre des dispositions de la loi n° 97-940 du 16 octobre 1997 relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes suscite de nombreuses inquiétudes alors même que les adjoints de sécurité sont appelés à représenter un cinquième de l'effectif du corps de maîtrise et d'application.

Les adjoints de sécurité sont des « emplois-jeunes » dont le statut relève du décret n°2000-800 du 24 août 2000 4( * ) .

Ils comptent 35% de femmes et 8% d'entre eux sont issus des zones urbaines sensibles.

Ils sont rémunérés au SMIC, ce qui rend leur fonction peu attractive.

Leur effectif, fixé budgétairement à 20 000 depuis la loi de finances pour 2000, n'a en fait jamais réellement dépassé les 16 000 agents, en raison des difficultés de recrutement rencontrées , particulièrement en Île-de-France.

Un tiers des agents recrutés depuis l'origine sont en outre sortis de manière prématurée du dispositif. La plupart ont démissionné. Parmi ceux-ci, 4500 ont réussi un concours de la police nationale. Par ailleurs, 748 adjoints ont été licenciés pour indiscipline ou atteinte à la déontologie, ce qui représente 8,67% des causes de départ. Il est désormais admis que le remplaçant d'un agent ayant rompu son contrat soit recruté pour une durée de cinq ans et non seulement pour la durée du contrat restant à courir.

L'article 13 de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne leur a attribué la qualité d'agent de police judiciaire adjoint . Ils assisteront donc de manière générale les officiers de police judiciaire. Ils pourront également constater par procès verbal les contraventions au code de la route prévus par décret en Conseil d'État.

L'article 16 de la même loi a prévu leur intégration dans le cadre des gardiens de la paix en cas de décès intervenant dans l'exercice de leurs fonctions ou de blessure grave contractée en mission de police. Il est à noter que 29 adjoints de sécurité sont décédés depuis l'origine.

Compte tenu des nouvelles prérogatives qui leur sont accordées les adjoints bénéficieront désormais d'une formation initiale d'une durée de 14 semaines , au lieu de 10 semaines, comprenant une partie théorique en école de 12 semaines et un stage de deux semaines dans un service. Une formation continue de deux semaines sera dispensée aux adjoints actuellement en fonction pour leur permettre d'accomplir leurs nouvelles missions.

Faute d'un encadrement suffisant , il est fréquent de rencontrer sur le terrain des adjoints de sécurité livrés à eux-mêmes ou simplement confiés à un jeune stagiaire, le problème étant plus aigu en région Ile-de-France où sont affectés beaucoup de gardiens de la paix stagiaires.

En outre, leur présence en priorité dans les zones sensibles, conduit à exposer aux risques les plus élevés des jeunes qui n'y sont pas préparés.

S'agissant de la qualité des personnels, la nécessité de recrutement en masse a parfois conduit à éluder les vérifications nécessaires sur les antécédents judiciaires des jeunes. Ont ainsi pu être embauchés des jeunes dotés d'un casier judiciaire.

Concernant leur avenir, compte tenu du grand nombre de départs à la retraite et des recrutements attendus dans le corps de maîtrise et d'application dans les années à venir (environ 25 000 en cinq ans), les jeunes embauchés auront toute facilité pour passer les concours de recrutement et être à terme intégrés dans la police. Le décret n° 99-904 du 19 octobre 1999 leur réserve ainsi 40% des postes ouverts aux concours de recrutement de gardiens de la paix , à condition qu'ils aient trois ans d'ancienneté. Une formation spécifique est proposée aux agents à cet effet.

Le ministère envisage en outre une validation de l'acquis professionnel des jeunes qui ne pourront pas entrer dans la police par la création d'une certification reconnue par les professionnels de la sécurité privée.

Votre commission insiste à nouveau pour que soit assurée la qualité de la formation et de l'encadrement de ces jeunes peu expérimentés, à qui sont confiées des missions parfois dangereuses et qui sont le plus souvent dotés d'une arme .

3. Une nécessaire complémentarité avec les polices municipales

Les polices municipales peuvent être un atout important d'une politique de proximité en complément des forces de police de l'État.

Lors de l'examen de la loi n° 99-291 du 15 avril 1999, le Sénat avait, sur le rapport de M. Jean-Paul Delevoye au nom de la commission des Lois, souhaité promouvoir la complémentarité des polices municipales et de la police nationale dans un cadre partenarial respectant l'autonomie des communes .

Le ministre de l'intérieur s'était engagé à faire paraître plusieurs décrets dès le mois de juillet 1999. Les délais annoncés sont loin d'avoir été tenus.

La plupart des décrets attendus sont parus dans l'année 2000. Le dernier décret intervenu est celui relatif à la commission consultative des polices municipales en date du 26 décembre 2000 (n° 2000-1329). Doivent encore intervenir les décrets relatifs au code de déontologie des agents et aux normes applicables aux équipements qui doivent être pris sur avis de cette commission consultative.

Des conventions de coordination entre les polices municipales et les forces de sécurité de l'État devaient être signées avant le 27 septembre 2000 dans les communes employant au moins cinq agents de police municipale, sous peine d'interdiction du travail de nuit et de l'armement des agents.

A ce jour, ont été signées 1 442 conventions , en majorité dans des communes comptant moins de cinq agents de police municipale souhaitant voir leurs policiers dotés d'une arme. Peu de communes employant au moins cinq agents n'ont pas signé de convention.

Le nombre de policiers municipaux en fonction est en augmentation. Il était de 14 442 au mois d'août 2001, contre 13 098 en 1998.

S'agissant de l'armement, ont été délivrées aux agents, 4 531 autorisations de ports d'armes de la quatrième catégorie et 8 749 autorisations de ports d'armes de la sixième catégorie.

Il semble que l'application de cette loi sur le terrain s'effectue globalement dans de bonnes conditions.

C. LE MALAISE DANS LA POLICE

Depuis le 23 octobre dernier, se sont succédées des manifestations de policiers dans tous le pays. Elles ont regroupé plusieurs dizaines de milliers de policiers de tous les corps.

Ces manifestations traduisent un malaise général , concernant aussi bien les gardiens de la paix que les officiers et les commissaires de police.

L'élément déclencheur a été le meurtre de deux policiers au Plessis-Trévise par un récidiviste remis en liberté par la justice. Mais ces manifestations traduisent un malaise plus profond accumulé depuis plusieurs années et catalysé notamment par l'application de la loi sur la présomption d'innocence, la mise en oeuvre à marche forcée de la police de proximité et l'échec des négociations sur la réduction du temps de travail.

Votre rapporteur a reçu les principaux syndicats de personnels actifs. Tous lui ont exprimé le profond découragement qui gagne la police.

La plupart souhaitent une véritable programmation pluriannuelle des moyens de l'ensemble des acteurs de la sécurité, certains évoquant un « plan Marshall » de la sécurité, d'autre un « Grenelle » de la sécurité.

Ils soulignent que la lourdeur des procédures induites par la loi sur la présomption d'innocence décourage l'action des policiers et favorise la libération des prévenus par la justice développant chez les « voyous » un sentiment d'impunité.

Ils réclament plus de considération et une meilleure reconnaissance financière de leur action , estimant que les risques encourus et leur qualification ne sont pas reconnus à leur juste niveau. Ils soulignent les difficultés particulières rencontrées en Île de France et dans les grandes villes où le coût du logement est élevé. Ils indiquent que la rémunération des policiers français est inférieure à celle de beaucoup de leurs homologues européens ou américains.

S'agissant de la négociation sur la réduction du temps de travail, ils se déclarent choqués de voir que le ministère leur propose, au-delà d'une récupération très partielle en journées de repos, une rémunération des heures supplémentaires non récupérées à 57 F  de l'heure.

Les négociations avec le ministère ont été officiellement rompues le 19 novembre.

Devant votre commission, le ministre de l'intérieur a indiqué avoir proposé aux personnels un plan d'action renforcée contre la violence , autour de quatre objectifs : « le renforcement de la présence policière ; l'amélioration de la protection physique et juridique des personnels de police ; de nouvelles mesures de lutte contre la violence ; enfin des mesures concrètes et significatives pour prendre en compte la difficulté du métier de policier ».

Une évaluation de l'application de la loi sur la présomption d'innocence a été demandée à M. Julien Dray.

Votre rapporteur estime que ce malaise des policiers doit être pris en compte par le gouvernement.

Dans un premier temps, un effort budgétaire significatif doit intervenir dans le cadre du présent budget, ne serait-ce que s'agissant de la réduction du temps de travail et des moyens de fonctionnement et d'investissement de la police.

Par la suite, il conviendra, s'il y a lieu, d'apporter les modifications qui se révèleraient nécessaires à la loi sur la présomption d'innocence.

D'une manière générale, il conviendra d'élaborer un état des lieux des moyens nécessaires à l'ensemble des acteurs de la sécurité et de se donner enfin les moyens d'une véritable politique de sécurité cohérente sur le long terme .

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page