Avis n° 144 (2001-2002) de M. Jean FAURE , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 13 décembre 2001

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N° 144

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Annexe au procès-verbal de la séance du 13 décembre 2001

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances rectificative pour 2001 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Jean FAURE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Xavier de Villepin, président ; MM. Michel Caldaguès, Guy Penne, André Dulait, Michel Pelchat, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Robert Del Picchia, Jean-Paul Delevoye, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Philippe François, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Henri Torre, André Vallet, Serge Vinçon.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 3384 , 3427 , 3428 et T.A. 736

Sénat : 123 et 143 (2001-2002)

Lois de finances rectificatives..

Mesdames, Messieurs,

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a souhaité se saisir pour avis de l'article 36 du projet de loi de finances rectificative pour 2001 relatif à la transformation de DCN (direction des constructions navales) en entreprise nationale.

Il s'agit là en effet d'une disposition importante, en raison de la place occupée par DCN dans notre industrie de défense, de son rôle central pour la construction et l'entretien des bâtiments de la Marine et des vives inquiétudes qu'inspire depuis plusieurs années l'avenir de ce service industriel de l'Etat.

Votre rapporteur pour avis résumera tout d'abord les différents arguments que votre commission a régulièrement développés ces dernières années, en particulier lors de l'examen des budgets successifs, et qui plaident en faveur d'une réforme urgente de DCN, et en premier lieu d'un changement de son statut.

Il présentera ensuite l'objet de la réforme prévue par l'article 36 du projet de loi, qui s'organise autour de trois principes : la transformation, en 2003, de DCN en société de droit privé détenue à 100 % par l'Etat, le maintien des personnels au sein de DCN, assorti de garanties sociales fortes, et la conclusion d'un contrat d'entreprise établissant les relations financières entre l'Etat et la future société.

Enfin, il soulignera les multiples questions que cette réforme, certes indispensable, laisse aujourd'hui en suspens, en insistant sur la nécessité, pour l'Etat, de prendre des engagements clairs et fermes sur les moyens qu'il consentira pour donner à la société toutes les chances de réussite.

I. L'URGENCE D'UNE RÉFORME

DCN est un établissement étatique ancien, hérité des arsenaux, qui a permis à la France de maîtriser toutes les technologies navales de pointe et qui possède de très importants atouts techniques et industriels. DCN est cependant confrontée depuis 10 ans à une évolution radicale de l'environnement stratégique et industriel qui a mis en lumière et aggravé ses handicaps internes. DCN risque en outre d'être marginalisée dans les alliances européennes en cours de constitution dans son secteur, alors que son volume d'activité et la technicité de ses produits devraient en faire un acteur majeur.

A. DES PERSPECTIVES DIFFICILES POUR LE DEUXIÈME INDUSTRIEL EUROPÉEN DE LA CONSTRUCTION NAVALE MILITAIRE

DCN est devenu le second constructeur naval militaire européen grâce à sa position de constructeur quasi exclusif de la marine française, deuxième marine européenne derrière la Royal Navy, et à la possession par celle-ci de tous les outils d'une marine océanique (sous-marins nucléaires lanceurs d'engins, sous-marins nucléaires d'attaque, porte-avions, flotte de surface moderne).

Sa compétitivité et son savoir faire sont toutefois menacés dans un contexte de forte réduction du volume des commandes de la Marine nationale. Elle est contrainte de restructurer son outil industriel, réforme d'autant plus difficile à mener qu'elle garde le statut d'une administration.

1. DCN, un acteur majeur de la construction navale militaire

. Le statut et l'implantation de DCN : un héritage historique fort

DCN est issue d'une longue tradition d'intervention de l'Etat dans la conception et la fabrication des armements navals. Comme dans d'autres domaines, celui-ci a été amené à créer et à gérer lui-même les outils nécessaires à sa politique. Cette volonté politique est à l'origine de la création des premiers arsenaux sous le règne de Louis XIII en 1631 par Richelieu pour rivaliser avec les puissances navales de l'époque : les Provinces Unies, l'Espagne et l'Angleterre.

Cette politique volontariste se renforcera et s'institutionnalisera au cours du XVIIe et du XVIIIe siècle. Le corps du génie maritime est créé par ordonnance royale le 27 mars 1765. Certaines implantations actuelles de DCN datent de cette époque. L'arsenal de Ruelle est créé en 1751 pour la fonte des canons de marine. L'arsenal de Cherbourg s'est spécialisé dans la construction des sous-marins dès 1897. L'établissement de Saint-Tropez existe depuis 1907 et a été repris par l'Etat en 1937 pour poursuivre son activité dans le domaine des torpilles.

L'implantation actuelle et la spécialisation des implantations de DCN sur le territoire sont stabilisées depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

En métropole, Brest (3 906 personnes fin 2000) s'est spécialisé dans la construction et la réparation des bâtiments de surface de grande dimension puis dans l'entretien des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE). Cherbourg (2 824 personnes) se consacre à la construction des sous-marins, Toulon (2 669 personnes) à l'entretien et la réparation des bâtiments de surface et des sous-marins d'attaque. Lorient ( 1 861 personnes) assure la construction des bâtiments de surface de moyen tonnage (frégates). En dehors des ports militaires, Indret est spécialisé dans la propulsion, classique et nucléaire, Ruelle dans les canons, l'usinage de pièces de grandes dimensions et dans l'électronique, Saint-Tropez dans les torpilles. Depuis 1945, seuls les arsenaux de Guérigny (1970) et ceux dans les colonies ont été fermés.

Les établissements de DCN sont confrontés à des problèmes de plan de charge. Les établissement de Ruelle et de Saint-Tropez sont particulièrement concernés en raison de la faiblesse du nombre de leurs personnels, de l'ordre de quelques centaines et d'une spécialisation qui ne leur assure pas une activité suffisante, alors que l'entreprise doit chercher à réduire ses coûts de structure et de personnel.

. Des atouts techniques et industriels plaçant DCN au deuxième rang en Europe

Le premier atout de DCN est sa maîtrise de l'ensemble des techniques les plus pointues de la construction navale militaire ce qui lui permet d'être le maître d'oeuvre d'ensemble des grands programmes navals mais aussi d'assurer la maîtrise d'oeuvre de la plate-forme (architecture navale, coque, énergie-propulsion) et du système de combat (intégration des armes, des systèmes de détection, de communication et de traitement de l'information). Elle est également l'un des seuls industriels au monde à être capable de fabriquer des sous-marins nucléaires d'attaque et lance-engins, des sous-marins classiques, des porte-avions et des bâtiments d'assaut amphibie et des frégates allant des plus complexes comme les frégates antiaériennes à des modèles plus simples mais extrêmement performants et polyvalents comme les frégates de type La Fayette.

Elle est aussi l'un des rares industriels à intégrer l'ensemble des métiers de la construction navale : conception, construction neuve et entretien. La capacité de mener des opérations d'entretien est un atout très important car il assure une certaine stabilité du chiffre d'affaires et du plan de charge des établissements concernés. Cette activité représente pour DCN 30 à 35 % de son activité. A contrario, GIAT-Industrie n'a pas pu bénéficier de cet apport.

. La place de DCN en Europe

Avec un chiffre d'affaires hors taxe de 1,43 milliard d'euros presque exclusivement dans le domaine militaire, DCN est de loin le premier acteur du secteur en France . En dehors de Thalès qui intervient dans le domaine naval essentiellement à l'exportation et comme systémier, les autres acteurs français se limitent à la construction de bâtiments de petit tonnage. Il s'agit des Constructions mécaniques de Normandie avec un chiffre d'affaires de 0,03 milliard d'euros dans le domaine militaire et de Alstom Marine dont le chiffre d'affaires militaire est de 0,09 milliard d'euros. Dans les domaines de la propulsion, interviennent Technicatome (nucléaire) et SEMT-Pielstick et Wärtsila (classique-diesel).

En Europe, le principal industriel naval militaire est BAe Systems , issu de la fusion de BAe et de Marconi Systems, qui a racheté trois chantiers navals et assure, essentiellement au bénéfice de la Royal Navy, la construction et l'intégration des systèmes d'armes des navires. Son chiffre d'affaires militaires s'élève à 1,83 milliard d'euros mais n'est qu'une partie de l'activité du groupe dont le chiffre d'affaires est de 18,75 milliards d'euros et l'effectif de 83 400 personnes. Il bénéficie donc d'une assise financière considérable lui permettant de compenser les à-coups des marchés militaires. Dans le domaine de la propulsion, Rolls Royce est le principal concurrent étranger. Comme BAe, son activité n'est pas que navale mais également aéronautique, lui offrant la possibilité d'économies d'échelles importantes, les technologies des moteurs d'avions pouvant être appliquées aux turbines à gaz assurant la propulsion des bâtiments de combat.

Les industriels allemands ont une activité mixte à la fois civile et militaire. Le groupe German Submarine Corporation (GSC) est issu de l'alliance de l'allemand HDW et du Suédois Kockums. Il est le leader mondial dans le domaine des sous-marins, ayant exporté une cinquantaine de sous-marins de type « U 209 ». En Italie , la construction navale militaire est assurée par le groupe Fincantieri. Elle représente 20 % de son chiffre d'affaires et 0,27 milliard d'euros. Sa privatisation est engagée. En Espagne enfin, le chiffre d'affaires militaire du groupe public Izar , regroupement de Bazan et de AESA, représente 0,47 milliard d'euros. Sa privatisation est envisagée dans les deux prochaines années.

2. Des perspectives difficiles

Malgré sa forte position en Europe, DCN est confrontée à une situation difficile depuis une dizaine d'année du fait de la diminution du plan de charge et de ses difficultés structurelles à moderniser sa gestion.

. Une forte diminution des commandes nationales et du plan de charge des établissements

DCN a dû faire face au cours de la dernière décennie à la chute de son chiffre d'affaires de l'ordre de 40 % . Durant cette période, l'activité de construction neuve au profit de la marine française a été divisée par deux et l'entretien des bâtiments de la flotte s'est à peine maintenu.

Il faut en effet rappeler que depuis dix ans notre pays a sensiblement réduit son effort de défense et le format de ses armées. Le nombre des bâtiments de la Marine a été réduit de 20 %, conduisant à mettre en difficulté plusieurs établissements de DCN, les commandes nationales n'étant plus suffisamment nombreuses et régulières pour assurer un plan de charge normal.

Presque tous les établissements sont concernés . La Cour des comptes, dans son rapport sur les industries d'armement de l'Etat en date d'octobre 2001, met en exergue la sous-activité chronique de celui de Saint-Tropez qui est resté longtemps inactif dans l'attente de la fabrication des torpilles MU 90 et qui risque de connaître de nouvelles difficultés si le lancement d'un programme de torpilles lourdes n'était pas décidé pour remplacer la F 17. L'établissement de Brest , qui conserve une importante activité d'entretien, ne dispose plus d'un volume suffisant de constructions neuves, aucun projet de second porte-avions ne venant garantir son avenir à moyen terme. De même, l'établissement de Cherbourg , qui n'avait jusqu'à présent jamais connu de difficultés en la matière, doit s'adapter au nouveau format de la Marine. Le nombre des SNLE de nouvelle génération a été réduit à 4, et celui des sous-marins d'attaque à 6 sous-marins nucléaires. La charge de travail représentée par la construction et l'entretien de ces bâtiments, deux SNLE-NG étant déjà en service, ne suffira pas à maintenir l'activité. La conquête de marchés à l'exportation grâce à la vente des sous-marins Scorpène construits en collaboration avec l'espagnol Izar est indispensable.

. L'apport limité de l'exportation et de la diversification

Confrontée à la baisse de son plan de charge, DCN a cherché à gagner des parts de marché à l'exportation. Elle a poursuivi cet effort dans trois domaines : la construction neuve (sous-marins et frégates), l'entretien et la diversification.

Or, il apparaît que cette démarche n'a pas toujours été profitable pour l'entreprise et a mis en évidence un certain nombre de dysfonctionnements internes.

Les principaux contrats à l'exportation ont porté sur la vente de frégates de type La Fayette à trois pays. Le contrat « Bravo » conclu en décembre 1991 avec Taïwan portait sur six frégates qui ont été livrées entre 1996 et 1998. Le bénéfice prélevé par l'Etat, en 1997, pour cette opération a été de 0,21 milliard d'euros. Le contrat « Sawari II » conclu avec l'Arabie Saoudite porte sur trois frégates actuellement en construction et livrables en 2002 et 2003. Enfin, le contrat « Delta » signé en mars 2000 avec Singapour porte sur six bâtiments dont un seul construit en totalité en France.

D'autre part, DCN est parvenue à pénétrer le marché des sous-marins, jusqu'à présent détenu en totalité par ses concurrents allemands, britanniques et américains. Un contrat, portant sur trois sous-marins de type Agosta 90 B, a été conclu avec le Pakistan en 1994. Un seul sous-marin, livré en 1999, a été construit en totalité en France. Les deux autres font l'objet de transferts de technologies, ce qui pose de nombreuses difficultés pratiques. Aujourd'hui, la Cour des comptes estime que ce contrat pourrait provoquer une perte de l'ordre de 20 % de son montant. Le contrat avec le Chili porte sur deux sous-marins de type Scorpène. Il a été signé en 1997. Ces sous-marins seront construits avec l'espagnol Izar, 2/3 environ de la charge de travail revenant à DCN. Dans l'état actuel du programme il n'est pas certain que DCN soit bénéficiaire.

Ces deux programmes de sous-marins ont illustré les difficultés de DCN à évaluer et maîtriser les coûts d'un grand programme d'équipement, comme à financer et rentabiliser un développement, à ses propres frais, de tout ou partie d'un bâtiment nouveau. Pour les sous-marins Agosta, la mise au point du système de propulsion anaérobie « MESMA » aura coûté 23,63 millions d'euros et l'ensemble du développement du Scorpène entre 53 et 76 millions d'euros

DCN a également cherché à obtenir des contrats d'entretien de navires étrangers. La Cour des comptes a ainsi relevé qu'en raison de l'incapacité de DCN à évaluer ses propres coûts et l'ampleur du travail à réaliser, le contrat d'entretien « Mouette » de huit bâtiments de la marine saoudienne s'était soldé pour DCN par une perte de 174,1 millions d'euros, soit 34,5 % du montant du contrat.

Enfin, les tentatives de diversification des établissements locaux (porte-écluse à Lorient et plates-formes de forage à Brest) n'ont permis d'atteindre aucun des objectifs de départ. Elles ont en effet entraîné des pertes financières et n'ont pas permis à DCN de développer durablement un nouveau secteur d'activité.

B. DES HANDICAPS À RÉDUIRE RAPIDEMENT

Pour s'adapter à son environnement, améliorer sa gestion et exporter, DCN a fait évoluer ses structures. D'importants handicaps subsistent toutefois en matière de personnel, de gestion et en raison de la faiblesse des partenariats industriels.

1. Une lente adaptation aux exigences de compétitivité

Entreprise depuis de nombreuses années, l'évolution de DCN en vue d'améliorer son efficacité et sa compétitivité s'opère avec lenteur.

. L'adaptation de DCN à la recherche de marchés étrangers

Dans un premier temps, la création du compte de commerce en 1967 , a permis à DCN de disposer de règles financières plus adaptées à son activité industrielle et lui a donné la possibilité de prendre des commandes sans passer par la loi de finances. En 1970, a été créée la société Sofrantem entre la Société générale, le Crédits Lyonnais, la BNP et la BFCE pour prendre en compte les aspects financiers des contrats de DCN à l'étranger.

Le tournant essentiel a toutefois été pris en 1991 par la création de la société DCN-International , société détenue à 100 % par l'Etat et devant prendre en charge pour DCN les activités commerciales à l'étranger et le suivi des contrats à l'exportation. Cette société a depuis cinq ans un chiffre d'affaires moyen de 0,61 milliard d'euros par an et a permis d'accompagner la montée en puissance des contrats d'exportation dans l'activité de DCN. Presque inexistants il y dix ans, ils représentent aujourd'hui 25 % environ de l'activité. En 1994, ce dispositif fut complété par la création de la société DCN-Log (logistique) filiale à 100 % de DCN-I.

Cette évolution n'est pourtant pas apparue suffisante pour assurer dans de bonnes conditions l'exportation des produits de la construction navale militaire française, certains pays ne souhaitant pas contracter avec un « service » du ministère de la Défense et donc contrôlé par l'Etat et préférant avoir comme interlocuteur un industriel. L'expérience a aussi montré que DCN manquait de culture commerciale et de savoir faire. Des filiales ad hoc ont donc été créées avec le principal partenaire privé de DCN, intervenant sur les systèmes d'armes des bâtiments : Thalès . Il existe déjà deux filiales communes : UDSI pour les systèmes de combat pour les sous-marins et SFCS pour la réalisation des systèmes de combat pour les frégates destinées à l'Arabie Saoudite.

Une négociation est actuellement en cours pour créer entre Thalès et DCN une société commune , la Société de systèmes de défense navals (SSDN), qui aurait pour mission de commercialiser et de gérer l'ensemble des programmes à l'exportation. Les discussions ont longtemps buté sur le partage des tâches entre les deux sociétés. Il semble toutefois qu'un accord soit en vue, garantissant les intérêts de l'industriel et de l'Etat.

Enfin, la constitution d'une filiale avec Technicatome est envisagée pour constituer un pôle français plus puissant en matière de propulsion navale militaire.

. La séparation des activités étatiques et industrielles et la transformation en Service à compétence nationale

Après avoir identifié, au début des années 1990, les activités de nature régalienne et celles à vocation industrielle, il a été décidé en 1996 de séparer , à partir de 1997, les activités industrielles des activités étatiques , c'est à dire de distinguer ce qui relève de la définition d'un programme de son exécution par l'industriel. Auparavant en effet, ces missions étaient réunies au sein de la DGA. La DCN est alors devenue un service distinct du « service des programmes navals » de la DGA. Au plan comptable cette réforme n'est pas achevée, de nombreux actifs n'ont pas encore été transférés à l'Etat.

Une deuxième étape a été engagée en avril 2000 par la séparation de DCN et de la DGA et sa transformation en service à compétence nationale directement rattaché au ministre de la défense . Cette évolution, sans incidence directe sur le mode de gestion, a permis de donner un rôle réellement distinct de DCN par rapport à la DGA. La DGA reste le client et le contrôleur de DCN mais ne se trouve plus en situation « de contrôleur et de contrôlé ». Cette réforme visait donc d'une part à assainir ces relations et d'autre part à préparer le changement de statut de DCN en société.

. L'amélioration de la gestion de DCN

La création du compte de commerce a permis à DCN de déroger au principe d'universalité budgétaire en affectant des recettes à des dépenses, d'assouplir les règles d'engagement, de dégager un résultat annuel et de reporter systématiquement le solde d'une année sur l'autre. Mais le compte de commerce ne permet pas à DCN d'employer directement des agents de l'Etat ou d'effectuer des emprunts pour financer des investissements.

La Cour des comptes a toutefois montré comment ces mécanismes avaient été « dévoyés » en raison de l'absence de contrôles financiers suffisants, de l'abus du caractère évaluatif des dépenses dans un compte de commerce conduisant à l'établissement de « comptes irréguliers et dépourvus de significations économiques ».

L'un des plus graves défauts du compte de commerce a été de ne pas introduire une logique de résultat. La DCN devait vendre sans marge à la Défense mais en réalité cette règle a conduit DCN à facturer ses services à la Marine dans une logique de « coûts constatés » et donc le plus souvent de surcoûts, ne pouvant faire de déficit. L'ensemble des pertes étaient ainsi mises à la charge du budget de l'Etat. Plutôt que de protéger le budget de la Marine de la situation de monopole de DCN, ce système a déresponsabilisé DCN et l'a protégée.

Ces dérives ont conduit à la rédaction d'une Charte de gestion en 1999 modifiant les principes de fonctionnement du compte de commerce. Les relations de DCN avec le ministère de la défense sont contractualisées de telle sorte que la facturation des prestations soit établie en fonction de l'avancement des travaux et du prix défini dans le contrat. Un échéancier des paiements est mis en place. La structure des coûts de DCN doit devenir plus transparente en distinguant les coûts de production des coûts de structure et des coûts « hors exploitation normale » correspondant aux mesures de dégagement des cadres et aux frais des sureffectifs. Le compte de commerce devra désormais dégager un résultat annuel positif ou négatif. Un résultat négatif, ne pouvant pas être gagé sur des réserves, devra être comblé par un abondement au budget de l'Etat. Les charges « hors exploitation normale » sont couvertes par le Fonds d'adaptation industrielle (FAI) financé sur le titre V du budget de la Marine. Un bilan comptable de DCN doit être établi. Enfin, la Charte de gestion demande à ce qu'un plan stratégique sur cinq soit mis en place.

. La diminution des effectifs

Enfin, les évolutions du plan de charge de DCN et l'amélioration de la gestion de l'entreprise nécessitaient de diminuer les effectifs. Ils sont passés de plus de 21 000 en 1995 à moins de 15 000 aujourd'hui.

Cette diminution de plus de 6.000 postes s'est effectuée essentiellement par des mesures d'âge, les personnels âgés de plus de 55 ans puis de plus de 52 ans étant incités à partir. Ces mesures ont été financées par le Fonds d'adaptation industriel (FAI) inscrit au titre V du budget de la Marine pour un montant total, entre 1997 et 2002, de près de 0,5 milliard d'euros et diminuant d'autant ses capacités d'achat et de construction neuve. On estime ainsi que le FAI a représenté un coût supérieur à celui de la 6ème frégate de type La Fayette dont la commande a été annulée.

En revanche, les mesures visant à permettre la mutation des personnels de DCN vers les armées et d'autres services du ministère de la défense se sont révélées un échec dès la seconde année de mise en oeuvre, en raison de la faible mobilité géographique des personnels, de l'inadaptation des postes proposés aux qualifications et des conditions extrêmement avantageuses des départs en préretraite. En 2001, il n'y aura eu que 45 mutations.

2. De forts handicaps subsistent

Malgré l'ensemble des mesures prises pour réformer le fonctionnement de DCN et améliorer sa compétitivité d'importants handicaps subsistent, expliquant l'urgence du changement de statut.

. Sureffectif et sous-encadrement

En premier lieu, et malgré la diminution rapide des effectifs depuis 1996, DCN continue de souffrir de sureffectifs. Au regard de son chiffre d'affaires, DCN apparaît toujours comme sous-productive par rapport aux normes du secteur qui exigeraient un ratio d'au moins 0,15 million d'euros par employé. En 1999, ce ratio s'établissait, selon la Cour des Comptes, à 0,11. Il sera donc indispensable d'agir sur tous les leviers possibles pour redresser une situation qui ne permet pas à court terme à DCN de faire face à la concurrence internationale. Elle justifie que des mesures particulières soient prises dans le cadre du contrat d'entreprise qui accompagnera le changement de statut.

Ensuite, en dépit de ce sureffectif, DCN souffre d'un sous-encadrement . Les départs anticipés à la retraite ont entraîné une forte perte d'expérience et une diminution excessive du nombre des cadres intermédiaires. La logique de dégagement des cadres a en outre bloqué toute nouvelle embauche et empêché le recrutement de cadres qualifiés dans les domaines des achats et de l'entretien des bâtiments. DCN a également subi des départs et une désaffection de la part des cadres de haut niveau qui ne souhaitaient pas rester dans une entreprise dont l'avenir apparaissait moins sûr que celui des grands groupes de l'armement. L'ensemble de ces phénomènes a donc conduit la direction de DCN à concentrer ses efforts sur l'exportation et les constructions neuves, expliquant en partie la dégradation de la disponibilité des bâtiments de la Marine depuis trois ans.

Dans la gestion de ses ressources humaines DCN souffre aussi de la rigidité qu'impliquent des personnels sous statut bénéficiant d'avantages importants. Les ouvriers d'Etat représentent les trois quarts des effectifs, ils sont peu mobiles et disposent d'une complète sécurité de l'emploi. DCN doit garder l'ensemble de ses personnels quel que soit son plan de charge. En raison de son personnel à statut public, DCN a des coûts fixes élevés et sur lesquels elle n'a aucune marge de manoeuvre : les personnels doivent être payés quelle que soit la charge de travail.

. La gestion des stocks et la passation des marchés

Les difficultés rencontrées dans l'entretien des bâtiments de la Marine nationale, qui ont provoqué une forte baisse de leur taux de disponibilité, a mis en lumière les graves insuffisances de la gestion des pièces de rechange et des munitions. Elles ont conduit à maintenir des stocks considérables mais mal répertoriés et parfois obsolètes, DCN n'étant pas capable de répondre rapidement, sinon par des achats en urgence très coûteux, aux demandes de la Marine. La Cour des comptes a ainsi mis en lumière l'absence de centralisation des achats, le nombre très élevés des achats d'une valeur inférieure à 7 000 F dont le coût était en moyenne de 2 000 F et l'obscurité de procédures d'urgence favorisant les malversations.

DCN reste également handicapée par sa soumission au Code des marchés publics qui a néanmoins été assoupli par un décret du 31 juillet 2001 (recours aux marchés-cadres, modification des règles de mise en concurrence).

. L'absence d'une gestion d'entreprise et l'incapacité à nouer des alliances industrielles

Dans le cadre de son statut de service à compétence nationale et donc d'administration, la DCN ne peut pas réellement développer une culture d'entreprise, de risque industriel et de responsabilité face aux résultats économiques et financiers de son activité. Dans ses achats, dans ses modes de contractualisation et de financement, elle reste liée par le droit public et ne peut fonctionner comme une entreprise. Elle n'a, par exemple, pas les capacités indispensables de réactivité dans un univers concurrentiel.

Par ailleurs, son statut de service administratif du ministère de la défense l'empêche de mettre en place une quelconque alliance durable et donc capitalistique avec des industriels européens. Une telle possibilité provoque de toute façon une réaction de rejet immédiat chez nos partenaires.

Plus préoccupant encore est le risque de marginalisation de DCN en Europe dans le cadre des restructurations en cours alors qu'en tant que deuxième industriel du secteur, elle devrait en être l'un des moteurs. En effet, en Europe, deux pôles importants sont apparus ces dernières années avec la fusion de BAe et de Marconi Electronic Systems et celle de HDW et Kockums. Dans le secteur des sous-marins, les surcapacités sont importantes, ce qui provoquera de nouvelles restructurations que le nouveau groupe souhaitera certainement fédérer. Une coopération est engagée avec Fincantieri sur le nouveau sous-marin U 212, alors que DCN coopère déjà avec le groupe italien sur le programme de frégates antiaériennes Horizon. De la même façon, DCN coopère avec l'Espagnol Izar sur le programme Scorpène, mais, dans la perspective de la privatisation de cette entreprise, Lockheed Martin et le chantier naval américain Bath Irons Works participent au programme de frégate F 100 pour l'Espagne et l'exportation. En France même, un groupe international comme Thalès pourrait trouver d'autres partenaires que DCN si la situation n'évoluait pas favorablement.

II. LES CONDITIONS DE LA TRANSFORMATION DE DCN EN SOCIÉTÉ

La réforme proposée par le gouvernement et définie par l'article 36 du projet de loi s'organise autour de trois principes :

- la transformation de DCN en société au capital entièrement détenu par l'Etat en 2003,

- le maintien des personnels au sein de la société, assorti de garanties sociales fortes,

- la conclusion d'un contrat pluriannuel d'entreprise définissant les relations financières entre la future société et l'Etat.

A. UNE SOCIÉTÉ DÉTENUE À 100 % PAR L'ETAT

A l'image de nombreux services de l'Etat exerçant des activités industrielles ou commerciales en régie (Seita, Giat, Snpe, Imprimerie Nationale, Renault, France Telecom, La Poste), le choix a été fait de transformer DCN en société anonyme.

Le premier alinéa de l'article 36 dispose qu'au plus tard au terme de deux années suivant la promulgation de la présente loi, « tout ou partie des droits, biens et obligations de l'Etat relatifs au service à compétence nationale DCN sont apportés, par arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et du ministre de la défense, à une entreprise nationale régie par le code du commerce, dont le capital est détenu en totalité par l'Etat ».

Le statut de DCN sera donc celui d'une société régie par le code du commerce , mais de par la loi, son capital sera détenu à 100 % par l'Etat . Cette disposition, si elle était maintenue, subordonnerait toute ouverture éventuelle du capital à un actionnaire autre que l'Etat, postérieurement à la constitution de la société, à une modification législative.

L'échéance de la transformation en société a été fixée à deux ans , l'objectif étant que la future société puisse démarrer son premier exercice au 1 er janvier 2003 . Toutefois, d'ores et déjà a été mise en place par décret 1 ( * ) une société de préfiguration appelée DCN-Développement chargée de préparer les opérations préalables à l'entrée en vigueur du changement de statut. DCN-Développement doit notamment recruter des personnels spécialisés dans le droit des sociétés, la gestion des ressources humaines et la comptabilité privée, autant de compétences qui ne se trouvent pas en nombre suffisant au sein de l'administration qu'est encore DCN.

Au regard de la situation actuelle de DCN, service de l'Etat géré sous compte de commerce, le statut de société entraînera plusieurs changements notables :

- l'accession à une personnalité juridique pleine et entière, distincte de celle de l'Etat, et à une réelle autonomie de gestion,

- la sortie du champ d'application du code des marchés publics qui permettra à DCN de disposer d'une beaucoup plus grande marge de manoeuvre pour la passation de ses contrats et de ses marchés avec ses fournisseurs ou ses sous-traitants,

- l' application de droit commun pour les contrats conclus avec les clients et fournisseurs privés ou pour les voies d'exécution (possibilité de recourir à la transaction ou à des conventions d'arbitrage),

- une plus grande autonomie dans la gestion des ressources humaines, qui lui permettra par exemple de mieux organiser la conduite des chantiers, grâce à l'embauche d'intérimaires ou de contractuels à durée déterminée de chantier, comme dans le secteur civil, ou de recruter dans les métiers stratégiques aujourd'hui en déficit ou nécessaires pour un fonctionnement d'entreprise (achats, gestion de projets, finances, juridique...),

- l' assujettissement de l'ensemble des opérations de DCN à la TVA, alors que jusqu'à présent les prestations fournies au profit du ministère de la défense en étaient exonérées.

L'article 36 ne précise pas définitivement le périmètre de la future société, qui reprendra tout ou partie des activités de l'actuel service à compétence nationale. Il restera en effet à déterminer les actifs corporels (moyens industriels) et incorporels (brevets) transférés à la société, ainsi que les conditions dans lesquelles celle-ci pourra continuer à utiliser les moyens restant propriété de l'Etat.

Selon les informations fournies à votre rapporteur, seule une part très marginale des activité actuelles de DCN devrait être laissée à l'Etat . Il pourrait notamment s'agir d'une partie de la gestion des rechanges étatiques et de certaines immobilisations qui ne sont pas directement nécessaires à la société. Certains outillages spécifiques (en particulier pour le domaine nucléaire) ou certaines emprises (bassins) pourraient être laissés à l'Etat, DCN acquittant une redevance correspondant à leur utilisation, comme cela est souvent le cas pour les chantiers privés qui utilisent les infrastructures portuaires.

Il est en revanche prévu que les participations de l'Etat dans DCN International, de même que dans la société de systèmes de défense navals (SSDN) en cours de constitution avec Thalès, seront transférées à la future société.

Enfin, l'article 36 laisse un délai de 4 ans après la promulgation de la loi pour la clôture du compte de commerce n° 904-05 « Constructions navales de la marine militaire » afin de pouvoir couvrir au-delà de 2003 les opérations qui n'auraient pas été transférées à la nouvelle société.

B. LE MAINTIEN DES PERSONNELS AU SEIN DE LA FUTURE SOCIÉTÉ

L'incidence du changement de statut de DCN sur l'ensemble de son personnel présente une certaine complexité en raison de la multiplicité des situations juridiques de ces agents qui relèvent de quelque 25 statuts différents. Toutefois, le projet de loi retient le principe du maintien de ces personnels au sein de l'entreprise , dans le cadre de leur statut actuel. Dès la création de la société, l'ensemble de ces personnels seront en effet mis à disposition de DCN par l'Etat. Cette mise à disposition pourra perdurer le restant de leur carrière pour les ouvriers d'Etat. Elle sera limitée à 2 ans pour les autres personnels. L'ensemble de ces personnels se verront proposer un contrat de travail à durée indéterminée par DCN. Selon l'engagement pris par le ministre de la défense, quel que soit le type de contrat proposé, les personnels bénéficieront d'une rémunération nette au moins égale à celle dont ils disposent dans leur situation actuelle.

Pour l'ensemble des personnels, un décret en Conseil d'Etat précisera les modalités d'application de la loi, et notamment les modalités financières des mises à disposition ainsi que les conditions de réaffectation dans les services de l'Etat.

Votre rapporteur pour avis a eu communication du projet de décret relatif à la situation des personnels de l'Etat mis à la disposition de l'entreprise nationale DCN, dans sa version en date du 7 décembre dernier.

Les dispositions de ce projet de décret ont été reprises par le ministre de la défense dans une lettre qu'il a adressée le 6 décembre dernier aux partenaires sociaux de DCN et qui est reproduite en annexe.

Les différentes catégories de personnel au sein de DCN

Au 31 décembre 2000, l'effectif de DCN s'élevait à 15 095 agents relevant de catégories juridiques diverses, régies par environ 25 statuts différents. Ces personnels se répartissent selon 4 catégories principales.

1. Les ouvriers sous statut

Recrutés directement au niveau de chaque site ou de chaque établissement, auquel ils demeurent attachés, les ouvriers d'Etat n'ont pas la qualité de fonctionnaire. Leur statut est notamment défini par les décrets des 26 février 1897, 1 er avril 1920 et 8 janvier 1936, ainsi que par les textes réglementaires ultérieurs qui les ont modifiés.

Ces personnels bénéficient d'un régime de retraite particulier (fonds spécial des pensions des ouvriers d'Etat). Leur rémunération est indexée sur l'évolution des salaires d'un échantillon d'entreprises de la metallurgie parisienne.

Le nombre d'ouvriers d'Etat s'élève à DCN à environ 11 500 agents , dont 8 000 ouvriers, 2 700 techniciens à statut ouvrier et 700 chefs d'équipe.

2. Les fonctionnaires

Ils représentent environ 2 160 agents relevant de différents corps : ingénieurs d'études et de fabrications (500 personnes), attachés des services administratifs et chefs de service administratifs (35 personnes), techniciens supérieurs d'études et de fabrications (750 personnes), secrétaires administratifs (280 personnes), adjoints et agents administratifs (570 personnes).

3. Les militaires

Au nombre de 630 agents , il s'agit principalement des ingénieurs de l'armement (120 personnes), des ingénieurs d'études et techniques de l'armement (440 personnes), des officiers du corps technique et administratif de l'armement (50 personnes).

4. Les contractuels

Il s'agit principalement de 530 ingénieurs contractuels, ainsi que d'une vingtaine de personnels sous contrat à durée déterminée.

. Les ouvriers d'Etat

Représentant plus des trois quarts du personnel actuel, les ouvriers d'Etat, chefs d'équipes et techniciens à statut ouvrier seront mis à disposition de la nouvelle société par l'Etat sans aucune limitation de durée, c'est-à-dire pour la durée restant à courir jusqu'à la fin de leur carrière, sauf s'ils optent volontairement pour un contrat de travail relevant de la convention collective applicable à DCN.

La situation de ces personnels demeurera inchangée en matière de salaires, d'indemnités et de régime social.

. Les fonctionnaires et les militaires

Les fonctionnaires et militaires en service à DCN seront mis à disposition, durant une période maximale de 2 ans, de la société ou des sociétés dont elle détient le contrôle, seule ou conjointement.

Au-delà de la période de deux ans, ces personnels pourront continuer à servir au sein de DCN dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, en conservant toutes leurs garanties statutaires dans le cadre d'un détachement renouvelable, sans limitation de durée. La société pourra également proposer un contrat dans le cadre de la convention collective aux personnels qui le souhaitent, et qui se placeront dans ce cas en situation de disponibilité.

Rappelons qu'en application de l'article 65 de la loi de finances rectificative pour 2000, ces personnels peuvent déjà être détachés dans les sociétés qui recevront tout ou partie des actifs de DCN international, cette disposition ayant été prise dans le cadre de la constitution d'une société commune avec Thalès.

. Les agents contractuels

Les agents contractuels seront également mis à disposition de la future société, ou d'une société dont elle détient le contrôle , pour une durée de deux ans. Au-delà, ils se verront proposer un contrat de travail à durée indéterminée . S'ils l'acceptent, ils pourront bénéficier durant un an d'un congé pour convenance personnelle dans le cadre de leur actuel contrat de droit public, ce qui leur permettra éventuellement de reprendre une activité au sein du ministère de la défense à l'issue du délai d'un an. En outre, pendant une période de cinq ans à compter de leur recrutement par la société, ils auront la possibilité de revenir sur un emploi vacant correspondant à leur qualification dans un établissement du ministère de la défense susceptible de les accueillir.

. La situation des personnels refusant de servir au sein de la nouvelle société

Les personnels civils titulaires ou contractuels qui refuseraient le contrat de recrutement à durée indéterminée proposé par DCN à l'issue de la période de mise à disposition, seront affectés dans un service du ministère de la défense.

Il en ira de même pour les personnels militaires n'ayant pas souhaité exercer en position de service détaché au sein de DCN ou des sociétés dont elle détiendra le contrôle.

Le ministre de la défense s'est engagé à ce que trois affectations au sein du ministère de la défense soient alors proposées.

C. UN CONTRAT D'ENTREPRISE PLURIANNUEL CONCLU AVEC L'ETAT

L'article 36 prévoit également la conclusion entre DCN et l'Etat d'un contrat d'entreprise pluriannuel destiné notamment à fixer leurs relations financières.

L'Assemblée nationale a apporté plusieurs précisions, prévoyant que sa conclusion doit intervenir au cours du premier trimestre du premier exercice d'activité de l'entreprise, et que le contrat doit également fixer « les objectifs économiques et sociaux qui sont assignés à l'entreprise en contrepartie d'une garantie d'activité sur la période d'exécution du contrat d'entreprise ».

Par ailleurs, selon l'exposé des motifs du projet de loi, le contrat d'entreprise avec DCN « fixera les objectifs d'efficacité industrielle et de compétitivité assignés à celle-ci et déterminera les moyens mis en oeuvre dans les domaines commercial, financier, industriel, des ressources humaines et de la recherche et du développement pour lui permettre d'atteindre ces objectifs. Ce contrat d'entreprise précisera en particulier le contenu du plan industriel de l'entreprise nationale, notamment en termes d 'investissements et de recrutements , ainsi que le niveau prévisionnel de son activité pour la Marine nationale ».

Le ministre de la défense a précisé que le contenu du contrat d'entreprise sera décliné site par site.

III. LA RÉFORME DONNE-T-ELLE À DCN LES MOYENS DE SA COMPÉTITIVITÉ ?

Depuis plusieurs années, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées exprime sa vive inquiétude sur l'avenir de DCN.

Elle redoute de voir cet outil industriel de haute technicité, qui a notamment permis à la France de construire ses sous-marins nucléaires et le porte-avions Charles de Gaulle, menacé de marginalisation et de lent dépérissement. Par ailleurs, dans le cadre d'un budget d'équipement contraint, le renouvellement et la modernisation des capacités de la Marine, tout comme l'indispensable maintien en condition des bâtiments, exigent une forte amélioration de la compétitivité de ses fournisseurs. Enfin, dans de nombreux pays, les marines cherchent à s'équiper de matériels modernes, et il serait naturel que notre pays occupe une place significative sur ce marché de la construction navale militaire, en particulier au travers de DCN, industriel qui a prouvé sa capacité à maîtriser l'ensemble des opérations de conception, de construction et d'intégration des systèmes les plus complexes en matière navale.

Pour toutes ces raisons, votre commission appelle depuis longtemps à un abandon du statut d'administration , source de handicaps de plus en plus évidents, et à une transformation en véritable entreprise . Aussi ne peut-elle qu'approuver le principe d'un nouveau statut de société de droit privé.

Cette approbation de principe laisse entières certaines réserves, sur le contenu même de la réforme proposée et sur les conditions encore incertaines dans lesquelles elle va s'engager.

A. UNE RÉFORME TARDIVE ET INACHEVÉE

Face à un dispositif proposé en fin de législature et qui fixe une échéance de deux ans pour la transformation de DCN en société, on peut se poser la double question suivante : cette réforme ne vient-elle pas trop tard et va-t-elle assez loin ?

1. Une réforme tardive

Dans un rapport remis au ministre de la défense le 8 février 1996, le groupe de travail relatif à l'avenir de la direction des constructions navales présidé par M. Henri Conze, ancien délégué général pour l'armement, dressait déjà le constat des principaux handicaps liés au statut d'administration de l'Etat :

- « le management ne dispose pas d'une autonomie de gestion en matière de ressources humaines. De façon plus générale, le Service industriel de la DCN n'a pas, dans les faits, l'indispensable maîtrise de ses décisions.

- « la politique d'achats à l'extérieur, qui représentent pourtant 65 % de la production du Service industriel de la DCN, pêche par son manque de souplesse.

- « deuxième entreprise française de défense, le Service industriel de la DCN ne peut ni emprunter, ni placer sa trésorerie... ne peut pas s'allier, ce qui rend difficiles les participations aux groupements industriels nécessitées par les programmes en coopération. Il est contraint à recourir à l'entremise d'une entreprise de droit privé pour exporter. Le Service industriel de la DCN peut difficilement bénéficier des retombées financières de ses exportations pour réaliser, par exemple, des études libres ou pour nouer les accords ou partenariats avec d'autres industriels français ou étrangers qui lui permettraient de réunir les compétences ou la taille nécessaires à la compétitivité.

Ce groupe de travail concluait de la manière suivante :

« En définitive, il apparaît que le Service industriel de la DCN rencontre de sérieuses difficultés pour mettre en oeuvre une gestion industrielle et financière adaptée aux enjeux actuels ».

Certes, depuis ce diagnostic établi en 1996, il serait faux de dire que rien n'a été fait. Mais, au cours de ces cinq années, les évolutions auront été opérées à un rythme extrêmement lent, et la future société, dont la création est envisagée par l'article 36 du projet de loi, ne sera constituée au plus tôt qu'en 2003.

Durant la même période, le paysage industriel européen s'est profondément modifié.

Jusqu'à présent encore peu concernée par les recompositions industrielles, la construction navale militaire européenne a amorcé sa restructuration.

Au Royaume-Uni , la majorité de l'activité est désormais passée sous le contrôle de British Aerospace, grand groupe industriel à l'assise financière considérable.

En Allemagne , les différents chantiers navals se présentent groupés à l'exportation au travers de deux consortiums, l'un pour les sous-marins et l'autre pour les bâtiments de surface. Le groupe HDW, principal concurrent de DCN pour les sous-marins a acheté le chantier suédois Kockums et a noué un partenariat avec l'italien Fincantieri.

En Espagne , l'entreprise publique Izar, partenaire de DCN pour le sous-marin Scorpène endu au Chili en 1997, doit être privatisée d'ici deux ans. Cette privatisation pourrait susciter l'intérêt de HDW ou de groupes américains.

De manière générale, le processus de privatisation de chantiers navals militaires, achevé en Allemagne et au Royaume-Uni, vient de commencer en Italie et est envisagé à court terme en Espagne. La contraction de l'outil industriel s'est opérée dans un cadre national et ouvre la voie à des regroupements transnationaux. Dans ce contexte, trois pôles privés apparaissent, l'un en Allemagne, notamment autour de HDW, l'autre au Royaume-Uni avec BAe et le troisième avec Thalès pour les systèmes de défense navals.

Compte tenu de ces évolutions rapides et des perspectives ouvertes à très court terme par la privatisation des chantiers italiens et espagnols, on peut se demander si en matière de restructurations européennes, les jeux ne seront pas déjà largement faits lorsque DCN deviendra opérationnelle en tant que société de plein exercice.

2. Une réforme inachevée

Telle qu'elle a été conçue par le gouvernement, la réforme comporte un certain nombre de verrous qui limitent grandement la marge de manoeuvre de la future société quant à sa stratégie industrielle.

Ainsi, comment DCN pourra-t-elle trouver sa place dans l'industrie européenne de demain si elle demeure une société détenue à 100 % par l'Etat français, toute ouverture de capital exigeant une modification législative ?

Pour nouer de véritables alliances et partenariats industriels, et garantir sa place sur le marché mondial, DCN devrait au contraire pouvoir procéder avec d'autres groupes à des prises de participation croisées.

De même, le fait qu'aux termes de l'article 36 les ouvriers d'Etat ne puissent être mis à la disposition que de la future société, et non de l'une de ses filiales, constitue un frein au développement de filiales spécialisées.

Ces différents éléments ont conduit votre commission à proposer un amendement disposant que le capital de la future société sera détenu en majorité , et non en totalité, par l'Etat, afin de laisser ouverte, une fois la société constituée, la possibilité de participations extérieures au capital , en cas d'alliances industrielles avec des partenaires français ou étrangers.

B. UN AVENIR SUSPENDU AU NIVEAU DES ENGAGEMENTS DE L'ETAT

Plus que le statut lui-même, ce sont les conditions financières entourant la réforme qui conditionneront largement sa réussite. Or sur ce point, le Gouvernement n'a pas donné les assurances nécessaires.

1. De multiples questions en suspens

De multiples interrogations subsisteront, même après l'adoption de la loi, sur l'avenir de la future société.

Bien sûr, le statut de société apportera d'indispensables éléments de souplesse , par exemple pour la politique d'approvisionnement, qui ne sera plus soumise au code des marchés publics, ou encore pour l'organisation des chantiers, avec la possibilité d'engager des intérimaires, comme dans les chantiers civils. Mais les gains procurés par le statut de société ne peuvent à eux seuls garantir la viabilité de l'entreprise.

Dans bien des domaines, la société DCN ne différera guère de l'administration DCN d'aujourd'hui : son plan de charge restera insuffisant par rapport au volume des effectifs, la marge de manoeuvre sera réduite en matière de gestion des ressources humaines, l'outil industriel restera surdimensionné.

En réalité, la plupart des conditions concrètes de l'équilibre économique de la future société dépendent directement des termes du contrat d'entreprise qui sera établi avec l'Etat. Or, nous ignorons aujourd'hui très largement quel sera le contenu du contrat, et notamment jusqu'où iront les engagements de l'Etat afin de permettre à DCN de partir sur de nouvelles bases.

Plusieurs questions majeures restent en suspens.

Au delà des immobilisations, quelle sera la dotation en capital que l'Etat voudra bien apporter pour constituer les fonds propres de la nouvelle société ?

DCN estime que d'importants investissements sont indispensables pour moderniser et surtout restructurer un outil de travail surdimensionné. Ces investissements seront-ils à la charge intégrale de la société, ou l'Etat acceptera-t-il d'en financer une partie ?

DCN fonctionnera avec du personnel sous statut mis à disposition ou détaché par l'Etat. Par rapport à une entreprise ne fonctionnant qu'avec du personnel de droit privé, ces différents statuts, et parfois les avantages qui y sont associés, représentent une contrainte et des surcoûts. L'Etat prendra-t-il à sa charge tout ou partie de ce surcoût, ou la société devra-t-elle au contraire le supporter durant plusieurs années encore ? DCN disposera-t-elle des moyens suffisants pour recruter des contractuels dans les domaines où elle manque aujourd'hui cruellement de personnel, notamment l'encadrement spécialisé dans les achats et la gestion, ou dans l'organisation de l'entretien de la flotte ?

Les opérations de DCN au profit de la Marine seront assujetties à la TVA . Le budget de la Marine sera-t-il majoré à due concurrence , afin de pouvoir financer le volume prévu de commandes ?

Face à ces questions, on peut entrevoir deux hypothèses :

- une hypothèse optimiste dans laquelle l'Etat accepterait d'emblée de consentir un effort financier important, en déchargeant la société de la plupart des handicaps qui grèvent sa compétitivité,

- une hypothèse pessimiste, ou tout simplement réaliste compte tenu du contexte budgétaire, dans laquelle l'engagement financier de l'Etat serait minimal, laissant la société aux prises avec ses principales difficultés actuelles qu'il faudra réduire avec le temps, au prix sans doute de renflouements répétés.

Si cette deuxième hypothèse devait prévaloir, il est clair que DCN ne disposerait pas des conditions optimales pour affronter avec succès son avenir.

2. Tirer les enseignements du précédent « GIAT-Industries »

Votre rapporteur considère qu'il n'est pas pertinent d'effectuer un parallèle avec GIAT-Industries, dont la transformation en société s'est opérée dans un contexte d'effondrement du marché de l'armement terrestre, alors que les perspectives de chiffre d'affaires pour DCN peuvent raisonnablement être considérées comme stables pour les 3 ou 4 prochaines années. Par ailleurs, pour modestes qu'elles soient, les réformes d'organisation et de gestion entreprises ces dernières années ont permis à DCN d'être mieux préparée que ne l'était le GIAT à devenir une société.

Pour autant, il paraît indispensable de tirer les enseignements du précédent GIAT-Industries et de ne pas renouveler certaines erreurs . Ainsi, GIAT-Industries a dû supporter seul le poids de la garantie d'emploi pour ses personnels. Les actifs transférés par l'Etat ont été surévalués et les besoins en fonds de roulement sous-évalués. Le surcoût lié à la TVA n'a pas été répercuté sur le budget de l'armée de terre, qui a donc réduit ses commandes. Les tentatives d'alliances avec des partenaires étrangers, notamment allemands et britanniques, ont échoué du fait de l'impossibilité d'affecter des ouvriers d'Etat dans des filiales.

Votre commission attend donc du gouvernement qu'il s'engage clairement sur les points suivants :

- une évaluation réaliste des actifs transférés à DCN et un niveau approprié de fonds propres pour la future société,

- une prise en charge par l'Etat des surcoûts liés aux contraintes résultant de l'emploi par la société de personnels sous statut,

- un effort financier de l'Etat conséquent pour la réalisation des investissements industriels indispensables à la modernisation de DCN,

- une majoration, dès 2003, du budget de la Marine pour intégrer le surcoût résultant de l'application de la TVA aux opérations de construction et d'entretien effectuées par DCN.

CONCLUSION

Appelant de ses voeux depuis plusieurs années l'abandon du statut de service industriel de l'Etat, totalement inadapté aux exigences d'une entreprise de défense dans le monde d'aujourd'hui, votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées considère que la transformation de DCN en société de droit privé est une condition minimale de son maintien comme grand industriel de la construction navale.

En lui-même, ce changement de statut juridique emportera des conséquences positives. Il ne peut cependant à lui seul garantir la viabilité de l'entreprise. Compte tenu du poids du passé et du contexte difficile des industries d'armement, une telle réforme, pour réussir, ne doit pas s'envisager « à l'économie », avec des demi-mesures.

Or, telle qu'elle se présente aujourd'hui, la réforme reste marquée par certaines insuffisances . Elle renvoie la constitution effective de la société à 2003 au plus tôt et ne permet pas, à ce stade, l'ouverture du capital. Elle ne s'accompagne pas d'un engagement clair et ferme de l'Etat sur les moyens qu'il consentira pour donner à la société toutes les chances de réussir.

C'est donc avec un certain sentiment d'insatisfaction, mais dans l'unique souci de sortir statu quo actuel, et en insistant sur la nécessité d'un engagement fort de l'Etat pour garantir à la future société les moyens de sa viabilité, que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 36 , sous réserve de l'adoption d'un amendement permettant une éventuelle ouverture du capital, majoritairement détenu par l'Etat, postérieurement à la constitution de la société.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent avis au cours de sa réunion du 12 décembre 2001.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Michel Caldaguès a souligné les multiples insuffisances relevées dans la gestion de DCN au cours des dernières années et a estimé que la réforme proposée, compte tenu des multiples contraintes qu'elle maintenait sur DCN, ne permettrait pas d'y remédier. Il a tout particulièrement déploré que le texte fige la détention à 100 % du capital par l'Etat, empêchant l'ouverture à des capitaux extérieurs pourtant nécessaires afin de nouer des alliances industrielles et de faire évoluer les performances de DCN. Il a estimé qu'il serait opportun de modifier l'article 36 sur ce point.

M. Christian de la Malène a estimé que la réforme conçue par le Gouvernement ne permettait pas à DCN d'affronter avec de réelles chances de succès l'environnement extrêmement concurrentiel dans lequel elle devra évoluer. Il a interrogé le rapporteur pour avis sur le statut des personnels recrutés après la mise en oeuvre de la réforme et sur la possibilité, pour la Marine, de recourir à un autre fournisseur que DCN.

M. Serge Vinçon a insisté pour que l'Etat s'engage fermement pour donner à DCN les meilleurs atouts de réussite. Il a par ailleurs souligné l'absolue nécessité de compenser le surcoût pour la Marine de l'application de la TVA aux opérations effectuées par DCN.

A l'issue de ces interventions, M. Jean Faure , rapporteur pour avis, a précisé que les personnels embauchés après la mise en oeuvre de la réforme relèveraient de la convention collective de DCN et du droit privé. Il a également indiqué que l'Etat apporterait une garantie d'activité pour les prochaines années à DCN, mais que celle-ci n'obtiendrait pas le monopole des commandes de la Marine. S'agissant de la composition du capital de la future société, il a convenu qu'elle ne permettait pas les indispensables alliances industrielles avec des partenaires extérieurs, sous forme de participations croisées de capital. Il a précisé que, sur ce point, le texte ne répondait pas aux attentes initialement exprimées par la direction de la DCN, mais qu'il résultait d'un compromis établi par le Gouvernement.

M. Xavier de Villepin, président , a souligné l'importance d'un engagement clair de l'Etat sur la dotation en fonds propres, à une hauteur suffisante, de la nouvelle société. Il a lui aussi déploré que l'association de partenaires extérieurs au capital soit écartée, ce qui privait largement la réforme de son intérêt.

M. Michel Caldaguès a suggéré qu'un amendement soit déposé afin de prévoir une diminution, avec le temps, de la part de capital détenue par l'Etat.

M. André Boyer a rappelé que l'exportation ne constituait qu'une part marginale du chiffre d'affaires de DCN et a estimé que les partenariats les plus probables ne seraient pas mis en oeuvre avec des sociétés étrangères, mais avec des industriels français. Il a souligné sur ce point la lenteur la constitution d'une société commune entre Thalès et DCN.

M. Robert Del Picchia a évoqué le projet d'exportation en Malaisie du sous-marin Scorpène.

A l'issue de ce débat, la commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 36 du projet de loi de finances rectificative, tout en demandant au rapporteur pour avis d'étudier, en liaison avec la commission des finances, un éventuel amendement permettant l'ouverture du capital de la société, l'Etat restant actionnaire majoritaire.

Au cours d'une seconde réunion tenue le jeudi 13 décembre 2001 sous la présidence de M. Xavier de Villepin, président , la commission a repris la discussion sur cet article.

M. Michel Caldaguès a proposé à la commission d'examiner un amendement consistant à prévoir que le capital de la future société sera détenu en majorité, et non en totalité, par l'Etat. Estimant que la perspective d'une privatisation de DCN n'était sans doute pas envisageable à moyen terme, ni même peut-être opportune, il a en revanche souligné que le principe d'une détention de la totalité du capital entre les mains de l'Etat présentait de multiples inconvénients, car il conduirait à limiter en pratique la portée du changement de statut tout en privant la société des possibilités offertes par une ouverture du capital. Il a ajouté que l'amendement proposé visait à permettre à l'Etat, le moment venu et lorsqu'il le souhaitera, de disposer d'un moyen de rendre la société plus efficace en fonction des exigences de la concurrence.

M. Jean-Pierre Masseret a rappelé le contexte difficile dans lequel évoluait DCN depuis plusieurs années et il a estimé que la réponse proposée par le Gouvernement constituait déjà une étape très significative dans l'évolution de l'établissement. Il a jugé que l'amendement proposé rompait l'équilibre bâti par le Gouvernement pour faire évoluer DCN.

Mme Hélène Luc a souligné la volonté des personnels de DCN de faire évoluer leur entreprise mais a déploré que la décision de transformation en société ait été prise sans tenir compte de leur opposition. Tout en reconnaissant la nécessité d'améliorer l'efficacité de cette entreprise publique, elle a estimé qu'une telle réforme ne pouvait s'engager sur la base d'un simple article du projet de loi de finances rectificative. Elle a précisé que son groupe déposerait un amendement de suppression de l'article 36 et qu'il s'opposerait à l'amendement tendant à permettre l'ouverture du capital de la société. Par ailleurs, elle a regretté que lors du débat budgétaire, le Gouvernement n'ait pas fourni d'éléments sur la perspective de constitution d'une société commune entre DCN et Thalès. Elle a souhaité que l'Etat prenne des engagements beaucoup plus fermes sur l'avenir de DCN, notamment en terme de garanties de commandes.

M. Robert Del Picchia a estimé que le Gouvernement aurait porté une lourde responsabilité s'il n'avait pas pris l'initiative d'une évolution du statut de DCN. Il a par ailleurs souligné que l'amendement proposé laissait à l'Etat le pouvoir de contrôle sur la société. Il a ajouté que cet amendement n'entraînait aucune incidence sur le statut des personnels.

M. Michel Caldaguès s'est défendu de vouloir, par son amendement, précipiter l'évolution de DCN, cette évolution étant au contraire caractérisée par une relative lenteur, la nouvelle société n'étant de surcroît constituée qu'en 2003. Reconnaissant que la négociation avec les personnels avait permis de définir certains principes de la réforme, notamment en terme de situation statutaire des agents, il a toutefois estimé que le Parlement avait toute latitude pour juger de la nature de la société qui allait se créer, et notamment de la composition de son capital. Il a estimé que la possibilité d'associer un actionnaire extérieur au capital de la société contraindrait l'Etat à respecter ses engagements envers DCN.

M. Hubert Durand-Chastel a remarqué que l'amendement laissait à l'Etat toute liberté de décider d'ouvrir ou non le capital, et qu'il offrait donc une utile marge de manoeuvre au Gouvernement.

Mme Hélène Luc a rappelé la disponibilité de personnel pour discuter d'une évolution concertée de DCN.

A l'issue de ce débat, la commission, à sa majorité, a adopté un amendement à l'article 36 du projet de loi tendant à préciser que la majorité -et non la totalité- du capital de la future société serait détenue par l'Etat.

ARTICLE 36 DU PROJET DE LOI

(texte adopté par l'Assemblée nationale)

Le compte de commerce n° 904-05 « Constructions navales de la marine militaire », ouvert par l'article 81 de la loi de finances pour 1968 (n° 67-1114 du 21 décembre 1967), est clos au 31 décembre de la quatrième année suivant la promulgation de la présente loi. Au plus tard au terme des deux première années, tout ou partie des droits, biens et obligations de l'Etat relatifs au service à compétence nationale DCN sont apportés, par arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et du ministre de la défense, à une entreprise nationale régie par le code de commerce, dont le capital est détenu en totalité par l'Etat. Les apports réalisés ne donnent lieu à aucune indemnité ou perception de droits ou de taxes ni à aucun versement de salaire ou honoraire au profit des agents de l'Etat. Ceux des biens qui appartiennent au domaine public sont déclassés à la date de leur apport. Un contrat d'entreprise pluriannuel est conclu entre l'Etat et l'entreprise nationale. Sa conclusion doit intervenir du premier exercice d'activité de l'entreprise nationale. Ce contrat fixe les relations financières avec l'Etat et les objectifs économiques et sociaux qui sont assignés à l'entreprise en contrepartie d'une garantie d'activité sur la période d'exécution du contrat d'entreprise. Le Gouvernement transmet, avant le 31 décembre 2002, aux commissions chargées des finances et de la défense de l'Assemblée nationale et du Sénat un rapport sur les perspectives d'activité et les fonds propres de la nouvelle société, puis chaque année, jusqu'au terme de la période d'exécution du contrat.

A compter de la date de réalisation des apports, les ouvriers de l'Etat affectés à cette date aux établissements de DCN sont mis à la disposition de cette entreprise. A cette même date, les fonctionnaires, les militaires et les agents sur contrat affectés à DCN sont mis à la disposition, pour une durée maximale de deux ans, de cette entreprise ou des sociétés dont elle détient le contrôle, seule ou conjointement. Un décret en Conseil d'Etat définit les conditions d'application du présent alinéa et notamment les modalités financières des mises à la disposition, ainsi que les conditions de réaffectation dans les services de l'Etat.

Cette entreprise nationale est assujettie aux impôts directs locaux dans les conditions du droit commun.

AMENDEMENT ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

A la fin de la deuxième phrase de cet article, remplacer les mots :

dont le capital est détenu en totalité par l'Etat

par les mots :

dont le capital est détenu en majorité par l'Etat

ANNEXE -
LETTRE DU MINISTRE DE LA DÉFENSE
AUX PARTENAIRES SOCIAUX DE DCN
EN DATE DU 6 DÉCEMBRE 2001

MINISTÈRE DE LA DÉFENSE

6 décembre 2001

Le Ministre

Mesdames, Messieurs,

Comme convenu à l'issue de notre rencontre du 26 novembre 2001, je souhaite vous confirmer certains points sur la réforme de DCN annoncée par le Gouvernement le 6 juillet 2001.

S'agissant des personnels, un décret précisera les modalités pratiques de gestion des personnels dans le respect de leur statut. Il prévoira notamment les dispositions suivantes.

Les ouvriers d'Etat, chefs d'équipes et techniciens à statut ouvrier seront mis à la disposition de la société. Ceci veut dire qu'ils continuent, exactement comme aujourd'hui, à être administrés dans les conditions prévues par leur statut. Cela s'appliquera notamment en matière de salaires, primes et indemnités, de droits à l'avancement, d'accidents du travail, des conditions de cessation progressive d'activité, de congés de maladie et du régime disciplinaire, de pensions, de modalités de notation et d'avancement... Les salaires continueront à être payés par l'Etat. La mise à la disposition assure donc de façon absolue la continuité de leur statut.

Dans le cas des fonctionnaires et des militaires, s'ils décident à l'issue du délai d'option de poursuivre leur carrière au sein de DCN, la société leur fera une proposition de contrat de travail à durée indéterminée dans le cadre d'un détachement. Ce régime prévu par le statut général des fonctionnaires d'une part, des militaires d'autre part, permet à chacun de garder son statut, de poursuivre normalement sa carrière administrative dans son corps d'origine. Le détachement est renouvelable, sans limitation de durée. La société pourra également proposer un contrat dans le cadre de la convention collective aux personnels volontaires qui se mettront alors en situation de disponibilité.

En ce qui concerne les personnels contractuels, s'ils décident à l'issue du délai d'option de poursuivre leur carrière au sein de DCN, la société leur proposera un contrat de travail à durée indéterminée. Ils pourront alors bien entendu bénéficier d'un congé pour convenances personnelles sans rémunération prévu par le décret du 17 janvier 1986, actuellement limité à un an. Conformément à vos demandes, ils pourront aussi bénéficier en complément, pendant une période de cinq ans à compter de leur recrutement par la société, de la possibilité de revenir sur un emploi vacant correspondant à leur qualification dans un établissement du ministère de la défense susceptible de les accueillir.

Quel que soit le type de contrat proposé, les personnels bénéficieront d'une rémunération nette au moins égale à celle dont ils disposent dans leur situation actuelle. Les militaires, fonctionnaires et contractuels qui ne souhaitent pas poursuivre leur carrière au sein de DCN se verront proposer trois postes au sein du ministère.

Je partage enfin votre souci que soit examiné avec une attention particulière le classement des techniciens supérieurs d'études et de fabrication (TSEF) et des secrétaires administratifs (SA) par rapport aux grilles de la convention collective de la future société. La fonction effectivement occupée et les diplômes feront partie des éléments qui seront pris en compte.

Pour accompagner cette évolution importante et ambitieuse de DCN, durant une phase transitoire de l'ordre de cinq ans, un contrat d'entreprise pluriannuel conclu entre l'entreprise nationale et l'Etat donnera à DCN les moyens d'atteindre ses objectifs d'efficacité industrielle et de développement. Il présentera l'ambition partagée par l'Etat et l'entreprise notamment pour ce qui concerne les produits, les métiers et les compétences de DCN, les perspectives de chiffre d'affaires, de productivité et de résultat. Il précisera en particulier le contenu du plan industriel de l'entreprise nationale, notamment en matière d'investissement, de recrutement et de formation. Il donnera ainsi à l'entreprise nationale une visibilité suffisante, notamment en terme de plan de charges. Il sera décliné site par site.

Je vous confirme par ailleurs que la société sera détenue en totalité par l'Etat ce qui implique que l'Etat en assure intégralement le contrôle. En pratique, les décisions stratégiques (alliances ou contrats importants, investissements lourds...) ayant un impact sur l'évolution de l'entreprise seront soumis à l'accord du conseil d'administration.

L'ensemble des établissements seront transférés à l'entreprise. Mon objectif est de faire évoluer l'ensemble de DCN, sans laisser à l'écart aucun des grands métiers de l'entreprise.

La création de filiales a pour objectif de développer et de commercialiser de nouveaux produits ou programmes en commun avec des partenaires européens. Il ne s'agit pas de démanteler DCN, pas davantage d'organiser une privatisation dissimulée de l'entreprise. Dans les opérations de filialisation et de création de sociétés communes, l'entreprise nationale conservera le contrôle de ses infrastructures. DCN, en tant qu'entreprise, disposera au contraire en propre de toutes ses compétences et des filiales actuellement détenues par DCN International. La cohérence de DCN, dont les intérêts commerciaux et contractuels sont aujourd'hui éclatés dans plusieurs entités sans liens entre elles, sera ainsi renforcée.

Je vous invite à faire part de vos observations sur la note détaillée de présentation de la réforme qui constitue le cadre de référence, ainsi que sur le projet de décret relatif à la situation des personnels de DCN qui vous sera remis, comme je m'y étais engagé, le 7 décembre. Une discussion à bref délai au sein du comité de concertation sociale me semble aussi souhaitable sur les modalités de représentation des salariés au sein de la future entreprise DCN. Nous pourrions faire ensemble un nouveau point d'avancement des discussions intervenues sur ces sujets dans le courant du mois de janvier.

Je vous confirme que je compte concrétiser en totalité au printemps 2002 les dispositions nécessaires au succès de la réforme et à la mise en place effective des garanties sociales sur lesquelles le Gouvernement s'est engagé.

Alain RICHARD

* 1 Décret n° 2001-1142 du 4 décembre 2001 autorisant la prise de participation de l'Etat au capital de la société à constituer DCN-Développement.

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