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Avis n° 375 (2001-2002) de M. Aymeri de MONTESQUIOU , fait au nom de la commission des finances, déposé le 24 juillet 2002

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N° 375

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2001-2002

Annexe au procès-verbal de la séance du 24 juillet 2002

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, d' orientation et de programmation pour la sécurité intérieure ,

Par M. Aymeri de MONTESQUIOU,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Jacques Oudin, Gérard Miquel, Claude Belot, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; MM. Yann Gaillard, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Jacques Baudot, Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Adrien Gouteyron, Hubert Haenel, Claude Haut, Roger Karoutchi, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, François Marc, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 36 , 37 , 52 , 53 et T.A. 2

Sénat : 365 , 371 et 373 (2001-2002)

Sécurité.

AVANT-PROPOS

Le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure est l'un des premiers projet présenté par le nouveau gouvernement. C'est une réponse concrète à une demande forte de nos concitoyens. Ceux-ci ont exprimé, notamment à l'occasion des élections présidentielles et législatives, leur inquiétude quant à la dégradation de leur sécurité. Le sentiment de peur et d'insécurité n'est pas un fantasme réveillé d'un coup par les médias à l'occasion des récentes campagnes électorales, c'est aujourd'hui la réalité quotidienne de trop nombreux citoyens qui subissent des agressions sur leurs biens ou leur personne.

Ce sentiment d'insécurité qui se diffuse dans notre société contribue à accroître la méfiance que la population exprime vis-à-vis de l'« autre » et qui peut dégénérer en racisme. C'est le lien social qui est détruit par l'explosion de la délinquance dans une société ou la peur de l'autre semble progresser chaque jour, et où la confiance et la sérénité sont des sentiments qui tendent à disparaître.

Le résultat de l'extrême droite lors du premier tour de l'élection présidentielle, la victoire de la majorité présidentielle lors des élections législatives, témoignent d'une demande forte de « retour à l'ordre et à la tranquillité ». Certes, l'insécurité n'est pas un phénomène nouveau, mais son développement est inquiétant : les zones rurales ne sont plus épargnées, tandis que certains quartiers urbains et péri-urbains sont, depuis plusieurs années, des zones de non-droit dans lesquelles la police, mais également les pompiers, les médecins ou les ambulanciers ne peuvent plus pénétrer sans prendre le risque d'être pris à partie par des bandes, parfois armées. Nous avons donc aujourd'hui l'obligation absolue de rétablir l'Etat de droit avec une détermination sans faille.

La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, fondement de notre démocratie et de la Constitution, nous rappelle que la sécurité constitue un droit naturel et imprescriptible :

« Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression » (article II) ; « La garantie des droits de l'Homme et du Citoyen nécessite une force publique » (article XII) ; « Pour l'entretien de la force publique et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable » (article XIII). Enfin, l'article XV de la Déclaration des droits de l'homme évoque un droit plus large, dont la traduction est cependant très présente dans le présent projet de loi et qui garantit la bonne utilisation des moyens qui y sont annoncés : « La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration ».

La sécurité est la première des libertés, elle est la condition même de l'exercice des droits de l'homme. Lors de sa déclaration de politique générale, le 3 juillet 2002, le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin rappelait que « la première liberté, c'est la sécurité. L'insécurité mine le moral de nos concitoyens, obère leur confiance dans les institutions de la République, affaiblit notre pacte républicain et menace la cohésion de notre Nation. L'insécurité c'est la première des inégalités. Nous avons entendu l'appel des Français ».

Aujourd'hui, l'insécurité est devenue un véritable défi pour l'Etat. Elle est également un facteur d'inégalités entre les territoires et entre les citoyens eux-mêmes, qui ne disposent pas des mêmes moyens pour faire face à cette menace quotidienne. La population toute entière et l'ensemble de ses représentants considèrent que la situation est devenue très grave.

Quelle différence depuis les années 1980 où M. Pierre Mauroy, alors Premier ministre, déclarait : « pour la droite, la première des libertés, c'est la sécurité, pour nous la gauche, la première des sécurités, c'est la liberté » !

Puis, lors du colloque de Villepinte en 1997, le parti socialiste qualifiait la sécurité comme l'une des priorités de la législature. Pourtant, en 2002, le candidat socialiste à l'élection présidentielle reconnaissait sa « naïveté » dans ce domaine et préconisait alors la construction de centres fermés pour les jeunes délinquants les plus dangereux.

C'est pourquoi, sous la précédente législature, certaines réformes avaient été engagées, comme la mise en oeuvre de la police de proximité. Celle-ci était prévue par la loi d'orientation de 1995. Néanmoins, les moyens de nos forces de sécurité ont décliné, en particulier à cause des « 35 heures », tandis que la loi relative à la présomption d'innocence alourdissait leurs tâches et les procédures.

La lutte contre l'insécurité nécessite une volonté politique forte, exprimée par une majorité unie. Sur ce sujet, les citoyens n'acceptent pas les divergences philosophiques à l'intérieur d'un gouvernement. Ils supportent encore moins l'opposition entre police et gendarmerie, d'une part, Justice, d'autre part. Pour eux, prévention et sanction sont des éléments indissociables pour assurer leur sécurité.

Aujourd'hui, les messages de découragement adressés par nos concitoyens, mais également par les forces de sécurité intérieure elles-même, appellent un changement radical de politique, un esprit nouveau, et des résultats rapides. Face à un incendie, il n'est plus temps de tergiverser, l'action s'impose. A cet égard, la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure constitue une réponse à la hauteur des enjeux : elle prévoit une augmentation réelle et sans précédent des moyens de nos forces de sécurité. Lors de sa déclaration de politique générale, le 3 juillet dernier, le Premier ministre déclarait : « La loi donnera à nos forces de sécurité (...) les moyens d'assumer pleinement leurs missions et notamment 13.500 nouveaux emplois sur cinq ans pour la police et la gendarmerie. Elle s'accompagnera d'une volonté affirmée de faciliter le travail des policiers et des gendarmes (...) ».

Votre rapporteur pour avis souligne l'importance qu'il y a, au delà des moyens nouveaux, de donner aux forces de sécurité le soutien moral et politique indispensable à la réussite de la lutte contre l'insécurité. A cet égard, le présent projet de loi constitue également un signal fort, qui rompt la spirale des espoirs déçus. Il s'agit, à travers ce soutien, de resserrer les liens entre les forces de sécurité intérieure et nos concitoyens, afin que ces forces ne soient plus perçues comme un élément antagoniste mais comme un élément rassurant de notre environnement quotidien.

Parmi les objectifs fixés, il faut retenir l'éradication des lieux où la loi républicaine ne s'applique plus, en définissant des Zones d'Action Prioritaires, les ZAP. Désormais, ce seront les délinquants qui connaîtront la peur et l'insécurité.

Pour la première fois depuis 1995, un débat global se tient sur les orientations et les moyens de la sécurité intérieure. Votre rapporteur pour avis adhère pleinement à la démarche du gouvernement. Il souhaite que l'effort financier considérable annoncé par le présent projet de loi s'accompagne d'une volonté forte de moderniser les procédures et la gestion du ministère de l'intérieur, et considère que la sécurité pourrait constituer un objet privilégié du tryptique « expérimentation / évaluation / généralisation ». A cet égard, la méthode pragmatique choisie pour mener à bien les réformes structurelles des forces de sécurité dans le cadre de concertations locales constitue une novation majeure et très positive.

Votre commission des finances veillera à la meilleure utilisation possible de l'effort budgétaire sans précédent de la Nation. Les espoirs placés par l'ensemble de nos concitoyens et, en particulier, par les forces de sécurité elles-même, ne doivent pas être déçus une nouvelle fois.

S'en remettant pour l'examen approfondi des orientations de la politique de sécurité intérieure à votre commission des lois, le présent avis se concentrera sur les articles rentrant dans le champ d'application de votre commission des finances, c'est-à-dire sur les articles 1 à 5 du projet de loi.

En conclusion, cette loi d'orientation et de programmation souligne une prise de conscience hélas tardive du niveau d'insécurité, tant la situation est devenue intenable, mais surtout la volonté du Gouvernement de donner aux forces de l'ordre les moyens de faire appliquer la loi. La lisibilité de la politique menée et son efficacité sera renforcée par la présentation annuelle de ses résultats devant le Parlement.

Conviction, bon sens, action, lisibilité, résultats, sont les mots qui restent à l'esprit après l'analyse de cette loi de programmation. Ils seront les axes qui permettront le retour à la tranquillité dans nos villes et nos campagnes.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LA POLITIQUE DE LUTTE CONTRE L'INSÉCURITÉ

A. DES STRUCTURES ET DES MOYENS INADAPTÉS AUX ÉVOLUTIONS INQUIÉTANTES DE LA DÉLINQUANCE

La délinquance se diffuse et se radicalise. Ce constat souligne la nécessité d'agir de manière forte et déterminée afin de renverser cette évolution. Ce n'est pas seulement l'affaire des forces de l'ordre, car le problème de la délinquance doit mobiliser l'ensemble des acteurs publics et de la population : il faut en effet agir à la fois sur les causes de la délinquance, ses manifestations et les sanctions.

1. Les mutations inquiétantes de la délinquance

a) La croissance globale de la délinquance

De manière générale, les statistiques montrent que la délinquance a fortement augmenté depuis les années 1960. D'après les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, les crimes et délits sont passés de 687.766 en 1960 à 4.061.792 en 2001. La criminalité globale a donc été multipliée par 6 en 41 ans , le taux de criminalité passant de 15,05 pour 1000 habitants en 1960 à 68,80 pour 1000 habitants en 2001. En outre, la structure des faits délictueux a été profondément modifiée au cours de cette période :

- les vols ont été multipliés par 7, leur part dans l'ensemble de la criminalité globale passant de 50,3 % en 1960 à 62,1 % en 2001 ;

- les infractions économiques et financières ont été multipliées par 5, soit une progression légèrement inférieure à celle de la criminalité globale, même s'il convient de tenir compte de la dépénalisation des émissions de chèques sans provision instituée par la loi du 30 décembre 1991 ;

- les autres infractions, dont celles à la législation sur les stupéfiants, ont été multipliées par un peu plus de 4. Cependant, l'augmentation de cette catégorie est due, pour près de 85 %, à la progression des destructions et des dégradations de biens , en particulier du patrimoine, qui sont 125 fois plus nombreuses en 2001 qu'en 1960 .

- au cours de la même période, en revanche, le nombre d'homicides commis ou tentés n'a en revanche augmenté « que » de 60 % 1 ( * )

Evolution de la criminalité globale

Destructions et dégradations de biens

.

Evolution de la criminalité globale en France métropolitaine
entre 1960 et 2001

1960

1965

1970

1975

1980

1985

1990

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Total des crimes et délits , dont :

687 766

660 441

1 135 621

1 912 327

2 627 508

3 579 194

3 492 712

3 881 894

3 919 008

3 665 320

3 559 617

3 493 442

3 565 525

3 567 864

3 771 849

4 061 612

Vols (y compris recels)

345 945

423 216

690 899

1 233 186

1 624 547

2 501 934

2 305 600

2 640 417

2 573 074

2 400 644

2 331 000

2 244 301

2 291 404

2 252 528

2 334 696

2 522 346

dont : vols qualifiés (1)

50 770

61 693

115 381

220 438

303 105

492 287

449 865

540 633

542 213

507 897

515 873

487 883

480 204

465 023

480 829

550 578

Infractions économiques et financières

71 893

88 471

250 990

314 100

531 588

681 699

551 810

409 246

440 179

357 104

310 910

295 511

287 415

295 734

352 164

366 028

Crimes et délits contre les personnes

53 272

62 975

77 192

87 738

102 195

117 948

134 352

152 764

175374

191 180

198 155

214 975

220 948

233 194

254 514

279 610

dont : homicides commis ou tentés

2 705

1 278

1 673

1 576

2 253

2 497

2 526

2 818

2 696

2 563

2 385

2 085

2 150

1 997

2 166

2 289

Les atteintes aux moeurs

10 784

14 140

14 383

15 041

19 505

18 875

22 242

26 569

29 279

29 123

29 628

35 090

33 014

32 490

33 538

35 451

Autres infractions

216 656

85 779

116 540

277 303

369 178

477 613

500 950

679 467

730 381

716 392

719 552

765 655

765 758

786 408

830 475

893 628

dont : destructions et dégradations de biens

4 582

29 408

46 556

80 822

158 800

228 038

278 055

419 961

435 107

440 591

468 515

476 133

500 911

499 473

518 439

574 994

(1) Les vols qualifiés comprennent : les vols à main armée, les vols avec violences sans arme à feu et les cambriolages.

Source : ministère de l'intérieur

Homicides commis ou tentés

Les vols

b) Une délinquance de plus en plus violente

A côté de la traditionnelle délinquance d'appropriation tend à se développer une délinquance violente et gratuite : les chiffres montrent une montée de la violence, tournée vers les personnes, les biens privés et les institutions. Ainsi, par exemple, les vols de téléphones portables et d'autres biens s'accompagnent de plus en plus souvent de violences verbales et de coups et blessures. Les infractions contre les personnes, et en particulier, les coups et blessures volontaires, ainsi que les menaces et chantages connaissent une progression inquiétante.

Cette délinquance, de plus en plus gratuite et violente , est particulièrement mal ressentie par nos concitoyens : elle se manifeste souvent de manière profondément humiliante pour ceux qui en sont la victime.

c) Des délinquants de plus en plus jeunes

Les délinquants sont de plus en plus jeunes, et cette évolution est particulièrement inquiétante pour notre pays : entre 1997 et 2002, le nombre de mineurs mis en cause a augmenté de 14,6 % , alors que le nombre de personnes majeures mises en cause n'augmentait « que » de 2,5 %. Cette hausse est liée principalement à l'implication croissante de mineurs dans des actes de délinquance de voie publique, c'est-à-dire celle qui est le plus perceptible par nos concitoyens.

Le rapport de la commission d'enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs 2 ( * ) , dont le président était notre collègue M. Jean-Pierre Schosteck et le rapporteur notre collègue M. Jean-Claude Carle, a souligné que si la délinquance des mineurs a toujours existé, la situation actuelle était préoccupante car cette délinquance est plus massive, plus violente, et concerne des mineurs de plus en plus jeunes.

La commission d'enquête a mis en exergue cinq modifications fondamentales :

- la progression de la délinquance des mineurs (mesurée par l'identification des mineurs), en nombre, mais également en taux ;

- le rajeunissement de l'âge d'entrée dans la délinquance ;

- l'aggravation des actes de délinquance ;

- le développement d'une délinquance d'exclusion 3 ( * ) , territorialisée et accompagnée de trafics ;

- l'explosion des incivilités 4 ( * ) .

d) Une délinquance qui touche les plus démunis

Les Français souhaitent que la loi retrouve sa place sur l'ensemble du territoire, en particulier, dans les quartiers les moins privilégiés, car ce sont nos concitoyens les plus défavorisés qui sont les premières victimes de la délinquance et des incivilités. Une enquête de l'INSEE a souligné en 1998 les liens existants entre les dégradations de l'environnement et le sentiment d'insécurité : « une personne sur cinq, parmi celles ayant déclaré vivre dans des zones où des destructions de biens publics sont fréquentes, a peur de sortir le soir contre un peu plus d'une sur dix parmi les autres », ce facteur déterminant d'ailleurs le sentiment d'insécurité autant que l'expérience personnelle du vol et de l'agression 5 ( * ) . Or, les personnes qui résident dans ces quartiers dégradés n'ont souvent pas les moyens d'habiter ailleurs, et se sentent « piégées » dans un milieu qui les contraint à vivre quotidiennement dans la peur.

Par ailleurs, le manque de respect des personnes et de leur tranquillité est de plus en plus mal vécu par ceux de nos concitoyens qui sont victimes quotidiennement d'actes d'incivilités et de provocations diverses. Dans de nombreux quartiers, le quotidien est désormais vécu à travers le prisme de la peur, de la défiance, et parfois, du racisme.

e) Une délinquance qui se généralise

La délinquance se diffuse très largement dans notre pays, et les zones péri-urbaines et rurales sont désormais également touchées par ce phénomène. Ainsi, entre 1997 et 2001, les faits constatés par la gendarmerie ont augmenté de plus de 20 %, alors que ceux constatés par la police nationale n'ont augmenté « que » de 15 %.

L'émergence d'une délinquance visible dans le monde rural et dans les petites villes déstabilise fortement ceux de nos concitoyens qui croyaient vivre dans un lieu paisible, à l'abri des problèmes des grandes villes, dans un monde protégé. Le sentiment prévaut désormais dans nos régions que « l'on ne peut plus être tranquille nulle part ».

2. Les dysfonctionnements de l'appareil répressif

Parallèlement à la hausse de la délinquance, l'efficacité des services de police diminue, comme le montre la baisse du taux d'élucidation, qui est passé de 29,5 % en 1997 à 26,8 % en 2000.

a) Le malaise des forces de sécurité intérieure

Au sentiment d'abandon que ressentent aujourd'hui nos concitoyens s'est ajouté celui de nos forces de sécurité intérieure. Le mois de novembre 2001 a ainsi vu se développer le plus important mouvement revendicatif des policiers depuis plus de vingt années. Dans son rapport sur les crédits consacrés à la sécurité dans le projet de loi de finances pour 2002, votre rapporteur indiquait qu'il était « convaincu de l'existence, et du développement, d'un profond malaise dans la police. Les manifestations durant le mois de novembre de fonctionnaires de police en sont une des expressions. Les policiers ne se sentent pas reconnus pour leur travail. Ils font face à des situations de plus en plus difficiles et violentes. Toujours plus de policiers sont tués ou blessés en service. La loi sur la présomption d'innocence est venue alourdir les tâches, complexifier les rapports avec la justice, et réduire le service apporté aux citoyens. Enfin, les charges supplémentaires pleuvent sur les fonctionnaires , par exemple avec le passage à l'euro ou Vigipirate. Ils n'ont pas l'impression d'être « la priorité du gouvernement » (...). Rarement, l'incompréhension entre policiers et juges n'aura été aussi vive et le fossé les séparant aussi grand. Comment les policiers ne s'interrogeraient-ils pas quand ils constatent d'un côté les progrès de la délinquance, de l'autre, les contraintes supplémentaires qui leur sont imposées en terme de procédure. Comment ne pas se sentir découragé quand l'interpellé est relâché presque immédiatement même en cas de récidive, ou quand la procédure est annulée pour une erreur matérielle commise après plusieurs heures de service (...) plus que jamais, il convient de s'interroger sur l'effet de notre procédure pénale sur le travail des policiers, obligés de boucler des procédures en une heure ou de multiplier les actes 6 ( * ) ».

Fait inédit, les gendarmes, que le statut militaire n'autorise pas à manifester, ont, peu après les policiers, défilé en cortège et en tenue dans de nombreuses villes. Un tel choix souligne l'ampleur du malaise des forces de sécurité intérieure, qui réclament notamment les moyens d'exercer leurs missions. Il convient de reconnaître que l'état des bâtiments, du parc automobile, et des équipements de manière générale, ne permet plus l'exercice des missions des forces de sécurité dans des conditions de travail normales.

Notre pays est dans une situation grave, les citoyens perdent confiance dans la capacité des pouvoirs publics à sanctionner les actes qui nuisent à la paix et à l'harmonie sociales, et les forces de l'ordre ont perdu confiance dans le système : elles ne se sentent plus reconnues et soutenues par le monde politique et ont le sentiment que leur action est de plus en plus entravée et vaine, alors même qu'elle s'effectue dans des conditions de plus en plus difficiles. Le pouvoir politique se doit de réagir face à l'exaspération des citoyens et des forces de l'ordre, et au découragement qui les menace.

b) Les dysfonctionnements de la justice ou la perte de confiance dans la capacité à sanctionner

Nos concitoyens aspirent à la sécurité et à la liberté. L'absence de sanctions à l'encontre de ceux qui nuisent quotidiennement à la qualité de vie des habitants d'un quartier, le peu de poursuites engagées à l'encontre des délinquants et parfois, la peur des représailles, les découragent trop souvent de porter plainte.

La police et la gendarmerie sont, avec la justice, au coeur de la société ; elles contribuent ensemble à assurer le règne de la loi, c'est à dire à réguler les comportements et les conflits qui contribuent à la détérioration et même à la destruction du lien social. La présentation concomitante d'un projet de loi relatif à la sécurité intérieure et à la justice souligne combien les deux sujets sont intimement liés. Votre rapporteur pour avis ne souhaite aucunement s'immiscer dans la compétence de son collègue rapporteur pour avis du projet de loi d'orientation et de programmation pour la Justice, M. Hubert Haenel. Il souhaite cependant souligner l'influence négative des dysfonctionnements et des insuffisances de moyens du ministère de la Justice sur le travail des forces de sécurité et sur la confiance que nos concitoyens placent dans leurs institutions. La lenteur et la complexité des procédures, le nombre d'affaires classées sans suite, le caractère parfois symbolique des sanctions infligées aux délinquants sont autant de facteurs qui alimentent le sentiment d'incompréhension, de découragement et d'exaspération des forces de sécurité intérieure. Trop souvent, les délinquants interpelés par la police sont immédiatement relâchés et jouissent d'un sentiment d'impunité, qui enlève tout caractère dissuasif à l'arrestation : les forces de sécurité intérieure ne se sentent alors plus respectées.

Un exemple est particulièrement emblématique de ce problème : dans les six premiers mois d'entrée en vigueur de la loi relative à la présomption d'innocence, alors que la délinquance augmentait de 9,58 %, le nombre de gardes à vue diminuait de 9,76 % 7 ( * ) .

Le Premier ministre rappelait, lors de sa déclaration de politique générale, le 3 juillet 2002, que « la loi donnera à nos forces de sécurité, auxquelles je tiens à rendre hommage, les moyens d'assumer pleinement leurs missions (...) elle s'accompagnera d'une volonté affirmée de faciliter le travail des policiers et des gendarmes, sans porter atteinte aux droits de la défense, ni au principe de la présomption d'innocence. Elle organisera une déconcentration réelle des responsabilités, accompagnée de la fixation d'objectifs et de procédures d'évaluation précises .

L'autorité de l'Etat, c'est aussi une justice sereine, efficace, simple et rapide.

Notre système judiciaire ne répond pas suffisamment à la demande de droit. Sa lenteur irrite nos concitoyens. Sa complexité les décourage ».

Votre rapporteur pour avis insiste sur la nécessité de réformer profondément les structures et les modes de fonctionnement des forces de sécurité intérieure et de la justice, qui constituent deux maillons d'une même chaîne de traitement de la délinquance.

c) Une répartition des effectifs inadaptée aux évolutions de la délinquance

Trop souvent, les gouvernements ont annoncé des réformes qui ne furent pas appliquées, faute de courage politique et de moyens financiers. C'est le cas, en particulier, de l'organisation des forces de sécurité, qui n'est plus adaptée aux enjeux notre société. Le rapport de notre regretté collègue député Roland Carraz et de notre collègue sénateur Jean-Jacques Hyest soulignait dès 1998 les incohérences de l'organisation et de la répartition des forces de l'ordre dans notre pays. Votre rapporteur pour avis rappelle les trois grands axes des 65 propositions énoncées dans ce rapport :

- donner une priorité absolue dans la répartition des effectifs aux régions les plus touchées par la délinquance de voie publique : grande couronne parisienne, grandes agglomérations de province, pourtour méditerranéen ;

- modifier les méthodes de fonctionnement et notamment de ressources humaines, de la police et de la gendarmerie, en adoptant une optique de projet et une obligation de résultat : faire baisser la délinquance de voie publique, génératrice du sentiment d'insécurité de nos concitoyens ;

- systématiser le partenariat, tant au niveau national que local, d'une part entre la police et la gendarmerie, d'autre part entre celle-ci et les autres administrations, notamment la justice, ainsi que les élus ; en effet, c'est l'ensemble du corps social qui doit faire reculer l'insécurité .

Ce même rapport soulignait que les départements les plus criminogènes ont, par rapport aux départements les moins criminogènes un ratio policiers / habitants à peine plus favorable, et que la répartition des zones de compétence entre la gendarmerie et la police nationales n'a pas évolué depuis 1941, alors que la géographie urbaine a été totalement bouleversée. De plus, il notait que les méthodes d'affectation de la police nationale sont inadaptées aux enjeux opérationnels, les nouveaux policiers étant généralement affectés en région parisienne. Or, la plupart d'entre eux déposent une demande d'affectation en province qui n'est souvent satisfaite qu'après plusieurs années, ce qui provoque des disparités géographiques importantes quant à l'âge et l'ancienneté des policiers.

Ce rapport montrait enfin à quel point l'organisation de nos forces de l'ordre s'appliquait à un autre contexte et ne s'était pas adapté aux évolutions de la société.

Suite à la publication de ce rapport, le gouvernement dirigé par Lionel Jospin s'était engagé, lors du conseil de sécurité intérieure du 27 janvier 1999, à redéployer 1.200 policiers par an pendant trois ans vers les 26 départements classés « sensibles ». Or, dans son rapport sur l'exécution de la loi de finances pour l'année 2001 publié au mois de juin 2002, la Cour des comptes « confirme la critique portée dans son rapport 2000 sur le caractère limité des redéploiements des effectifs vers les zones sensibles.

En effet, en 1999 et 2000, en dépit de l'affectation de 3.673 agents supplémentaires (dont 2.250 agents du corps de maîtrise et d'application) dans les 26 départements classés prioritaires, le ministère de l'intérieur indique que les effectifs totaux des services de police de ces départements n'avaient augmenté que de 132 personnes, la diminution entraînée par la disparition des policiers auxiliaires n'ayant pu être compensée à due concurrence par le recrutement d'adjoints de sécurité.

Quant à l'année 2001, elle montre que la situation s'est même détériorée, les effectifs de ces départements en principe prioritaires ayant baissé de 396 personnes (ou 587, selon les tableaux fournis) par rapport à fin 2000 » 8 ( * ) .

Votre rapporteur pour avis constate que la structure et la répartition actuelle des forces de police et de gendarmerie constitue un obstacle majeur à la mise en oeuvre d'une politique efficace de lutte contre l'insécurité. Il en va de même de la répartition actuelle du territoire national en zones de police et de gendarmerie.

d) Une répartition des zones de police et de gendarmerie dépassée

Les clivages entre les zones de police et de gendarmerie ne correspondent plus aux réalités géographiques et sociales de notre pays et conduisent à des dysfonctionnements majeurs, le citoyen ne sachant plus quelle force est compétente pour une zone donnée. Par ailleurs, le système de mutation de la police nationale ne permet plus de répondre efficacement aux contraintes opérationnelles de la police : il provoque en effet dans certaines villes, et particulièrement en Ile-de-France, des carences d'effectifs importantes à l'occasion de la mutation de fonctionnaires qui ne sont pas immédiatement remplacés.

Alors que les délinquants s'adaptent sans cesse aux évolutions de notre société et utilisent les techniques les plus élaborées pour commettre leurs méfaits, la lourdeur de l'appareil étatique ne permet pas d'obtenir la réactivité nécessaire à une lutte efficace à leur encontre. Les frontières nationales, mais également les frontières administratives, constituent des obstacles au travail des forces de sécurité intérieure, tandis que pour les délinquants, ces limitations des compétences territoriales des forces de sécurité intérieure sont une aubaine.

e) Des capacités opérationnelles réduites par des tâches annexes

Actuellement, de nombreux policiers et gendarmes sont affectés à des tâches qui ne relèvent pas de l'action opérationnelle de lutte contre l'insécurité : tâches administratives, transfèrement des détenus, gardes statiques. La capacité opérationnelle des forces de sécurité s'en trouve réduite d'autant.

Notre collègue député Alain Moyne-Bressand, rapporteur pour avis de la commission de la défense de l'Assemblée nationale rappelait, lors de la discussion générale du présent projet de loi, que « les missions de garde statique effectuées par la seule gendarmerie mobile impliquent actuellement environ 800 militaires, déployés autour des résidences de certaines personnalités, de bâtiments publics et d'ambassades étrangères. Le recours à des solutions alternatives ou l'abandon de certaines missions permettrait un gain d'effectif de 600 à 700 militaires pour l'ensemble de la gendarmerie. Quant aux extractions et transfèrements des détenus, tâche particulièrement lourde, ils mobilisent des effectifs considérables. Dans les zones où les effectifs sont peu nombreux, ces missions affectent donc lourdement l'activité et la disponibilité des petites brigades. (...) Enfin, il me semble nécessaire d'aller dans le sens d'une simplification des nombreuses activités purement administratives qui amputent largement le temps de travail utile des gendarmes, tout en constituant des tracasseries inutiles pour les administrés ».

Sur ce même sujet, M. Pierre Mutz, directeur général de la gendarmerie nationale, indiquait lors de son audition par la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale, que « la simple garde des détenus hospitalisés mobilise l'équivalent de 150 policiers par jour à Paris et de 15 à 25 dans une ville comme Limoges. La suppression des tâches de transfèrement libérerait pour d'autres missions 1.000 gendarmes environ par jour. En la matière, le recours à la gendarmerie n'est vraiment justifié que pour le transfert de détenus particulièrement dangereux ou lourdement condamnés ».

Notre collègue député Jean-Christophe Lagarde précisait également, lors de la discussion du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, le 16 juillet dernier, que « le convoyage des étrangers en situation irrégulière entre l'aéroport de Roissy et le palais de justice de Bobigny mobilise chaque jour une demi-compagnie de forces mobiles ». Enfin, même si cela est davantage anecdotique, il convient de noter que les procurations de vote pour les élections sont enregistrées dans les commissariats de police et de gendarmerie, ce qui, certes de manière ponctuelle, créé une charge de travail supplémentaire sans lien avec leurs missions.

Ces différents éléments soulignent l'importance qu'il y a à associer les forces de sécurité et la Justice dans la réflexion sur la manière de mieux utiliser les effectifs existants. Votre rapporteur pour avis considère que les procédures actuelles sont excessivement lourdes et qu'un effort important doit être fait afin de les rationaliser. Il souhaite que les nouveaux moyens qui devraient être accordés au ministère de la Justice en vertu du projet de loi d'orientation et de programmation pour la Justice permette des évolutions, s'agissant notamment du convoyage des détenus réputés peu dangereux pour les audiences judiciaires, ou encore des audiences foraines, qui limiteraient le nombre de ces convoyages.

f) La nécessaire rationalisation des équipements

Il existe aujourd'hui des laboratoires scientifiques dépendant de la police nationale, et d'autres, dépendant de l'Institut de recherches criminelles de la gendarmerie. L'unification des forces de sécurité - police et gendarmerie - devra permettre une rationalisation des équipements, qui sont parfois redondants entre la police et la gendarmerie. Il convient en effet, à l'évidence, de s'interroger sur l'opportunité d'engager une politique de spécialisation des laboratoires, voire de concentrer l'essentiel des moyens existants au sein d'une structure unique, ce qui permettrait d'améliorer le rendement de ces services et de remplir les missions actuellement exercées pour un coût moindre.

g) Les nouvelles missions des forces de sécurité

Alors que les capacités opérationnelles de la police et de la gendarmerie nationales ont diminué, de nouveaux défis s'imposent à elles : la lutte contre le terrorisme, ainsi que la lutte contre l'immigration irrégulière, ne sont certes pas des missions nouvelles, mais le contexte actuel en font des enjeux très importants. Sur ces deux sujets, la coopération internationale s'avère indispensable.

Les services français de sécurité intérieure ont pris en compte l'émergence de cette dimension internationale, qui exige la mise en place d'effectifs dédiés et de nouvelles formes de coopération.

La coopération dans un cadre national comme international, constitue d'ores et déjà un axe majeur de l'action de la direction centrale de la police aux frontières, au sujet de laquelle votre rapporteur pour avis a engagé une mission d'évaluation et de contrôle. Ainsi, dans le cadre des aéroports internationaux, la police aux frontières coopère régulièrement avec les services des douanes et la gendarmerie du transport aérien. Un arrêté du 7 janvier 2000 répartit d'ailleurs les zones de compétence territoriale de la gendarmerie des transports aériens et de la police aux frontières dans les aéroports, mais prévoit cependant la possibilité pour les deux services d'intervenir dans l'autre zone.

En matière de coopération internationale, la police aux frontières développe des centres de coopération policière et douanière bi-nationaux 9 ( * ) , qui regroupent plusieurs services de chaque pays (sécurité publique, police aux frontières, gendarmerie et douane pour les services français). Ces centres permettent d'échanger les informations et les analyses avec les pays voisins de l'Union européenne, s'agissant notamment des questions liées aux flux d'immigration clandestine.

La lutte contre l'immigration irrégulière : un problème complexe nécessitant la mobilisation de moyens importants

Lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin indiquait, le 3 juillet dernier, que la politique d'immigration « devra lutter avec la plus grande fermeté contre les trafics de main d'oeuvre et l'immigration illégale, tout en favorisant l'insertion des migrants légaux. Le dispositif du droit d'asile, qui est à l'origine de nombreuses situations illégales, sera revu et les procédures seront accélérées ». Votre rapporteur pour avis rappelle en effet que les procédures actuellement relatives au droit d'asile impliquent des délais beaucoup trop importants (de l'ordre de 18 mois en moyenne, mais jusqu'à 6 ans dans certains départements), qui ne permettent ni de répondre de manière efficace et juste aux demandeurs d'asile, ni de gérer convenablement le flux migratoire qui s'adresse à notre pays. L'importance de ces délais engendre une grande précarité pour les personnes en attente d'une réponse, alors que souvent, les demandeurs vivent en France depuis trop longtemps pour qu'ils puissent être expulsés sans que cela créé des traumatismes profonds lorsqu'ils sont déboutés de leur demande. Le Président de la République, Jacques Chirac, rappelait lors de son interview télévisée du 14 juillet son souhait de voir ces délais limités à 1 mois, au lieu des délais considérables constatés aujourd'hui.

Par ailleurs, il n'existe pour ainsi dire aucun contrôle quant à la date de retour des personnes autorisées à séjourner en France au titre d'un séjour touristique, et le renvoi de certaines personnes en situation irrégulière est souvent compliqué par le refus de leur pays d'origine de les accepter sans une preuve formelle de leur nationalité.

Une récente évaluation menée par une commission internationale d'experts ad hoc mandatée par l'Union européenne a relevé l'insuffisance en personnel de la police aux frontières pour mettre en oeuvre de manière efficace les standards prévus par les accords de Schengen. Par ailleurs, l'actualisation du fichier national transfrontière a pris un retard considérable, le stock de fiches non saisies s'élevant à près de 1,5 million. La modernisation de ce fichier était prévue, mais a été reportée suite à la décision d'équiper de manière prioritaire tous les fonctionnaires de police d'un gilet pare-balle. Enfin, votre rapporteur pour avis insiste sur la nécessité de renforcer les services des visas des consulats français à l'étranger, qui sont trop souvent en sous-effectifs, mal équipés, et dont l'action est insuffisamment contrôlée.

Le problème de l'immigration irrégulière présente de nombreuses facettes : c'est un problème social au premier chef, car les immigrés irréguliers sont généralement dans une situation sanitaire et sociale désespérée. C'est un problème d'emploi, car les immigrés irréguliers travaillent sans être déclarés, dans des conditions souvent difficiles et pour des salaires très faibles, contribuant ainsi indirectement au chômage et à la diminution des salaires des travailleurs déclarés les moins qualifiés. A cet égard, votre rapporteur pour avis s'étonne que des ateliers clandestins de confection textile fonctionnent depuis de nombreuses années dans un quartier de la capitale, au vu et au su de tous, sans être inquiétés par les forces de police. Une telle inaction ne peut que rendre plus attractive l'émigration clandestine vers notre pays.

Or, le lien entre immigration irrégulière et insécurité ne peut être ignoré, parce que les personnes arrivant ou séjournant en France de manière irrégulière se livrent parfois à des activités lucratives en marge de la légalité (mendicité agressive, racolage, trafic de drogue...). Il ne s'agit pas de condamner l'immigration en tant que telle : le Président de la République a rappelé, lors de son interview du 14 juillet, que l'immigration pouvait être un facteur d'enrichissement pour notre pays. Mais il s'agit de mieux contrôler les personnes qui entrent et séjournent sur le territoire national, afin de limiter les effets pervers d'une immigration que notre pays n'est pas en mesure de supporter, et qui enrichit les passeurs et les réseaux mafieux qui prospèrent sur la misère des émigrants.

L'immigration irrégulière est désormais, plus que jamais, un problème politique : dans l'ensemble des pays européens, les élections les plus récentes ont montré une percée significative de l'extrême droite, pour qui l'immigré est celui qui prend le travail des nationaux, profite des systèmes sociaux, et met en cause la cohésion nationale. On ne peut que condamner fermement les amalgames de cette nature qui consistent à simplifier exagérément un problème complexe et à rechercher un bouc émissaire qui cumulerait les tares de notre société. Cependant, la montée des partis d'extrême droite doit inciter les gouvernements européens à répondre de manière déterminée à la question de l'immigration irrégulière.

Dans le cadre de l'Union européenne et de l'ouverture des frontières intérieures décidées par les accords de Schengen, le problème de l'immigration irrégulière ne peut plus être désormais réglé dans un cadre strictement national. Il concerne l'ensemble des pays de l'Union européenne, les pays candidats à l'adhésion, mais également les pays d'origine et de transit des migrants, et requiert donc une action déterminée et coordonnée entre les pays. Le sommet européen de Séville a pris en compte ce sujet et va permettre de développer la coopération au sein de l'Union européenne. Cependant, cette coopération peut soulever des questions de souveraineté nationale, par exemple lorsque la perspective de création d'un corps de douanier européen est évoquée.

B. DES ORIENTATIONS COURAGEUSES ET FORTES POUR LUTTER EFFICACEMENT CONTRE LA DÉLINQUANCE

1. La réorganisation des forces de sécurité intérieure

a) La réforme de la répartition des zones de police et de gendarmerie

La mise en oeuvre d'une politique cohérente et efficace de lutte contre l'insécurité passe par une réorganisation des forces de police et de gendarmerie, dont on a vu que la répartition actuelle était archaïque et n'était plus adaptée aux réalités de la délinquance. Lors de la discussion générale du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, le 16 juillet, le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales indiquait que « l'organisation des forces de sécurité doit être modernisée et elle le sera par la création de directions interrégionales, car la délinquance se moque des frontières départementales. Nous rechercherons une répartition plus rationnelle entre les zones de compétence de la police nationale et celle de la gendarmerie, chaque force exerçant l'ensemble des missions de sécurité publique sur un territoire donné. Les échanges territoriaux pourront être décidés sur proposition des autorités locales. Il y aura des communautés de brigade, si bien que la gendarmerie sera plus opérationnelle, de jour comme de nuit. Depuis combien de temps les élus se plaignent-ils d'une trop faible présence de la gendarmerie dans leur circonscription la nuit ? Ce n'est pas faute d'envie des gendarmes, mais faute de moyens, et en raison d'une organisation qui date de 1850. Elle doit, d'évidence, être revue, car la délinquance gagne à présent les zones rurales. C'est pourquoi le Gouvernement tient à concilier proximité et efficacité. Disons-le tout net : une brigade de six hommes n'a qu'une faible marge de manoeuvre ; il en va tout autrement lorsque des communautés de brigades peuvent mettre sur pied des patrouilles nocturnes.

Je tiens à le préciser : il n'y aura pas de schéma national - et c'est en cela que la réforme peut réussir là où tant d'autres ont échoué. La France est diverse : il faut en prendre acte. J'ajoute que la réforme du maillage territorial de la gendarmerie ne vise pas à masquer une réduction des effectifs. Seulement, cette fois, il ne s'agira pas d'engloutir dans un nouveau tonneau des Danaïdes argent et effectif, sans rien réformer des structures obsolètes ».

Les modalités de mise en oeuvre du redéploiement entre zones de gendarmerie nationale et zones de police nationale :

Chaque force devra prendre en compte les missions de sécurité publique dans l'ensemble de sa zone de responsabilité. Cela entraînera, selon les cas, la suppression des protocoles, la mise en conformité de situations de fait avec le droit ou de droit avec les faits, ou la suppression d'unités de gendarmerie situées en zone de police nationale ;

afin de rendre le dispositif d'ensemble plus cohérent, des échanges de territoires seront réalisés avec le souci de respecter globalement l'équilibre actuel ;

rien ne sera programmé au niveau national, des propositions émanant des échelons locaux, sous l'égide des préfets et en concertation avec les directeurs départementaux de la sécurité publique, les commandants de groupement de gendarmerie et les élus locaux.

Source : direction générale de la gendarmerie nationale

Votre rapporteur pour avis se félicite des orientations décidées par le gouvernement. Il souligne l'importance pour les forces de sécurité d'agir en tant que service public, et de prendre en compte les évolutions de la société. Aussi, il considère que la réforme des zones de police et de gendarmerie ne pourra s'effectuer sans une concertation avec les collectivités locales et une prise en compte du développement des structures intercommunales : la méthode pragmatique retenue par le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales constitue à cet égard un gage de réussite .

La volonté de réorganisation des forces de sécurité est une réforme courageuse , prometteuse, et d'ampleur inédite si l'on considère l'ancienneté de la définition de ce zonage.

Le redéploiement entre zones de gendarmerie nationale et zones de police nationale impliquera l'échange de territoires afin de rendre le dispositif d'ensemble plus cohérent. La méthode mise en oeuvre de cette réforme privilégiera l'échelon local plutôt qu'un plan national, sa réussite reposera également sur le fait qu'elle s'effectuera dans un contexte d'augmentation des effectifs : ainsi, la prestation antérieure en matière de sécurité sera améliorée ou, au minimum, maintenue, dans chacune des zones considérée, et la concertation au niveau local permettra de prendre en compte de manière spécifique la situation des personnels concernés par les changements ainsi décidés.

b) La réorganisation de la gendarmerie
(1) Le redéploiement des forces en zone péri-urbaine

La carte d'implantation des brigades de gendarmerie date de 1850 et n'est plus adaptée à la réalité des territoires, compte tenu notamment du phénomène d'extension considérable de l'urbanisation dans notre pays. Afin de s'adapter à ce phénomène d'urbanisation, ainsi qu'au développement de la délinquance en zone péri-urbaine, la gendarmerie envisage différentes mesures :

- le renforcement des effectifs des unités dans les circonscriptions où la population a le plus augmenté au cours de la période 1990-1999 ;

- le densification des effectifs de ces brigades territoriales selon leurs charges en matière de délinquance et de violences urbaines ;

- l'augmentation des effectifs dans les unités spécialisées qui soutiennent l'action des brigades territoriales dans le domaine de la surveillance générale (pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie) et de la police judiciaire (brigades de recherches). Les effectifs des sections de recherche qui interviennent contre la criminalité organisée seront augmentés, ainsi que ceux des services de rapprochement judiciaires. Les compagnies des départements les plus sensibles de métropole et d'outre-mer seront dotées en priorité des brigades de recherches dont la création est envisagée au cours des cinq prochaines années.

Enfin, pour conserver à l'action des brigades territoriales sa proximité, les frontières des circonscriptions concernées au cours des dernières années par une forte urbanisation seront réétudiées, avec un objectif de 20.000 habitants par circonscription. En conséquence, des modifications aux limites territoriales seront proposées au cas par cas aux autorités et aux élus.

(2) La création des communautés de brigade

Pour la gendarmerie, des suppressions de brigades pourraient intervenir ponctuellement. Cependant, la création de communautés de brigades doit permettre d'éviter le recours à la suppression d'unités existantes. En effet, trop de brigades sont aujourd'hui composées de seulement quelques gendarmes (4 dans certaines brigades), ce qui ne leur permet plus de répondre efficacement aux nouvelles formes de délinquance. Le maillage territorial de la gendarmerie doit donc être réaménagé. A titre d'exemple, pour couvrir une zone non sensible en disposant de 4 militaires disponibles de nuit pour l'intervention, l'effectif total nécessaire est de 16 militaires. Or, la gendarmerie compte aujourd'hui 3.551 brigades territoriales dont 2.928 ont un effectif inférieur ou égal à 15 militaires, et parmi elles, 1.288 ont un effectif inférieur ou égal à 6 militaires. Ce chiffre souligne parfaitement combien l'amélioration de l'efficacité opérationnelle des forces de gendarmerie dépend de la réforme de leur organisation .

Le délai maximum de 30 minutes pour l'intervention de la gendarmerie ne sera pas affecté par la création des communautés de brigades, qui permettra de dégager des effectifs pouvant intervenir en plus grand nombre, en particulier la nuit.

Le fonctionnement des communautés de brigades

- les effectifs de deux ou trois unités sont placés sous les ordres d'un commandement unique ;

- la communauté de brigades dispose d'une bureautique commune, d'un instrument statistique et d'un cahier de circonscription uniques. Un réseau particulier lui permet de communiquer depuis les deux ou trois sites des services ;

- les règles de fonctionnement et d'accueil du public sont étudiées localement et adaptées aux besoins de la population ;

- un effectif cumulé permet d'orienter plus facilement le service de jour et de nuit vers la surveillance générale, la prévention et l'intervention rapide ;

- dans certaines communautés, un planton fixe nocturne peut être autorisé à intervenir sur un événement, selon des modalités qui seront précisées. A tout moment, la prise en charge des plaignants est assurée ;

- la circonscription d'une communauté de brigades ne devrait pas compter une population supérieure à 20.000 habitants pour préserver l'avantage de la proximité avec la population, spécialement en zone urbanisée ;

- l'engagement des brigades autonomes et des communautés de brigades est soutenu par le renfort des unités spécialisées.

Source : direction générale de la gendarmerie nationale

Il convient de souligner que les brigades pouvant conserver leur autonomie ne seront pas concernées par cette nouvelle organisation, celles dont les effectifs sont trop importants pouvant même être scindées afin de densifier le maillage existant.

2. Des moyens opérationnels nouveaux

a) Le renforcement des offices centraux de police judiciaire

Le présent projet de loi prévoit le renforcement des moyens des offices centraux de police judiciaire existants. Par ailleurs, deux nouveaux offices seront créés : la mission interministérielle de lutte contre la délinquance itinérante sera transformée en office central, et un nouvel office consacré à la recherche des malfaiteurs en fuite sera créé. Le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, Nicolas Sarkozy, s'interrogeait, lors de son discours à l'Assemblée nationale, le 16 juillet : « est-il normal qu'au 1 er mai 2002 on recense 4.000 malfaiteurs en fuite sans qu'aucune instance n'organise leur recherche ? ». De toute évidence, une telle situation n'est pas acceptable.

Des officiers et sous-officiers de gendarmerie seront désormais placés auprès de chaque office de police judiciaire, afin d'assurer l'interface avec la police nationale, d'améliorer les échanges d'information et de coordonner l'action des offices avec les unités de gendarmerie.

b) Les groupements d'intervention régionaux (GIR)
(1) L'organisation des GIR

Plusieurs mesures importantes sont annoncées par le présent projet de loi, s'agissant de l'organisation des forces de sécurité intérieure. Certaines de ces mesures ont déjà trouvé un début d'application dès avant la présentation du présent projet de loi. Ainsi, les groupes d'intervention régionaux (GIR) ont-ils été créés au sein de chaque région administrative par la circulaire interministérielle du 22 mai 2002. Le texte de cette circulaire écarte Paris du dispositif et crée un groupe d'intervention dans chaque département de la petite et de la grande couronne. Par ailleurs, cette circulaire laisse toute latitude aux préfets, pour les départements d'outre-mer, et aux préfets et Hauts-Commissaires pour les autres collectivités d'outre-mer, pour adapter les dispositions de l'instruction. 28 groupes d'intervention régionaux ont été constitués en métropole et sont opérationnels depuis la fin du mois de juin. Ces unités sont rattachées soit à un service régional de police judiciaire (c'est le cas de 18 GIR), soit à une section de recherches de la gendarmerie nationale (10 GIR), dont ils prennent la compétence judiciaire. Dans le premier cas, le GIR est commandé par un commissaire de police assisté par un officier de gendarmerie, inversement dans le second.

Il convient de noter que, outre les fonctionnaires de police et les militaires de la gendarmerie, chaque unité d'organisation et de commandement comprend un représentant de la douane et des services fiscaux. Par ailleurs, des représentants de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et de la direction du travail et de l'emploi figurent au titre des personnels pouvant être mobilisés dans le cadre de l'intervention des GIR. Ces structures regroupent ainsi de manière permanente 262 agents et peuvent faire appel à un total de 1.582 fonctionnaires pour les besoins de l'accomplissement de leurs missions.

La synergie obtenue par la concertation et la mise en commun des compétences et des moyens des différents services impliqués dans la lutte contre la délinquance permettra une plus grande efficacité de leur action.

(2) Les principales missions des GIR

Les groupes d'intervention régionaux ont pour mission principale la lutte contre l'économie souterraine et les différentes formes de délinquance organisée qui l'accompagnent, sources d'insécurité et de déstabilisation sociale dans de nombreux quartiers sensibles. Les principaux actes visés sont les trafics locaux de stupéfiants, d'objets ou véhicules volés ou recélés, les actions violentes concertées, les vols commis à l'encontre des personnes âgées, les agressions à domicile, les vols à la voiture bélier et les vols à main armée. L'intervention des groupements d'intervention régionaux sera ponctuelle, afin de ne pas nuire aux capacités opérationnelles des services fournissant du personnel : elle constitue une assistance aux services locaux de police et de gendarmerie. D'ores et déjà, 19 interventions ont été menées à bien par les GIR, notamment dans des quartiers sensibles d'Ile-de-France.

Ainsi que l'indiquait le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales lors de la discussion générale du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, le 16 juillet, « les GIR permettront de mobiliser toutes les forces nécessaires, y compris les services de la douane et du fisc, pour traquer les délinquants. Car c'est une offense à la République que des gens qui ne peuvent justifier de leurs revenus se permettent de trôner au volant de voitures que les honnêtes gens ne pourront jamais s'offrir ».

Votre rapporteur pour avis considère qu'il est essentiel de s'attaquer à ceux qui affichent de manière insolente des signes de richesse acquis grâce aux revenus d'activités délictueuses telles que le recel ou le trafic de drogue. En effet, ces personnes constituent un exemple particulièrement néfaste pour les plus jeunes, fascinés par une telle accumulation de richesse sans que celle-ci semble être mise à l'index par la société et menacée par l'intervention des forces de sécurité. Comment inciter un jeune à poursuivre des études quand il a sous ses yeux l'exemple d'une vie si facile et opulente, sachant par ailleurs qu'il risque d'être la victime de discriminations sur le marché du travail ? Votre rapporteur considère qu'il est indispensable de mettre fin au mythe de la vie facile qui tend à inverser l'échelle des valeurs des jeunes de nos cités. Les valeurs de travail et d'effort, dont on constate chaque jour qu'elles perdent du crédit auprès de la jeunesse, deviennent déconnectées des ambitions de réussite sociale à laquelle chacun aspire légitimement. Il s'agit donc, en s'attaquant aux signes les plus rutilants de la réussite sociale des délinquants, de freiner, puis de renverser la culture dominante d'une appropriation par tous des moyens des signes les plus convenus de réussite de notre société de consommation. Trop de jeunes, en effet, sont avides de suivre l'exemple des « caïds » qui mènent la grande vie, et réalisent souvent trop tard la difficulté de revenir à une vie normale après avoir goûté au luxe d'une vie facile.

(3) L'harmonisation de la compétence territoriale des GIR et de la carte judiciaire

La compétence territoriale des groupes d'intervention régionaux ne correspondait pas à la carte judiciaire, ce qui posait quelques difficultés pour la conduite d'opérations de police judiciaire. Des solutions transitoires ont donc été mises en oeuvre afin de permettre aux GIR de travailler normalement. Afin de pallier ce problème de manière pérenne, le présent projet de loi prévoit une extension de la compétence territoriale des officiers de police judiciaire : celle-ci sera étendue à l'ensemble du département, voire à la zone de défense pour certains agents et militaires spécialisés.

Par ailleurs, le nombre d'agents ayant la qualification d'officiers de police judiciaire sera augmenté et cette compétence sera revalorisée.

c) La nouvelle doctrine d'emploi des forces mobiles

Le présent projet de loi prévoit de réformer la doctrine d'emploi des forces mobiles, afin de limiter leur envoi dans des régions éloignées de leur zone d'implantation. Les forces mobiles (qui sont constituées d'environ 14.000 membres des compagnies républicaines de sécurité -CRS- et de 19.000 membres des escadrons de gendarmerie mobile) seront désormais davantage employées dans un cadre déconcentré, de façon à mieux soutenir la sécurité quotidienne dans leur région d'implantation. Les modalités de mise en oeuvre de cette nouvelle doctrine seront précisées à l'issue des conclusions d'un groupe de travail constitué à cet effet. Il convient cependant d'ores et déjà de noter que cette nouvelle doctrine diffère de la fidélisation des forces mobiles, même si la mobilité géographique globale des forces sera réduite, ce qui constitue également un facteur d'économies.

Les unités de forces mobiles seront employées en fonction des priorités définies par les préfets,. Elles connaîtront mieux leur terrain en étant appelées le plus souvent à intervenir dans la zone de défense de leur lieu de résidence. Elles seront sous un commandement homogène, les escadrons de gendarmerie mobile étant appelés à intervenir en zone « gendarmerie », et les compagnies républicaines, en zone « police ». Les opérations de maintien de l'ordre pourront en revanche être confiées indistinctement à l'une ou l'autre force en fonction de l'appréciation des besoins locaux par les préfets.

d) La réduction des tâches indues

Lors de la discussion générale du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, le 16 juillet, le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales indiquait que « p our faciliter [la réorganisation des forces de sécurité intérieure], un terme sera mis à l'emploi des policiers et des gendarmes dans des fonctions qui ne sont pas strictement liées à la sécurité, telles que les gardes statiques. Et une réflexion active sera menée sur le transfert des détenus à l'administration pénitentiaire, car il est en tout point anormal que certaines villes moyennes se trouvent entièrement démunies de forces de police lorsque ces transferts sont organisés ».

S'agissant des missions de garde statique, le recours à des solutions alternatives (mesures de protection passives, sociétés privées de gardiennage, abandon éventuel de certaines missions de garde) sera systématiquement recherché. D'après les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, 481 militaires pourraient ainsi être dégagés et affectés à des tâches directement liées à la lutte contre la délinquance, sur un total de 775 gendarmes mobiles déployés autour des résidences de certaines personnalités, de bâtiments publics et d'ambassades étrangères.

Enfin, s'agissant des activités annexes aux missions des forces de sécurité (entretien et maintenance des équipements notamment), le recours à l'externalisation sera privilégié.

3. La nouvelle architecture de la sécurité intérieure : replacer l'élu au coeur de la sécurité.

a) Le conseil de sécurité intérieure

La nouvelle architecture de la sécurité intérieure définie par le présent projet de loi repose sur le Conseil de sécurité intérieure, présidé par le Président de la République. Il est chargé de déterminer les orientations générales et de fixer les grandes priorités dans le domaine de la sécurité intérieure 10 ( * ) . Ce conseil s'assure également de la cohérence des actions menées par les différents ministères, procède à leur évaluation et veille à l'adéquation des moyens mis en oeuvre.

Les objectifs nationaux sont définis et mis en oeuvre par le ministre chargé de la sécurité intérieure, qui bénéficie désormais du concours d'autres services de l'Etat, notamment de la direction générale des douanes et des droits indirects, de la direction générale des impôts et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

b) l'échelon départemental
(1) Les conférences départementales de sécurité

L'organisation nationale précisée plus haut est transposée au niveau départemental où le préfet est chargé d'assurer la coordination de l'ensemble du dispositif de sécurité intérieure. Les conférences départementales de sécurité, coprésidées par le préfet et le procureur de la République, auxquelles participeront les responsables de la police, de la gendarmerie, des douanes et de l'administration fiscale, seront chargées de décliner les objectifs nationaux en fonction des caractéristiques spécifiques de chaque département. Ces conférences, dont la vocation est prioritairement opérationnelle, devront en particulier s'attacher à ce que les actions qu'elles impulsent soient adaptées aux évolutions de la délinquance et des manifestations de l'insécurité.

Il convient de noter que, à l'initiative de notre collègue député M. Rudy Salles, l'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à prévoir que les conférences départementales de sécurité publient une fois par an un rapport faisant état de la situation de la sécurité dans le département, qui sera communiqué pour information aux parlementaires, au président du conseil général et aux maires du département.

(2) Le conseil départemental de prévention

Sur le modèle des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, dont les missions et l'organisation sont détaillées plus loin, des conseils de prévention seront créés dans chaque département. Ces conseils, composés de membres du conseil général, de magistrats et de représentants de services de l'Etat, seront chargés :

- d'examiner chaque année le rapport sur l'état de la délinquance dans le département qui lui sera adressé par la conférence départementale de sécurité ;

- de faire toutes propositions utiles aux institutions et organismes publics et privés concernés par la prévention de la délinquance ;

- d'encourager les initiatives de prévention et d'aide aux victimes ainsi que la mise en oeuvre des travaux d'intérêt général dans le département et de faciliter les échanges sur les expériences conduites en la matière ;

- de dresser chaque année, en matière de prévention de la délinquance, un bilan de l'activité des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, ainsi que des divers organismes et institutions oeuvrant en ce domaine.

c) Les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance

L'ancrage des forces de sécurité intérieure dans la démocratie locale sera assuré grâce à la mise en place de conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, instances de concertation sur les priorités de la lutte contre l'insécurité. Ces conseils seront désormais présidés par les maires, qui seront informés régulièrement des moyens et des effectifs de police et de gendarmerie affectés à leur territoire d'une part, et de l'évolution de la délinquance dans leurs communes, d'autre part, alors qu'ils sont aujourd'hui trop souvent informés par la presse des crimes et délits commis sur le territoire dont ils sont les élus.

Votre rapporteur pour avis se félicite de cette avancée. La situation actuelle rendait les maires totalement dépendants de la bonne volonté des responsables locaux des forces de police et de gendarmerie. Or, les maires souhaitent être informés des actes de délinquance commis dans leurs communes, comme des actions entreprises par les forces de sécurité pour les combattre. En effet, ce sont eux , davantage que les forces de sécurité elles-même, qui sont sollicités par la population pour avoir des explications et recueillent leur désarroi .

Afin de répondre à cette demande, le gouvernement a souhaité accentuer l'implication des élus, assurer et améliorer leur information, et simplifier le nombre et la nature des structures de coordination existantes. Il s'agit enfin de mettre en oeuvre le concept de sécurité partagée , introduit par la loi d'orientation et de programmation du 21 janvier 1995, qui vise à impliquer l'ensemble des acteurs économiques et sociaux concernés par les questions de sécurité.

Les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance

Le projet de décret instituant les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, dont votre rapporteur a pu prendre connaissance, prévoit que celui-ci « constitue l'instance de concertation sur les priorités de la lutte contre l'insécurité (...). Il favorise l'échange d'informations concernant les attentes de la population (...) et peut définir des objectifs à atteindre grâce à l'intervention coordonnée des différents partenaires (...). Au titre de la prévention de la délinquance, le conseil dresse le constat des actions de prévention existantes et définit des actions et des objectifs coordonnés dont il suit l'exécution. Il encourage les initiatives en matière de prévention et d'aide aux victimes, la mobilisation des moyens nécessaires à la mise en oeuvre des mesures alternatives aux poursuites et à l'incarcération ainsi que des mesures sociales, sanitaires et d'insertion favorisant la prévention de la récidive. Le conseil local participe à l'élaboration, à la mise en oeuvre et à l'évaluation du contrat local de sécurité. (...). Les membres du conseil sont répartis en trois collèges :

- le premier est composé (...) d'élus (...) ;

- le deuxième est composé de chefs des services de l'Etat, ou leurs représentants, désignés par le préfet (...) ;

- le troisième est composé de représentants des professions confrontées aux manifestations de la délinquance, de responsables de services sociaux, ainsi que de représentants des associations (...).

Le conseil se réunit à l'initiative de son président, au moins deux fois par an. (...) [Il] est informé régulièrement, par les responsables locaux de la police ou de la gendarmerie, de l'état, des caractéristiques et de l'évolution de la délinquance dans son ressort territorial. Les maires sont informés sans délai des actes graves de délinquance commis dans leur commune. Au moins une fois par an ils sont également informés, comme le conseil local de sécurité, de l'ensemble des moyens mis en oeuvre par l'Etat dans la commune ».

Il convient de noter que les préfets seront chargés de la concertation avec les élus locaux afin que l'implantation des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance soit marquée par un souci de cohérence et d'efficacité. Il sera ainsi tenu compte, en particulier, de l'organisation des forces de sécurité intérieure, de l'existence de structures de coopération intercommunale et des réalités de la délinquance.

Les conseils départementaux de prévention et les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance se substitueront aux conseils départementaux et communaux de prévention de la délinquance existants.

4. Des moyens juridiques renforcés

a) La volonté de faciliter le travail des forces de sécurité

Les forces de sécurité intérieures voient trop souvent leurs interventions entravées ou ralenties par des procédures administratives et judiciaires particulièrement lourdes. A cet égard, les engagements du gouvernement doivent être soulignés : le Premier ministre soulignait, lors de sa déclaration de politique générale, le 3 juillet, que « la loi donnera à nos forces de sécurité (...) les moyens d'assumer leurs missions (...). Elle s'accompagnera d'une volonté affirmée de faciliter le travail des policiers et des gendarmes , sans porter atteinte aux droits de la défense, ni au principe de présomption d'innocence ».

Cette reconnaissance des complications que les lois imposent aux forces de sécurité intérieure constitue un signal fort. Il convient en effet de mesurer combien la protection des libertés individuelle a pu parfois empêcher les forces de sécurité de faire appliquer la loi , et donc, de protéger les droits les plus élémentaires de nos concitoyens.

Ainsi, par exemple, la mise en commun et l'élargissement des possibilités de consultation des fichiers de police et de gendarmerie, qui constitue une mesure de bon sens, n'a-t-elle toujours pas été réalisée : plusieurs fichiers similaires coexistent, que les adjoints de sécurité ne sont généralement pas habilités à consulter.

L'annexe I du présent projet de loi énumère une série de moyens juridiques nouveaux qui seront prochainement traduits dans des textes réglementaires ou législatifs par le gouvernement, et sont rappelés dans le commentaire de l'article 1. Ils tendent à assurer une meilleure prise en compte des formes nouvelles de criminalité en développant par exemple les technologies nécessaires afin de bloquer les téléphones portables volés ou de localiser les véhicules volés. Par ailleurs, les moyens juridiques pour lutter contre les comportements qui affectent la vie quotidienne de nos concitoyens (mendicité agressive, regroupements dans les parties communes des immeubles, envahissement des propriétés privées par des nomades...) sont accrus.

Votre commission des finances s'en remet cependant à la commission des lois pour l'analyse au fond de ces dispositions.

b) L'allègement des procédures

Le présent projet de loi vise à faciliter le travail des policiers et des gendarmes, et donc, à alléger les procédures. C'est une condition essentielle à la bonne utilisation des crédits et à l'obtention de résultats rapides. En particulier, l'état de délabrement de nombreux bâtiments affectés à la police et à la gendarmerie nationale imposait une réforme des procédures existantes, compte tenu des délais que celles-ci impliquent : il faut aujourd'hui pas moins de sept années en moyenne entre le moment où le ministère décide de construire un bâtiment et celui où il peut être utilisé. L'article 3 du présent projet de loi remédie à cette difficulté en dérogeant au droit existant et en permettant de passer des marchés globaux qui portent sur la conception, la construction, l'entretien et la maintenance des bâtiments. Une telle procédure a d'ailleurs déjà été utilisée récemment par le ministère de l'intérieur pour la construction du centre de rétention administrative de Coquelles et de la zone d'attente de l'aéroport de Roissy.

5. Une nouvelle culture de performance

a) La promotion d'une culture de résultats

Le présent projet de loi prévoit d'accroître de 5,6 milliards d'euros les moyens consacrés aux forces de sécurité intérieure au cours des cinq prochaines années. Cependant, il convenait également de prendre les mesures nécessaires pour que cet argent soit dépensé de manière optimale au service de nos concitoyens. Le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a rappelé à plusieurs reprises qu'il savait qu'il serait jugé sur ses résultats. Il a indiqué avec force, lors de la discussion du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, le 16 juillet, que « les moyens que nous mobilisons doivent avoir pour contrepartie l'engagement sans faille de chaque fonctionnaire. Dans cet esprit, nous allons publier mensuellement les chiffres de la délinquance. Ces résultats nationaux seront répartis par département ; chaque élu saura ainsi ce qu'il en est. Toutes ces mesures signent une révolution des mentalités, que les policiers et les gendarmes ont parfaitement intégrée. Nous sommes au service des Français, nous leur rendons des comptes et nous serons jugés sur nos performances. Cela me paraît être la définition même du service public justement parce qu'il est au service du public - on l'a trop oublié dans le passé - ».

Il s'agit donc, au delà des moyens financiers et juridiques qui leur sont accordés, de transformer la culture des forces de sécurité . Le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales indiquait d'ailleurs un peu plus loin, lors de son discours devant l'Assemblée nationale, qu' « il ne s'agira pas cette fois d'engloutir dans un nouveau tonneau des Danaïdes argents et effectifs, sans rien réformer des structures obsolètes ». Enfin, il terminait son discours en rappelant : « nous serons jugés sur nos résultats. Cette obligation de résultat s'impose au dernier des gardiens de la paix ; elle s'impose à moi au premier chef ».

La culture de performance et des résultats constitue un bouleversement essentiel pour l'ensemble de la fonction publique, annoncé par la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001. Pour les forces de sécurité, il s'agit d'inaugurer une nouvelle ère. Il est normal que la culture des résultats s'impose au premier lieu aux forces de sécurité, car l'attente de nos concitoyens est grande, et les résultats - bons ou mauvais - de la politique de lutte contre l'insécurité se lisent chaque jour dans les journaux, mais se constatent également dans les quartiers.

Votre rapporteur insiste sur le fait que l'accroissement des crédits consacrés aux forces de sécurité intérieure implique que tout soit mis en oeuvre pour les dépenser de la manière la plus efficiente possible. Il encourage donc vivement le ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales à réformer ses méthodes de gestion, en rappelant que la mise en oeuvre du projet informatique interministériel ACCORD, dont le ministère de l'intérieur est le pilote, permettra une simplification du traitement de la dépense. Ce système permettra également, à terme, la mise en oeuvre d'une comptabilité analytique, donnant ainsi des indications précieuses quant à l'emploi des moyens et le coût des différentes missions assignées aux forces de sécurité intérieure, afin de constituer un outil de pilotage performant pour les gestionnaires.

La démarche engagée par le présent projet de loi est pragmatique, et ne s'embarrasse pas de considérations idéologiques : le mal qui ronge notre pays exige que les remèdes soient testés, sans sombrer dans l'excès, mais également sans tabou. Une telle démarche ne peut se départir d'une évaluation régulière des résultats obtenus . A cet égard, l'article 5 du présent projet de loi, tel que modifié par notre collègue député M. Alain Joyandet, répond pleinement à cet impératif.

b) L'incitation à la performance

L'instauration d'une culture de résultats au sein des forces chargées de la sécurité intérieure nécessite la mise en place de mécanismes incitatifs. L'annexe I au présent projet de loi note qu' « une politique de gestion par objectifs sera instaurée. Les résultats obtenus en matière de lutte contre l'insécurité seront régulièrement évalués et comparés aux objectifs fixés. Les responsables locaux de la police et de la gendarmerie rendront compte de ces résultats, chacun pour ce qui les concerne, et il en sera tenu compte dans leur progression de carrière. (...) Des pouvoirs de gestion accrus seront transférés aux gestionnaires déconcentrés, soit à titre expérimental, soit à titre définitif. Ils s'appuieront, notamment, sur une plus grande globalisation des moyens (...). Ces nouveaux pouvoirs de gestion s'accompagneront d'une responsabilisation accrue des gestionnaires : à ce titre, le dialogue de gestion sera rénové entre le niveau central et les niveaux déconcentrés, et des outils de contrôle seront mis en place. (...) Dans les deux services l'accent sera mis sur un management des ressources humaines qui engage fortement la hiérarchie, en permettant la participation des agents à la détermination des objectifs comme aux méthodes de travail ».

Il est notamment prévu que des primes soient versées aux personnels selon les résultats obtenus, afin d' inciter financièrement les personnels à améliorer la performance de leurs actions . Votre rapporteur pour avis précise cependant que ces « primes de performance » ne seront pas versées en fonction d'une évaluation individuelle des fonctionnaires, mais de celle de l'ensemble d'un service pour mettre en avant l'esprit d'équipe. Il insiste également sur l'importance qu'il y a, pour faire accepter pleinement une telle mesure, de déterminer une batterie d'indicateurs fiables mesurant selon des critères incontestables la performance des services. Il s'agit en effet d'une part, de définir des indicateurs acceptés par tous, et, d'autre part, d'éviter que les fonctionnaires concentrent leur effort pour atteindre un objectif particulier, éventuellement au détriment d'autres missions. Ainsi, il est évident que l'évaluation de la performance des services ne peut être directement liée aux chiffres de la délinquance. Lesdits services pourraient être tentés de « casser le thermomètre », c'est-à-dire de déformer la réalité. Votre rapporteur pour avis considère donc que la mise en oeuvre de dispositions incitatives à la performance doit être précédée par une réflexion sur les missions des différents services, menée en concertation avec ces derniers.

La lutte contre le crime et la réforme de la police : l'exemple de New York

Votre rapporteur pour avis souscrit pleinement à la volonté du gouvernement de prendre à bras le corps le problème de l'insécurité dans notre pays, considérant que ce problème n'est pas une fatalité. Quelques exemples montrent qu'une lutte efficace peut être menée contre la délinquance. L'action menée dans la ville de New York au cours des années 1990 en constitue un symbole emblématique, dont il convient de rappeler les grandes lignes. La politique menée dans la ville de New York, sous le mandat du maire Rudolph Giuliani, n'a pas été seulement une politique de « tolérance zéro », mais une politique globale et déterminée de lutte contre la délinquance et le crime, mobilisant l'ensemble des moyens et faisant appel à des solutions innovantes.

En 1993, lorsque Rudolph Giuliani est élu maire de la ville, le nombre de délits majeurs et de crimes atteint un sommet à New York, alors que le moral de la police est au plus bas. Rudolph Giuliani, candidat républicain, est élu dans une ville traditionnellement démocrate, sur un programme prônant une lutte sans merci contre le crime et l'insécurité qui y règne. A une autre échelle, cette situation présente donc quelques similitude avec la situation de notre pays aujourd'hui, cependant votre rapporteur pour avis relève que la police de New York était confrontée à un problème majeur de corruption, qui entraînait une absence d'implication de la police et une image très dégradée auprès de la population, ce que ne connaît pas notre pays.

Un des éléments majeur et primordial de la politique contre l'insécurité menée à New York est la théorie de la « tolérance zéro », qui consiste à sanctionner tous les délits, partant du principe qu'un petit délit peut parfois en masquer un autre plus important. Cette politique n'a pas conduit à remettre en cause la législation existante, mais s'est fondée sur une application très stricte du droit. Un changement de la législation a cependant été opéré afin d'étendre la notion de complicité, en particulier dans le domaine de la prostitution et du trafic de stupéfiant.

Chaque type de problème a reçu une réponse spécifique, avec des moyens adaptés : la politique de « tolérance zéro » n'a constitué que le support d'une réponse globale au développement de l'insécurité. A titre d'exemple, le maire de New York a souhaité rétablir la sécurité dans le métro. La méthode employée a sollicité plusieurs type d'actions : par exemple, les contrôles pour éviter la fraude ont été massivement développés, et les sanctions, alourdies et appliquées de manière très stricte (interpellation en public des fraudeurs, amende de 100 dollars avec comparution devant le juge et, le cas échéant, emprisonnement pour deux à trois jours en cas de récidive, arrestation du contrevenant y compris à son bureau pour l'obliger à payer sa contravention...). Afin de limiter les graffitis ou « tags » qui contribuaient à dégrader l'environnement et à accroître le sentiment d'insécurité des usagers du métro, l'action n'a pas seulement porté sur la répression, mais également sur l'intendance : les rames de métro « taggées » ont été nettoyées immédiatement et de manière systématique afin de décourager les auteurs de ces graffitis. Cette expérience s'est inspirée de la théorie de la « fenêtre cassée » développée par deux professeurs de sociologie de Harvard, George Kelling et James Wilson. Ils avaient constaté que les immeubles rapidement réparés à la suite de bris de vitres subissaient beaucoup moins de dégradations que ceux qui n'étaient jamais réparés à la suite d'actes de vandalisme. Cette théorie, dont votre rapporteur souligne la richesse des enseignements, a pleinement porté ses fruits s'agissant du métro de New York.

Pour ce qui concerne les moyens et les procédures mis en oeuvre par la police de New York, il convient d'en souligner les principales caractéristiques : grâce aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, la police a développé un système permettant, une analyse fine et en temps réel de l'évolution de la délinquance, de la criminalité et de la performance des forces de police : les dirigeants de la police et le maire de la ville peuvent ainsi disposer de statistiques très fiables et suivre très précisément l'action des différentes unités de police, pour promouvoir ou sanctionner les responsables des unités en fonction de leurs résultats. Cet outil a permis également de redéployer les moyens nécessaires pour mieux lutter contre la délinquance et la criminalité, et de déterminer les méthodes de travail et d'intervention les plus appropriées à chaque type d'intervention.

Sébastian Roché rappelle ainsi, au sujet de la réforme de la police de New York, « qu'il s'est en fait agi de remettre la police au travail. D'abord, en rompant avec la passivité (...). Ensuite, en luttant contre la corruption policière, endémique au NYPD (New York Police Department) (...). Mais aussi en s'attaquant au commerce de drogue à découvert ; la police recensait 8.000 points de vente en 1990. Enfin, en responsabilisant les policiers et en territorialisant ou décentralisant leur action. Les chefs de brigades ou des districts doivent présenter des résultats, ils sont sommés de gérer leur zone comme une entreprise, en veillant à toute évolution de leur clientèle. Ainsi, par exemple, ils ferment les rues et bloquent le trafic de drogue ; lorsque les trafiquants changent de rue, l'opération est renouvelée. Et ce aussi souvent que nécessaire. Ils sont félicités publiquement et promus s'ils obtiennent des résultats. La « mise au placard » les attend dans le cas contraire. Plus des deux tiers des responsables de zone ont été promus ou rétrogradés dans les deux premières années . La délinquance a diminué alors rapidement pour tous les types de crimes, y compris les plus violents, les homicides, faisant retrouver à la ville ses taux des années 60 (en passant de plus de 2.000 meurtres annuellement à environ 600), soit la situation d'avant l'épidémie de meurtres qui devait durer plus de vingt ans » 11 ( * ) .

Votre rapporteur pour avis souligne que le budget consacré à la lutte contre l'insécurité a représenté jusqu'à plus d'un quart de la dépense totale de la ville. Près de 10.000 policiers ont été recrutés (ce qui correspondait au nombre de postes supprimés au cours des années 1980), dont il convient par ailleurs de rappeler que leur rémunération est sensiblement supérieure à celle des policiers français.

Enfin, la lutte contre l'insécurité a reposé sur une meilleure coordination entre la police et la justice. Un tribunal spécial a été chargé du traitement des infractions mineures dans des délais très brefs, en privilégiant une action de réparation (remboursement correspondant au préjudice causé, peines alternatives à la prison de type « travaux d'intérêt général »). Par ailleurs, afin de limiter les risques de récidive, ce tribunal peut aider l'accusé à résoudre ses problèmes d'éducation, de logement, d'emploi...

Cette politique a obtenu des résultats particulièrement significatifs, le nombre de crimes étant passé, sur une période de cinq années, de 1927 en 1993 à 629 en 1998, tandis que la délinquance a diminué de plus de 40 % dans tous les quartiers de New York. Or, alors que le nombre de crimes et délits a considérablement diminué, le nombre d'arrestations a peu évolué, ce qui souligne les progrès de la police en terme d'efficacité. La réorganisation de la police, la formation du personnel, ses conditions de travail de manière générale et le contrôle et l'évaluation permanente ont largement contribué à ces résultats. Ils ont été atteints parce qu'il existait une obligation politique, mais également à chaque échelon de l'administration, une obligation de résultats.

Votre rapporteur pour avis souligne la détermination et la rigueur qui a prévalu dans l'application de la politique de sécurisation à New York. Il se félicite que certaines des dispositions du présent projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure s'inspire des meilleurs exemples étrangers et souhaite rappeler que la réussite d'une politique de lutte contre la délinquance et la criminalité passe par :

- une meilleure coordination et une mobilisation de l'ensemble des acteurs publics concernés par le problème de l'insécurité, notamment entre l'éducation, la justice et la police et la gendarmerie ;

- une mobilisation des personnels autour d'objectifs de performance et un souci constant de l'efficacité des services ;

- une approche pragmatique mais ferme et sans tabou des différentes manifestations de la délinquance.

6. Une action portant sur l'ensemble des maillons de la chaîne de lutte contre la délinquance

a) La prévention de la délinquance dans le cadre scolaire

La lutte contre la délinquance n'est pas seulement l'affaire des forces de sécurité, ni même des seuls services de l'Etat. Sa prévention doit être prise en charge par l'ensemble du corps social. Votre rapporteur pour avis insiste sur l'impérieuse nécessité de mobiliser l'ensemble des acteurs concernés, et, en particulier, l'éducation nationale , qui se trouve en « première ligne » . La commission d'enquête sénatoriale sur la délinquance des mineurs 12 ( * ) a souligné l'importance des classes-relais et d'autres initiatives comme facteur de réconciliation des jeunes en difficulté avec l'école, et in fine , de prévention des comportements délinquants.

Le rapport de la commission d'enquête souligne notamment l'importance pour l'école de s'associer avec des institutions extérieures, « tant pour lutter contre le développement de la délinquance dans et hors les murs que pour mener des programmes de prévention à l'intention des jeunes ». Enfin, il rappelle l'intérêt de s'appuyer sur les chefs d'établissements : « les études sur la violence en milieu scolaire mettent en évidence le rôle essentiel joué par le chef d'établissement en matière de prévention. Cette fonction doit être soutenue par des propositions de formation adéquates. Beaucoup ont des idées originales qui leur permettent, dans leurs écoles ou collèges, de pacifier les relations et d'encourager la réussite. Le projet d'établissement doit être l'occasion de contractualiser les objectifs et d'obtenir les moyens de les servir » 13 ( * ) .

Il est essentiel, pour la réussite des politiques de prévention de la délinquance, en particulier destinées aux mineurs, que les personnels des établissements scolaires soient en mesure de travailler en confiance avec les forces de sécurité et que ces dernières puissent être appelées à intervenir rapidement dans le cadre de l'établissement. Il convient en effet d' éviter la banalisation des actes délictueux commis à l'intérieur et à la sortie des établissements scolaires , afin que les élèves qui en sont les victimes prennent pleinement conscience de leurs droits et du caractère anormal de ces agissements.

Une expérience intéressante avait été expérimentée à cet égard en 1999, avec la création de cellules d'écoute tenue par des policiers dans les établissements scolaires dont le principal s'était montré intéressé : tous les quinze jours environ, l'ilôtier du secteur s'installait dans un bureau réservé et attendait que les élèves viennent lui parler des problèmes qu'ils rencontraient dans leur vie soit personnelle, soit scolaire. Cette expérience a été progressivement abandonnée car elle avait été souvent mal mise en oeuvre, mais votre rapporteur souhaite encourager vivement ce type de coopération.

Enfin, il faut souligner le rôle de l'échec scolaire dans le basculement des jeunes dans la délinquance. De ce point de vue, la déscolarisation des enfants âgés de moins de 16 ans doit être fermement combattue. Trop souvent aujourd'hui, l'obligation scolaire n'est pas respectée, sans qu'aucune sanction ne soit appliquée. Pourtant l'article L. 552-3 du code de la sécurité sociale prévoit la suspension ou la suppression des prestations familiales en cas d'absentéisme scolaire et l'article 227-17-1 du code pénal punit le fait « de ne pas inscrire (son enfant) dans un établissement d'enseignement, sans excuse valable, en dépit d'une mise en demeure de l'inspecteur de l'académie » d'une peine de six mois d'emprisonnement.

Les moyens pour assurer le respect de l'obligation scolaire, en particulier la suspension des allocations familiales, existent, mais leur efficacité demeure contestée, et ils demeurent peu appliqués 14 ( * ) . Cependant, votre rapporteur pour avis insiste sur la nécessité absolue de ne pas renoncer, ce qui reviendrait à livrer à eux-même des jeunes dépourvus de toute possibilité d'insertion dans la vie active. Il souhaite donc que l'Etat ne démissionne pas, et qu'une dissuasion réelle soit instaurée à l'encontre du non-respect de l'obligation de scolarisation.

A cet égard, il se félicite des avancées prévues par le présent projet de loi et de la fermeté des déclaration du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales devant l'Assemblée nationale, le 16 juillet : « Pourquoi dans un pays où l'école est obligatoire jusqu'à 16 ans, devrait-on accepter que des enfants de 12 ans soient déscolarisés ? Certains affirment que les familles ne sont pas responsables, d'autres que l'école n'y peut rien, d'autres encore que l'Etat avait perdu tout moyen d'agir. Je connais ces chansons, dictées par la seule impuissance. Nous voulons au contraire responsabiliser chacun. Il ne s'agit pas d'accuser quiconque mais de permettre à chacun de se ressaisir. Tout ne doit plus aller à vau-l'eau et les mineurs les plus menacés doivent être défendus et secourus, même si c'est parfois contre leur gré. Que peut bien penser un enfant de douze ans qui ne va plus à l'école ? On n'a pas à lui demander son avis. L'école est obligatoire jusqu'à seize ans dans notre pays : il doit aller à l'école lui aussi, un point c'est tout ».

b) La nécessité de remédier aux causes de la délinquance

La situation d'urgence dans laquelle se trouve aujourd'hui notre pays impose de lutter avec fermeté contre la délinquance. Il s'agit également de lutter contre les causes de celle-ci : échec scolaire, précarité, difficultés d'intégration et insuffisances de rénovation et de restructuration des quartiers difficiles.

La politique des zones franches urbaines (ZFU), qui permet d'offrir des emplois aux jeunes les plus défavorisés et constitue une alternative à l'économie souterraine, doit être poursuivie, comme l'indiquent les conclusions du récent rapport d'information de la commission des affaires économiques du Sénat. Il s'agit d'un dispositif « dont l'intérêt a été unanimement reconnu par les maires qui l'ont utilisé pour lutter contre le chômage et la pauvreté et pour contribuer à la requalification des quartiers urbains les plus pauvres de notre pays » 15 ( * ) . Le rapport cite ainsi l'Assemblée permanente des chambres des métiers, qui explique qu'à la suite de la mise en oeuvre des zones franches urbaines, ces chambres « ont aussi constaté une revalorisation de l'image des quartiers, ainsi qu'une diminution des problèmes de sécurité ». Il souligne également que la création des ZFU « procède (...) d'une rupture avec une politique où l'on achète la paix sociale sans contrepartie, au bénéfice d'une valorisation de l'initiative individuelle qui s'accompagne d'un brassage social obtenu grâce à la création d'emplois ».

Cette expérience n'est qu'un élément d'une politique globale en faveur de l'amélioration de l'environnement dégradé des quartiers les plus défavorisés , dont on sait qu'il contribue fortement au sentiment d'insécurité et qu'il constitue le terreau idéal de la délinquance . Lors de la discussion générale du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, le 16 juillet, le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, rappelait que « le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin entend bien conduire avec Jean-Louis Borloo une politique de la ville audacieuse afin de donner à tous ceux qui peinent à trouver leur chemin dans les quartiers difficiles les meilleures chances d'insertion. Ils doivent pouvoir bénéficier d'une formation, accéder à un emploi, bref, vivre à l'unisson du reste du pays. L'intégration est une tâche immense. J'ai donné les instructions pour que partout en France les commissions départementales d'accès à la citoyenneté reprennent rapidement leur activité afin de lutter avec fermeté contre les discriminations et mieux valoriser les initiatives du terrain. Je proposerai au Premier ministre et aux autres membres du Gouvernement d'aller beaucoup plus loin dans ce domaine : il faut lutter énergiquement contre les discriminations à la formation professionnelle, à l'emploi, au logement qui nuisent si lourdement à l'intégration des jeunes issus de l'immigration. Nos concitoyens et nos entreprises doivent être placés devant leur responsabilité ».

A la réponse immédiate et ferme apportée au fléau de la délinquance par le présent projet de loi, il convient d'ajouter une réponse plus profonde et sur une longue durée, afin de donner pleinement les moyens à ceux qui ne trouvent plus leur place dans la société de s'y intégrer. En effet, la qualité du lien social, mise à mal quotidiennement par la délinquance, passe nécessairement par le sentiment que chacun peut trouver sa place.

II. LA PROGRAMMATION DES MOYENS

A. LE DIAGNOSTIC

1. Les emplois et les effectifs

a) L'évolution récente des emplois de la police et de la gendarmerie

La loi de programmation militaire du 2 juillet 1996 prévoyait de porter les emplois budgétaires de la gendarmerie de 93.669 en 1996 à 97.884 en l'an 2002.

Cette augmentation devait notamment se traduire par une nette progression des emplois civils, dont le nombre devait augmenter de 1.258 en 1996 à 2.260 en l'an 2002, et par le recours aux gendarmes volontaires, en substitution des emplois de gendarmes auxiliaires disparus en raison de la suppression du service national.

Le tableau ci-dessous montre que ces objectifs ont été globalement respectés.

Les emplois budgétaires de la gendarmerie se sont ainsi accrus de 4.465 personnes entre 1996 et 2002, soit une progression de 4,8 %.

Les emplois d'officiers et de sous-officiers ont toutefois faiblement augmenté (+ 0,6 % sur la période 1996-2002).

Par ailleurs, les emplois budgétaires autorisés par le Parlement gérés par la police nationale (cf. tableau ci-après 16 ( * ) ) se sont accrus de 12.965 unités entre 1997 et 2002 (soit une progression de 9,5 %), et le nombre total d'emplois gérés par la police nationale , y compris les surnombres (au nombre de 2.162 en 2002), s'est accru de 15.127 unités au cours de la même période (soit une progression de 11,1 %).

Le tableau ci-après établit toutefois que la hausse des emplois de la police nationale intervenue sur la période 1997-2002 résulte aux deux-tiers de la progression du nombre total de policiers auxiliaires et d'emplois jeunes (porté de 10.475 en 1997 à 20.000 en l'an 2002).

En effet, les emplois de personnels actifs ne se sont accrus au cours de la même période que de 4.687 unités (soit une progression de 4,1 %).

Comme on le verra infra , cette dernière progression a d'ailleurs été « effacée » par la mise en oeuvre des 35 heures.

EMPLOIS BUDGETAIRES DE LA POLICE NATIONALE 1960-2002

CORPS

1960

1970

1980

1981

1982

1983

1984

1985

1989

1991

1993

1995

1997

1998

1999

2000

2001

2002

I - PERSONNELS ACTIFS

Hauts fonctionnaires

47

51

68

68

66

66

66

66

73

73

73

77

85

85

89

90

90

90

Commissaires

1.747

1.801

1.992

1.988

1.996

2.056

2.057

2.057

2.084

2.135

2.133

2.129

2.092

2.076

2.051

2.039

2.037

2.032

Inspecteurs

Cdt et officiers de paix

Officiers de police

11.857

1.208

13.065

13.087

1.479

14.566

13.839

1.942

15.781

14.139

1.960

16.099

14.381

2.089

16.470

15.081

2.131

17.212

15.106

2.131

17.237

15.106

2.131

17.237

15.679

2.151

17.830

15.708

2.203

17.911

15.846

2.203

18.049

15.946

2.203

18.149

17.559

16.900

16.414

15.920

15.683

15.283

Gradés et gardiens

Sergents, caporaux et gardes

Contractuels

58.630

113

72.236

1.082

84.950

331

84.662

331

89.613

171

90.648

171

90.651

171

90.651

171

92.470

11

31

92.960

11

31

92.958

11

31

92.834

12

31

93.379

12

31

94.043

12

31

94.491

12

31

94.960

12

31

95.160

12

31

98.235

12

31

Sous-total actifs

73.602

89.736

103.122

103.148

108.316

110.153

110.182

110.182

112.499

113.121

113.255

113.232

113.158

113.147

113.088

113.052

113.013

115.683

Surnombres

234

1.190

2.190

3.162

2.162

Sous-total actifs avec surnombres

112.499

113.121

113.255

113.232

113.158

113.381

114.278

115.242

116.175

117.845

II - PERSONNELS ADMINISTRATIFS TECHNIQUES ET SCIENTIFIQUES

Titulaires

Contractuels

Ouvriers cuisiniers

10.013

241

273

9.915

331

276

11.677

103

281

12.130

127

291

12.770

147

301

12.657

160

301

12.579

160

301

12.703

163

301

13.381

163

317

13.619

197

317

Sous-total administratifs

3.630

2.933

8.488

9.417

11.225

11.658

11.680

11.656

10.527

10.522

12.061

12.548

13.218

13.118

13.040

13.167

13.861

14.133

Total police nationale

77.232

92.669

111.610

112.565

119.541

121.811

121.862

121.838

123.026

123.643

125.316

125.780

126.376

126.265

126.128

126.219

126.874

129.816

Total avec surnombres

123.026

123.643

125.316

125.780

126.376

126.499

127.318

128.409

130.036

131.978

III - POLICIERS AUXILIAIRES

3.000

3.925

5.325

8.325

8.825

8.325

4.150

2.075

IV - ADJOINTS DE SÉCURITÉ

1.650

8.250

15.850

20.000

20.000

20.000

Source : Police nationale, DAPN

b) Les effectifs réels de la police et de la gendarmerie

Comme le montre le tableau ci-dessous, les effectifs réels de la gendarmerie nationale sont légèrement inférieurs au nombre d'emplois budgétaires fixés par les lois de finances.

En revanche, l'écart entre le nombre d'emplois budgétaires et les effectifs réels est beaucoup plus prononcé dans la police nationale . Par surcroît, cet écart tend à se creuser. Cela résulte notamment de ce que les postes d'adjoint de sécurité sont loin d'être tous pourvus : au 1 er janvier 2002, seuls 77,8 % des emplois d'adjoint de sécurité étaient effectivement pourvus et ce taux s'est encore inscrit en repli depuis lors.

Evolution des effectifs réels des personnels de la police nationale (élèves compris)

Du 1 er janvier 1995 au 1 er janvier 2002

CORPS

1995

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Direction et Contrôle

79

80

86

77

90

88

90

Commissaires

2.104

2.078

2.059

2.028

2.009

1.986

1.955

Officiers

17.968

17.339

16.996

16.643

16.237

15.871

15.445

Gradés et Gardiens

92.146

93.320

94.126

94.512

96.129

97.089

98.581

Total actifs

112.297

112.817

113.267

113.260

114.465

115.034

116.071

Administratifs et Ouvriers

11.701

12.532

12.831

12.700

12.758

12.696

13.060

Policiers auxiliaires

6.385

8.423

6.520

4.680

3.408

1.126

Adjoints de sécurité

1.208

7.348

12.628

15.936

15.564

Total général

130.383

133.772

133.826

137.988

143.259

144.792

144.695

Source : Police nationale, DAPN

La progression des effectifs réels de la police nationale entre le 1 er janvier 1997 et le 1 er janvier 2002 (+ 10.923 personnes) est ainsi nettement moindre que celle des emplois budgétaires entre 1996 et 2001 (+14.333) ou entre 1997 et 2002 (+15.127).

c) Une progression en trompe-l'oeil

Plus généralement, la progression des moyens en personnels de la police et de la gendarmerie au cours de la législature 1997-2002 est pour une large part un trompe-l'oeil .

En effet, les hausses d'effectif ont principalement concerné les emplois jeunes (adjoints de sécurité ou gendarmes adjoints) et les volontaires, notamment sur la période 1997-2000 : ce n'est qu'en toute fin de législature que le précédent gouvernement a tiré les leçons qui s'imposaient et infléchi ses priorités en recrutant des fonctionnaires titulaires supplémentaires qui, compte tenu de leurs délais de formation, ne sont d'ailleurs pour la plupart pas encore opérationnels.

Délais moyens entre l'ouverture et le pourvoi d'un poste dans la police nationale

(en mois)

Délai d'organisation du concours (*)

Délai d'attente des candidats reçus avant incorporation

Durée de la scolarité

Total

Commissaire

8

2

24

34

Lieutenant

12

2

18

32

Gardien de la paix

8

8

12

28

(*) Délai entre la date de l'ouverture du concours et celle des résultats d'admission

Source : Réponse au questionnaire de votre rapporteur sur le PLF 2002.

Or, comme le soulignait récemment une note de la fondation Robert Schumann 17 ( * ) « le recrutement des emplois-jeunes suscite de nombreuses difficultés... Même si la durée de formation des adjoints de sécurité a été portée à quatorze semaines en septembre 2001, elle reste inférieure à celle des fonctionnaires titulaires (un an pour les agents du corps de maîtrise et d'application). Il en est de même pour les gendarmes adjoints. Jeunes, inexpérimentés et peu qualifiés, ils doivent être encadrés de fonctionnaires titulaires ; mais, concrètement, la multiplication des missions des forces de l'ordre, le régime de récupération ou le poids des tâches administratives sont peu compatibles avec l'observation stricte de ce principe. La question est d'autant plus importante que les emplois-jeunes sont concentrés dans les départements sensibles qui ont nécessité des renforts en effectifs. ».

L'exemple de la police aux frontières (PAF) est d'ailleurs emblématique de la perte de capacité opérationnelle liée à la déformation de la structure des emplois au profit des emplois jeunes au cours de la législature 1997-2002.

En effet, les effectifs de la PAF se sont accrus de 530 personnes entre le 1 er janvier 1998 et le 5 juin 2002 (soit une progression de 8,1 %), mais cette hausse est plus qu'en totalité imputable à la progression des effectifs d'adjoints de sécurité (au nombre de 838 au 5 juin 2002 contre 0 au 1 er janvier 1998).

Or contrairement aux anciens policiers auxiliaires, les adjoints de sécurité n'ont juridiquement pas le droit de consulter les fichiers informatisés, de sorte que le nombre de fonctionnaires de la PAF habilités à le faire s'est en fait réduit au cours de la période considérée !

De même la déflation, à régime juridique constant, des emplois budgétaires de commissaire de police (passés de 2.092 à 2.032 entre 1997 et 2002, soit une baisse de 2,9 %) et surtout d'officiers de police (passés de 17.559 en 1997 à 15.283 en 2002, soit une baisse de 8,7 %) s'est traduite par une baisse de la capacité opérationnelle des forces de police.

S'agissant par exemple des activités de la PAF, on peut souligner que seuls ses officiers ont à ce jour la faculté de placer des personnes en zone d'attente.

Par ailleurs, les capacités opérationnelles potentielles de la police nationale et de la gendarmerie nationale ont été considérablement réduites par la décision de principe prise par le précédent gouvernement, mais sans traduction concrète à ce jour, de leur appliquer l'aménagement-réduction du temps de travail (« les 35 heures »).

Les principales modalités de l'ARTT dans la police nationale

Le régime d'aménagement-réduction du temps de travail (ARTT) de la police nationale distingue principalement 18 ( * ) deux régimes de travail :

- les personnels dont le travail est réparti sur une base hebdomadaire, qui sont aujourd'hui majoritaires, bénéficient en principe soit de 30 jours, soit de 23 jours d'ARTT selon qu'ils effectuent 40h30 ou 39h00 par semaine. Les 10 jours anciennement d'hiver et les 2 jours dits « ministre » s'imputent toutefois sur ces jours d'ARTT. Ces agents bénéficient donc respectivement de 18 jours et de 11 jours de congés supplémentaires ;

- les personnels dont le temps de travail est cyclique ont obtenu une dotation forfaitaire de 12 jours d'ARTT.

Source : ministère de l'intérieur.

Dès l'examen du projet de loi de finances pour 2002, votre rapporteur s'inquiétait pourtant du risque que « les 35 heures » faisaient peser sur la disponibilité des forces de police (cf. l'encadré ci-après).

Les craintes exprimées par votre rapporteur lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2002 quant aux conséquences des « 35 heures » sur la disponibilité des forces de police 19 ( * ) .

« ... Force est de constater que l'aménagement et la réduction du temps de travail (les « 35 heures ») font peser un risque majeur sur la disponibilité des forces de police. Comment, comme l'affirme le ministre de l'Intérieur, concilier les impératifs de respect de la loi, de maintien des capacités opérationnelles, de satisfaction des attentes des agents, de poursuite de l'extension de la police de proximité ?

A vrai dire, nul ne peut apporter une réponse satisfaisante à cette question. De même que personne ne peut démentir que, pour éviter qu'une baisse de 10 % de la durée du travail ne se traduise par une baisse de 10 % de la présence policière sur le terrain (soit de l'ordre de 9.000 fonctionnaires de police), il faudra soit recruter bien au-delà des 3.000 créations de postes prévues pour 2002, soit « acheter » le temps de travail des policiers par le biais de repos et d'indemnités, soit utiliser les deux solutions. Votre rapporteur spécial rappellera aussi d'une part que le discours officiel du gouvernement est d'indiquer que le passage aux 35 heures se fera sans créations d'emplois dans la fonction publique, d'autre part que le basculement d'une circonscription de police dans le mécanisme de la police de proximité se traduit par une hausse de 10 % des besoins en hommes.

Ainsi, les 35 heures se traduiront nécessairement par une réduction de la capacité opérationnelle des forces de police et par l'accumulation des heures supplémentaires. Malgré les propos rassurants du ministre 20 ( * ) , il ne peut en être autrement.

Par ailleurs, même si tous les fonctionnaires au temps de travail ainsi allégé étaient remplacés en 2002, il faudrait tenir compte des délais nécessaires à leur recrutement, entre l'ouverture d'un concours et le recrutement effectif, et à leur formation... »

Avec le recul, ces craintes apparaissent hélas fondées : en réponse au questionnaire adressé par votre rapporteur, le ministère de l'intérieur évalue aujourd'hui les effets potentiels de l'ARTT à une perte équivalant à 7.968 agents .

Cette perte avait été partiellement compensée par le précédent gouvernement dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2002, au travers de deux types de mesure :

- le rachat de 3 jours d'ARTT pour certains personnels, pour un nombre total de jours équivalent à 1.476 équivalent-temps plein annuels ;

- le paiement de certaines astreintes en lieu et place de leur récupération sous la forme de jours de congés, pour un nombre total de jours équivalent à 949 équivalent-temps plein annuels.

Au total, ces mesures ont donc limité la perte de capacités opérationnelles potentielles liées à l'ARTT à « seulement » 5.543 équivalent-remps plein annuels.

On peut toutefois s'interroger sur le sens d'une réforme conduisant à offrir des jours de congés supplémentaires à des fonctionnaires pour leur en racheter immédiatement une partie : l'ARTT s'est ainsi traduite pour les fonctionnaires de police par une réduction du temps de travail et par une hausse des rémunérations mensuelles, alors que le précédent gouvernement invitait les salariés du secteur privé à échanger bon gré mal gré la réduction du temps de travail contre des efforts de modération salariale.

Par surcroît, ces mesures de rachat n'étaient en fait financées que pour les ¾ de l'année.

Quoi qu'il en soit, le précédent gouvernement avait également « affecté » 1 700 des emplois d'actifs créés en loi de finances initiale à la « compensation des effets des 35 heures », contrevenant ainsi à ses engagements formels selon lesquels la mise en oeuvre de l'ARTT dans la fonction publique de l'Etat s'effectuerait à effectifs constants.

La sécurité intérieure étant une activité exigeante en main d'oeuvre, la problématique est évidemment identique pour la gendarmerie nationale.

Après l'accord national signé le 11 juillet 2001 permettant aux personnels civils du ministère de la défense de bénéficier de l'ARTT, les militaires ont en effet obtenu de disposer, au delà des droits de permission fixés à 45 jours par an, de 15 jours supplémentaires non ouvrés chaque année.

Pour la seule gendarmerie départementale, cette mesure correspondait mécaniquement à la réduction de ses capacités opérationnelles à hauteur de 4.400 emplois en équivalent-temps plein.

C'est pourquoi, le gouvernement a ensuite progressivement décidé de racheter ces jours supplémentaires : en novembre 2001, il a décidé de racheter, sur la base de 85 euros/jour (soit un prix plus élevé que celui du rachat des journées de policier), l'intégralité de ces 15 jours pour la gendarmerie départementale et la Garde républicaine et 7 de ces 15 jours pour les autres unités ; puis le rachat intégral a été étendu à la gendarmerie mobile à la fin de l'année 2001 ; enfin le rachat partiel a été porté de 7 à 8 jours en février 2002.

Comme pour la police, ces opérations de rachat n'ont pas été correctement prise en compte dans la loi de finances initiale pour 2002 (à hauteur d'une quarantaine de millions d'euros environ).

Au total, les modalités de mise en oeuvre de l'ARTT décidées par le précédent gouvernement ont donc à la fois réduit la capacité opérationnelle de nos forces de sécurité et considérablement renchéri leur coût unitaire !

Enfin, l'ARTT a aggravé un problème récurrent de la police nationale : les heures supplémentaires sont pour la plupart non rémunérées et les agents ont la faculté de capitaliser les heures supplémentaires qu'ils ne peuvent pas ou ne souhaitent pas récupérer de manière à anticiper leur départ en fin de carrière.

Près de 70 % des départs sont ainsi anticipés et l'âge moyen effectif de départ à la retraite est proche de 53 ans. Or il n'est pas possible de pourvoir le poste de ces « pré-retraités » car il n'est pas administrativement vacant, ce qui perturbe considérablement le fonctionnement des services.

d) Des effectifs insuffisants

Les effectifs réels cumulés de la police et de la gendramerie ont d'ores et déjà augmenté de 93 % au cours des quarante dernières années, et devraient plus que doubler entre 1960 et 2007, comme le montre le tableau ci-après :

En outre, la France se situe légèrement au-dessus de la moyenne européenne pour le ratio nombre d'agents des forces de police et de gendarmerie / population.

Nombre d'agent des forces de police et de gendarmerie
pour 100 000 habitants

Italie

488

Espagne

475

Portugal

440

France

394

Grèce

379

UE à 12 (moyenne)

375

Belgique

344

Allemagne

320

Royaume-Uni

318

Irlande

304

Luxembourg

276

Pays-Bas

256

Danemark

236

Etats-Unis

321

Source : The european journal on criminal policy and research, 1999

Ces constats invitent à un audit d'ensemble du fonctionnement et de l'organisation de nos forces de sécurité intérieure : votre rapporteur vous proposera d'ailleurs de prévoir cet exercice dans le cadre du dispositif d'évaluation proposé par l'article 5 du présent projet de loi.

Il faut toutefois se garder de tirer de ces chiffres des conclusions hâtives tendant à conclure que les effectifs de nos forces de sécurité intérieure sont suffisants.

En effet, votre rapporteur a montré supra que leurs capacités opérationnelles avaient été récemment réduites du fait de la déformation de la structure des emplois et de la mise en oeuvre des « 35 heures ».

Il convient par ailleurs de rappeler que les gardes statiques de préfectures, de palais de justice, de bâtiments diplomatiques et administratifs et de résidences de personnalités mobilisent près de 1 200 policiers et 800 gendarmes mobiles en équivalent-temps plein. Dans les autres pays de l'Union européenne, ces missions sont souvent partiellement « externalisées ».

En outre, la progression des effectifs de la police et de la gendarmerie nationale exercées n'a suivi :

- ni l'augmentation des mesures d'extraction, de transfèrement et de garde sous dépôt de détenus, sous l'effet de la progression des contentieux soumis aux juridictions et surtout des dispositions de la loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d'innocence, ces missions ayant mobilisé en 2001 plus de 800 policiers et plus de 900 gendarmes équivalent-temps plein ;

- ni les tâches croissantes (conduite aux soins, garde des détenus hospitalisés), résultant de la prise en charge des détenus par le secteur public hospitalier, ces missions ayant ainsi mobilisé en 2001 près de 500 policiers équivalent-temps plein ;

- ni les charges nouvelles résultant de la complexification de notre procédure pénale ;

- ni plus généralement le développement des nouvelles missions assignées à nos forces de sécurité intérieure (depuis la police de proximité jusqu'à la coopération internationale) et la transformation de leur activité dans le cadre de la construction européenne, qui rend d'autant plus difficile la lutte contre tous les trafics que l'Europe est encore un espace judiciaire très éclaté ;

- ni enfin, le changement de nature et la hausse de la délinquance : le ratio faits constatés / nombre d'agents des forces de sécurité intérieure est ainsi passé de 5,3 en 1960 à 8,5 en 1970 ; à 13,5 en 1980 ; à 16 en 1990 et à 16,8 en 2001.

e) Le manque de personnels administratifs dans la police

Chacun s'accorde à reconnaître que la part des personnels administratifs, scientifiques et techniques dans l'ensemble des personnels de la police nationale est beaucoup trop faible .

Les comparaisons internationales sont d'ailleurs à cet égard très éclairantes : l'ensemble des personnels administratifs, scientifiques et techniques représente en effet moins de 10 % des personnels de la police nationale (adjoints de sécurité compris), contre 20 % aux Pays-Bas, 30 % en Allemagne et 32,5 % au Royaume-Uni.

Cette exception française , soulignée par la Cour des Comptes dans son rapport public 1998, est illogique et coûteuse .

En effet, plusieurs milliers de fonctionnaires de police actifs exercent de facto des tâches administratives. Or ils sont pour ce faire moins efficaces, car moins bien formés et moins motivés, tout en étant beaucoup plus onéreux : la rémunération d'un actif occupant un emploi administratif est, à grade équivalent, de 30 % supérieure à celle d'un administratif.

Le bilan de la loi d'orientation et d'orientation de 1995 est d'ailleurs extrêmement décevant à cet égard. En effet, cette loi prévoyait la création de 5.000 emplois de personnels administratifs, scientifiques et techniques sur la période 1995-1999. Or seuls 1.155 de ces emplois ont été crées sur la période 1995-1997 et 158 d'entre eux ont été supprimés en 1998 et 1999. Au total, compte tenu des créations intervenues sur la période 2000-2002, le nombre d'emplois de personnels administratifs, scientifiques et techniques ne s'est accru que de 2.070 unités au cours des huit années 1995-2002.

Dans le même temps, l'effort de déconcentration entrepris ces dernières années dans le souci de moderniser la gestion a accru le volume et la complexité des tâches de gestion au plan local, donc les besoins en personnels spécialisés. En outre, la diffusion des nouvelles technologies de l'information et de la communication est fortement consommatrice de postes de soutien aux policiers « actifs » : à titre d'exemple, la seule saisie-enregistrement des infractions constatées dans le fichier de police criminelle STIC requiert quotidiennement l'équivalent de 400 emplois à temps plein.

f) La rotation trop rapide des forces de police dans les zones sensibles

A l'instar d'ailleurs d'autres administrations confrontées au développement de nouvelles formes de violence, comme l'Education nationale, la police nationale souffre d'une rotation trop rapide des fonctionnaires affectés dans les zones sensibles, notamment en Ile-de-France : ainsi, le taux de rotation des effectifs de la préfecture de police atteint 15 % par an et la plupart des départs sont remplacés par des fonctionnaires stagiaires.

Cela obère les capacités opérationnelles des services concernés, car le profil infra-annuel de leurs effectifs est heurté. En outre, ce sont les fonctionnaires inexpérimentés qui sont le plus souvent confrontés aux délinquants les plus difficiles.

2. Les crédits d'équipement et de fonctionnement

a) La priorité accordée lors de la précédente législature aux crédits de rémunération au détriment des crédits d'investissement et de fonctionnement de la police

Le tableau ci-après présente l'évolution du budget de la police nationale entre 1997 et 2002 par grandes masses.

Evolution du budget de la police nationale entre 1997 et 2002

en loi de finances initiale

(en millions d'euros et en %)

1997

2002

Dépenses de personnel

3.532

82,7 %

4.337

84,2 %

Fonctionnement

602

14,1 %

659

12,8 %

Equipement

138

3,2 %

153

3,0 %

Total

4.262

5.149

Source : ministère de l'intérieur

Ce tableau montre que la part des dépenses de fonctionnement et des dépenses d'équipement dans le budget de la police nationale s'est réduite entre 1997 et 2002.

Inversement, les dépenses de personnel occupent une part de plus en plus prépondérante du budget (84,2 % dans la loi de finances initiale pour 2002).

Cette évolution apparaîtrait d'ailleurs plus nettement encore si l'on tenait compte des crédits de rémunération supplémentaires (près de 40 millions d'euros) demandés dans le projet de loi de finances rectificative pour 2002 pour compléter le financement des opérations de rachat de jours d'ARTT.

Or la priorité accordée aux dépenses de rémunération, notamment sous l'effet de l'ARTT ne fut pas sans conséquence pour les moyens de travail des agents de la police nationale (gilet pare-balles individuel, tenue et armement adaptés).

b) Les impasses du budget de la gendarmerie

De même, les mesures de rachat des journées d'ARTT des gendarmes décidées successivement en novembre 2001, en décembre 2001 et en février 2002 (cf. supra) avaient été pour partie artificiellement gagées par le gel de 1.400 postes de gendarmes-adjoints et par la minoration de certains crédits de fonctionnement, et pour partie purement et simplement non budgétées.

En outre, les besoins de fonctionnement courant avaient été sous-évalués de près de 20 millions euros.

Enfin, les dotations destinées au financement des casernes de gendarmeries et des logements de gendarmes pris à bail par l'Etat avaient été sous-estimées (à hauteur de 38 millions d'euros), ce qui avait grossi d'autant les arriérés de loyers de la gendarmerie, notamment envers les communes, leur total cumulé s'élevant à près de 68 millions d'euros.

c) Les besoins de rénovation du parc immobilier

Le parc immobilier mis à disposition de la police nationale représente près de 3,7 millions de m2, répartis sur plus de 2.800 implantations. Mais seuls 8 % de ces sites ont moins de 10 ans et près de 39 % ont plus de 30 ans. Or la plupart de ces bâtiments sont d'autant plus dégradés que les crédits de maintenance ont été longtemps la variable d'ajustement du budget du ministère de l'intérieur. Les crédits de maintenance se sont d'ailleurs élevés en moyenne, sur la période 1997-2002, à une vingtaine de millions d'euros par an, soit moins de 6 euros/m2/par an, ce qui correspond à un niveau considérablement inférieur à celui jugé habituellement convenable pour des bâtiments accueillant du public.

C'est dire si les besoins de rénovation sont importants. Votre rapporteur pour avis a d'ailleurs pu constater par lui-même l'état de délabrement de certains locaux, qui démotive les agents, sape l'image d'ordre de nos forces de police et ne permet pas d'offrir aux victimes des conditions d'accueil décentes. Cet état de fait a d'ailleurs pour conséquence que les conditions de détention et de garde à vue soient parfois très précaires.

De plus, les besoins de construction de nouveaux bâtiments liés à la mise en place de la police de proximité ou plus généralement au redéploiement des implantations sont très importants, notamment dans les zones urbaines sensibles et en Ile-de-France.

La problématique est similaire pour la gendarmerie nationale : en raison de dotations insuffisantes, l'évolution du parc de logements des gendarmes n'a pas toujours suivi celle des normes communes de confort. Or la qualité du logement contribue directement au moral des gendarmes, qui ne sauraient être les « esclaves de la République » : dès lors qu'ils sont astreints à résider dans des casernements, la République leur doit, ainsi qu'à leurs familles, des logements adaptés.

d) Les besoins de renouvellement des véhicules

Comme votre rapporteur le soulignait dans son rapport sur les crédits de la sécurité du projet de loi de finances pour 2002, les dotations prévues jusqu'ici pour le renouvellement des véhicules de police étaient très nettement insuffisantes.

Le renouvellement des véhicules de police

( extrait du rapport de la commission des finances du Sénat sur le budget de la sécurité pour 2002)

Répartition par type de véhicule et ancienneté moyenne du parc de la police nationale

Le parc automobile, tel qu'il se présentait au 1 er janvier 2001, se composait de 28.410 véhicules répartis de façon très hétérogène entre, d'une part, les véhicules 2 roues (cyclomoteurs, scooters, motos), les véhicules légers et breaks, les utilitaires et, d'autre part, les véhicules de maintien de l'ordre. L'âge moyen du parc automobile était en légère augmentation au 1 er janvier 2001, par rapport à ce qu'il était au 1 er janvier 1999. Toutefois, il convient de distinguer 2 tendances contradictoires. D'une part, la création de nouveaux services de police, dans le cadre de la politique de déploiement de la police de proximité, à partir de l'année 2000, a entraîné la baisse de l'âge moyen des cyclos-scooters et des véhicules légers. D'autre part, cette politique a permis d'inverser la tendance du vieillissement des véhicules légers et breaks, qui n'avait cessé de croître depuis 7 ans. Parallèlement, les autres types de véhicules (motocyclettes, véhicules utilitaires et maintien de l'ordre) ont vu leur âge moyen augmenter.

Durant les dernières années (à partir de 1994), l'insuffisance répétée des crédits consacrés au renouvellement automobile a eu pour conséquence de retarder ce dernier, entraînant un vieillissement du parc. Ce vieillissement induit une augmentation du coût d'entretien et de réparation, ainsi que du taux d'indisponibilité des véhicules

Il est toutefois important de rappeler que le critère prépondérant de réforme en vigueur dans la police nationale est le kilométrage, hors parc de maintien de l'ordre (titre V). Les besoins de renouvellement ne peuvent donc être appréciés, pour le parc léger, à partir de la seule évolution de l'âge moyen.

En 2001, 8.076 véhicules renouvelables au titre III ont dépassé leurs critères de réforme, soit 30 % du parc. Parmi eux, 4.077 engins n'ont pu être renouvelés. L'orientation privilégiée par la direction de l'administration de la police nationale est de poursuivre la réduction de l'âge des véhicules, en engageant les moyens financiers nécessaires à leur renouvellement.

La situation du parc lourd de maintien de l'ordre (titre V) est comparable à celle des véhicules légers. Les fonds qui lui sont consacrés accuseront, au 31 décembre 2001, un déficit de 33,5 millions d'euros. Les engins les moins régulièrement utilisés, adaptés aux missions importantes de maintien de l'ordre, comme les tracteurs anti-barricade, les lanceurs d'eau, les cars de commandement et autres engins spécifiques, voient leur renouvellement systématiquement reculé, pour assurer celui des moyens requis par l'accomplissement des missions de sécurisation.

Programmes de renouvellement automobile exécutés et prévisions pour les cinq années à venir

Véhicules légers (Titre III)

Les besoins en renouvellement automobile sont établis, chaque année, sur la base des critères de réforme en vigueur au sein de la direction générale de la police nationale (entre 100.000 et jusqu'à 130.000 km pour les véhicules essence et 130.000 à 160.000 km pour les véhicules diesel). Sur cette base, le besoin moyen annuel lissé pour assurer le renouvellement du parc automobile acquis sur le titre III est de 57,93 millions d'euros. Or, les contraintes budgétaires qui ont pesé sur le budget de la police nationale n'ont pas permis d'atteindre cet objectif. En 2001, le retard cumulé constaté pour le parc automobile léger a atteint 45,28 millions d'euros. La ressource 2001, 59,6 millions d'euros, a permis d'atteindre le meilleur pourcentage de réalisation depuis 4 ans, qui ne représente cependant que 56,86% de la totalité des besoins.

Véhicules lourds de maintien de l'ordre

Les critères de réforme sont de 8 à 12 ans, selon les véhicules et engins de maintien de l'ordre. Sur cette base, le besoin moyen annuel, lissé jusqu'en 2004, pour assurer le renouvellement du parc automobile est de 19,82 millions d'euros.

Les contraintes budgétaires qui ont pesé sur le budget de la police nationale n'ont pas permis de dégager cette ressource. Actuellement, le retard de renouvellement cumulé atteint 33,54 millions d'euros, alors même que les années à venir seront structurellement des années au cours desquelles les besoins seront supérieurs au besoin moyen lissé.

Source : ministère de l'Intérieur

Votre rapporteur a d'ailleurs retrouvé l'écho de ce constat général dans le cadre de son contrôle en cours de la police aux frontières .

En effet, la direction centrale de la police aux frontières dispose d'un parc roulant comprenant 946 véhicules.

Or, en 2001, les besoins exprimés dans le cadre des créations de services  ont porté sur 35 véhicules , mais seuls 16 véhicules ont pu être commandés en fonction des crédits accordés, soit 46 % et seulement 8 avaient été livrés à la fin du premier semestre 2002.

Par ailleurs, alors que 263 véhicules étaient renouvelables en 2001, seuls 164 d'entre eux ont été retenus, soit 62 % , et seuls 86 % de ces véhicules avaient été livrés à la fin du premier semestre 2002.

De même, en 2002, les besoins exprimés dans le cadre des créations de services  ont porté sur 27 véhicules , mais seuls 19 véhicules ont pu être commandés en fonction des crédits accordés, soit 70 % et aucun de ces véhicules n'avait été livré à la fin du premier semestre 2002, les délégations de crédits ne devant intervenir qu'à la fin du mois de juillet 2002.

Par ailleurs, alors que 231 véhicules étaient renouvelables en 2001, seuls 87 d'entre eux ont été retenus, soit 38 % , et seuls 86 % de ces véhicules avaient été livrés à la fin du premier semestre 2002.

L'accélération du renouvellement du parc automobile de la police aux frontières est pourtant rendue nécessaire par l'intensification des contrôles en mobilité dans la bande frontalière des 20 kilomètres, par l'augmentation du nombre des escortes et des transferts des étrangers en instance d'éloignement, ainsi que par le recentrage des activités des personnels de la police aux frontières sur les aires urbaines.

De même, le parc automobile de la gendarmerie vieillit, en particulier pour les véhicules lourds : selon la direction générale de la gendarmerie nationale, l'âge moyen des fourgons car de maintien de l'ordre est ainsi de plus de 13 ans et celui des véhicules blindés de maintien de l'ordre, de 25 ans.

e) Les besoins de modernisation des systèmes d'information et de communication

Dans le cadre de son rapport sur les crédits de la sécurité du projet de loi de finances pour 2002, votre rapporteur s'inquiétait déjà de l'insuffisance des dépenses d'équipement informatique de la police nationale :

« Votre rapporteur spécial qui a eu l'occasion de constater l'efficacité [des salles d'information et de commandement] au cours d'un déplacement en Seine-Saint-Denis ne peut que déplorer le décalage entre les crédits inscrits et les besoins qu'appelle leur nécessaire développement. Plus généralement, il faut s'interroger sur le décalage entre les besoins de crédits figurant dans la réponse à son questionnaire (27,5 millions d'euros) et la réalité budgétaire (5,18 millions d'euros). Même en appliquant la clef de répartition traditionnelle des crédits de paiement (30 % des autorisations de programme ouvertes pour l'année), il manque au moins 3 millions d'euros de crédits de paiement sur l'article 45. Aux projets purement nationaux viendront de plus s'ajouter les besoins en matière de coopération policière internationale, avec le développement indispensable des applications liées aux accords de Schengen ou à Europol.

Le manque de crédits de paiement, et probablement d'autorisations de programme, sur cet article est donc flagrant. Cette situation est d'autant plus inquiétante que le ministère indique lui-même que ses besoins seront de l'ordre de 30 millions d'euros par an en 2003 et en 2004...

Malgré les réponses rassurantes du ministère, votre rapporteur spécial ne peut que constater les retards pris en matière de couverture par le système de communication radio Acropol : 8 départements couverts en 1999, autant en 2000, deux de plus en 2001. L'objectif de la couverture totale du territoire national en 2007 ne peut donc que laisser dubitatif. »

De fait, il apparaît aujourd'hui que l'enveloppe annuelle de référence fixée en 1996 à hauteur de 61 millions d'euros pour le déploiement Acropol doit être significativement rehaussée pour couvrir l'ensemble du territoire d'ici 2008. En effet, les dernières études approfondies conduites par le ministère de l'intérieur ont conclu à la nécessité de doubler le nombre de relais (de 600 à 1.200) pour disposer d'une couverture satisfaisante des circonscriptions de police, notamment dans les zones densément bâties. En outre, le déploiement de compléments de couverture dans les lieux souterrains s'avère coûteux.

La gendarmerie nationale est confrontée à un problème différent : plus ancien, son réseau Rubis a été conçu pour la transmission d'informations courtes et ses brigades ne sont toujours pas toutes mises en réseau.

La police et la gendarmerie sont en outre confrontées à un problème commun : la cohérence de leur action rend nécessaire la compatibilité des moyens de communication de leurs services opérationnels. Or, quoique reposant sur des technologies semblables et offrant des fonctionnalités identiques, les réseaux Acropol et Rubis ne sont pas directement interopérables, car ils utilisent des bandes de fréquence et des logiciels différents. Mais le déploiement de dispositifs spécifiques d'interconnection est pour l'heure limité.

B. LES REMÈDES PROPOSÉS

1. Les remèdes relatifs aux effectifs

a) La création de 13.500 emplois supplémentaires

L'article 2 du présent projet de loi prévoit la création de 6.500 emplois dans la police et de 7.000 emplois dans la gendarmerie sur la période 2003-2007.

Alors que la base de référence pour les crédits supplémentaires également prévus par cet article a été précisée par l'Assemblée nationale, il n'en a pas été de même pour ces créations d'emplois.

Cependant, selon les informations transmises à votre rapporteur pour avis, ces créations d'emplois s'ajoutent bien à la reconduction des moyens en personnels existants : l'apport des emplois jeunes (adjoints de sécurité et gendarmes auxiliaires) aux forces de sécurité sera maintenu, sous une forme et selon des modalités qui restent cependant à définir.

Les 13.500 emplois dont la création est prévue seront donc bien des emplois supplémentaires .

Par ailleurs, l'annexe II précise la répartition prévue pour ces emplois supplémentaires.

La répartition des créations d'emplois programmées

Police

Gendarmerie

Total

Garantir la sécurité de proximité

2.000

4.800

6.800

Renforcer les capacités d'investigation

1.000

400

1.400

Renforcer la lutte contre la menace terroriste et la criminalité organisés

300

300

600

Protéger plus efficacement les frontières

700

-

700

Lutter contre l'insécurité routière

500

700

1.200

Renforcer les capacités d'administration, de formation et de contrôle

2.000

800

2.800

Total

6.500

7.000

13.500

Source : ministère de l'intérieur

Les emplois supplémentaires affectés aux forces de sécurité de proximité (2.000 pour la police et 4.800 pour la gendarmerie) devraient notamment leur permettre de renforcer leur présence nocturne, de consacrer plus de temps à l'information des élus, de la population et des plaignants, d'améliorer l'accueil des victimes, de renforcer leur présence dans les zones où la délinquance s'inscrit en forte progression, enfin de prendre en compte les besoins spécifiques des départements et territoires d'outre-mer.

Les emplois supplémentaires destinés à renforcer les capacités d'investigation (1.000 pour la police et 400 pour la gendarmerie) devraient notamment permettre le renforcement des services de police judiciaire, ainsi que des unités de recherche et des plates-formes techniques judiciaires de la gendarmerie. En outre, les effectifs de la police technique et scientifique devraient être accrus.

Les emplois de la police aux frontières seraient renforcés de 700 unités, en réponse au développement de l'immigration clandestine, à l'agrandissement programmé de plusieurs aéroports internationaux, dont Roissy-Charles-de-Gaulle, et aux besoins de renforts pour le réseau ferré et pour certaines frontières sensibles comme le tunnel trans-Manche et la frontière guyanaise.

La lutte contre l'insécurité routière devrait bénéficier de nouveaux moyens d'une ampleur sans précédent, puisque l'équivalent de 1.200 emplois supplémentaires (500 pour la police et 700 pour la gendarmerie) y seraient affectés.

Par ailleurs, 600 emplois supplémentaires (300 pour la police et 300 pour la gendarmerie) devraient permettre l'intensification de la lutte contre la menace terroriste et contre la criminalité organisée.

Enfin, votre rapporteur pour avis se félicite de ce que l'annexe II prévoit de renforcer les capacités d'administration , de formation et de contrôle à hauteur de 2.800 emplois supplémentaires (2.000 pour la police et 800 pour la gendarmerie) : ces créations d'emplois répondent plus particulièrement au constat du manque de personnels administratifs dans la police nationale, mais elles permettront également d'améliorer le soutien médical, psychologique et social des personnels , « notamment pour l'assistance aux personnels ou aux familles victimes d'actes d'agression, l'aide à l'emploi des conjoints et l'accompagnement social de la mobilité ».

Au delà de ces créations d'emplois, il convient également de préciser que l'article 4 du présent projet de loi devrait faciliter la gestion des ressources humaines de la gendarmerie nationale en permettant à des militaires atteints par la limite d'âge de 55 ans qui en font la demande d'être maintenus en activité pendant une année supplémentaire, sous réserve de leur aptitude physique et de l'intérêt du service.

b) Des crédits de rémunération supplémentaires à hauteur de 2,7 milliards d'euros sur la période 2003-2007

L'article 2 et l'annexe 2 du présent projet de loi prévoient des crédits de rémunération supplémentaires à hauteur de 2,7 milliards d'euros sur la période 2003-2007, dont 1,57 milliard d'euros pour la police et 1,13 milliard d'euros pour la gendarmerie.

Ces crédits s'ajouteront à la reconduction annuelle des crédits de rémunération ouverts par la loi de finances initiale pour 2002, à la reconduction annuelle des crédits de rémunération supplémentaires demandés dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2002 pour remettre à niveau le budget de la gendarmerie, et aux conséquences sur les rémunérations des mesures générales d'augmentation (notamment les mesures de revalorisation du point de la fonction publique), ainsi qu'à celles des ajustements techniques pour tenir compte de la situation réelle des personnels.

En pratique, ces crédits financeront donc notamment :

- le coût des rémunérations des 13.500 emplois supplémentaires prévus dans la police et dans la gendarmerie, et selon les informations transmises à votre rapporteur, le premier équipement destinés aux policiers et aux gendarmes supplémentaires ainsi recrutés (tenue, armement, paires de menottes, bâtons de protection, etc.) ;

- le complément de financement des mesures destinées à limiter les conséquences des « 35 heures » dans la police nationale (rachat de jours d'ARTT et paiement d'astreintes) décidées par le précédent gouvernement sans que les crédits afférents aient été intégralement prévus dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2002 ;

- les crédits nécessaires aux nouvelles mesures de rachat de jours d'ARTT envisagées par le nouveau gouvernement afin de limiter les pertes de capacités opérationnelles des forces de police. Selon les informations transmises à votre rapporteur, l'ordre de grandeur des mesures en cours de discussion pourrait correspondre à près de 2.500 équivalent-temps plein annuels : au total, le présent projet de loi permettrait ainsi de restaurer les capacités opérationnelles de nos forces de sécurité à hauteur de près de 16.000 emplois équivalent-temps plein (13.500 + 2.500) ;

- de nouvelles mesures indemnitaires en faveur des personnels, destinées notamment, selon l'annexe II du présent projet de loi, « à la revalorisation de la qualification d'officier de police judiciaire (OPJ), à mieux inciter les personnels à rester en poste dans les zones les moins attractives et à reconnaître la pénibilité accrue des métiers de la sécurité intérieure » ;

- enfin, aux mesures éventuelles de « repyramidage » de la structure des emplois qui pourraient être prises afin notamment de renforcer l'encadrement supérieur des forces, en particulier pour la gendarmerie nationale, dont le taux d'encadrement supérieur est sensiblement inférieur à celui des autres armes comme à celui de la police.

c) L'accélération de l'externalisation de certaines fonctions

Afin que les forces de police et de gendarmerie se consacrent pleinement à leurs missions, les annexes I et II du présent projet de loi prévoient, outre la création de 2.800 emplois d'administration, de formation et de contrôle :

- d'une part, que certaines des tâches techniques actuellement remplies par des policiers et des gendarmes de statut actif, seront, chaque fois que cela sera possible, transférées à d'autres catégories d'agents publics ou au secteur privé. Parmi les tâches susceptibles d'être davantage externalisées figurent notamment, selon l'annexe II, l'entretien du parc automobile, mais aussi, selon les informations transmises à votre rapporteur, le nettoyage des locaux et l'entretien des bâtiments. Certaines expériences, comme l'externalisation de l'entretien de la zone d'attente de Roissy et de la maintenance de l'Hôtel de police de Strasbourg, montrent qu'il s'agit là d'une piste d'autant plus prometteuse que la souscription de contrats pluriannuels avec des entreprises privées évite que l'entretien et la maintenance ne demeurent les variables d'ajustement du budget. Cependant, le recours croissant à l'externalisation sera en tout état de cause très progressif, compte tenu du caractère spécifique des marchés afférents comme des nécessités de gestion des personnels des corps techniques de la police et de la gendramerie ;

- d'autre part, que les gardes statiques confiées aux policiers et aux gendarmes, qui non seulement obèrent les capacités opérationnelles de nos forces de sécurité intérieure, mais aussi sont un puissant facteur de démotivation, seront réduites au strict minimum. Pour ce faire, « il sera plus largement fait appel à l'externalisation de cette mission » (auprès de sociétés privées de gardiennage), aux mesures de protection passive et aux moyens techniques de surveillance (comme la vidéosurveillance). Au total, ces mesures pourraient libérer plusieurs centaines de policiers et de gendarmes pour d'autres tâches et surtout, renforcer l'attractivité des métiers de la police et de la gendarmerie. On peut toutefois souligner que ces mesures, quoique sans doute source d'économies de fonctionnement pour l'Etat dans son ensemble, pourraient conduire à des transferts de charge interministériels.

En outre, l'annexe I prévoit « qu'une réflexion sera lancée sur les moyens de transférer à l'administration pénitentiaire la charge des extractions et transfèrements de détenus, ainsi que la surveillance de détenus hospitalisés. Des premières propositions devront être faites dans le délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi » ». On peut en effet rappeler que ces missions mobilisent plus de 2.200 policiers et gendarmes équivalent-temps plein par an.

Cependant, ce souhait est formulé de manière beaucoup moins volontariste dans le projet de loi d'orientation et de programmation pour la Justice, dont l'annexe indique seulement : « les conditions de transfert à l'administration pénitentiaire de missions nouvelles (surveillance des détenus hospitalisés et, plus généralement, gardes et escortes des détenus) feront l'objet d'une réflexion interministérielle ».

Pour regrettable qu'elle soit, cette discordance de rédaction illustre bien l'enjeu de cette réflexion interministérielle : il ne s'agit pas de déshabiller Pierre (l'administration pénitentiaire) pour rhabiller Paul (la police et la gendarmerie). Votre rapporteur pour avis a d'ailleurs souligné à quel point le manque de moyens du ministère de la Justice pesait sur l'efficacité et sur les conditions de travail des forces de sécurité intérieure.

En conséquence, votre rapporteur souhaite :

- que des expériences de transfert à l'administration pénitentiaire de certaines opérations de transfèrement de détenus soient mises en place à l'échelle locale et accompagnées bien évidemment de moyens nouveaux spécifiques. Cette expérimentation , qui s'inscrirait parfaitement dans le cadre de la démarche préconisée par M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, lors de la déclaration de politique générale du gouvernement, devra notamment avoir pour objectif d'évaluer dans quelles mesure ce transfert est source d'économies et favorise un meilleur fonctionnement de la Justice ;

- que soit également étudiée et expérimentée l'externalisation du transfèrement des détenus les moins dangereux à des entreprises privées, comme c'est d'ailleurs déjà le cas dans certains pays étrangers ;

- que soient engagées des réformes de la procédure pénale visant à supprimer des obligations formelles qui ne concourent pas à la sauvegarde des droits de la défense, tout en nécessitant de nombreuses opérations de transfèrement ;

- enfin et surtout, que les magistrats acceptent davantage de tenir des audiences « foraines » , c'est à dire dans des lieux de Justice spécialement aménagés à l'intérieur des lieux de détention, ce qui leur permettrait par surcroît de mieux connaître l'état des prisons de leur ressort.

2. Les remèdes relatifs aux moyens d'équipement et de fonctionnement des forces de sécurité intérieure

a) Le « rebasage » des crédits de la gendarmerie

Comme votre rapporteur pour avis l'a relevé ( cf . infra ) le budget de la gendarmerie pour 2002 était insincère, et faisait apparaître un certain nombre d'impasses.

Le projet de loi de finances rectificative pour 2002 propose ainsi d'apurer les dettes de loyer de la gendarmerie (à hauteur de 68 millions d'euros), d'ouvrir les crédits nécessaires au financement du plan immobilier d'urgence décidé en décembre 2001 pour améliorer les conditions de vie et de travail des personnels, enfin de combler les insuffisances de crédits de fonctionnement pour 2002.

L'apurement des arriérés de loyers et le financement du plan immobilier d'urgence décidé en décembre 2001 ne constituent pas des besoins récurrents. En revanche les crédits de fonctionnement nécessitent une remise à niveau pérenne .

Le présent projet de loi prévoit pour ce faire le « rebasage » des crédits de fonctionnement de la gendarmerie à hauteur de 140 millions d'euros supplémentaires par an en moyenne par rapport aux crédits ouverts dans la loi de finances initiale pour 2002, soit au total 700 millions d'euros sur la période 2003-2007.

Ces crédits devraient notamment permettre :

- le financement (à hauteur de 41,1 millions d'euros par an) des mesures de rachat de journées d'ARTT décidées par le précédent gouvernement ;

- le recrutement effectif (pour un coût de 23,7 millions d'euros par an) des 1.400 gendarmes adjoints volontaires dont les emplois avaient été « gelés » pour financer les mesures annoncées en décembre 2001 en faveur des gendarmes ;

- la remise à niveau des crédits consacrés aux locations (à hauteur de 51,3 millions d'euros), ainsi que des autres crédits de fonctionnement courant de la gendarmerie (à hauteur de 23,9 millions d'euros par an), ces dernières mesures correspondant à une augmentation de 11 % des crédits de fonctionnement de la gendarmerie nationale .

b) La priorité nouvelle accordée aux crédits de fonctionnement et d'investissement

Au delà du seul « rebasage » des crédits de fonctionnement de la gendarmerie, le présent projet de loi marque une rupture par rapport à la priorité accordée lors de la précédente législature aux crédits de rémunération des personnels de la police et de la gendarmerie, au détriment de leurs crédits de fonctionnement et surtout de leurs crédits d'investissement, ces derniers constituant d'ailleurs la variable d'ajustement de leurs budgets 21 ( * ) .

En effet, outre les 376 millions d'euros 22 ( * ) de crédits de fonctionnement supplémentaires prévus pour la gendarmerie dans le cadre du « rebasage » des crédits de la gendarmerie, le présent projet de loi prévoit de consacrer sur cinq ans 2,2 milliards d'euros de dotations ordinaires et de crédits de paiement supplémentaires à l'équipement de nos forces de sécurité intérieure (dont 1,18 milliards d'euros pour la police et 1,02 milliard d'euros pour la gendarmerie).

Pour la police , ces crédits supplémentaires (236 millions d'euros par an en moyenne), correspondent à une augmentation de 29 % par rapport aux crédits de fonctionnement et d'équipement inscrits dans la loi de finances initiale pour 2002 (soit 812,51 millions d'euros).

Pour la gendarmerie , ces crédits supplémentaires (204 millions d'euros en moyenne) correspondent à une augmentation de 62 % par rapport aux crédits d'équipement inscrits dans la loi de finances initiale pour 2002 (soit 329 millions d'euros).

Il convient toutefois de souligner que ces augmentations ne sont pas comparables , puisqu'elle n'ont pas la même base. En effet, les nomenclatures des budgets respectifs de la police et de la gendarmerie diffèrent sur un point essentiel : le chapitre de fonctionnement 34-41 du budget de la police nationale recouvre des dépenses, comme l'achat d'armement, de munitions ou de tenues, qui sont retracées dans les chapitres d'investissement 53-71 et 55-11 du budget de la gendarmerie nationale.

Pour comparer de manière plus appropriée les efforts réalisés respectivement pour la police et pour la gendarmerie, il faudrait donc rapporter pour cette dernière le cumul des crédits de fonctionnement supplémentaires prévus dans le cadre du « rebasage » des crédits de la gendarmerie (71,2 millions d'euros en moyenne) et des crédits d'investissement supplémentaires (soit 204 millions d'euros par an), au total des crédits de fonctionnement et d'investissement de la gendarmerie ouverts dans la loi de finances initiale pour 2002 (soit 1.003 millions d'euros).

L'effort prévu pour la gendarmerie (+ 27,4 %) apparaît alors du même ordre de grandeur que celui prévu pour la police (+ 29 %).

Quoi qu'il en soit, les crédits de fonctionnement et d'équipement représentent 46 % des crédits supplémentaires prévus par le présent projet de loi sur la période 2003-2007, alors qu'ils ne représentent respectivement que 15,8 % et 25,5 % des budgets de la police et de la gendarmerie (l'écart s'expliquant notamment par le fait que les gendarmes sont logés).

Cela traduit bien la priorité nouvelle accordée aux conditions matérielles de travail de nos forces de sécurité intérieure.

Tableau récapitulatif des crédits supplémentaires proposés sur la période 2003-2007 23 ( * )

(en millions d'euros)

LFI 2002

Crédits supplémentaires (en moyenne annuelle)

ratio 24 ( * )

Police

5 149

550

+ 13 %

dont rémunérations

4 337

314

+ 7 %

dont fonctionnement et équipement

812

236

+ 29 %

Gendarmerie

3 927

570

+ 15 %

dont rémunérations

2 924

295

+ 10 %

dont fonctionnement

674

71

+ 11 %

dont équipement

329

204

+ 62 %

TOTAL

9 076

1 120

+ 12 %

dont rémunérations

7 261

609

+ 8 %

dont fonctionnement et équipement

1 815

511

+ 28 %

Source : budget voté, ministère de l'intérieur, calculs de votre rapporteur

Enfin, l'annexe II propose une répartition fonctionnelle des crédits « d'équipement » supplémentaires prévus pour la police et pour la gendarmerie sur la période 2003-2007.

Répartition fonctionnelle indicative des crédits d'équipement supplémentaires prévus sur la période 2003-2007

(dotations ordinaires et crédits de paiement, en millions d'euros par an en moyenne)

Police

Gendarmerie

Programme immobilier

75

95

Programme « Acropol »

45

-

Modernisation des services et NTIC

40

30

Véhicules

20

40

Equipement et protection individuelle des personnels

55

40

Total

235

205

Source : ministère de l'intérieur

Il convient toutefois de souligner que cette répartition n'est qu'indicative : l'annexe II fait d'ailleurs parfois précéder ces montants de la mention « environ ».

En outre, cette répartition fonctionnelle ne recoupe aucunement la nomenclature budgétaire, de sorte qu'il sera bien difficile au Parlement de démêler, lors de l'examen des projets de lois de finances, dans quelle mesure elle sera respectée.

Sous ces réserves, les développements qui suivent détaillent les projets associés à cette répartition.

c) L'accélération de la rénovation du parc immobilier

En premier lieu, l'annexe II du présent projet de loi prévoit d'allouer en moyenne annuelle environ 170 millions d'euros de crédits de paiement supplémentaires aux programmes immobiliers de la police et de la gendarmerie (75 millions d'euros pour la police et 95 millions d'euros pour la gendarmerie).

Cela correspond à un quasi-doublement des efforts d'investissement immobilier par rapport aux crédits inscrits dans la loi de finances initiale pour 2002 (+ 94 % pour la police et + 81 % pour la gendarmerie), ce qui démontre que l'Etat ne cherche pas à se défausser de ses responsabilités au travers des dispositions de l'article 3 du présent projet de loi tendant à faciliter le financement de bâtiments affectés à la police et à la gendarmerie par les collectivités locales.

Les priorités associées sont :

- pour la police , la mise en oeuvre du plan de rénovation, de réhabilitation et de « désimbrication » du parc immobilier de la préfecture de police de Paris, l'intensification de l'effort de réservation de logements pour les agents en zone urbaine, la rénovation et l'augmentation des capacités des écoles de formation (aujourd'hui saturées et parfois en mauvais état), l'amélioration des conditions d'hébergement des CRS en Ile-de-France et la mise à niveau des crédits de maintenance. Au total, grâce aux efforts conjugués de l'Etat et des collectivités locales, comme aux mesures tendant à l'accélération des procédures proposées par l'article 3 du présent projet de loi, le ministère de l'intérieur prévoit de porter progressivement les surfaces mises en chantier de 45.000 m2 en 2002 à 100.000 m2 par an ;

- pour la gendarmerie , améliorer la maintenance, rénover les unités de formation et fournir à tous les gendarmes et à leurs familles des conditions de logement conformes aux normes actuelles, 3.500 logements devant être remis à niveau et 4.000 autres construits ou acquis d'ici 2007.

d) La remise à niveau du parc automobile

L'annexe II du présent projet de loi prévoit également d'allouer en moyenne annuelle environ 60 millions d'euros de dépenses ordinaires et de crédits de paiement supplémentaires pour remettre à niveau et pour améliorer la gestion des parcs automobiles de la police et de la gendarmerie (dont 20 millions d'euros pour la police et 40 millions d'euros pour la gendarmerie), avec pour objectifs de réduire le taux d'indisponibilité des véhicules, d'en respecter les critères de réforme et surtout de moderniser le parc de véhicules lourds des CRS et des escadrons de gendarmerie mobile (ce dernier objectif devant mobiliser plus des deux-tiers des crédits supplémentaires prévus).

e) L'adaptation de l'équipement et de la protection individuelle des personnels

L'annexe II du présent projet de loi prévoit en outre d'allouer en moyenne annuelle environ 95 millions d'euros de dépenses ordinaires et de crédits de paiement supplémentaires pour adapter l'équipement des personnels à l'évolution des conditions d'exécution de leurs missions.

Les dépenses ordinaires supplémentaires prévues pour la police (à hauteur de 55 millions d'euros par an) permettront notamment l'achat de 60.000 gilets pare-balles à port discret supplémentaires, l'achat de casques de maintien de l'ordre pare-balles, le renouvellement de l'armement le plus ancien, l'achat d'étuis sécurisés pour l'armement non-renouvelé, la constitution d'une dotation de tenues de protection contre les risques nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC) et l'acquisition de matériels, comme les « flash-balls », permettant aux fonctionnaires de se désengager en cas de danger, sans pour autant faire usage de leur arme de service.

Les crédits de paiement supplémentaires prévus pour la gendarmerie (à hauteur de 40 millions d'euros par an) permettront notamment l'achat de 84.000 gilets pare-balles à port discret supplémentaires, l'acquisition de 1.000 « flash-balls », et la mise en place pour toutes les unités de la gendarmerie départementale et de la gendarmerie mobile d'une tenue de service courant mieux adaptée à l'exécution des missions de sécurité publique.

f) La modernisation des services et des systèmes de communication

L'annexe II du présent projet de loi prévoit aussi d'augmenter d'environ 45 millions d'euros par an les crédits de paiement consacrés au déploiement du programme Acropol de communication de la police , avec pour objectif d'achever ce déploiement d'ici 2008 tout en répondant aux nouveaux besoins identifiés : couverture des lieux souterrains, densité accrue des relais en zone densément peuplée, hausse du nombre de postes mobiles et portatifs et développement des passerelles locales permettant l'interconnexion du réseau Acropol avec le réseau Rubis de la gendarmerie.

Enfin, l'annexe II du présent projet de loi prévoit d'allouer en moyenne annuelle environ 70 millions d'euros de dépenses ordinaires et de crédits de paiement supplémentaires pour « moderniser les services et mieux utiliser les technologies de traitement de l'information ».

Il s'agit là en fait d'une rubrique un peu « fourre-tout », qui regroupe principalement :

- pour la police , le développement des missions de coopération internationale, la modernisation des câblages, des équipements et des fichiers informatiques, la mise en réseau des postes de travail, la modernisation des centres d'information et de commandement (généralisation de la radiolocation des unités engagées dans des opérations, acquisition de logiciels de traitement des appels d'urgence et de cartographie informatisée de la délinquance, etc.), la modernisation des laboratoires de police technique et scientifique, enfin la diffusion de dispositifs de lecture automatique de passeports et de cartes nationales d'identité, voire de dispositifs de biométrie ;

- pour la gendarmerie (à hauteur de 30 millions d'euros de crédits de paiement par an), la refonte des systèmes d'information et de commandement (SIC) et la mise en réseau des unités par Internet (d'ici 2003) puis par un Intranet (d'ici 2007).

C. CONCLUSION

Votre rapporteur pour avis se félicite de cette programmation réaliste, fondée sur des priorités fortes et claires, susceptibles de revaloriser les conditions de travail et de restaurer les capacités opérationnelles de nos forces de sécurité intérieure.

Cette programmation nous présente d'une certaine manière le coût de notre sécurité intérieure.

Mais il ne faut pas oublier que l'insécurité coûte très cher . Elle coûte très cher à nos concitoyens et à nos entreprises, notamment au travers de la souscription de polices d'assurance et de l'achat de dispositifs de protection. Elle coûte très cher à l'assurance-maladie. Elle coûte très cher aux collectivités publiques au travers des coûts de réparations des bâtiments et matériels dégradés, des coûts de fonctionnement de la Justice et de l'administration pénitentiaire, ainsi que des coûts de réparations civiles.

Enfin, elle coûte très cher à la Nation dans son ensemble car elle brise la confiance nécessaire à la croissance dans une société moderne.

Dans ces conditions, la mise en place des moyens supplémentaires qui sont prévus par le présent projet de loi n'est pas seulement un impératif moral et politique. C'est aussi, sans doute, un excellent investissement .

EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE PREMIER

Orientations de la politique de sécurité intérieure

Commentaire : le présent article approuve le rapport sur les orientations de la politique de sécurité intérieure, constituant l'annexe I du présent projet de loi.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ ET SA PORTÉE

A. UN PROGRAMME DE GOUVERNEMENT EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE

Le premier alinéa du présent article porte approbation des orientations de la politique de sécurité intérieure, constituant l'annexe I du présent projet de loi. La formule d'approbation proposée est traditionnelle et est utilisée dans toutes les lois de programmation. Elle n'a pas de valeur normative, mais consiste à approuver des orientations qui devront donner lieu ultérieurement à des dispositions législatives ou réglementaires. L'annexe I prévoit d'ailleurs, dans sa deuxième partie, les nouveaux moyens juridiques qui seront proposés au Parlement ou adoptés par décret afin de donner aux forces de sécurité intérieure les moyens de lutter plus efficacement contre la délinquance.

Comme le rappelle l'étude d'impact du présent projet de loi, les dispositions du présent article et de l'annexe I, comme celles de l'article 2 et de l'annexe II, n'ont en elles-mêmes « pas d'impact sur l'ordre juridique ».

Cependant, contrairement aux deux précédentes lois de programmation quinquennale en la matière, à savoir à la loi du 7 août 1985 relative à la modernisation de la police nationale et la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, l'horizon du présent projet de loi coïncide avec celui de la législature.

Il est d'ailleurs indiqué dans le préambule de l'annexe I que « les orientations qui sont présentées ci-après constituent le programme d'action en matière de sécurité intérieure que le Gouvernement se propose, avec le concours du Parlement de mettre en oeuvre dans les cinq prochaines années .

Il s'articule autour de deux objectifs principaux :

- celui de fixer la nouvelle architecture institutionnelle de la sécurité intérieure et d'en tirer les conséquences sur les missions et l'organisation des forces de sécurité intérieure et le rôle des autres acteurs publics ou privés;

- celui de donner aux services de sécurité intérieure un cadre juridique rénové leur permettant de lutter plus efficacement contre certaines formes de criminalité et de délinquance. Certaines des dispositions correspondant à cet objectif figurent dans la loi d'orientation et de programmation relative à la justice.

Un code de la sécurité intérieure regroupant l'ensemble des textes qui intéressent la sécurité publique et la sécurité civile sera préparé ».

Les engagements détaillés dans l'annexe I présentent donc une portée politique forte, s'agissant notamment des dispositions législatives et réglementaires explicitement mentionnées dans l'annexe. Celle-ci précise d'ailleurs in fine qu'un projet de loi traduisant les orientations mentionnées ci-dessus qui nécessitent des dispositions d'ordre législatif sera déposé dès l'automne 2002.

Les dispositions législatives et réglementaires prévues explicitement par le projet de loi

La première partie de l'annexe I du présent projet de loi mentionne que :

- pour veiller à ce que les professions de sécurité exercent leurs activités dans des conditions qui permettent des complémentarités avec les forces de sécurité intérieure, la loi du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de surveillance, de gardiennage et de transport de fonds sera étendue à la collectivité départementale de Mayotte ;

- le rapprochement des grands fichiers de police criminelle de la police et de la gendarmerie nationale (STIC, JUDEX) sera favorisé, au besoin en conférant une base législative aux échanges d'informations indispensables à l'efficacité des enquêtes judiciaires ;

- un texte réglementaire précisera les modalités d'organisation et de mise en oeuvre de la réserve civile de la police nationale.

La deuxième partie de cette annexe prévoit l'achèvement de la mise en application des dispositions de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995.

Par ailleurs, cette partie annonce que « les présentes orientations prévoient de mettre à la disposition des forces de sécurité intérieure les nouveaux moyens juridiques nécessaires à l'accomplissement de leur mission, à savoir rétablir et garantir la sécurité des français dans le respect des lois. Pour ce faire, les dispositions nouvelles permettront :

1° De rétablir l'autorité des agents de l'Etat dans l'exercice de leurs missions et d'améliorer leur efficacité dans l'identification et l'incrimination des auteurs de faits dont ils ont la connaissance ;

2° De mieux assurer les devoirs de l'Etat à l'égard de tous ceux qui souhaitent apporter leur aide au travail des enquêteurs, en protégeant notamment les témoins et victimes de tout risque de représailles ;

3° De moderniser notre droit afin de mieux appréhender certaines formes de nouvelles de délinquance, causes de graves dommages à notre société, et mal supportées par nos concitoyens. »

En application de ces orientations,

- les sanctions pénales pour non respect des arrêtés municipaux seront aggravées ;

- il sera élaboré un texte permettant aux officiers de police judiciaire, agissant dans le cadre d'une enquête judiciaire, sur autorisation d'un magistrat, d'accéder directement à des fichiers informatiques et de saisir à distance par la voie télématique ou informatique, les renseignements qui paraîtraient nécessaires à la manifestation de la vérité ;

- un cadre juridique permettant l'utilisation des biens saisis appartenant directement ou indirectement aux auteurs de certaines infractions sera mis en place sous le contrôle de l'autorité judiciaire qui pourra, en cas de condamnation définitive, attribuer définitivement l'objet saisi à l'administration qui a mené l'enquête ou, en cas de déclaration d'innocence, décider de procéder à la restitution et à l'indemnisation du propriétaire ;

- les textes nécessaires seront adoptés dans le but d'autoriser sous contrôle judiciaire l'emploi des techniques les plus modernes indispensables à l'interception des messages et à la mise en place de dispositifs de surveillance élaborés rendus nécessaires en raison du recours de plus en plus systématique des délinquants aux possibilités de brouillage de leurs échanges ou au camouflage de leurs rencontres ;

- la législation actuelle relative à l'acquisition et à la détention d'armes, souvent obscure et ancienne, sera actualisée ;

- il sera proposé par le Gouvernement de créer une circonstance aggravant la sanction pénale encourue chaque fois qu'une infraction sera commise sous l'effet de l'alcool ou de produits stupéfiants.

B. UNE NOUVELLE ARCHITECTURE POUR LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE

La première partie de l'annexe I fixe la nouvelle architecture de la sécurité intérieure : elle précise les missions du Conseil de sécurité intérieure, du ministre chargé de la sécurité intérieure, des conférences départementales de sécurité, des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, des offices centraux de police judiciaire et des groupes d'intervention régionaux.

Par ailleurs, l'annexe I propose une réforme de la doctrine d'emploi des forces :

- les forces mobiles (compagnies républicaines de sécurité -CRS- et escadrons de gendarmerie mobile) seront déployées en appui des missions de sécurité quotidienne dans leurs régions d'implantation ;

- une répartition plus rationnelle entre les zones de police et de gendarmerie sera recherchée par le biais d'échanges compensés, chaque force devant s'organiser pour prendre effectivement en charge les missions de sécurité publique dans l'ensemble de la zone de responsabilité qui lui sera confiée. S'agissant de la gendarmerie, le maillage territorial pourra faire l'objet d'adaptations locales afin d'optimiser l'offre de sécurité au regard de l'évolution de la démographie et de la délinquance. Enfin, l'organisation sera développée autour du concept de communautés de brigades (soit le regroupement sous un commandement unique de deux ou trois unités) afin de mieux mutualiser les moyens existants. Il convient de souligner que cette réforme se fera dans un contexte global de croissance des effectifs ;

- les forces de police et de gendarmerie seront déchargées d'une partie de leurs tâches administratives et techniques qui seront confiées à des agents relevant d'autres statuts, afin qu'elles se consacrent à leurs métiers. Ainsi, les tâches techniques telles que l'entretien du parc automobile seront, à chaque fois que possible, transférées au secteur privé, et les gardes statiques seront réduites au minimum et remplacées par le recours à l'externalisation et aux moyens techniques de surveillance. Enfin, une réflexion sera lancée sur les moyens de transférer à l'administration pénitentiaire la charge des extractions et transfèrements de détenus, sur la possibilité de développer les audiences foraines, ainsi que la surveillance des détenus hospitalisés.

L'annexe I prévoit également la consolidation de la police de proximité et le développement des capacités d'action de la police nationale et de la gendarmerie nationale dans le domaine judiciaire.

Ce dernier objectif sera réalisé grâce à l'augmentation du nombre d'agents ayant la qualification d'officiers de police judiciaire et la revalorisation de cette compétence. La compétence territoriale des officiers de police judiciaire sera également étendue à l'ensemble du département dans lequel ils exercent leurs attributions, voire à la zone de défense pour certains agents et militaires spécialisés. Enfin, l'exercice permanent des attributions d'agent de police judiciaire sera redonné aux gendarmes mobiles et aux CRS pour valoriser leur emploi dans les missions de sécurisation.

Les moyens de la police technique et scientifique seront renforcés et améliorés, grâce à l'utilisation, l'alimentation et le rapprochement des grands fichiers tels que le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG). Par ailleurs, les grands fichiers de police criminelle de la police et de la gendarmerie nationale (STIC, JUDEX) seront rapprochés, et une mise en réseau des informations détenues par la police, la gendarmerie et les douanes sera organisée en matière de stupéfiants. A terme, « tous les agents de la sécurité intérieure habilités devront avoir accès à toutes les bases documentaires de recherches criminelles liées à la sécurité intérieure ».

L'organisation administrative des services sera modernisée. En particulier, des dispositions permettront à la police nationale et à la gendarmerie de mettre en commun des moyens (fonctions logistiques, actions de formation, de recherche et d'information) afin de bénéficier des gains d'efficacité liés notamment aux économies d'échelle.

Enfin, d'autres axes sont évoqués :

- le développement de la coopération européenne et internationale en matière de sécurité intérieure, s'agissant notamment du terrorisme, du crime organisé, du blanchiment d'argent ou des filières criminelles qui exploitent les candidats à l'immigration clandestine ;

- la création d'une réserve civile de la police permettant de rappeler, pendant les cinq années suivant leur départ à la retraite, et si les circonstances l'exigent, les fonctionnaires actifs de la police nationale pour renforcer les forces de sécurité intérieure en activité ;

- le développement de l'accompagnement social au sein de la police et de la gendarmerie, en tenant davantage compte de la pénibilité des métiers et des personnels exerçant leur fonction dans les zones sensibles ;

- la lutte contre l'insécurité routière, en incitant notamment les gestionnaires publics et privés du réseau routier à implanter de manière permanente des équipements de constatation automatique des infractions ;

- le développement des actions de prévention, en particulier en milieu scolaire et dans le cadre des partenariats initiés par les contrats locaux de sécurité.

II. LES PRÉCISIONS RÉDACTIONNELLES APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

La discussion du présent article à l'Assemblée nationale a donné lieu au dépôt et à l'adoption de très nombreux amendements, dont la plupart visaient à introduire des dispositions nouvelles dans l'annexe I du présent projet de loi, dont il convient de rappeler qu'ils n'ont pas de portée normative. Votre rapporteur pour avis retrace les principaux amendements, sans évoquer ceux dont la portée est essentiellement rédactionnelle.

Sur l'initiative de notre collègue député M. Jean-Pierre Blazy, l'Assemblée nationale a adopté, avec un avis favorable du gouvernement, un amendement visant à créer un statut de la victime . Il précise que les forces de sécurité « doivent s'acquitter de leur devoir de conseil en adressant les victimes à l'organisation appropriée ou à la maison de justice et du droit la plus proche ; ils doivent en outre être en mesure de recueillir avec soin à tout moment les plaintes des victimes ».

Sur l'initiative de notre collègue député M. Rudy Salles, l'Assemblée nationale a adopté, avec un avis favorable du gouvernement, un amendement tendant à prévoir que les conférences départementales de sécurité publient une fois par an un rapport faisant état de la situation de la sécurité dans le département, communiqué pour information aux parlementaires, au président du conseil général et aux maires du département.

Elle a ensuite adopté un amendement du gouvernement tendant à prévoir une plus grande implication des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance dans les politiques locales de prévention et une évaluation de celles-ci.

Sur l'initiative de notre collègue députée Mme Christine Boutin, l'Assemblée nationale a adopté, avec un avis favorable du gouvernement, un amendement visant à faire prendre en charge par les groupes d'intervention régionaux les délits commis par les gens du voyage lorsque ces délits justifient l'intervention de plusieurs administrations et notamment, l'administration fiscale. Elle a également adopté un amendement prévoyant que les « maires et leurs services exercent leurs fonction dans un cadre qui organise la complémentarité avec les services de l'Etat ».

L'Assemblée nationale a également adopté, sur proposition de notre collègue député M. Christian Estrosi, rapporteur de la commission des lois, un amendement tendant à renforcer le champ d'action des polices municipales .

A l'initiative de notre collègue député M. Jean-Christophe Lagarde, elle a adopté, avec un avis favorable du gouvernement, un amendement visant à réduire le délai d'inscription des condamnations sur les fichiers. Elle a ensuite adopté un autre amendement du même auteur précisant que « les effectifs de sécurité publique doivent être organisés et répartis de façon à correspondre aux zones et aux heures de délinquance ».

S'agissant de la deuxième partie de l'annexe I portant sur les moyens juridiques nouveaux de la sécurité intérieure, l'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par notre collègue député M. Jean-Christophe Lagarde précisant que la protection des personnels soit assurée plus efficacement et en toute circonstance, notamment lorsque des agents doivent assurer la garde de détenus présentant un caractère particulier de dangerosité.

Elle a adopté un amendement proposé par notre collègue député M. Thierry Mariani indiquant que les moyens consacrés à l'exécution et au suivi des mesures de reconduite à la frontière seront renforcés.

Sur l'initiative de notre collègue député M. Guy Geoffroy, l'Assemblée nationale a adopté, avec un avis favorable du gouvernement, un amendement précisant les dispositions devant être prises afin de lutter contre la violence en milieu scolaire .

L'Assemblée nationale a ensuite adopté, avec un avis favorable du gouvernement, un amendement présenté par notre collègue député M. Jean-Christophe Lagarde, prônant le développement des centres d'accueil pour protéger les femmes victimes de violences conjugales ainsi que leurs enfants.

Elle a adopté, avec un avis favorable du gouvernement, deux amendements présentés par notre collègue député M. Thierry Mariani, précisant que les auteurs de racolage et les individus coupables d'organiser ou de participer à l'organisation de trafics de drogue feront l'objet de mesures systématiques d'éloignement et d'un retrait définitif de tout titre de séjour lorsqu'ils sont de nationalité étrangère.

Sur l'initiative de notre collègue député M. Alain Joyandet, rappporteur pour avis de sa commission des finances, l'Assemblée nationale a adopté, avec un avis favorable du gouvernement, un amendement prévoyant le renforcement des sanctions en matière d'occupation illégale d'une propriété par les gens du voyage, qui pourront inclure la confiscation de leurs véhicules.

Enfin, sur l'initiative de notre collègue député M. Marc le Fur, l'Assemblée nationale a adopté, avec un avis favorable du gouvernement, un amendement indiquant que le gouvernement se fixera pour objectif de prévenir les nuisances liées aux « rave parties » en utilisant tous les moyens que lui offre l'arsenal légal. En particulier, un régime de déclaration préalable permettrait d'exiger une remise en état des lieux ou une indemnisation en cas de dégâts causés à la propriété.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Votre rapporteur pour avis soutient fermement la volonté forte exprimée par le gouvernement pour rétablir la sécurité et l'Etat de droit sur l'ensemble du territoire national, et se félicite que les mesures ainsi proposées s'attaquent à l'ensemble des problèmes que rencontre aujourd'hui notre pays.

L'analyse au fond des dispositions prévues par le présent article est effectuée dans le cadre de la première partie de l'exposé général.

Décision de la commission : votre commission émet un avis favorable à cet article.

ARTICLE 2

Crédits prévus au titre de la programmation

Commentaire : le présent article fixe à 5,6 milliards d'euros le montant global des crédits supplémentaires prévus pour la sécurité intérieure sur la période 2003-2007, prévoit que 13 500 emplois seront créés dans la police nationale et la gendarmerie nationale au cours de cette période et porte approbation du contenu de l'annexe II détaillant la programmation de ces moyens nouveaux.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ ET SA PORTÉE

Le premier alinéa du présent article porte approbation du contenu de la programmation des moyens de la sécurité intérieure pour les années 2003-2007 figurant à l'annexe II, dont on peut rappeler qu'elle a valeur législative et vient en discussion dans le cadre de l'examen du présent article, même si elle n'a pas de portée juridique.

La formule d'approbation proposée est traditionnelle et est utilisée dans toutes les lois de programmation.

Cette programmation est présentée de manière détaillée dans le cadre de la seconde partie de l'exposé général.

Les alinéas 2 à 4 du présent article fixent à 5,6 milliards d'euros le montant global des crédits supplémentaires prévus sur la période 2003-2007 pour l'exécution de cette programmation et prévoient que 13 500 emplois seront créés dans la police nationale et la gendarmerie nationale au cours de cette même période.

L'analyse de ces dotations et de ces créations d'emplois est également effectuée dans le cadre du chapitre II de l'exposé général.

Il convient de préciser que le principe à valeur constitutionnelle de l'annualité budgétaire 25 ( * ) retire toute portée normative à un article fixant les crédits nécessaires à une programmation pluriannuelle de moyens.

Comme le rappelle l'étude d'impact du présent projet de loi, les dispositions du présent article et de l'annexe II, comme celles de l'article 1 er et de l'annexe I, n'ont donc en elles-mêmes « pas d'impact sur l'ordre juridique ».

Cependant, contrairement aux deux précédentes lois de programmation quinquennale en la matière, à savoir à la loi du 7 août 1985 relative à la modernisation de la police nationale et la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, l'horizon de le présente loi de programmation coïncide avec celui de la législature.

Les engagements financiers inscrits dans le présent article et détaillés dans l'annexe II présentent donc une portée politique forte, d'autant plus que nos concitoyens pourront juger de la réalité des moyens effectivement alloués à la sécurité intérieure grâce au dispositif d'évaluation proposé par l'article 5 du présent projet de loi.

II. LES PRÉCISIONS RÉDACTIONNELLES APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Les crédits prévus pour l'exécution de la programmation proposée par la présente loi pour les cinq prochaines années sont des crédits supplémentaires. Il importait donc de définir avec la précision la base de référence .

Or la référence initialement proposée par le gouvernement n'était pas satisfaisante.

En effet, le second alinéa du présent article était initialement rédigé comme suit : « Les crédits prévus pour l'exécution de la programmation prévue par la présente loi sont fixés à 5,6 milliards d'euros sur cinq ans . Ils couvrent le coût des créations d'emplois et des programmes d'équipement de la police nationale et de la gendarmerie nationale, les mesures relatives à la situation des personnels et les mesures urgentes prises pour rétablir la capacité opérationnelle des forces. Ils s'ajoutent à la reconduction annuelle des moyens ouverts en 2002, à l'évolution du point de la fonction publique et aux effets du glissement-vieillesse-technicité sur le coût des rémunérations ».

Cependant, le terme de « moyens ouverts en 2002 » pouvait a priori recouvrer non seulement les crédits ouverts par la loi de finances initiale pour 2002, mais aussi ceux ouverts par les lois de finances rectificatives pour 2002, voire les crédits ouverts par des lois de finances antérieures à 2001 et reportés en 2002 par des mesures réglementaires, ainsi que ceux issus de fonds de concours.

A l'initiative de notre collègue député M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis au nom de sa commission des finances, l'Assemblée nationale a donc fort opportunément adopté un amendement substituant aux termes de « moyens ouverts en 2002 » celui de « crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2002 ».

Pour des raisons identiques, elle a également adopté un autre amendement de sa commission des finances tendant à remplacer la phrase « Les crédits prévus pour l'exécution de la programmation prévue par la présente loi sont fixés à 5,6 milliards d'euros sur cinq ans » par la phrase « Les crédits nécessaires à l'exécution de la programmation de la présente loi, qui seront ouverts par les lois de finances entre 2003 et 2007, sont fixés à 5,6 milliards d'euros . ».

Par ailleurs, le gouvernement entendait que l'enveloppe de crédits supplémentaires prévue par la présente programmation pour la rémunération des personnels n'intègre que les conséquences des mesures catégorielles prises au niveau du ministère de la sécurité intérieure, et non pas celles de mesures générales.

Or, comme le souligne dans son rapport notre collègue député M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale, « la référence à la seule évolution du point de la fonction publique... n'épuise pas la notion de mesures générales [puisque] celles-ci peuvent comporter l'attribution, hiérarchisée ou non, de points d'indice à tout ou partie des agents ».

En outre la notion de glissement-vieillesse-technicité  ne figure à ce jour dans aucun texte législatif et réglementaire, et n'apparaît pas dans les bleus budgétaires.

En conséquence, l'Assemblée nationale a remplacé, à l'initiative de sa commission des finances, les termes « [ces crédits] s'ajoutent à la reconduction annuelle des moyens ouverts en 2002, à l'évolution du point de la fonction publique et aux effets du glissement-vieillesse-technicité sur le coût des rémunérations » par les mots, davantage conformes à la terminologie des bleus budgétaires, « [ces crédits s'ajouteront] à ceux nécessaires pour faire face aux conséquences sur le coût des rémunérations, des mesures générales d'augmentation et des ajustements pour tenir compte de la situation réelle des personnels ».

Au total, pour apprécier la mise en oeuvre de la présente programmation, il conviendra donc de rapporter les crédits ouverts entre 2003 et 2007 par les lois de finances pour chaque année à ceux ouverts par la loi de finances initiale pour 2002, à l'exclusion notamment des crédits supplémentaires demandés pour la police nationale et pour la gendarmerie nationale dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2002 actuellement en discussion et déduction faite des conséquences sur les rémunérations des mesures générales d'augmentation (notamment les mesures de revalorisation du point de la fonction publique) ainsi que des ajustements techniques pour tenir compte de la situation réelle des personnels.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

L'analyse au fond des crédits prévus par le présent article est effectuée dans le cadre du chapitre II de l'exposé général.

Afin de faciliter l'évaluation ultérieure du respect de la programmation proposée, il convient toutefois d'apporter des précisions complémentaires relatives à la rédaction du présent article et de l'annexe II.

En premier lieu, le présent article propose de rapporter aux crédits ouverts par la loi de finances initiale pour 2002 les crédits « ouverts par les lois de finances » entre 2003 et 2007. Or, aux termes de l'article 2 de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 (en vigueur jusqu'au 31 décembre 2004), comme de l'article 1 er de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 (en vigueur à partir du 1 er janvier 2005), ont le caractère de lois de finances d'une année non seulement la loi de finances initiale et les lois de finances rectificatives, mais aussi la loi de règlement, cette dernière pouvant « ouvrir » des crédits en vertu des articles 7 et 37 de ces mêmes textes.

En conséquence, il conviendra d'attendre chaque année la loi de règlement pour apprécier réellement le respect des engagements financiers inscrits dans le présent projet de loi de programmation.

En second lieu, selon les informations transmises à votre rapporteur, les montants inscrits dans le présent article et dans l'annexe II sont exprimés sont euros courants et non pas en euros constants, ce qui tend à faciliter l'évaluation de la mise en oeuvre de la programmation proposée, mais à réduire les montants réels en jeu.

Il convient également de préciser que l'évaluation des crédits supplémentaires ouverts pour la police nationale et pour la gendarmerie nationale ne saurait procéder du seul examen des évolutions des agrégats « police nationale » du budget de la sécurité et « gendarmerie nationale » du budget de la défense ou des programmes qu'ils préfigurent. En effet :

- il ressort des informations transmises à votre rapporteur que les crédits pris en compte pour la base de référence comme pour les années 2003-2007 comprennent également les crédits relatifs à la rémunération des adjoints de sécurité inscrits en loi de finances initiale dans le budget du ministère de l'emploi et de la solidarité et transférés en exécution au budget de la sécurité ;

- en outre, certains crédits supplémentaires destinés aux fonctions support de l'activité de la police nationale pourraient être retracés dans d'autres agrégats du budget de la sécurité, notamment l'agrégat « administration générale » ;

- inversement, les crédits supplémentaires prévus par le présent projet de loi de programmation pour la gendarmerie nationale sont ceux destinés à l'exercice de ses missions civiles. Devraient ainsi s'y ajouter dans le cadre de la loi de programmation militaire en cours de préparation des crédits supplémentaires destinés à l'exercice de ses missions militaires.

Quoi qu'il en soit, s'agissant des crédits d'investissement votre rapporteur regrette que le présent article et l'annexe II ne proposent de programmation que pour les crédits de paiement et non pas pour les autorisations de programme, contrairement à l'article 2 et à l'annexe du projet de loi d'orientation et de programmation pour la Justice.

Enfin, il convient de souligner que la programmation proposée par le présent projet de loi ne détaille pas la répartition année par année sur la période 2003-2007 des crédits supplémentaires prévus.

Votre rapporteur considère qu'il s'agit là d'un élément de souplesse appréciable car il permettra d'optimiser la répartition annuelle des crédits supplémentaires en fonction de l'avancement concret des différents projets annoncés dans le présent projet de loi : répartir à l'avance sur cinq ans des crédits de paiement pour des projets immobiliers risquerait ainsi de conduire à reporter des crédits qui auraient pu être plus efficacement employés par ailleurs

Décision de la commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission émet un avis favorable à cet article.

ARTICLE 3

Assouplissement des règles relatives à la gestion immobilière

Commentaire : le présent article introduit plusieurs mécanismes visant à assouplir et à moderniser les règles relatives à la gestion immobilière de la police et de la gendarmerie nationales, afin d'accélérer les constructions prévues par le présent projet de loi.

I. LE DISPOSITIF ACTUEL

Les règles actuellement en vigueur pour la constructions de projets immobiliers destinés à la police nationale et à la gendarmerie nationale sont rigides et inadaptées, ce qui entraîne des délais très importants entre le moment où une nouvelle construction est décidée et celui ou le bâtiment est opérationnel. Lors de la discussion générale du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, le 16 juillet, notre collègue député M. Julien Dray estimait que « ces constructions prennent des allures kafkaïennes, tant les projets s'enlisent. En 1993, Mme Simone Veil annonçait la création d'un commissariat de police à Grigny, dans ma circonscription. Il a été officiellement inauguré en juin dernier, neuf ans plus tard ! ».

Or, les besoins en matière de rénovation et de construction immobiliers sont considérables. Le patrimoine immobilier de la seule police nationale représente en effet plus de 3 millions de mètres carrés, répartis sur plus de 2.800 sites. Or, seulement 234 de ces bâtiments ont moins de 10 ans, tandis que 1.433 d'entre eux ont entre 10 et 30 ans, et 1.083 plus de 30 ans.

Les besoins de construction de bâtiments neufs sont les plus importants dans les zones urbaines les plus sensibles et en région parisienne., où ils sont estimés à environ 300 millions d'euros pour les prochaines années, s'agissant de la seule police nationale.

Par ailleurs, la mise en place de la police de proximité nécessite la création de bureaux ou de postes supplémentaires. Ainsi, 618 implantations nouvelles ont déjà été créées, alors que la troisième vague de généralisation de la police de proximité se traduira par la création de 288 structures nouvelles (soit 54 bureaux et 234 points de contact).

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article introduit plusieurs mécanismes : la possibilité de passation d'un marché global pour la conception, la réalisation et l'aménagement des constructions (paragraphe I), la possibilité de recourir à une maîtrise d'ouvrage privée (1° du paragraphe II), au crédit-bail (2° des paragraphes II et III), aux baux emphytéotiques (1° du paragraphe I) et à la maîtrise d'ouvrage des collectivités locales (2° du paragraphe II).

Il s'agit donc d'une palette d'instruments nouveaux qui présentent une caractéristique commune, celle de rechercher l'accélération et la simplification des procédures existantes.

A. L'EXTENSION DE LA PROCÉDURE DE CONCEPTION-RÉALISATION À L'AMÉNAGEMENT, L'ENTRETIEN ET LA MAINTENANCE D'IMMEUBLES AFFECTÉS À LA POLICE ET A LA GENDARMERIE NATIONALES

Le I du présent article s'inspire des possibilités ouvertes au ministère de la Justice par la loi n° 87-432 du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire, qui avait permis au ministère de la Justice de construire des établissements pénitentiaires en passant des marchés globaux avec des acteurs publics et privés, portant sur la conception, la construction, l'aménagement et la maintenance du bâtiment.

Ce paragraphe autorise l'Etat à passer un marché public global portant à la fois sur la conception, l'aménagement et l'entretien d'immeubles affectés à la police et à la gendarmerie nationales en dérogeant aux articles 7 et 18 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée. On rappelle que :

- l'article 7 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 prévoit que, pour la réalisation d'un ouvrage, la mission de maîtrise d'oeuvre, qui peut être confiée à une personne privée ou à un groupement de personnes de droit privé, est distincte de celle d'entrepreneur. Cette disposition entraîne des délais de réalisation des projets immobiliers importants, compte tenu du découpage de l'opération immobilière en plusieurs phases distinctes (études puis travaux) et des procédures particulières de choix de maître d'oeuvre, puis des entreprises. C'est précisément la raison pour laquelle le présent article institue une dérogation créant une procédure de marché global couvrant la conception, la réalisation, et l'aménagement du bâtiment ;

- l'article 18 de la loi précitée prévoit la possibilité, pour un maître d'ouvrage, de confier, par contrat, à des acteurs privés, une mission portant à la fois sur l'établissement des études et l'exécution des travaux (conception-réalisation). Toutefois, cette possibilité demeure limitée, d'une part parce qu'elle s'applique à des opérations « dont la finalité majeure est une production dont le processus conditionne la conception, la réalisation et la mise en oeuvre » ou « dont les caractéristiques intrinsèques (dimensions exceptionnelles, difficultés techniques particulières) appellent une exécution dépendant des moyens et de la technicité des entreprises », d'autre part, parce qu'elle ne porte que sur la conception et la réalisation, alors que le ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales souhaite intégrer à la passation de marché l'aménagement, l'entretien et la maintenance des bâtiments concernés.

Le présent article prévoit donc que des marchés globaux puissent être passés, prenant en compte le fonctionnement, l'entretien et la maintenance des bâtiments, outre leur livraison. Le recours à de tels marchés permettra de prendre en compte les coûts d'entretien et de maintenance des bâtiments , dont votre rapporteur pour avis a rappelé qu'ils n'étaient actuellement ni analysés ni budgétés convenablement , ce qui entraîne une dégradation rapide des biens immobiliers. Cette procédure permettra donc de juger les projets immobiliers à l'aune de critères incluant l'impact des choix techniques de construction sur les charges futures d'entretien et de maintenance. L'investissement réalisé ne représente en effet qu'un tiers du coût global d'un bâtiment exploité pendant trente ans, le reste de la dépense correspondant aux charges d'entretien et de maintenance, compte tenu de l'utilisation intensive des bâtiments destinés à la police et à la gendarmerie nationales.

Enfin, dans le cas où le marché est divisé en plusieurs lots, l'article 10 du code des marchés publics impose aujourd'hui de dissocier le lot construction et le lot maintenance, donc de passer deux marchés distincts. Le paragraphe I du présent article prévoit une dérogation à cette disposition en mentionnant explicitement que les offres portant simultanément sur plusieurs lots pourront faire l'objet d'un jugement global. Par conséquent, l'administration pourra choisir ses co-contractants en tenant compte de l'équilibre économique sur longue période de l'ensemble du marché, et non pas lot par lot, comme c'est le cas actuellement.

Cependant, le paragraphe I du présent article précise, afin d'assurer la transparence des opérations, que ces marchés globaux ne pourront pas être passés lorsque l'immeuble est financé par location avec option d'achat précédée d'une autorisation temporaire d'occupation du domaine public, par crédit-bail, ou dans le cadre d'un bail emphytéotique conclu avec une collectivité territoriale.

B. LE RECOURS À LA MAÎTRISE D'OUVRAGE PRIVÉE

Le deuxième alinéa du présent article introduit une nouveauté dans le dispositif déjà utilisé de la location avec option d'achat, de manière à faciliter et à sécuriser le recours par l'Etat à la maîtrise d'ouvrage privée.

Il complète le code du domaine de l'Etat en insérant un article L. 34-3-1 modifiant les règles de prise à bail avec option d'achat par l'Etat de bâtiments à construire sur son domaine pour les besoins de la justice, de la police et de la gendarmerie nationales, par le titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public.

Il convient de rappeler que les articles L. 34-1 et suivants du code du domaine de l'Etat prévoient que le titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public a, sauf prescription contraire de son titre, un droit réel sur les ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier qu'il réalise pour l'exercice d'une activité autorisée par son titre, lui conférant ainsi, pour la durée de l'autorisation, les prérogatives et les obligations du propriétaire.

Le paragraphe II vise à surmonter les difficultés juridiques et opérationnelles rencontrées dans la mise en oeuvre des opérations conduites actuellement, en permettant d'inscrire dans la convention de bail une option d'achat qui, si elle est exercée par l'Etat, lui permettrait d'acquérir les installations édifiées avant le terme fixé par l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public. Un tel montage a d'ailleurs déjà été utilisé avec succès par le ministère de l'intérieur pour construire le centre de rétention administrative de Coquelles et la zone d'attente de l'aéroport de Roissy.

Afin de protéger au mieux les intérêts de l'Etat, le paragraphe II du présent article prévoit la publicité et la mise en concurrence des opérateurs privés, ce qui ne constitue pourtant pas une obligation dans le droit existant, la délivrance d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public assortie d'un bail de location ne constituant pas un marché public. Cependant, le gouvernement a souhaité inscrire cette obligation, de manière à assurer pleinement la transparence des procédures prévues par le présent article.

Enfin, il est précisé que le bail devra préserver les exigences du service public : continuité du service, exigences d'accessibilité particulières aux services de police et de gendarmerie notamment, dans des conditions qui seront fixées par un décret en Conseil d'Etat, qui déterminera également les modalités de fixation du bail et les condition de prise en compte de l'amortissement financier dans la détermination du loyer.

Ce dernier point vise à préserver la possibilité de fixer le loyer par référence au coût de l'opération, frais financiers inclus. En effet, les modalités de détermination des loyers , fixées par le service des domaines en référence au marché locatif, ne sont pas adaptées pour prendre à bail des bâtiments à construire sous maîtrise d'ouvrage privée, à la demande et sur préconisation de l'Etat, car elles ne permettent pas de prendre en compte la dimension financière globale des projets immobiliers . Ces modalités conduisent le maître d'ouvrage privé à optimiser le niveau des loyers supportés par l'administration durant la période précédant la date à laquelle le bail fixe la possibilité de lever l'option d'achat, car la valeur de rachat est également fixée par référence au prix du marché au moment où l'administration fait jouer son option. Par conséquent, ce mode de calcul permet à l'investisseur de réaliser une plus-value au détriment de l'administration.

Le paragraphe II du présent article insère enfin un article L. 34-7-1 dans le code du domaine de l'Etat afin d'autoriser le financement par crédit bail des constructions visées par la procédure de bail avec option d'achat. Cetnouvel article déroge donc à l'article L. 34-7 du même code, qui proscrit le recours au crédit-bail pour la réalisation d'ouvrages, de constructions et d'installations affectées à un service public et aménagés à cet effet ou affectés directement à l'usage du public. Des garanties sont par ailleurs apportées à cette procédure dérogatoire afin de préserver les exigences du service public.

C. L'INTERVENTION DES COLLECTIVITÉS LOCALES

Le paragraphe III du présent article vise à autoriser, plus largement que ce n'est le cas actuellement, les collectivités locales à construire, acquérir ou rénover des bâtiments affectés à la police et à la gendarmerie nationales, notamment par l'introduction d'un nouvel article L. 1311-4-1 dans le code général des collectivités territoriales.

L'Etat n'ayant plus les moyens financiers d'assurer la construction de bâtiments affectés à la police et à la gendarmerie nationales à un rythme suffisant, il souhaite donc mettre à contribution les collectivités locales selon une logique partenariale fondée sur leur volontariat .

Le 1° étend ainsi les conditions de recours au bail emphytéotique (consenti pour une durée de 18 à 99 ans) par les collectivités locales : l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales leur permet actuellement de passer un bail emphytéotique sur un bien immobilier leur appartenant en vue de l'accomplissement, pour son compte, d'une mission de service public ou en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général relevant de sa compétence. Le présent article étend jusqu'au 31 décembre 2007, soit le terme de la programmation fixée par le présent projet de loi, le recours à la formule du bail emphytéotique en vue de réaliser une opération immobilière liée aux besoins de la justice, de la police ou de la gendarmerie nationales.

Par ailleurs, le présent article insère dans le code général des collectivités territoriales un article L. 1311-4-1 qui autorise les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à réaliser, y compris sur leur domaine public, et jusqu'au 31 décembre 2007, soit le terme fixé par le présent projet de loi, des opérations immobilières relatives à des bâtiments affectés à l'usage de la police ou de la gendarmerie nationales.

Il est prévu qu'une convention passée entre l'Etat et la collectivité ou l'établissement propriétaire précise les engagements financiers des deux parties, le lieu d'implantation de la construction projetée, le programme technique de construction, la durée et les modalités de la mise à disposition de la construction. Il s'agit de s'assurer, par le biais de cette convention, que les biens immobiliers réalisés correspondront parfaitement aux besoins des forces de sécurité auxquelles ils sont destinés. Par ailleurs, cette convention permettra de s'assurer que les collectivités qui souhaitent utiliser cette nouvelle procédure disposent des moyens techniques et financiers nécessaires. Les constructions ainsi réalisées pourront faire l'objet d'un contrat de crédit-bail, qui devra comporter des clauses de nature à préserver les exigences de service public, dans les mêmes conditions que celles visées au paragraphe II du présent article.

Il convient de noter que cette disposition nouvelle ne remet pas en cause les procédures existantes en matière de construction par les collectivités locales suivies d'une location à l'Etat à titre onéreux, notamment pour les besoins de la gendarmerie nationale.

L'introduction de cette disposition s'inspire de celle prévue par l'article 18 de la loi du 4 juillet 1990 relative aux droits et aux obligations de l'Etat et des départements concernant les instituts universitaires de formation des maîtres, et à la maîtrise d'ouvrage de constructions d'établissements d'enseignement supérieur. Cet article permet à l'Etat de confier aux collectivités territoriales ou à leurs groupements la maîtrise d'ouvrage de constructions ou d'extension d'établissements d'enseignement supérieur relevant du ministère de l'éducation nationale ou de celui de l'agriculture. Une convention mentionnele lieu d'implantation des bâtiments à construire, le programme de construction ainsi que les engagements financiers des deux parties, qui ne peuvent cependant porter que sur des dépenses d'investissement. Dans le cas des établissements d'enseignement supérieur, les collectivités locales et les groupements qui utilisent cette possibilité bénéficient du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) au titre des dépenses engagées.

De même, le dernier paragraphe vise en l'espèce à inciter financièrement les collectivités territoriales à participer au programme de construction de bâtiments affectés à l'exercice des missions régaliennes de l'Etat. Il insère en effet un nouvel alinéa dans l'article L. 1615-7 du code général des collectivités territoriales accordant à ces collectivités le droit à attribution du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) pour les travaux prévus par le nouvel article L. 1311-4-1 du code général des collectivités territoriales, dès lors que les bâtiments ainsi édifiés sont ensuite mis à la disposition de l'Etat à titre gratuit.

Il s'agit donc de permettre aux constructions ou aux rénovations de bâtiments dont les travaux ont reçu un commencement d'exécution au plus tard le 31 décembre 2007, et appartenant à une collectivité territoriale ou à un groupement intercommunal, d'ouvrir droit à une attribution de FCTVA 26 ( * ) .

Il convient de souligner que les collectivités pourront continuer à utiliser les dispositifs existants, dans le cadre desquels elles mettent des bâtiments à la disposition de l'Etat moyennant le versement d'un loyer, ou pourront choisir d'utiliser cette nouvelle procédure, en fonction des projets et des investissements qu'elles souhaitent réaliser.

Le dispositif est d'ores et déjà largement utilisé pour la construction de bâtiments destinés à la gendarmerie nationale, l'Etat se montrant d'ailleurs un bien mauvais payeur, puisque la gendarmerie a accumulé les loyers impayés auprès des collectivités locales au cours des dernières années : la dotation des chapitres budgétaires servant à payer les loyers des casernes pris à bail étant systématiquement sous-évaluée, la dette de la gendarmerie à l'égard des collectivités locales s'est accrue année après année. Votre rapporteur pour avis se félicite donc de l'inscription, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2002, d'une disposition visant à permettre à la gendarmerie de verser aux collectivités territoriales l'accumulation de loyers impayés pour les biens immobiliers mis à sa disposition par ces dernières.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

L'appel aux collectivités locales est particulièrement de nature à accélérer la restructuration du patrimoine immobilier destinés aux forces de sécurité intérieure. Votre rapporteur pour avis rappelle que, dès 1998, une circulaire a invité les préfets à proposer aux collectivités de fournir gracieusement les terrains d'implantation des nouveaux sites. Par ailleurs, dans deux régions, l'Ile-de-France et Provence-Alpes-Côte-d'Azur, les collectivités régionales se sont déjà engagées à subventionner certains projets immobiliers définis en commun avec l'Etat.

Le présent article constitue également la reconnaissance implicite de l'incapacité de l'Etat à assumer son devoir de financement d'un service public régalien.

Votre rapporteur considère que cet aveu, pour cuisant qu'il soit, est nécessaire pour changer la situation, tant il a été frappé par l'état de délabrement de certains commissariats qu'il a visité, en tant que rapporteur spécial des crédits de la sécurité. Il déplorait d'ailleurs, dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2002, que celui-ci sacrife les crédits d'investissement du ministère de l'intérieur.

Aujourd'hui, le parc immobilier de nos forces de sécurité intérieure est dégradé, parce que les pouvoirs publics n'ont pas effectué les investissements nécessaires et n'ont pas assuré une maintenance suffisante des bâtiments existants. Face à cet état de fait, il convient d'être pragmatique et de proposer l'ensemble des solutions qui permettront, à l'avenir, d'assurer à nos forces de sécurité des conditions de travail satisfaisantes, et à l'ensemble des citoyens, des conditions d'accueil décentes. Votre rapporteur pour avis ne peut donc que se féliciter de la volonté exprimée par le ministère de l'intérieur de développer et d'améliorer le parc immobilier existant, en se concentrant sur les projets prioritaires (écoles de police, implantations en région parisienne notamment). Pour le reste, il souhaite que l'intervention des collectivités locales permette de pallier efficacement l'insuffisance des moyens de l'Etat.

Lors de la discussion générale du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, le 16 juillet, certains orateurs ont énoncé l'idée d'un transfert de la compétence de la construction des commissariats de police aux régions. Notre collègue député M. Julien Dray interrogeait ainsi le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales : « Pourquoi ne pas faire pour les commissariats de police ce que les premières lois de décentralisation ont organisé pour les lycées ? N'avons nous pas démontré notre compétence en Ile-de-France, par le biais d'une convention signée par votre ministère et notre région? Je suis surpris que la fibre décentralisatrice du chef du gouvernement n'ait pas trouvé là l'occasion de se manifester. Vous proposez un système à géométrie variable : ici, une maîtrise d'ouvrage privée; là, celle d'une collectivité locale (...) ».

Votre rapporteur pour avis se réjouit de ce que certaines collectivités régionales souhaitent s'impliquer fortement, sur une base conventionnelle et négociée, dans la construction de nouveaux commissariats. Il considère en revanche que l'idée d'un transfert de compétence doit être étudiée avec attention, s'agissant ici d'une compétence régalienne de l'Etat.

Or, le présent article, s'il peut conduire à transférer des charges incombant à l'Etat vers les collectivités locales, ne constitue en aucun cas un transfert de compétence, il ne constitue qu'une faculté ouverte aux collectivités locales qui en émettraient le souhait.

Décision de la commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission émet un avis favorable à cet article.

ARTICLE 4

Prolongation d'activité de certains militaires de la gendarmerie

Commentaire : le présent article tend à permettre à certains militaires de la gendarmerie, dont la limite d'âge est fixée à 55 ans, de prolonger leur activité d'un an s'ils en font la demande expresse et sous la double condition de leur aptitude physique et de l'intérêt du service.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le premier alinéa du présent article tend à permettre à certains militaires de la gendarmerie atteignant la limite d'âge de leur grade d'être maintenus en position d'activité pendant une année supplémentaire s'ils en font la demande, et sous réserve de leur aptitude physique et de l'intérêt du service.

Cette disposition bénéficierait aux grades assortis de la limite d'âge statutaire la plus basse (55 ans) aux termes de la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires, c'est à dire les sous officiers des grades de gendarme, maréchal des logis-chef, adjudant et adjudant-chef, ainsi qu'aux officiers du grade de capitaine, à l'exclusion donc des majors et des officiers au delà du grade de capitaine.

La première phrase du second alinéa du présent article prévoit la prise en compte de cette prolongation d'activité pour la liquidation de la pension, par dérogation aux articles L. 10 et L. 26 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite, qui disposent respectivement que les services accomplis postérieurement à la limite d'âge ne peuvent être pris en compte dans une pension et que le maintien en fonction d'un fonctionnaire dans l'intérêt du service ne donne pas droit à un supplément de liquidation.

Dans un souci d'équité vis-à-vis des personnels qui ne seraient pas admis au bénéfice de ces dispositions, cet avantage est toutefois tempéré par la dernière phrase du même alinéa, qui prévoit que la bonification dite « du cinquième » prévue par l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires serait réduite à due concurrence de la durée des services accomplis au delà de la limite d'âge.

Concrètement, pour un militaire de la gendarmerie de l'un des grades concernés en activité depuis 25 ans lorsqu'il atteint 55 ans :

- s'il part en retraite à 55 ans, sa pension sera calculée sur la base de 25 années d'activité + 5 années de bonification ;

- s'il prolonge son activité d'un an, sa pension sera calculée sur la base de 25 + 1 années d'activité + 5 - 1 années de bonifications, soit toujours 30 années. Cependant, il aura poursuivi sa carrière une année supplémentaire, notamment sur les plans indiciaire et indemnitaire  : ses droits à pension pourront donc être plus élevés, puisqu'ils sont calculés dans la fonction publique sur la base des traitements des six derniers mois d'activité.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Le présent dispositif s'inspire des mesures analogues concernant les personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire et les fonctionnaires des services actifs de la police nationale instituées par l'article 88 de la de finances rectificative pour 2001, dont la portée et les objectifs étaient toutefois un peu différents.

En effet le dispositif prévu par l'article 88 de la loi de finances rectificative pour 2001 permettait aux personnels intéressés d'être maintenus en activité jusqu'à leur soixantième anniversaire. Ce dispositif avait principalement pour objectifs :

- d'une part, de répondre à la situation particulière issue des personnels de surveillance entrés tardivement dans l'administration pénitentiaire qui, en vertu de l'article 24 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 abaissant leur limite d'âge de 60 ans à 55 ans, auraient du prendre leur retraite à 55 ans avec des pensions à taux faible sans pouvoir faire valoir leurs droits à pension acquis dans le secteur privé puisqu'ils n'avaient pas encore 60 ans ;

- d'autre part, de permettre à des personnels des services actifs de la police nationale de se rapprocher du nombre d'annuités - 37,5 en vertu de l'article L. 14 du code des pensions civiles et militaires - leur permettant de bénéficier d'un droit à pension intégral.

En revanche, le dispositif proposé par le présent article a surtout pour objectif de freiner les départs en retraite et de lisser les besoins de recrutement : selon les estimations transmises à votre rapporteur, 20 à 30 % des effectifs concernés, soit 200 à 300 fonctionnaires chaque année pourraient solliciter et obtenir leur maintien en service pour année supplémentaire, ce qui réduirait d'autant les besoins de recrutement.

Le présent dispositif est ainsi « gagnant -gagnant » :

- d'un côté, il permet à la gendarmerie d'accroître ses effectifs sans délais. En outre, il lui permet de conserver une année supplémentaire les compétences spécifiques de fonctionnaires expérimentés souhaitant prolonger leur activité. Enfin, il pourrait réduire le nombre d'emplois vacants dans les brigades. Le tout pour un coût budgétaire actualisé sans doute négligeable, même s'il demeure difficile à apprécier compte tenu du nombre de facteurs à prendre en compte (le dispositif se traduit à court terme par une réduction du nombre de pensionnés, mais par une accélération du glissement vieillesse-technicité car les personnels en activité sont en moyenne plus expérimentés donc mieux rémunérés ; à moyen terme par une augmentation du montant moyen des pensions servies, mais par une baisse de leur durée) ;

- de l'autre, il permet à des militaires de la gendarmerie de prolonger leur activité d'un an, donc de conserver le bénéfice de leur logement de fonction, en accroissant le montant ultérieur de leur pension.

Au total, votre rapporteur ne peut être que favorable à la mise en oeuvre de la mesure proposée, qui s'inscrit dans le contexte plus général d'une aspiration croissante à des transitions activité-retraite plus souples et dans la ligne des orientations exposées par M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, lors de la déclaration de politique générale du gouvernement, consistant à assurer la « liberté des choix » et à permettre à ceux qui le souhaitent de prolonger leur activité et d'augmenter leurs droits à pension.

Il conviendra d'ailleurs que le dispositif d'évaluation de la présente loi s'attache à en apprécier précisément l'impact financier et opérationnel, afin que cette mesure puisse être étendue si ses effets en apparaissaient particulièrement favorables.

Décision de la commission : votre commission émet un avis favorable à cet article.

ARTICLE 5

Evaluation de l'exécution de la présente loi et des résultats de la police nationale et de la gendarmerie nationale au regard des objectifs qui leur sont assignés

Commentaire : le présent article tend à prévoir le dépôt par le gouvernement d'un rapport annuel sur l'exécution de la présente loi, à anticiper pour la police nationale et la gendarmerie nationale l'entrée en vigueur des dispositions de la loi organique du 1 er août 2001 relatives à la définition d'objectifs de performance, enfin, à prévoir que les résultats obtenus par la police nationale et la gendarmerie nationale au regard de ces objectifs seront évalués chaque année par une instance extérieure.

I. LE DISPOSITIF INITIALEMENT PROPOSÉ PAR LE GOUVERNEMENT

L'article 5 figurant dans le projet de loi déposé par le Gouvernement sur le bureau de l'Assemblée nationale disposait que « l'application de la présente loi fera l'objet d'une évaluation annuelle par une instance extérieure aux services concernés permettant de mesurer les résultats obtenus par la police et la gendarmerie nationales et de les rapporter aux moyens engagés ». Il constituait donc un engagement moral du gouvernement à évaluer les résultats de la politique annoncée par le présent projet de loi. Le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a d'ailleurs répété à de nombreuses reprises qu'il savait qu'il serait jugé sur ses résultats.

Votre rapporteur pour avis considérait que l'introduction d'un tel article dans un projet de loi d'orientation et de programmation était bienvenue , mais que les modalités d'une telle évaluation se devaient d'être précisées. Or, la rédaction du présent article dans le projet de loi initialement présenté par le Gouvernement était, de ce point de vue, floue, donnant l'impression qu'il s'agissait de garantir une mise en oeuvre effective des dispositions de la présente loi, sans qu'une véritable réflexion sur les objectifs, les indicateurs, les moyens et les procédures soit engagée. En outre, cette rédaction paraissait excessivement timide au regard des objectifs fixés par la nouvelle loi organique relative aux lois de finances n° 2001-692 du 1 er août 2001.

Pourtant, lors de la discussion générale du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, le 16 juillet, le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a indiqué qu'il « a proposé aux forces de l'ordre de faire leur la culture des résultats, fondé sur des indicateurs précis. Les moyens importants que nous mobilisons doivent avoir pour contrepartie l'engagement sans faille de chaque fonctionnaire. Dans cet esprit, nous allons publier mensuellement les chiffres de la délinquance. Ces résultats nationaux seront répartis par département ; chaque élu saura ainsi ce qu'il en est. Toutes ces mesures signent une révolution des mentalités, que les policiers et les gendarmes ont parfaitement intégrée. Nous sommes au service des Français, nous leur rendons des comptes et nous serons jugés sur nos performances. Cela me paraît être la définition même du service public, justement parce qu'il est au service du public - on l'a trop souvent oublié par le passé ».

Par ailleurs, plusieurs passages de l'annexe I du présent projet de loi reprennent ce souhait. Ainsi, il est indiqué dans la première partie de cette annexe qu' « une politique de gestion par objectifs sera instaurée. Les résultats obtenus en matière de lutte contre l'insécurité seront régulièrement évalués et comparés aux objectifs fixés. Les responsables locaux de police et de gendarmerie rendront compte de ces résultats, chacun pour ce qui les concerne, et il en sera tenu compte dans leur déroulement de carrière ». Plus loin, il est indiqué que : « des pouvoirs de gestion accrus seront transférés aux gestionnaires déconcentrés, soit à titre expérimental, soit à titre définitif. Ils s'appuieront, notamment, sur une plus grande globalisation des moyens. Par exemple, pour la police nationale, les achats de véhicules légers pourront être intégrés dans la dotation globale déconcentrée des services et, au moins dans certains départements, l'affectation des effectifs au sein du département pourra être effectuée par le Préfet.

Ces nouveaux pouvoirs de gestion s'accompagneront d'une responsabilisation accrue des gestionnaires : à ce titre, le dialogue de gestion sera rénové entre le niveau central et les niveaux déconcentrés, et des outils de contrôle de gestion seront mis en place. La déconcentration de gestion déjà entreprise au sein de la gendarmerie nationale sera développée.

Dans les deux services l'accent sera mis sur un management des ressources humaines qui engage fortement la hiérarchie, en permettant la participation des agents à la détermination des objectifs comme aux méthodes de travail ».

Plusieurs aspects de la réforme de l'Etat et de l'administration qui seront impulsés par la loi organique sont donc mentionnés dans les annexes au présent projet de loi : globalisation des crédits, déconcentration de leur gestion, responsabilisation accrue des gestionnaires, culture de performance... Votre rapporteur pour avis souhaite qu'ils se traduisent effectivement dans les pratiques quotidiennes de gestion des administrations concernées par le présent projet de loi.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Dans son rapport pour avis au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale, notre collègue député M. Alain Joyandet soulignait que « en tout état de cause, la rédaction retenue [pour cet article] n'apparaît pas satisfaisante. En effet, elle ne mentionne pas le Parlement comme destinataire privilégié des résultats de l'évaluation. C'est pourtant la logique profonde de la nouvelle loi organique. Par ailleurs, elle s'en tient à l'évaluation des résultats obtenus et ignore le suivi de la mise en oeuvre de la loi d'orientation et de programmation elle-même. Or, un tel contrôle du respect des engagements pris par le Gouvernement n'a pas la même finalité que l'évaluation des résultats obtenus telle qu'elle est prévue au présent article » 27 ( * ) .

A l'initiative de notre collègue député M. Alain Joyandet, et compte tenu des observations citées ci-dessus, l'Assemblée nationale a donc adopté un amendement procédant à une réécriture intégrale du présent article.

Le présent article, tel qu'il résulte de cet amendement, se réfère désormais explicitement à la nouvelle loi organique relative aux lois de finances. Il prévoit que le Gouvernement devra, jusqu'à l'entrée en vigueur de l'article 51 de la loi organique, présenter au Parlement des objectifs de performance assignés à la police nationale et à la gendarmerie nationale. Les résultats seront évalués chaque année par une instance extérieure aux services concernés et feront l'objet, jusqu'à l'entrée en vigueur de l'article 54 de la loi organique, d'une communication au Parlement à l'occasion de la présentation du projet de loi de règlement. Il s'agit donc d'anticiper la mise en oeuvre de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001, sans toutefois - cela va de soi - requérir dès aujourd'hui un degré de formalisme identique à celui prévu par celle-ci.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

A. UN DISPOSITIF INTÉRESSANT

Votre rapporteur pour avis s'associe pleinement au souhait de son homologue de la commission des finances de l'Assemblée nationale, M. Alain Joyandet. Il considère que l'effort budgétaire considérable annoncé par le présent projet de loi doit s'accompagner d'une plus grande attention portée aux procédures budgétaires, d'une évolution mettant en avant les résultats, la qualité du service rendu au citoyens et l'efficacité de la dépense réalisée.

Le chantier de la modernisation de la gestion du ministère de l'intérieur

Lors de son intervention dans la discussion générale du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, le 16 juillet, notre collègue député M. Julien Dray notait que « à la police de maintien de l'ordre correspondait une structure pyramidale, hiérarchisée et centralisée. La lutte contre l'insécurité quotidienne n'était pas sa priorité ; l'essentiel des moyens financiers n'était pas consacré à l'amélioration du traitement des gardiens de la paix. On comprend mieux pourquoi il faut dix ans pour construire un commissariat, pourquoi il n'existe aucune nomenclature des emplois et des affectations, pourquoi, pour la moindre dépense, il faut en référer à Paris. Si le mammouth a un frère, il se trouve au ministère de l'intérieur ».

Votre rapporteur pour avis juge que cette analyse ne tient pas, compte tenu des progrès effectués par le ministère de l'intérieur pour réformer ses procédures et sa gestion des crédits. Il rappelle que le ministère de l'intérieur a en effet été choisi comme ministère pilote pour la mise en oeuvre du projet informatique « ACCORD » visant à permettre la mise en oeuvre des dispositions comptables prévues par la loi organique relative aux lois de finances n° 2001-692 du 1 er août 2001. ACCORD renouvelle les systèmes comptables et rend notamment possible une ébauche de comptabilité analytique, ainsi qu'une comptabilité en droits constatés permettant de rattacher les charges et produits à l'exercice. Cet outil sera donc au coeur de la nouvelle comptabilité publique qu'inaugure la loi organique du 1 er août 2001.

Votre rapporteur pour avis remarque toutefois combien certains modes de gestion actuels soulignent a contrario l'impérieuse nécessité de mettre en oeuvre ces nouvelles dispositions comptables. Il en veut pour preuve les carences en matière d'entretien du patrimoine immobilier qui découlent du fait que ces crédits constituent de manière presque systématique la variable d'ajustement des budgets du ministère de l'intérieur. Or, la mise en oeuvre d'une comptabilité d'engagement ou patrimoniale permettrait de provisionner les sommes nécessaires à l'entretien du parc immobilier et d'évaluer l'éventuelle dépréciation des biens liée à un entretien et une maintenance insuffisants.

Par ailleurs, le ministère de l'intérieur mène, depuis 2000, une expérience de globalisation des crédits des préfectures qui semble donner pleinement satisfaction aux gestionnaires, aux personnels des services concernés, aux services chargés du contrôle de la dépense ainsi qu'aux parlementaires, dont votre rapporteur pour avis. Cette expérimentation s'inscrit pleinement dans la perspective de globalisation des crédits prévue par la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, et votre rapporteur pour avis ne peut qu'en encourager le développement.

La mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances impose la définition d'objectifs et d'indicateurs correspondant à chacun des programmes identifiés par le ministère. De ce point de vue, des progrès restent à faire. Dans son rapport sur les crédits consacrés à la sécurité dans le projet de loi de finances pour 2002, votre rapporteur pour avis indiquait 28 ( * ) ainsi que « la première partie de l'effort [du ministère de l'intérieur] devra porter sur les objectifs, tant ceux définis actuellement par le bleu budgétaire, brillent par leur aspect généraliste et fonctionnel et ne révèlent pas de choix particulier. Ensuite, et sans reprendre les remarques formulées à propos des différents agrégats sur les indicateurs figurant dans le bleu, il faudra s'attacher à affiner considérablement la réflexion sur les indicateurs de performance, sur l'organisation des services, sur la connaissance des coûts. La Cour des comptes le relevait d'ailleurs s'agissant de la police nationale : « la mise en rapport entre les coûts calculés analytiquement et les résultats des politiques publiques de sécurité demandera encore des progrès considérables pour correspondre aux enjeux d'un droit budgétaire renouvelé » 29 ( * ) » .

Votre rapporteur pour avis note toutefois que la définition d'indicateurs de performance est particulièrement délicate, s'agissant des forces de sécurité intérieure. Ainsi, le nombre de faits délictueux constatés sur une période donnée peut indiquer une hausse de la criminalité globale, mais également une meilleure efficacité des services de police, ce qui conduit à des conclusions radicalement différentes. Il souligne donc l'importance qu'il y a à définir, en accord avec le Parlement, une batterie d'indicateurs permettant d'évaluer le plus complètement possible la qualité de l'action des forces de sécurité et parallèlement, l'évolution de la délinquance dans notre pays .

Votre rapporteur pour avis relève aussi avec intérêt que la réunification sous une même tutelle opérationnelle de la police et de la gendarmerie nationales anticipe également, d'une certaine manière, l'entrée en vigueur de la loi organique. Il remarque en effet que, lors des travaux préparatoires de la loi organique relative aux lois de finances, le Sénat avait vaincu les réticences de l'Assemblée nationale comme du Gouvernement pour permettre que soient présentées des missions interministérielles, c'est à dire comprenant des programmes relevant de ministères distincts . Or, c'est précisément le cas de la police et de la gendarmerie, dont le rapprochement préfigure à l'évidence les missions interministérielles prévues par l'article 7 de la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001.

Votre rapporteur pour avis remarque enfin que la durée visée par le présent projet de loi implique que toutes les dispositions de la loi organique seront entrées en vigueur avant l'arrivée à son terme de la programmation prévue. Par conséquent, compte tenu de la nécessité profonde d'assurer une gestion efficace et transparente des crédits, et des expérimentations innovantes développées notamment par le ministère de l'intérieur, il se demande si le présent projet de loi n'était pas l'occasion d'aller plus loin encore, en assurant une plus grande fongibilité des crédits ainsi programmés. Une telle démarche aurait sans doute permis d'ancrer encore davantage la « culture de performance » que le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales appelle de ses voeux.

B. UN DISPOSITIF À COMPLÉTER

Votre rapporteur pour avis souhaite apporter trois précisions et un complément au dispositif d'évaluation adopté par l'Assemblée nationale.

En premier lieu, votre rapporteur pour avis souhaite que puissent être définies, au niveau local, des zones d'action prioritaire (ZAP) sur lesquelles se concentrerait l'action des forces de sécurité intérieure

En second lieu, il semble indispensable que la communication annuelle au Parlement des résultats obtenus par la police nationale et par la gendarmerie nationale, prévue par le second alinéa du présent article, s'appuie sur des enquêtes périodiques de « victimation » et sur des enquêtes régulières relatives à l'évolution du sentiment d'insécurité.

Apparues aux Etats-Unis dans les années 1960 et en France dans les années 1980, les enquêtes de victimation consistent à interroger un échantillon de la population sur les préjudices qu'elle dit avoir subis sur une période déterminée 30 ( * ) .

Ces enquêtes ne sauraient évidemment se substituer aux statistiques traditionnelles relatives à la délinquance : par construction, elles ne fournissent aucun renseignement sur les infractions sans victime directe, comme le trafic de drogue.

Elles en constituent toutefois un précieux complément, car elles permettent de connaître la proportion et les caractéristiques des personnes victimes d'infractions, ainsi que d'apprécier la propension des victimes à signaler ou non les faits qu'elles ont subis. En outre, elles peuvent appréhender des faits, comme les injures ou les menaces, qui concourent au développement d'un sentiment d'insécurité sans être pris en compte dans les statistiques de délinquance. Les travaux de la commission d'enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs ont d'ailleurs mis en lumière tout l'intérêt des enquêtes de victimation (cf. l'encadré ci-après).

Or la France a pris du retard dans la généralisation de cet outil et les résultats disponibles, en particulier ceux produits par l'INSEE, restent sous-exploités 31 ( * ) .

De l'intérêt des enquêtes de victimation

(Extrait de l'audition de M. André-Michel Ventre, secrétaire général du syndicat des commissaires et hauts fonctionnaires de la police nationale, par la commission d'enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs 32 ( * ) )

Je vous présente une photographie de ce que nous, policiers, constatons. Il n'est d'ailleurs pas interdit de penser que ce constat demeure - peut-être vais-je vous choquer - pour partie angélique. C'est ce à quoi nous pousse Sebastian Roché puisque, nous dit-il, nous ne connaissons qu'une très faible partie de la réalité de la délinquance des mineurs, car la majorité des mineurs délinquants nous échappent et échappent à notre attention. Sans chercher d'excuses, je ferai devant vous cette constatation : en cette matière comme en d'autres, la perception du réel est très difficile.

Petite digression à ce propos : c'est dans ce domaine que les outils d'investigation et d'évaluation nous sont les plus comptés et je voudrais vous suggérer de peser de toute votre autorité pour imposer à l'Etat l'utilisation d'une technique fort répandue dans les pays tant anglo-saxons que latins - l'Espagne en use, pour son plus grand bien, sans modération -, je veux parler des enquêtes de victimation. Ces formes de sondages permettent en effet d'appréhender, de manière peut-être pas très précise mais en tout cas suffisante, la réalité d'un problème et, surtout, de mesurer les évolutions.

C'est de la méthode plus que des résultats, dont nous supposions depuis longtemps la réalité, que je veux parler ici. Il faut sans cesse vérifier les données objectives d'un problème pour lui apporter une solution pertinente à l'aide de moyens nécessaires et efficaces. De ce point de vue, l'enquête de victimation est un excellent outil .

Un exemple concret nous est donné par les Etats-Unis, où le FBI conduit chaque année une enquête de victimation qui a pour vocation de compléter l'étude statistique des faits constatés. Les conclusions de l'enquête menée sur l'année 2000 sont remarquables, surtout pour nous Français. Elles remettent en effet en cause des lieux communs, des idées toutes faites et trop facilement répandues, par exemple sur les conséquences de la répression.

Cette enquête de victimation a montré que les populations et minorités ethniques dites stigmatisées par la répression sont au contraire celles que la répression rassure le plus. Ainsi, le FBI a relevé qu'en 2000 68 % des femmes noires dénonçaient les faits dont elles étaient victimes alors qu'elles n'étaient que 58 % en 1999 et moins de 50 % en 1998 à le faire, ce qui signifie qu'une action de répression menée sur le long terme accroît la confiance des populations défavorisées dans l'Etat.

Le Washington Post , rapportant les résultats de cette enquête de victimation, écrivait qu'un cercle vertueux, par opposition au cercle vicieux, avait été initié : les populations plus confiantes portent davantage plainte, ce qui donne à la police, qui a connaissance de plus de délits, les chances d'en élucider davantage, ce qui accroît le sentiment de confiance des populations dans son action, ce qui les encourage à toujours plus fréquemment porter plainte, et l'effet boule de neige se poursuit.

L'important est de mesurer les choses et de les appréhender. Faute de les avoir appréhendées dans le passé, nous avons souvent erré dans la recherche de solutions efficaces... »

De même, les enquêtes relatives au sentiment d'insécurité , qui consistent à apprécier auprès d'un échantillon de la population la proportion des personnes qui se sentent plus ou moins en sécurité en tel ou tel lieu, peuvent constituer un indicateur d'évaluation des politiques de sécurité.

En effet, ces politiques ne sauraient avoir pour seul objectif de lutter directement contre la délinquance. Elles doivent aussi contribuer à réduire le sentiment d'insécurité qu'éprouvent certains de nos concitoyens, car il porte atteinte à leur qualité de vie.

En outre, les travaux conduits aux Etats-Unis au début des années 1980 sur la « théorie de la vitre  brisée » par James Wilson Et Georges Kelling suggèrent que le sentiment d'insécurité constitue le terreau de la délinquance .

En effet, le sentiment d'insécurité contribue à détruire les voisinages. Or, moins les personnes sont impliquées dans leur voisinage, moins elles sont prêtes à défendre les règles de la vie collective. Les petits comportements antisociaux, les actes de vandalisme et les incivilités non sanctionnés signalent alors un lieu sans loi, ce qui crée un environnement propice aux trafics en tout genre et aux crimes les plus graves 33 ( * ) .

En Espagne, la mesure du sentiment d'insécurité est ainsi considérée comme un indicateur de qualité du service public.

Tout en reconnaissant que ce type d'enquête est difficile à conduire, votre rapporteur pour avis souhaite qu'il en soit de même en France.

Par ailleurs, votre rapporteur pour avis estime indispensable que l'évaluation annuelle de l'exécution du projet de loi de programmation prévue par le dernier alinéa du présent article s'appuie sur un point de départ incontestable.

Il semble en effet difficile d'apprécier d'éventuelles évolutions sur la période 2003-2007 si l'on ne dispose pas d'une « photographie » ou d'un état des lieux de la situation de départ.

En conséquence, votre rapporteur pour avis souhaite la réalisation d'ici la fin du premier semestre 2003 d'un « audit » portant état des lieux du fonctionnement et de l'organisation de nos forces de sécurité intérieure en 2002.

Interrogé à ce sujet lors de son audition conjointe le 23 juillet 2002 par la commission des lois, la commission des finances et la commission de la défense du Sénat M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, a d'ailleurs souligné sa volonté de transparence et s'est déclaré ouvert à cette idée en précisant qu'il était prêt à y apporter le concours de ses services.

Votre rapporteur pour avis vous proposera ainsi un amendement en ce sens.

Enfin, votre commission s'est interrogée sur le point de savoir si la précision selon laquelle l'évaluation des résultats obtenus par les forces de sécurité intérieure au regard des objectifs qui leurs sont assignés était effectuée par une instance extérieure aux services concernés n'était pas de nature à porter préjudice aux prérogatives du parlement en matière d'évaluation des politiques publiques.

En conséquence, elle a adopté un amendement tendant, à défaut de précisions sur la nature et le rôle cette instance extérieure, à supprimer cette mention.

Décision de la commission : votre commission émet un avis favorable à cet article ainsi amendé.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une séance tenue dans l'après-midi du mercredi 24 juillet 2002 sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'examen du projet de loi n° 36 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure , sur le rapport de M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur pour avis .

A titre liminaire, M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur pour avis, a indiqué que le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) était une réponse éloquente du gouvernement aux inquiétudes et aux appels des citoyens manifestés lors des dernières élections.

Puis il a rappelé que ce projet de LOPSI comprenait initialement six articles et deux annexes, l'Assemblée nationale y ayant ajouté deux articles additionnels, et il a présenté successivement :

- les articles 1 et 2 portant respectivement approbation des orientations de la nouvelle politique de sécurité intérieure définies dans l'annexe I, et de la programmation des moyens supplémentaires détaillés dans l'annexe II  alloués à la sécurité intérieure sur la période 2003-2007 ;

- les dispositions normatives du projet de LOPSI, en s'attachant plus particulièrement à l'article 5 relatif à l'évaluation.

Il a tout d'abord indiqué que l'article 1 er portait approbation des orientations de la nouvelle politique de sécurité intérieure définies dans l'annexe I, notant que la formule d'approbation était traditionnelle dans les lois de programmation.

Puis il a exposé que l'article 2 fixait à 5,6 milliards d'euros le montant global des crédits supplémentaires pour la sécurité intérieure sur la période 2003-2007, prévoyait que 13 500 emplois seraient créés dans la police nationale et la gendarmerie nationale au cours de cette période, et portait approbation du contenu de l'annexe II détaillant la programmation de ces moyens nouveaux. Il a précisé que ces 13.500 emplois étaient des emplois supplémentaires par rapport à l'existant, et a ajouté qu'ils ne se substitueraient pas à ceux d'adjoints de sécurité et de gendarmes auxiliaires, dont l'apport serait maintenu sous une forme ou sous une autre, même si les modalités concrètes en étaient encore floues.

Il a précisé que la rédaction de cet article 2 avait été considérablement affinée par l'Assemblée nationale afin de préciser la base de référence pour les crédits supplémentaires.

Il a indiqué que, comme le soulignait l'étude d'impact de la LOPSI, les articles 1 et 2 avaient en commun de n'avoir aucune portée normative, la programmation des moyens n'ayant, en vertu du principe d'annualité budgétaire, qu'une portée indicative. Il s'est d'ailleurs félicité de ce que la programmation budgétaire ne soit pas détaillée année par année sur la période 2003-2007, parce que cela constituait un élément de souplesse appréciable. Il a en effet considéré que cette souplesse permettrait d'optimiser la répartition annuelle des crédits supplémentaires en fonction de l'avancement concret des projets, et que cette méthode de globalisation des crédits avait déjà été employeé avec succès pour les dépenses immobilières des préfectures.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur pour avis , a ensuite souligné que, contrairement aux deux précédentes lois de programmation en la matière, à savoir à la loi « Joxe » de 1985 et la loi « Pasqua » 1995, l'horizon de la LOPSI coïncidait avec celui de la législature. Il en a déduit, d'une part que l'annexe I constituait un véritable programme de gouvernement pour la législature en matière de sécurité intérieure, d'autre part que les engagements financiers détaillés dans l'annexe II constituaient des engagements forts, d'autant plus que nos concitoyens pourraient effectivement juger de la réalité des moyens alloués à la sécurité intérieure grâce au dispositif d'évaluation proposé par l'article 5 du présent projet de loi.

Il a ensuite estimé que l'annexe I témoignait d'une volonté politique sans précédent d'améliorer la répartition, l'organisation et la gestion des forces de sécurité intérieure, la coordination de la police et de la gendarmerie sous une même tutelle opérationnelle en constituant la mesure emblématique. Il a ajouté que chaque corps conservait son identité, mais que cette nouvelle coordination permettait à la fois le maintien d'une complémentarité étroite, d'une émulation positive et d'une efficacité renforcée.

En outre, il a considéré que le gouvernement ne cherchait pas à faire mieux avec moins de crédits, ce qui supposerait un simple redéploiement, mais voulait faire mieux avec beaucoup plus de crédits.

Enfin, il a estimé que ces emplois et ces crédits supplémentaires contribueraient à restaurer les capacités opérationnelles de nos forces, amoindries au cours des dernières années par le sacrifice des crédits d'investissement et de maintenance, qui avaient servi de variable d'ajustement ; par l'évolution de la structure des personnels au profit des moins qualifiés, ce qui conduisait à une baisse de la qualité opérationnelle moyenne, quelle que soit la bonne volonté des emplois jeunes ; et surtout par les 35 heures. Il a en effet exposé que les modalités de mise en oeuvre des 35 heures devaient initialement se traduire pour la seule police nationale à une perte équivalente à près de 8.000 emplois équivalent-temps plein, si bien que le précédent gouvernement avait commencé, dans un mouvement comparable à celui des « Shadoks », de racheter aux policiers les jours de congés supplémentaires qu'il leur avait donnés. En conclusion de la première partie de son exposé, il a ainsi rappelé ce qu'il avait qualifié de « paradoxe Vaillant » : plus de crédits, mais finalement, moins de policiers !

S'agissant ensuite des dispositions normatives du projet de LOPSI, M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur pour avis, a précisé qu'il n'avait pas traité des articles additionnels 4 ter et 4 bis , relatifs respectivement aux échanges d'information entre administrations et à la législation des transport de fonds, ni de l'article 6 relatif au cas particulier des collectivités territoriales d'outre mer, ces dispositions ressortant de la compétence exclusive de la commission des lois.

Il a indiqué qu'il proposait, en revanche, un avis sur les articles 3 et 4, qui présentaient une incidence budgétaire, ainsi que sur l'article 5, relatif à l'évaluation.

Il a alors exposé que l'article 3 s'inscrivait dans le prolongement des efforts prévus pour la remise à niveau des bâtiments de la police et de la gendarmerie, puisqu'il visait à offrir, en complément ou par dérogation au droit existant, une palette de solutions nouvelles afin d'accélérer la réalisation de projets immobiliers. Il a ainsi précisé que ces dispositions devraient permettre de réduire de 7 à 3 ans la durée de construction d'un commissariat, qui provoquait l'exaspération de nos concitoyens.

Il a également ajouté que certaines de ces solutions, qui assouplissaient les procédures existantes en matière de marchés publics, visaient également à permettre une meilleure prise en compte des coûts d'entretien des bâtiments au moment de leur construction.

Par ailleurs, il a indiqué que l'article 3 prévoyait aussi un recours accru aux financements des collectivités locales prévus, sur la base du volontariat, et selon des modalités s'inspirant de celles mises en place en 1990 pour l'enseignement supérieur dans le cadre du plan Université 2000. Il a précisé que ces dispositions tendaient à autoriser une collectivité à prendre l'initiative d'un investissement immobilier jugé nécessaire, en bénéficiant du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FTCVA) et éventuellement d'aides ou d'incitations complémentaires.

M. Aymeri de Monstesquiou, rapporteur pour avis , a considéré que cette disposition valait reconnaissance implicite de l'incapacité de l'Etat à assumer son devoir de financement d'un service public régalien, mais que cet aveu, pour cuisant qu'il fût, était courageux, dès lors qu'il permettait de changer une situation choquante, tant il avait été frappé par l'état de délabrement de certains commissariats visités en tant que rapporteur spécial des crédits de la sécurité. Il a ajouté qu'il convenait en effet d'être pragmatique, afin de donner des conditions de travail satisfaisantes aux forces de sécurité et des conditions d'accueil décentes aux victimes.

Le rapporteur pour avis a ensuite présenté l'article 4 tendant à permettre à certains militaires de la gendarmerie, dont la limite d'âge est fixée à 55 ans, de prolonger leur activité d'un an s'ils en font la demande expresse et sous la double condition de leur aptitude physique et de l'intérêt du service. Il a précisé que ce dispositif s'inspirait de dispositions analogues relatives aux personnels de la police et de l'administration pénitentiaire adoptées par le Sénat dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2001.

Enfin, il a présenté l'article 5 relatif à l'évaluation, en précisant que cet article avait été entièrement réécrit par l'Assemblée nationale, à l'initiative de M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis de la commission des finances, et que cet article prévoyait désormais trois mesures bien articulées, aux termes desquelles :

- premièrement, le gouvernement présenterait chaque année au Parlement les objectifs de performance assignés à la police nationale et à la gendarmerie nationale, ce qui anticipait sur l'entrée en vigueur de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances ;

- deuxièmement, les résultats obtenus au regard de ces objectifs seraient évalués chaque année par une instance extérieure aux services concernés et transmis au Parlement ;

- enfin, à partir de 2003, le gouvernement déposerait chaque année un rapport au Parlement sur l'exécution de la loi.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur pour avis , a indiqué que ce dispositif novateur et ambitieux était bienvenu, mais que son dernier volet lui semblait devoir être complété. En effet, il a considéré qu'il était indispensable que l'évaluation annuelle de la mise en oeuvre de la loi d'orientation et de programmation s'appuie sur un point de départ incontestable, estimant que l'on ne pouvait pas vraiment apprécier les évolutions sur la période 2003-2007 sans disposer d'une photographie de la situation de départ.

C'est pourquoi il a souhaité la réalisation d'ici le premier semestre 2003 d'un « audit » portant état des lieux du fonctionnement et de l'organisation des forces de sécurité intérieure en 2002. Il a d'ailleurs indiqué qu'il soumettrait un amendement en ce sens.

Il a également proposé un amendement tendant à aligner le texte de cet article sur celui proposé par la commission pour le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice.

Enfin, il a considéré qu'il était essentiel de définir des Zones d'Action Prioritaire (ZAP) sur lesquelles se concentrerait l'action des forces de sécurité. Il a précisé que leur définition permettrait en effet d'évaluer chaque année les progrès accomplis, l'objectif étant que ces zones ne nécessitent plus de traitement particulier d'ici la fin de la législature.

Sous le bénéfice de ces amendements, il a proposé de donner un avis favorable à l'adoption du projet de loi.

Un large débat s'est ensuite ouvert.

M. Paul Loridant a souhaité savoir si les effectifs supplémentaires prévus par le projet de loi tenaient compte des départs à la retraite qui seront particulièrement importants au cours des prochaines années. S'agissant de l'article 3, il a considéré que la modification du code général des collectivités territoriales proposée revenait à opérer un chantage vis-à-vis des collectivités territoriales, dont la plupart ne pourraient obtenir de commissariat ou de tribunal de grande instance, qu'en le construisant et en le finançant. Il a estimé que le Sénat était habituellement plus vigilant sur ces questions.

M. François Trucy s'est déclaré inquiet quant à l'évolution des effectifs de gendarmerie et a souhaité savoir si le ministère de la défense continuerait à prendre en charge leur gestion.

M. Jacques Oudin a déploré les insuffisances de la gestion des ressources humaines et des emplois dans les forces de sécurité intérieure, et notamment, l'importance des personnels actifs chargés de tâches administratives. Il a rappelé que la politique de gestion des ressources humaines des policiers aux Etats-Unis leur permettait de travailler au-delà de l'âge de leur retraite pour assurer ces tâches.

Il a également regretté les déficiences de l'administration en matière de gestion patrimoniale, relevant que l'Etat ne payait pas correctement ses loyers, et que les normes des logements de gendarmes n'étaient pas adaptées. Enfin, s'agissant de l'évaluation du projet de loi, il a considéré qu'il était souhaitable, comme le précisait l'article 5, qu'un service autre que les services opérationnels contrôle la production des statistiques et des indicateurs de performance.

M. Adrien Gouteyron s'est interrogé sur la motivation des jeunes pour entrer dans la police et la gendarmerie, compte tenu des perspectives de carrière. Il a insisté sur la nécessité de mettre en oeuvre un système de formation performant afin d'intégrer les 13.500 emplois supplémentaires prévus par le projet de loi. S'agissant de bâtiments affectés à la police et à la gendarmerie nationales, il a souhaité obtenir des éclaircissements sur les modalités d'attribution du FCTVA aux communes qui les construisent.

M. Roger Karoutchi a insisté sur la nécessité de sécuriser les transports en commun, notamment en Ile-de-France, et il a rappelé que la région Ile-de-France s'était fortement impliquée dans la construction de commissariats de police mis à disposition de l'Etat à titre gratuit.

M. Roger Besse a rappelé que les collectivités territoriales participaient à la construction de casernes de gendarmerie depuis de nombreuses années. S'agissant du fonctionnement des brigades de gendarmerie en milieu rural, il a souhaité savoir qui prendrait le commandement des communautés de brigades annoncées par le projet de loi.

M. Eric Doligé a indiqué que, compte tenu des délais de construction des bâtiments, les effectifs qu'ils devaient accueillir étaient souvent modifiés entre le stade de la conception du projet et celui de sa livraison. Il a également déploré le fait que les logements des gendarmes n'étaient pas toujours à la hauteur des équipements offerts par les logements HLM.

En réponse à M. Paul Loridant, M. Jean Arthuis, président, a rappelé que la plupart des gendarmeries sont la propriété des collectivités territoriales et mises à disposition de l'Etat contre le paiement d'un loyer. Il a rappelé que la loi de finances rectificative pour 1988 avait écarté le bénéfice du FCTVA pour les collectivités territoriales qui construisaient pour le compte de tiers, et qu'une clarification était nécessaire, afin que l'Etat ne s'enrichisse pas « sur le dos » des collectivités. Il a également souligné que, si les collectivités territoriales étaient invitées à investir pour l'Etat, ce dernier continuerait de supporter les charges de maintenance et d'entretien des bâtiments.

En réponse à M. Paul Loridant, M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur pour avis , a indiqué que les 13 500 emplois annoncés par le projet de loi étaient bien des emplois supplémentaires par rapport à l'existant. Pour les procédures immobilières, il a reconnu qu'il s'agissait d'un aveu du manque de moyens de l'Etat et qu'il était nécessaire d'offrir une palette de solutions supplémentaires pour mettre à niveau le patrimoine immobilier des forces de sécurité.

En réponse à M. François Trucy, il a considéré que les délais de construction des bâtiments, qui pouvaient aller jusqu'à neuf ans, étaient trop importants. Il s'est par ailleurs prononcé en faveur de l'externalisation de certaines tâches incombant actuellement aux fonctionnaires actifs, considérant que sa proposition d'audit pourrait permettre d'avoir une vision précise des effectifs susceptibles d'être ainsi dégagés.

En réponse à M. Jacques Oudin, il a reconnu qu'il était nécessaire de mieux utiliser les compétences des agents en introduisant davantage de souplesse, s'agissant en particulier de l'âge de départ à la retraite. Il a également souligné l'intérêt de la globalisation des marchés immobiliers afin de prendre en compte le coût d'entretien et de maintenance des bâtiments.

En réponse à M. Adrien Gouteyron, il a considéré que la qualité de la formation et les perspectives de carrière offertes par la police et la gendarmerie nationales étaient essentielles, et il a plaidé pour que les ministères concernés s'inspirent davantage des méthodes de gestion des ressources humaines en vigueur dans les grandes entreprises.

En réponse à M. Roger Besse, il a indiqué que les communautés de brigades seraient fondées sur la coordination entre plusieurs unités pour les heures d'ouverture, l'accueil et les modalités d'intervention, en soulignant que cette réforme serait menée en concertation avec les collectivités locales, ce qui constitue un progrès notable.

En réponse à M. Eric Doligé, M. Aymeri Montesquiou, rapporteur pour avis , a estimé que le raccourcissement des délais de construction des bâtiments et la concertation accrue avec les collectivités locales permettraient de limiter l'inadéquation entre le parc immobilier et les effectifs des forces de sécurité.

La commission a ensuite procédé à l'examen des articles.

Elle a donné un avis favorable à l' adoption des articles 1, 2, 3 et 4.

A l' article 5, elle a adopté un amendement visant à demander au gouvernement le dépôt d'un rapport sur l'organisation et le fonctionnement des forces de sécurité intérieures avant le 30 juin 2003 et un autre amendement visant à supprimer la mention d'une instance extérieure dans le processus d'évaluation prévu.

A l'issue de ce débat, la commission a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.

* 1 S'agissant des homicides commis ou tentés, les chiffres pour les années 1960, 1961 et 1962 ne sont pas significatifs si l'on tient compte de la situation politique de cette période, marquée par le conflit algérien et ses conséquences sur le territoire métropolitain.

* 2 Délinquance des mineurs - la République en quête de respect, rapport n° 340, 2001-2002.

* 3 Cette délinquance d'exclusion a été définie par M. Denis Salas, lors de son audition par la commission d'enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs, comme « une délinquance de masse, territorialisée, essentiellement liée à des parcours de désinsertion durable dans lesquels des groupes familiaux tout entiers vivent dans l'illégalité et dans des cultures de survie, dans des modalités de précarité extrêmement importantes les conduisant insensiblement vers la déviance ou vers la délinquance ».

* 4 La notion d'incivilité peut être définie comme un « comportement sans gêne et provocateur, source de perturbation et d'exaspération dans la vie quotidienne des cités. Par exemple, rassemblements au pied de l'immeuble, attitudes menaçantes, bruits dans les halls, déplacements en bande, présence de chiens » (rapport de la mission interministérielle sur la prévention et le traitement de la délinquance des mineurs remis au Premier ministre le 16 avril 1998 par Christine Lazerges et Jean-Pierre Balduyck), ou encore comme « tout comportement contraire aux règles habituelles de la sociabilité », ou « toutes les manifestations traduisant une dégradation du lien social et ne recevant pas de réponse pénale » (Guide pratique des contrats locaux de sécurité, IHESI, 1998).

* 5 Cité dans les Cahiers français n°308 : Etat, société et délinquance, « Les politiques de sécurité : la politique de « tolérance zéro » et ses controverses », Sébastien Roché, p. 76.

* 6 Rapport n° 87 - Tome III - annexe 28 : Lois de finances pour 2002 - sécurité, p. 76-78.

* 7 Chiffres cités par notre collègue député Nicole Feidt, dans son avis « administration centrale et services judiciaires » rendu au nom de la commission des lois, sur le projet de loi de finances pour 2002 (Assemblée nationale, avis n° 3324, Tome V, XIème législature, p.39).

* 8 Rapport de la Cour des comptes sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2001, page 224.

* 9 Un centre de coopération policière et douanière a été mis en place avec l'Allemagne et l'Italie, et d'autres, avec la Luxembourg, la Suisse, la Belgique et l'Espagne devraient prochainement voir le jour.

* 10 Le Conseil de sécurité intérieure a été institué par le décret du 15 mai 2002. Il est présidé par le Président de la République et est composé du Premier ministre, du ministre chargé de la sécurité intérieure, du Garde des sceaux, du ministre chargé de l'économie et des finances, du ministre chargé du budget et du ministre chargé de l'outre-mer. En fonction de son ordre du jour, d'autres ministres peuvent être appelés à y participer.

* 11 In Les Cahiers français n° 308 : Etat, société, délinquance - Les politiques de sécurité : la politique de « tolérance zéro »  et ses controverses, Sébastian Roché, p. 73.

* 12 Commission d'enquête sur la délinquance des mineurs présidée par notre collègue M. Jean-Pierre Schosteck et dont le rapporteur est notre collègue M. Jean-Claude Carle : « La République en quête de respect », rapport n° 340, Tome I, 2001-2002.

* 13 Commission d'enquête sur la délinquance des mineurs : « La République en quête de respect », rapport n° 340, Tome I, 2001-2002, page 82.

* 14 Lors de son audition par la commission d'enquête, la directrice de la Caisse nationale d'allocations familiales, Mme Annick Morel, a indiqué que la suspension des prestations familiales était prononcée à moins de 9.000 reprises par an, ce qui est hélas sans rapport avec l'ampleur de l'absentéisme scolaire.

* 15 Les zones franches urbaines : un succès et une espérance - Rapport de M. Pierre André, n° 354, 2001-2002.

* 16 Le tableau ci-après qui présente l'avantage de recouvrir une longue période, ne retrace toutefois que les seuls emplois gérés directement par la direction de l'administration de la police nationale (DAPN), alors que l'agrégat « police nationale » comprend également, en l'an 2002, 416 personnels techniques et spécialisés et 1.118 ouvriers d'Etat gérés par d'autres directions du ministère de l'intérieur. En outre, ce tableau ne prend pas en compte les 754 emplois de contractuels créés par la loi de finances initiale pour 2002 en application de l'article 34 de la loi du 12 avril 2002 à la suite de l'arrêt Berkani du Conseil d'Etat. Au total, les emplois budgétaires de l'agrégat police nationale s'élevaient donc à 132.104 en 2002 + 2.162 surnombres en gestion.

* 17 Cf. « Les moyens de la sécurité publique : éléments d'analyse comparative », février 2002.

* 18 Les commissaires relèvent d'un régime dérogatoire.

* 19 Cf. le rapport du Sénat n°87, tome III, annexe 28, 2001-2002.

* 20 Devant votre commission des finances, M. Daniel Vaillant, alors ministre de l'intérieur, avait expliqué qu'il ne fallait pas que le passage aux 35 heures obère la capacité opérationnelle de la police nationale. De même, dans la réponse au questionnaire budgétaire sur le PLF 2002, le ministère indiquait : « à l'occasion de la réforme de l'ARTT, il conviendra d'une part de tenir compte des spécificités du travail policier, et notamment de sa pénibilité, et d'autre de préserver les importantes réformes engagées dans la police nationale et notamment la police de proximité, qui exige le maintien du potentiel opérationnel de la police nationale ».

* 21 Les amendements proposés par le gouvernement au projet de budget de la gendarmerie nationale pour 2002 illustrent d'ailleurs bien ce phénomène : ces amendements ont en effet accru les crédits de rémunération de 135 millions d'euros (+4,8 %), tout en réduisant les crédits de fonctionnement et d'investissement de 14 millions d'euros (-1,4 %).

* 22 Soit 51,3 x 5 ans + 23,9 x 5 ans

* 23 En toute rigueur, ce tableau établi à partir des données transmises par le ministère de l'intérieur est légèrement inexact, car les crédits de « rémunérations » supplémentaires prévus par le présent projet de loi sur la période 2003-2007 comprennent également le premier équipement des emplois supplémentaires créés, qui est retracé en lois de finances dans le chapitre de fonctionnement 34-41 du budget de la police et dans les chapitres d'investissement du budget de la gendarmerie.

* 24 Pour les raisons exposées dans la note de bas de page ci-dessus, ce ratio ne reflète qu'imparfaitement la progression des masses budgétaires correspondantes. En outre, les crédits prévus sur la période 2003-2007 auront, en raison de l'érosion monétaire due à l'inflation, des valeurs réelles différentes selon leur année de consommation.

* 25 Retracé par l'article 2 de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 (en vigueur jusqu'au 31 décembre 2004), comme par l'article 1 er de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 (en vigueur à partir du 1 er janvier 2005)

* 26 On peut regretter que le principe du versement des attributions du FCTVA l'année de réalisation des investissements (applicable aux établissements publics de coopération intercommunale et aux investissements de réparation des dommages causés par les tempêtes) n'ait pas été retenu. Dans la rédaction actuelle, les communes, les départements et les régions qui participeront au financement d'un commissariat ne recevront les versements du FCTVA que deux ans après la date d'achèvement des travaux.

* 27 Projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, Rapport pour avis n° 52 par M. Alain Joyandet, p. 54.

* 28 Loi de finances pour 2002, rapport n°87 - Tome III, annexe 28 : Sécurité, p. 68.

* 29 Rapport de la Cour des comptes sur l'exécution des lois de finances 2000, p. 245.

* 30 Cf. Frédéric Ocqueteau, Jacques Frenais et Pierre Varly, « Ordonner le désordre, une contribution au débat sur les indicateurs du crime », La documentation française, 2002, pages 33 à 37.

* 31 Cf. Bruno Aubusson de Cavarlay, « Les chiffres de la délinquance : production et interprétation », in Cahiers français n°308, 2002

* 32 Cf. « La république en quête de respect, tome II : annexes », rapport du Sénat n 340, 2001-2002.

* 33 Cf. Sebastian Roché, « La politique de tolérance zéro et ses controverses », in Cahiers français n°308, 2002.

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