CHAPITRE DEUX

LA BRANCHE ASSURANCE MALADIE :
PRIORITÉ DU PRÉSENT PROJET DE LOI DE FINANCEMENT

I. LES OBJECTIFS DE DÉPENSES : RATIONALISATION ET CRÉDIBILITÉ

A. UNE VOLONTÉ DE RATIONALISATION ET DE CLARIFICATION

1. La réforme de l'objectif quantifié national des cliniques privées (OQN) (article 10)

L' article 10 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte des dispositions de nature à clarifier la fixation de l'objectif quantifié national des cliniques privées (OQN).

D'une part, il est précisé que l'objectif quantifié national de établissements mentionnés à l'article L. 6114-3 du code de la santé publique, à savoir les cliniques privées non financées par la dotation globale, est constitué par le montant annuel des charges afférentes aux frais d'hospitalisation au titre des soins dispensés dans ces établissements au cours de l'année et supportées par les régimes obligatoires d'assurance maladie. Ainsi, l'objectif quantifié national sera désormais défini et suivi en droits constatés et non plus en encaissements/décaissements. Cette disposition s'inscrit dans le droit fil des réformes comptables des régimes d'assurance maladie intervenues ces dernières années avec le passage progressif d'une comptabilité de caisse à une comptabilité en droits constatés.

D'autre part, il est précisé que le montant de l'objectif quantifié national prend également en compte les évolutions à l'issue desquelles des établissements auparavant régis par l'article L. 6114-3 du code de la santé publique précité se trouvent placés, compte tenu de leur activité réelle, sous le régime de financement prévu à l'article L. 314-3 du code de l'action sociale et des familles, à savoir le régime de financement des prestations des établissements et services sociaux et médico-sociaux publics et privés qui sont à la charge des organismes de sécurité sociale. Ainsi l'article 10 tient compte de la reconversion d'établissements de santé privés sous OQN en établissements médico-sociaux dans la détermination des objectifs de dépenses propres à chaque secteur. Il s'agit de mettre en oeuvre la fongibilité entre l'OQN et l'enveloppe médico-sociale dans un souci de garantie de la neutralité financière pour l'assurance maladie.

Enfin, il est précisé, dans un souci de simplification, que le nombre de rendez-vous de suivi des dépenses est réduit à un unique rendez-vous semestriel. Ce rendez-vous, entre les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale et les représentants des établissements, a lieu au moins une fois dans l'année, au vu des résultats des quatre premiers mois de l'année, alors qu'auparavant ce rendez-vous avait lieu au moins deux fois dans l'année.

2. La clarification des relations financières entre l'Etat et l'assurance maladie via le transfert de certaines charges (articles 22 et 23)

Le présent projet de loi de financement entreprend de clarifier les relations financières entre l'Etat et l'assurance maladie par le biais du transfert total de certaines dépenses de l'Etat à l'assurance maladie.

a) Le transfert du financement des dépenses médico-sociales des centres spécialisés de soins aux toxicomanes

L' article 22 du présent projet de loi de financement prévoit le transfert de l'Etat à la branche maladie du financement des dépenses médico-sociales des centres spécialisés dans la prise en charge des toxicomanes.

La loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 a créé une nouvelle catégorie d'établissements entrant dans le champ des établissements et services sociaux et médico-sociaux : il s'agit des établissements ou services qui assurent l'accueil et l'accompagnement de personnes confrontées à des difficultés spécifiques en vue de favoriser l'adaptation à la vie active et l'aide à l'insertion sociale et professionnelle ou d'assurer des prestations de soins et de suivi médical. Figurent dans cette nouvelle catégorie les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA).

Les CSAPA ont pour vocation de concentrer et de rationaliser l'activité à la fois des centres de cure ambulatoires en alcoologie (CCAA) et les centres spécialisés de soins aux toxicomanes (CSST). Il s'agit donc d'une catégorie d'établissement unique et cohérente.

Le financement des CCAA, qui concentrent leur activité sur la prise en charge médico-sociale, a été transféré à l'assurance maladie, à hauteur de 18,4 millions d'euros par la loi d'orientation n° 98-657 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions et par le décret n° 98-1229 du 29 décembre 1998.

Le transfert du financement des CSST à l'assurance maladie n'avait quant à lui pas encore été effectué malgré les critiques formulées par la Cour des comptes dans son rapport particulier sur le dispositif de lutte contre la toxicomanie datant de juillet 1998, qui mettait notamment l'accent sur la nécessaire clarification des rôles respectifs de l'Etat, des collectivités territoriales et des organismes de sécurité sociale dans la mise en oeuvre et le financement des actions de lutte contre la toxicomanie, et malgré les objectifs assignés au plan triennal de lutte contre la drogue et de prévention des dépendances (1999-2001) parmi lesquels figurait celui de faire évoluer les dispositifs de soins spécialisés en étudiant la possibilité de créer un cadre juridique et financier unique pour l'accueil de personnes ayant des comportements addictifs.

Le financement des CSST par l'Etat dans des conditions dérogatoires au droit commun a entraîné un certain isolement de ces structures et une difficulté évidente à se coordonner avec les autres dispositifs de soins. Cette procédure de financement, qui résultait directement de la loi n° 70-1320 du 31 décembre 1970 exigeant la gratuité des soins, la protection du volontariat et la garantie de l'anonymat, doit pouvoir être revue dès lors que la couverture sociale des usagers de drogues, même les plus désinsérés, s'est améliorée grâce notamment à la mise en place de la couverture maladie universelle (CMU).

L'article 22 du présent projet de loi de financement tire les conséquences de ces évolutions en transférant de l'Etat à l'assurance maladie les charges résultant du financement des CSST. Il permet, en outre, de respecter les principes d'anonymat et de gratuité inhérents au fonctionnement des CSST. Le montant total des sommes transférées de l'Etat à l'assurance maladie est évalué à 107,5 millions d'euros.

L'article 22 précise également que les CSAPA sont financés sous la forme d'une dotation globale annuelle. La répartition des sommes versées, à ce titre, aux CSAPA est effectuée chaque année suivant la répartition des charges des dotations globales hospitalières pour l'année considérée, c'est-à-dire selon les règles de droit commun.

Enfin, un dispositif transitoire est prévu afin que le financement des activités de prise en charge des toxicomanes dans des anciens CSST par les organismes de sécurité sociale puisse être assuré entre la publication de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 et la délivrance de l'autorisation de droit commun à laquelle sont soumis tous les établissements et services sociaux ou médico-sociaux. Ce régime transitoire consistera dans le versement par les caisses d'assurance maladie aux CSST d'acomptes mensuels sur la dotation globale de financement.

b) Le transfert du financement de l'interruption volontaire de grossesse

L' article 23 du présent projet de loi de financement prévoit, dans un souci de clarification des relations financières entre l'Etat et l'assurance maladie, le transfert des dépenses afférentes aux interruptions volontaires de grossesse, de l'Etat à l'assurance maladie.

En effet, si l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale dispose que l'assurance maladie comporte, entre autres, la couverture des frais de soins et d'hospitalisation afférent à l'interruption volontaire de grossesse, l'article L. 132-1 du même code prévoit quant à lui une prise en charge par l'Etat des dépenses exposées au titre de l'IVG, en disposant que, dans les limites fixées chaque année en loi de finances, l'Etat rembourse aux organismes gérant un régime légal de sécurité sociale les dépenses qu'ils supportent au titre de la part garantie des frais exposés par les assurés sociaux à l'occasion d'IVG non thérapeutiques.

L'article 23 du présent projet de loi de financement prévoit l'abrogation du premier alinéa de l'article L. 132-1 du code de la sécurité sociale (remboursement par l'Etat à l'assurance maladie des frais afférents à une IVG) et pose donc le principe de la prise en charge totale par l'assurance maladie des dépenses afférentes aux interruptions volontaires de grossesse. En outre, l'article prévoit le même transfert de financement pour le mécanisme applicable aux femmes mineures non émancipées dépourvues d'autorisation parentale mis en place par la loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception.

Jusqu'en 2002, les frais afférents à l'IVG étaient donc à la charge du budget de l'Etat : les organismes de sécurité sociale remboursaient les femmes des frais engagés à hauteur de 80 %, avant de demander à l'Etat la prise en charge des sommes ainsi facturées.

Les crédits alloués à ce titre par l'Etat dans la loi de finances pour 2002 s'élevaient à 24,7 millions d'euros. L'engagement des organismes d'assurance maladie réalisé pour 2001 avait été chiffré à 25,13 millions d'euros incluant un coût supplémentaire de 0,76 million d'euros lié à l'allongement du délai limite de l'IVG (jusqu'à la douzième semaine de grossesse) prévu par la loi du 4 juillet 2001 précitée. L'insuffisance de crédits s'élèverait donc à 430.000 euros pour 2002, ce qui a pour effet d'accroître le reliquat de la dette accumulée par l'Etat jusqu'en 1997, après ces cinq précédentes années où les crédits alloués avaient été supérieurs aux dépenses engagées. D'après les informations fournies à votre rapporteur pour avis, le montant actuel de cette dette s'élèverait fin 2002 à 12,25 millions d'euros.

L'article 23 du présent projet de loi de financement ne précise pas dans quelles conditions cette dette de l'Etat contractée auprès des organismes d'assurance maladie sera honorée. Votre rapporteur pour avis souhaiterait voir clarifier cette situation.

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