III. LE LANCEMENT DE LA TÉLÉVISION NUMÉRIQUE DE TERRE

Lors de l'adoption de la loi du 1 er août 2000, le précédent gouvernement avait annoncé le démarrage de la télévision numérique terrestre entre la fin de cette année et le début de l'année 2003, un bilan de ce lancement devant être dressé trois ans après l'entrée en vigueur de la loi du 1 er août, soit en août 2003.

Il s'est rapidement avéré que ce calendrier était totalement irréaliste : il ne tenait pas compte des délais nécessaires au réaménagement des fréquences, des difficultés -et des coûts- correspondants, des problèmes financiers et économiques liés au lancement de la TNT, sans même parler des problèmes supplémentaires tenant aux imperfections ou aux lacunes d'un dispositif législatif élaboré dans la précipitation.

Sur le dossier de la TNT, l'« héritage » est donc lourd.

Le nouveau gouvernement a cependant décidé de « donner sa chance » à la TNT et d'accompagner sa mise en oeuvre.

Il a tout d'abord dû procéder pour cela à une complète remise à plat du dossier, notamment pour prendre la mesure des difficultés sur lesquelles le schéma élaboré en 2000 avait un peu légèrement « fait l'impasse ».

Ce travail d'analyse et d'inventaire mené par le gouvernement et le CSA et qui peut s'appuyer sur le remarquable rapport établi à la demande du Premier ministre par M. Michel Boyon, permet de remettre en perspective le projet de TNT et de mesurer le travail qui reste à accomplir pour que ce projet se réalise dans de bonnes conditions. Il ouvre aussi un délai de réflexion bienvenu pour définir dans les meilleures conditions la place du service public dans le « paysage » de la TNT.

A. L'ÉTAT DES LIEUX

Le rapport Boyon a permis d'identifier les problèmes à résoudre et, surtout, de rebâtir un calendrier plus crédible du lancement de la TNT.

De son côté, le CSA a pleinement assumé la tâche -difficile- que lui assignait la loi du 1 er août dans la définition du « paysage audiovisuel numérique terrestre » en procédant à la sélection des candidatures à l'attribution des fréquences numériques de terre.

Ces deux démarches contribuent l'une comme l'autre à améliorer la « visibilité » du projet et, si l'on ose dire, à « remettre les pendules à l'heure ».

1. Le constat dressé par le rapport Boyon

a) L'identification des « lacunes » du processus de décision

Elles sont d'ordre à la fois juridique et technique.

• Le rapport Boyon dénonce tout d'abord « le régime juridique complexe et imparfait » bâti par la loi du 1 er août, analyse dont votre commission est bien placée pour souligner le bien-fondé, ayant pu apprécier le caractère largement -et hâtivement- improvisé du dispositif inséré dans le projet de loi qui devait devenir la loi du 1 er août 2000. Les principales faiblesses de ce dispositif sont très précisément relevées :

- la procédure d'attribution des autorisations chaîne par chaîne, qui conduit à la création d'une catégorie d'opérateurs « chargés de l'assemblage du signal sur les multiplexes et des relations avec les diffuseurs techniques ». Le rapport souligne à cet égard qu'il aurait été préférable « d'opter pour un dispositif moins administré, c'est-à-dire partant des distributeurs » qui auraient disposé des fréquences et pu organiser des « bouquets » cohérents : on rappellera que c'est exactement ce qu'avait préconisé votre commission, qui avait démontré que cette solution ne faisait obstacle ni à la préservation de la concurrence, ni aux exigences du pluralisme, ni à l'arrivée de « nouveaux entrants » ;

- le « flou » dans lequel est laissé le problème de la distribution commerciale. On rappellera que ce silence de la loi et les problèmes de concurrence que pouvaient soulever certaines des solutions envisageables avaient conduit le précédent gouvernement à confier au début de 2002 à M. Jérôme Gallot, directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, une mission d'étude « des modalités de nature à assurer à la télévision numérique terrestre les meilleures chances de succès, dans le cadre d'une concurrence effective permettant l'accès des différents intervenants dans des conditions transparentes, ouvertes et non discriminatoires » : l'énoncé même de cette mission démontrait l'étendue des problèmes à résoudre...

- le rôle confié au CSA : rejoignant sur ce point également les remarques de votre commission lors de la discussion de la loi d'août 2000, le rapport relève qu'il est « presque investi de la responsabilité de composer les bouquets de la TNT, pour les chaînes gratuites comme pour les chaînes payantes » et par conséquent d'assumer la fonction qui est, dans le régime du câble comme dans celui du satellite, celle du distributeur commercial.

Enfin, le rapport s'inquiète, à juste titre, du mode d'attribution des autorisations qui contribue à figer la composition de l'offre pour 10 ans.

• Le rapport Boyon souligne d'autre part l'incidence des « insuffisances de la concertation » entre les partenaires du projet sur l'examen de ses aspects technologiques , et principalement sur la question essentielle des réaménagements de fréquences analogiques, dont il note que l'ampleur n'a été perçue qu'en mars de cette année.

Cette question avait été soulevée en juillet 2002 devant votre commission par le ministre de la culture et de la communication, qui avait évoqué notamment le coût de l'opération -dont les modalités de financement n'étaient pas encore arrêtées- les contentieux auxquels elle donnait lieu et le problème posé par les zones frontalières où le réaménagement des fréquences exige une coordination avec les Etats voisins.

Ce défaut de concertation a pesé sur la planification des fréquences, qui est loin d'être achevée, sur l'estimation du coût et de l'ampleur des travaux préalables au lancement de la TNT -notamment en ce qui concerne les coûts des interventions chez les particuliers- et sur le manque de données expérimentales dont disposent les acteurs du projet.

b) Le calendrier de la TNT

Le rapport Boyon a le grand mérite de « recadrer » le calendrier et de proposer en même temps une clarification de « l'ordonnancement des tâches » liées à la mise en place de la TNT.

Ce calendrier, qui prend en compte la première étape de couverture planifiée par le CSA à partir de 29 sites, table sur un démarrage de l'émission en TNT en décembre 2004, émission qui ne couvrirait alors que 40 % de la population à partir de 25 sites.

Le rapport souligne que l'indication relative à l'audience potentielle de la TNT peut être « décevante pour les uns, rassurante pour les autres » : elle a en tout cas, pour votre rapporteur, le mérite de lever les incertitudes -ou de dissiper les illusions- en offrant une estimation fiable et raisonnable sur laquelle les différents intervenants pourront bâtir des prévisions réalistes et des stratégies opérationnelles .

Le rapport estime -et l'on peut également partager ce jugement- qu'il serait impératif qu'à partir de cette base de départ, le « seuil psychologique » de 50 % de la population soit atteint en 12 mois -c'est-à-dire à la fin 2005.

Mais il note aussi, ce qui doit contribuer à la « remise en perspective » du projet, que l'on ne pourra atteindre une audience potentielle de 80 % environ de la population avant 2008. Ce qui, pour votre rapporteur, pose le problème des 20 % restants -dans quels délais, dans quelles conditions et à quel coût seront-ils eux aussi « couverts » ?- et celui de l'échéance du « basculement » de l'analogique au numérique.

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