B. LA PRODUCTION NATIONALE : DES RÉSULTATS EXCEPTIONNELS NUANCÉS PAR DES INQUIÉTUDES SUR LES CONDITIONS DE SON FINANCEMENT

204 longs métrages ont été agréés en 2001, contre 171 en 2000.

Après le recul enregistré en 2000, ce chiffre marque un record historique, le seuil des 200 films agréés n'ayant été dépassé que dans les années 70 et en 1981, avant que les films pornographiques soient exclus du mécanisme de soutien financier.

On rappellera que, sur les dix dernières années, la moyenne annuelle de films agréés s'établissait à 149 oeuvres par an.

Les films dits « d'initiative française » 1 ( * ) sont au nombre de 172 en 2001, soit une progression de plus de 18 % répartie de manière équilibrée entre les films co-produits majoritairement par la France (+ 15 films) et les films produits entièrement en France (+ 12 films).

Cette progression du volume de la production nationale s'accompagne d'une nouvelle hausse des investissements : le total des capitaux investis dans les films agréés est passé de 803 millions d'euros en 2000 à 905 millions d'euros en 2001 (+ 12,7 %). La tendance engagée depuis plusieurs années est donc confirmée.

Le nombre important de films à petits budgets se traduit par la baisse du devis moyen, qui s'élève en 2001 à 4,36 millions d'euros.

Néanmoins, ce chiffre recouvre des évolutions contrastées.

Ainsi, on observe la poursuite de la tendance à la progression des investissements dans des films dont le budget dépasse 10 millions d'euros, et, parallèlement, une très forte augmentation du nombre de films à faibles budgets (inférieurs à deux millions d'euros), phénomène imputable à la réforme de la procédure d'agrément. En effet, l'agrément peut désormais être demandé après le début des prises de vues pour les films ne faisant pas appel à des financements encadrés, ce qui permet à un certain nombre de films qualifiés de « sauvages » d'être agréés. Ainsi, parmi les 42 oeuvres dont le devis est inférieur à un million d'euros, pas moins de 15 ont fait l'objet d'une demande d'agrément une fois leur tournage terminé.

Si le nombre de premiers et de deuxièmes films représente en 2001 toujours plus de la moitié des films d'initiative française, votre rapporteur soulignera le recul, pour la deuxième année consécutive, du nombre des premiers films dont la proportion au sein des films agréés passe de 37 % en 1999 à 31 %.

Cette évolution apparaît préoccupante lorsque l'on observe les modalités de financement de ces oeuvres. L'avance sur recettes, dont un tiers bénéficie à des premiers films, ne joue qu'un rôle d'accompagnement, dont la part demeure stable et ne constitue plus un préalable nécessaire à leur réalisation qui dépend désormais étroitement des apports des chaînes de télévision sous forme de co-productions ou de pré-achats. Or, les chiffres enregistrés en 2001 font apparaître un relatif désengagement des chaînes : 30 des 53 premiers films ont fait l'objet d'un financement de Canal Plus, soit 57 % d'entre eux, contre 64 % en 2000, 69 % en 1999 et 75 % en 1998. L'investissement de la chaîne cryptée a également baissé en valeur passant à un million d'euros en 2000 à 855 000 euros en 2001. S'agissant des autres chaînes, TPS est intervenue dans cinq premiers films en 2001 et dans quatre deuxièmes films, contre respectivement douze et deux en 2000 ; les chaînes hertziennes ont financé 42 % des premiers films, contre 55 % en 2000.

Ces chiffres ne peuvent que souligner les risques que font peser sur la vitalité de la production nationale, dans un contexte marqué par les difficultés financières des entreprises de l'audiovisuel, une réduction du montant moyen de l'avance sur recettes.

1. La stabilité des sources de financement de la production cinématographique

En 2001, la structure de financement des films français est comparable à celle prévalant les années précédentes , comme l'indique le tableau ci-après :

STRUCTURE DE FINANCEMENT DES FILMS D'INITIATIVE FRANÇAISE
(1991-2001)

(en pourcentage)

Apports des producteurs français

SOFICA

Soutien automatique

Soutien sélectif

Chaînes de télévision

A-valoir des distribu-teurs français

Apports étrangers

Copro-ductions

Pré-achats

1991

33,7

5,9

7,6

4,7

4,6

18,9

4,4

20,2

1992

36,5

6,1

5,8

4,6

5,4

24,7

5,4

11,5

1993

33,4

5,2

7,7

5,5

5,6

25,2

5,1

12,3

1994

29,3

5,3

7,5

6,7

6,5

27,4

5,0

12,3

1995

26,8

5,6

8,7

5,7

6,8

30,1

4

12,3

1996

24,3

4,8

8,3

4,9

10,3

31,7

5,5

10,2

1997

33,4

4,5

7,7

5,2

7,2

28,7

3,5

9,8

1998

27,9

4,3

7,8

4,4

7

31,5

6,8

10,3

1999

27,9

4,4

6,8

4,4

6

34,2

8,8

7,5

2000

31,9

5,7

6,6

3,6

9

31,2

5,5

6,5

2001

34,6

3,3

9,1

3,2

3,7

32

6,0

8,2

(Source : Centre national de la cinématographie)

• Les chaînes de télévision , en dépit d'un léger recul de leur contribution, imputable à la diminution des sommes investies dans des co-productions, conservent un rôle prépondérant dans le financement de la production cinématographique.

Limitée à 23 % en 1991, leur part s'établit à 39,7 % en 2001 .

Cette évolution apparaît comme le résultat mécanique de « l'indexation » des mécanismes de financement sur le chiffre d'affaire des chaînes, qu'il s'agisse de la contribution des chaînes sous forme d'achats de droits ou de parts de coproduction ou de la taxe destinée à alimenter le compte de soutien.

Canal Plus, avec un apport de 153,11 millions d'euros, intervient dans le financement de 122 des 204 films français, et représente 21 % du total des investissements français dans les oeuvres agréées contre 22 % en 2000 et 25 % en 1999. Cependant, la répartition de ces investissements évolue, confirmant la tendance constatée lors des années précédentes : les sommes destinées aux co-productions minoritaires françaises connaissent une nouvelle baisse, pour s'établir à six millions d'euros, contre dix millions d'euros en 1997, tandis que, parallèlement, celles concernant les films d'initiative française continuent à progresser (+ 7 %). Le montant moyen de l'investissement de Canal Plus sur les films d'initiative française est stable par rapport à 2000.

Le volume global d'investissement des chaînes en clair connaît une hausse de 17 % mais se concentre sur un plus petit nombre de films (89 films contre 98 en 2000). Cette progression recouvre des différences notables entre les chaînes : ainsi, les sommes investies par TF1 et M6 augmentent sensiblement tandis que les investissements de France 2 et de France 3 diminuent légèrement.

L'implication de TPS Cinéma dans le financement de la production nationale se poursuit à un rythme rapide conformément à la tendance observée en 2000 ; le montant des sommes investies progresse de 37 % pour atteindre 23,81 millions d'euros qui se répartissent de la manière suivante : 80 % pour des pré-achats de deuxième fenêtre et 15 % pour des minima garantis au titre d'une exploitation en paiement à la séance.

• La part représentée par les investissements des producteurs français connaît à nouveau une progression sensible, passant de 31,9 % en 2000 à 34,6 % en 2001 . Ainsi, le niveau de leur contribution à la production s'établit, après le recul enregistré entre 1994 et 1999, à un niveau comparable à celui observé au début de la décennie.

• Après le désengagement constaté en 2000, la part des distributeurs progresse en 2001 pour s'établir à 6 % , confirmant le caractère aléatoire de leur contribution à la production nationale qui résulte de la fragilité des entreprises de ce secteur.

• La part des SOFICA , qui financent un nombre de films comparable à celui enregistré en 2000 (59), diminue pour s'établir à 3,3 % contre 5,7 % en 2000. Ce niveau est le plus bas atteint depuis 1991. On relèvera que les oeuvres soutenues sont essentiellement des films dont le budget est supérieur à la moyenne.

La diminution de la part prise dans le financement de la production nationale par les SOFICA s'explique par les mécanismes d'encadrement de cet instrument. On rappellera que la collecte, et donc l'investissement des SOFICA, est plafonnée à 46 millions d'euros par an.

Le groupe de travail du CNC évoqué plus haut a formulé plusieurs propositions de réforme de ce dispositif. S'il approuve le relèvement du plafond rendu nécessaire sous l'effet inflationniste résultant de l'augmentation de la production nationale, votre rapporteur estime nécessaire d'approfondir la réflexion en ce domaine. En effet, le succès des SOFICA réside essentiellement dans le faible risque supporté par les investisseurs.

• La part du soutien public progresse pour s'établir à 12,3 % , contre 10,2 % en 2000. Cette évolution résulte de l'accroissement du soutien automatique, conséquence de la progression des parts de marché des films français.

En conclusion de cette analyse rapide des modes de financement du cinéma, votre rapporteur ne pourra que souligner la nécessité d'engager une réflexion sur leur évolution afin de corriger les déséquilibres apparus au fil de la dernière décennie et de ne pas remettre en cause la vitalité de la production nationale, moteur essentiel de l'économie du secteur.

Comme le soulignent les conclusions du groupe de travail constitué au sein du CNC, il apparaît que « certaines catégories de films sont fragilisées par l'évolution actuelle de la production, qui traduit une forte poussée des films à gros budget susceptibles de capter plus aisément que d'autres une masse de financements importants auprès d'investisseurs très différents. A l'autre extrême, se développe également une catégorie de productions dont la modicité des budgets n'est que le reflet des difficultés rencontrées par les producteurs pour trouver une ou deux sources de financements susceptibles d'accompagner la production du film. Au centre, enfin, la catégorie des films à devis moyens risque à terme de souffrir également de sous-financement, les besoins créés par l'augmentation du nombre de films dans les autres catégories accaparant les moyens financiers jadis réservés à cette catégorie de films ».

C'est au regard de ce contexte que doit être appréciée l'évolution du financement public du cinéma.

* 1 films produits et financés intégralement ou majoritairement par des partenaires français

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