2. La révision constitutionnelle en cours

A la suite des engagements pris par M. Jacques Chirac, président de la République, a été déposé le 16 octobre dernier au Sénat un projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République, qui modifie notamment le régime des collectivités situées outre-mer.

Celles-ci figureront ainsi nominativement dans la Constitution, pour la première fois à l'exception de la Nouvelle Calédonie déjà dénommée, ce qui était une revendication constante de Mayotte.

Le nouvel article 73 de la Constitution fixe le statut constitutionnel des départements et régions d'outre-mer, qui demeurent à la date de la promulgation de la loi la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et La Réunion. De plus, en cas de fusion d'un département et d'une région d'outre-mer, la collectivité en résultant relèverait toujours de l'article 73.

Le nouvel article 74 de la Constitution consacre une nouvelle catégorie juridique sous le vocable de « collectivités d'outre-mer » qui se substitue à celle des territoires d'outre-mer. Sont rattachées à cette nouvelle catégorie : la Polynésie française et les îles Wallis-et-Futuna, en tant qu'anciens territoires d'outre-mer, et les collectivités de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Cette classification permet ainsi de réunir dans un même cadre constitutionnel les collectivités régies, totalement ou partiellement, par le principe de la spécialité législative , et qui ne font pas partie intégrante de l'Union européenne mais lui sont rattachées, en tant que pays et territoires d'outre-mer (PTOM), par un lien d'association.

Une procédure de transfert d'une catégorie à l'autre est pour la première fois prévue, assortie des garanties permettant d'assurer l'effectivité du principe de libre détermination.

Ceci pourrait intéresser Mayotte en 2010. Néanmoins, ainsi que l'a indiqué le Président de la République, M. Jacques Chirac, en janvier 2002, « aucune collectivité d'outre-mer ne doit être entraînée dans une évolution institutionnelle que sa population n'aurait pas explicitement souhaitée » et doit donc pouvoir, si sa population le souhaite, « conserver son statut actuel sans aucun changement ». Ceci doit permettre à la Réunion de préserver son statut de département d'outre-mer.

L'adoption d'une loi organique, ainsi que le consentement des électeurs de la collectivité concernée seraient désormais requis.

Cette exigence du consentement des électeurs constitue une innovation importante. En effet, s'agissant des départements d'outre-mer, une consultation n'est formellement envisagée, à titre facultatif et sans valeur décisionnelle, que depuis la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer. La loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative au statut de Mayotte a également prévu l'éventualité d'une consultation en 2010.

Le Parlement pourrait toujours s'abstenir en dépit du consentement des électeurs à une évolution statutaire. Il ne pourrait en revanche plus passer outre un refus d'évolution.

Afin de répondre aux souhaits d'évolution des différentes collectivités territoriales situées outre-mer et d' éviter un émiettement du cadre constitutionnel , le projet de loi propose un assouplissement de ce cadre pour chacune des catégories régies par les articles 73 et 74.

Le nouvel article 73 vise à permettre aux départements et régions d'outre-mer une évolution différenciée tout en restant dans le cadre de la République et de l'Europe.

Ainsi, si le principe de l'assimilation législative est maintenu, il est fait l'objet de larges assouplissements .

En premier lieu, les possibilités d'adaptation des lois et règlements par les autorités nationales (Parlement ou Gouvernement) sont désormais envisagées par rapport aux « caractéristiques et contraintes particulières » des départements et régions d'outre-mer, par référence à l'article 299-2 du traité d'Amsterdam, qui ouvre des possibilités d'adaptation plus importantes que l'article 73 actuel.

De plus, le projet prévoit de confier aux collectivités la possibilité d'adapter des dispositions législatives et réglementaires dans leurs domaines de compétences. S'agissant de dispositions législatives, ceci constitue une innovation très importante, le pouvoir réglementaire reconnu aux collectivités territoriales l'excluant. Une habilitation par la loi sera donc nécessaire.

Enfin, le projet ouvre la possibilité de transférer à ces collectivités un véritable pouvoir normatif, afin de tenir compte de leurs spécificités . Elles seraient ainsi compétentes à la fois pour l'élaboration des codes ou pour la prise de mesures individuelles, de tels transferts étant exclus s'agissant des matières régaliennes de l'Etat.

Dans ces deux derniers cas, de telles habilitations ne pourraient intervenir qu' à la demande de la collectivité intéressée , une loi organique en fixant les modalités.

Le nouvel article 74 offre un cadre constitutionnel souple permettant d'élaborer des statuts « à la carte » en fonction des spécificités et des aspirations de chaque collectivité d'outre-mer .

Comme c'était déjà le cas pour les territoires d'outre-mer, la définition et la modification de leur statut relèvent de la loi organique . Il s'agit d'une innovation pour Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon. Le contenu de la loi organique statutaire pourra ainsi être adapté à la situation et aux aspirations de chaque collectivité d'outre-mer.

Le projet de loi constitutionnelle propose en outre d'insérer un article 74-1 dans la Constitution pour instaurer une habilitation permanente du Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures nécessaires à l'actualisation du droit applicable outre-mer par rapport à celui en vigueur en métropole. Il s'agit de permettre une accélération de la mise à niveau du droit applicable outre-mer pour éviter que ne se pérennise une situation de droits à deux vitesses entre la métropole et l'outre-mer.

Cela opère un dessaisissement du Parlement en amont. Il est prévu que les ordonnances deviennent caduques si elles ne sont pas ratifiées dans un délai de 18 mois suivant leur publication.

Le Sénat, saisi en premier, a examiné ce projet de loi constitutionnelle en première lecture les 30 et 31 octobre et les 5 et 6 novembre dernier.

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Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission des Lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux départements d'outre-mer et aux collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon dans le projet de budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer pour 2003.

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