Avis n° 75 (2003-2004) de M. Roland COURTEAU , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 20 novembre 2003

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N° 75

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 novembre 2003

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi de finances pour 2004 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME VI

ÉNERGIE

Par M. Roland COURTEAU,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Gérard Larcher, président ; MM. Jean-Paul Emorine, Marcel Deneux, Gérard César, Pierre Hérisson, Bernard Piras, Mme Odette Terrade, vice-présidents ; MM. Bernard Joly, Jean-Paul Émin, Jean-Marc Pastor, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Philippe Arnaud, Gérard Bailly, Bernard Barraux, Mme Marie-France Beaufils, MM. Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Jean Besson, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Marcel-Pierre Cléach, Yves Coquelle, Gérard Cornu, Roland Courtaud, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, Yves Détraigne, Mme Evelyne Didier, MM. Michel Doublet, Bernard Dussaut, André Ferrand, Hilaire Flandre, François Fortassin, Alain Fouché, Christian Gaudin, Mme Gisèle Gautier, MM. Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Joseph Kergueris, Gérard Le Cam, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Jean-Yves Mano, Max Marest, René Monory, Jacques Moulinier, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Charles Revet, Henri Revol, Henri de Richemont, Roger Rinchet, Claude Saunier, Bruno Sido, Daniel Soulage, Michel Teston, Yannick Texier, Pierre-Yvon Trémel, André Trillard, Jean-Pierre Vial.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 1093 , 1110 à 1115 et T.A. 195

Sénat : 72 et 73 (annexe n° 11 ) (2003-2004)

Lois de finances.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Comme il l'a indiqué, voici un an, dans son rapport sur les crédits de l'énergie inscrits dans le projet de loi de finances pour 2003, votre rapporteur pour avis constate qu'après une période de relative tranquillité, le marché de l'énergie subit des transformations importantes et des crises préoccupantes. Parmi celles-ci, on retiendra les graves coupures de courant survenues aux Etats-Unis, au Canada, en Grande-Bretagne et en Italie. Ces crises traduisent bien un élément fondamental que d'aucuns ont eu tendance à oublier : la sécurité énergétique nécessite des efforts renouvelés et une attention de tous les instants .

Mais cette préoccupation ne saurait rester la seule qui inspire les pouvoirs publics français qui s'intéressent également, et à très juste titre, à la préservation de l'environnement et qui mettent progressivement en oeuvre le protocole de Kyoto. A l'évidence, beaucoup reste à faire en la matière afin de favoriser la tempérance énergétique, la maîtrise de la consommation d'énergie et une diversification des sources d'approvisionnement qui laissent une place substantielle aux énergies renouvelables.

C'est sur la base de ces principales observations, que s'articule le présent rapport pour avis, qui examinera successivement les voies et les moyens de la politique énergétique française, l'actualité de la libéralisation des marchés énergétiques, l'état des différents segments du marché énergétique, et enfin la protection de l'environnement et les économies d'énergie.

CHAPITRE I -

LA POLITIQUE ENERGÉTIQUE DE LA FRANCE :
VOIES ET MOYENS

Les indicateurs globaux relatifs à l'évolution de la consommation et de la production d'énergie en France restent , pour l'essentiel, en 2003, dans le prolongement des mouvements enregistrés en 2002 . Ainsi la production nationale d'énergie primaire poursuit sa progression modérée , atteignant 135 Mtep , ( + 1,5% , contre + 1,1% en 2001), tandis que la production totale brute d'électricité croît (+ 1,8%) et représente 559 TWh dont 78 % pour le nucléaire, 12 % pour l'hydraulique (- 16 %) et l'éolien (- 2,6 %), et 10 % pour le thermique classique (+ 14 %).

De son côté, la consommation totale d'énergie primaire corrigée du climat et des erreurs statistiques dues au retraitement statistique appliqué en 2002 serait stable , à 267 Mtep (+ 0,1%), tandis que l 'intensité énergétique finale de l'économie française croît de 0,4 point de plus que le PIB, elle qui connaissait une baisse tendancielle de - 0,8% par an depuis 1982. Ce mouvement préoccupant résulte de la hausse de la consommation finale, énergétique due à la combinaison d'une quasi-stabilité de la consommation de l' industrie ( - 0,3 % ) , et d'une double hausse du résidentiel-tertiaire ( + 3 % ), et des transports , ( + 0,9 % contre + 2 % en 2001 ).

La facture énergétique de la France s'élève à 21,76 milliards d'euros (- 5,5 %) en 2002 , chiffre qui résulte de la combinaison d'une baisse du prix des énergies importées et exportées (- 1,8 %), d'une faible hausse du solde importateur en quantité et d'une hausse de la consommation finale. Le taux d'indépendance énergétique de la France (différence de la production nationale primaire et de la consommation totale, non corrigée du climat) s'établit à 50,7 % , en ligne avec l'amélioration obtenue depuis deux ans.

Parallèlement à la poursuite de ces « tendances lourdes », l'année 2003 a été marquée au plan politique par le débat national sur l'énergie , occasion d'évoquer les moyens dont dispose le ministère de l'industrie pour mettre en oeuvre la politique de la nation dans ce domaine stratégique, aussi bien pour l'économie que dans la vie quotidienne des Français.

I. LE DÉBAT NATIONAL SUR L'ÉNERGIE : UNE ÉTAPE VERS UN PROCESSUS RÉGULIER D'INFORMATION ET DE DISCUSSION ?

Le Gouvernement a pris l'initiative de lancer, le 8 janvier 2003, un débat national sur l'énergie pour faire le point sur cinq grands thèmes : l'énergie et la vie quotidienne ; les entreprises, le transport et la compétitivité ; le charbon, le gaz et le pétrole ; les énergies renouvelables ; le nucléaire et enfin la définition d'une politique énergétique durable. Il a donné lieu, outre un colloque le 18 mars dernier à Paris, à cinq rencontres régionales dans quatre villes (à Strasbourg, Nice, Bordeaux et Rennes), suivies d'une nouvelle rencontre à Paris. Comme l'a rappelé Mme la ministre déléguée à l'industrie dans une communication présentée au Conseil des Ministres du 18 juin dernier, des moyens importants ont été mis en oeuvre à cette occasion avec la création d'un site Internet, la diffusion d'une brochure à trois millions d'exemplaires et le relais constitué par 250 initiatives partenaires dans toute la France.

Ce débat national a, selon la même source, « permis de dégager plusieurs points de consensus quant à notre future politique énergétique », laquelle « devra s'appuyer sur la relance d'une véritable politique de maîtrise et d'efficacité énergétique et, ainsi, concourir à la division par quatre de nos émissions à effet de serre d'ici 2050 ». Outre la diversité du « bouquet énergétique », recherchée notamment par le renouvellement des énergies renouvelables et thermiques et celui de la recherche, le débat a également permis de mettre en lumière la nécessité « pour la production d'électricité qui ne pourra pas être couverte par les énergies renouvelables  [...] de choisir de fait entre le renouvellement du parc de centrales nucléaires ou son remplacement par des centrales à gaz », de sorte qu'il reviendra au Gouvernement de « se prononcer après avoir évalué des inconvénients respectifs des risques liés à la filière nucléaire (y compris le stockage des déchets à vie longue) et des émissions de gaz carbonique renforçant l'effet de serre » 1 ( * ) .

Dans la conclusion du rapport présenté par MM. Pierre Castillon et Mac Lesggy, deux des membres du comité des sages associés au débat, (le troisième M. Edgar Morin ayant rédigé un rapport distinct), on notera que ceux-ci ont souligné la « réelle volonté de débattre, de laisser s'exprimer tous les points de vue » et le fait « qu'il y a bien eu pluralisme et équilibre des expressions, ce qui est un bon début dans un pays où la culture du débat reste à créer et à substituer à une culture de confrontation ». Le même rapport a également souligné « les progrès qui sont à réaliser dans la compréhension par le grand public d'un problème aussi complexe que celui de l'énergie qui ne fait guère partie de ces préoccupations immédiates ».

Quant au fond, les deux auteurs précités soulignent la nécessité d'une « tempérance » de la consommation d'énergie qu'il convient de stabiliser puis de réduire. Ces mesures sont l'occasion d'une interrogation sur les modes de vie et l'organisation de la société engagée dans un consumérisme non durable. Il s'agit de penser en termes de besoins de chaleur, de froid, de transport, d'éclairage, de production et de vie des produits, avec la fixation d'objectifs rigoureux et le suivi des réalisations.

Ils considèrent, en outre, comme le Sénat l'a constaté à plusieurs reprises, que « toutes les sources d'énergie seront nécessaires pour faire face aux besoins croissants de la planète : les renouvelables ne pourront faire face à elles seules à cette croissance et la France doit préserver ses positions reconnues de leader technologique, ce qui est le cas dans le nucléaire ».

Votre Commission des Affaires économiques se félicite de l'initiative prise par le Gouvernement et des conditions dans lesquelles s'est déroulé le débat national qui a fait évoluer les esprits et sensibilisé l'opinion publique à l'acuité de la question énergétique. Votre rapporteur considère, cependant, à titre personnel, que le débat est loin d'être clos, puisqu'un « livre blanc » est paru et qu'un débat parlementaire doit avoir lieu prochainement. Dans ces conditions, il lui paraît opportun que les pouvoirs publics se gardent de procéder à des annonces forcément prématurées à l'exemple du dossier EPR... De même, et à l'instar du Comité des Sages, votre rapporteur souhaite que le débat « soit considéré comme une étape vers un processus permanent, accompagné d'une évaluation par des indicateurs qui poursuivra régulièrement l'information et la discussion ».

Le Gouvernement a également publié, courant novembre, un livre blanc qui constituera la trame sur laquelle sera élaboré le projet de loi de programmation sur l'énergie.

C'est à l'aune de ces premières conclusions, que votre rapporteur pour avis vous proposera d'examiner, après une présentation des grandes évolutions survenues au cours de l'année énergétique 2003, l'état de la libéralisation des marchés énergétiques en Europe, puis la situation des différents segments du marché de l'énergie français : l'industrie nucléaire et la production d'électricité, ceux du gaz et du charbon, des produits pétroliers et, enfin, les progrès réalisés en matière d'énergies renouvelables. Il s'intéressera, auparavant, aux moyens dévolus au ministre de l'industrie pour animer cette politique.

II. LES MOYENS MIS EN oeUVRE PAR LE MINISTÈRE DE L'INDUSTRIE

Votre Commission des Affaires économique a souhaité, dans le cadre d'une réflexion concertée avec la Commission des Finances du Sénat, faire le point sur les moyens humains dont dispose l'administration de l'Etat en matière de politique énergétique , ce qui conduit votre rapporteur pour avis à s'intéresser à la situation de la Direction générale de l'énergie et des matières premières (DGEMP) organisée par un décret du 12 novembre 2001 en deux directions : la Direction des Ressources Energétiques et Minérales (DIREM) et la Direction de la Demande et des Marchés Energétiques (DIDEME) ; auxquelles s'ajoutent un troisième pôle, constitué d'une structure fonctionnelle consacrée aux affaires générales et aux synthèses et l'Observatoire de l'économie de l'énergie et des matières premières (OEEMP).

En 2003, les effectifs de la DGEMP s'élèvent à 232 agents dont 70 % de cadres A, répartis au plan fonctionnel entre 91 agents à la DIREM, 86 à la DIDEME et 55 au pôle affaires générales, synthèse et OEEMP au plan statutaire, on compte 202 titulaires et 30 non titulaires. Selon les informations transmises à votre rapporteur pour avis, bien que le projet de cadre d'emplois de la DGEMP prévoie 257 postes , il n'est pas prévu en 2004 d'y créer des emplois nouveaux. Au cours de la dernière décennie , les effectifs de la DGEMP ont été réduits de 2 % par an , alors même que, selon les indications transmises à votre rapporteur pour avis, « des missions jusqu'alors internalisées dans les monopoles doivent être assumées par l'administration [ce qui] se traduit par une augmentation des missions assumées par la DGEMP ». A titre de comparaison, on rappellera qu'au 31 décembre 2002 l'effectif total des deux opérateurs publics, Electricité de France et Gaz de France s'élève à 137 640 agents. A titre personnel, votre rapporteur pour avis s'interroge sur l'adaptation des moyens dont est doté l'exécutif pour remplir sa mission dans le cadre de l'ouverture des marchés énergétiques.

III. UN CALENDRIER LEGISLATIF ET RÉGLEMENTAIRE CHARGÉ

A. LES NÉGOCATIONS EUROPÉENNES

Tous les segments du marché de l'énergie, du gaz au nucléaire, ont fait l'objet d'initiatives communautaires en 2002-2003.

Les textes relatifs à la libéralisation du marché de l'électricité et du gaz et aux échanges transfrontaliers d'électricité

Trois textes importants, qui mettent en forme les décisions politiques prises à l'automne 2002 pour l'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz et dont le contenu sera évoqué au chapitre II, ont été adoptés en juin 2003 :

- la directive 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité, abrogeant la directive 96/92/CE ;

- la directive 2003/55/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel qui abroge la directive 98/30/CE ;

- le règlement n° 1228/2003 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003 sur les conditions d'accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d'électricité.

Les projets relatifs au nucléaire

Depuis le 16 juin 2003, le Conseil Euratom examine les deux projets de directive concernant la sûreté des installations nucléaires et le financement de leur démantèlement , et la gestion des déchets radioactifs . Sur ces sujets, la France veille, selon les informations transmises à votre rapporteur pour avis, à ce que les dispositifs proposés n'aient pas pour effet de bouleverser des principes actuellement mis en oeuvre par les États membres et qui ont fait leurs preuves en matière de sûreté , ni de remettre en cause des processus consensuels analogues à celui qui résulte de la loi du 30 décembre 1991 sur la gestion des déchets radioactifs, ni de permettre l'instrumentalisation des directives par un groupe de pays à des fins pro ou anti-nucléaires remettant en cause les options énergétiques stratégiques des États membres. C'est pourquoi elle a demandé à la Commission de préciser ses intentions en la matière, tandis que l'Allemagne, le Royaume-Uni, la Finlande et la Suède ont, quant à eux, mis en avant l'absence de valeur ajoutée des projets de la Commission, notamment en matière de sûreté, considérant que ce sujet est déjà suffisamment encadré par les normes et les pratiques en vigueur.

La Commission a, en outre, préparé un projet de mandat de négociation avec la Fédération de Russie sur le commerce des matières nucléaires , dans la perspective de l'adhésion de nouveaux États membres dont les centrales électronucléaires constituent un marché traditionnel pour l'industrie russe d'une part et, d'autre part dans celle de l'ouverture de négociations d'adhésion de la Russie à l'Organisation Mondiale du Commerce. Selon les éléments transmis à votre Commission, la France a exprimé la préoccupation de préserver la sécurité d'approvisionnement en matières fissiles de l'Union et par conséquent la viabilité de l'industrie européenne, la sûreté nucléaire et la protection de l'environnement tout en encourageant de véritables coopérations industrielles.

Les propositions de directives sur les stocks pétroliers et gaziers

Une proposition de rapprochement des diverses législations nationales en matière de sécurité des approvisionnements en produits pétroliers a été soumise au Parlement européen. Elle tend notamment à porter le niveau des stocks stratégiques de 90 jours à 120 jours, et à permettre le recours aux stocks à des fins de régulation des marchés ; à favoriser dans chaque Etat membre la création d'un organisme public de stockage ; à simplifier les procédures permettant le stockage stratégique sur le territoire d'un autre Etat membre dans le respect d'un cadre visant à assurer le contrôle et la réelle disponibilité des produits en cas de crise. La proposition visant à garantir la sécurité de l'approvisionnement en gaz naturel trace, quant à elle, un cadre général pour la fixation, par chaque Etat membre, des critères minimaux de sécurité des approvisionnements (suivi régulier de la situation dans chaque Etat par un rapport sur la sécurité des approvisionnements gaziers, garantie de la continuité de fourniture, notamment aux clients domestiques). Ces normes sont, au demeurant, moins sévères que celles appliquées par les opérateurs en France. Au cours de la négociation de ces textes, notre pays a veillé à maintenir la distinction entre la sécurité d'approvisionnement et la libéralisation du marché du gaz craignant, selon les éléments transmis à votre Commission, que ce texte ne revienne sur l'accord politique relatif aux directives de libéralisation du marché gazier de l'automne 1992 en créant de nouvelles obligations d'accès des tiers au stockage. Elle observe toutefois que la Commission européenne reconnaît désormais la contribution des contrats de long terme à la sécurité d'approvisionnement. Du reste, ces projets sont bien loin de faire l'unanimité puisqu'au cours de sa séance du 23 septembre 2003, le Parlement européen a rejeté le projet de directive sur le pétrole et considérablement modifié celui relatif au Gaz.

Proposition de directive sur la promotion de la cogénération sur la base de la demande de chaleur utile

La Commission a publié, le 22 juillet 2002, une proposition de directive pour promouvoir la cogénération fondée sur une demande de chaleur utile . Un texte de compromis a recueilli un accord politique du Conseil énergie le 14 mai 2003. Il promeut la cogénération à haut rendement énergétique destinée à satisfaire une demande de chaleur utile et à aboutir à des économies d'énergies primaire. La France a accompli d'importants efforts pour parvenir à ce compromis, mais a réitéré avec constance son opposition à la fixation d'objectifs chiffrés. En effet, le Gouvernement ne souhaite pas que dans le cadre d'un marché de l'énergie ouvert soient créées des « segments réservés » bénéficiant d'un régime dérogatoire, à commencer par la cogénération.

B. L'ACTIVITÉ LÉGISLATIVE ET RÉGLEMENTAIRE

L'application des lois en vigueur

Sur les cinq décrets ou arrêtés restant à publier au début 2003 pour l'application de la loi n° 2000-108 du 10 février 2003 relative à la libéralisation et au développement du service public de l'électricité, deux sont parus qui concernent l'Observatoire national du service public de l'électricité et du gaz (décret n° 2003-415 du 30 avril 2003) et la programmation pluriannuelle des investissements (PPI) de production d'électricité (arrêté du 7 mars 2003). Les trois décrets qui ne sont toujours pas publiés, trois ans après l'entrée en vigueur de la loi, se trouvent dans cette situation pour des raisons techniques, à l'instar de ceux qui concernent :

- le seuil de puissance des installations de production d'électricité que les autorités concédantes exploitent directement (article 11-I) qui serait modifié à l'occasion d'une refonte des décrets sur la distribution ;

- le cahier des charges type de concessions du réseau public de transport (article 12 alinéa 1) qui, en l'état actuel du statut juridique des opérateurs historiques français, ne nécessite pas d'être publié ;

- les conditions d'intervention des collectivités locales chez les consommateurs desservis en basse tension en matière de maîtrise de la demande d'électricité (MDE) (article 17) dont l'édiction suppose, selon les informations transmises à votre Commission, de disposer d'un retour d'expérience sur les récentes initiatives en matière de MDE.

Pour l'application de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie , les services du ministère compétent estiment que l'ensemble des décrets seront, à deux exceptions près, parus au plus tard à la fin de l'année, soit moins d'un an après l'entrée en vigueur de la loi . De façon analytique, la situation se présente comme suit :

- sont à l'examen du Conseil d'Etat les décrets d'application des articles  5.I (autorisations de fourniture) et 5.II, (informations commercialement sensibles), 22.II (habilitation d'organismes de contrôle), et 27 (changement d'affectation d'une canalisation) ;

- est en préparation le texte concernant les articles 7.IV (consacré aux dérogations tarifaires il sera établi sur la base des tarifs définis en fonction des propositions de la Commission de régulation de l'énergie (CRE)) ;

- sont soumis au Conseil supérieur de l'électricité et du gaz (CSEG), avant envoi au Conseil d'Etat les projets concernant les articles 16 (obligations de service public), 21 (prescriptions techniques) et 22.I (prescriptions techniques générales applicables aux canalisations) ;

- est en cours de parution le décret d'application de l'article 25.I (autorisations de transport).

Deux décrets d'application ne seront pas publiés avant la fin de l'année 2003, qui concernent les articles 28 (stockages, code minier) car la réglementation applicable au stockage pose encore quelques difficultés, ce projet de décret fait l'objet d'une consultation interne aux services et 61 de la loi (redevances dues aux départements pour le transport et la distribution de l'électricité et du gaz), projet de texte faisant l'objet d'une consultation préalable des opérateurs et des autorités représentatives des autorités concédantes et des régies. Enfin le décret relatif à l'article 17 (diagnostic de sécurité) pourrait être intégré à un dispositif global destiné à améliorer la construction, lequel s'insèrerait, selon les informations transmises à votre Commission, dans un projet de loi préparé par le ministère de l'Equipement.

S'agissant de l'électricité le décret n° 2003-282 du 27 mars 2003 fixant la distance minimale entre deux sites pouvant bénéficier d'une obligation d'achat d'électricité a déjà été publié. Sont, en revanche, toujours attendus ceux prévus par les articles :

- 42 (article 13 de la loi n° 2000-108 modifiée), sur la création d'une commission de déontologie ayant à connaître des changements d'affectation des agents du Réseau de transport d'électricité (RTE) ;

- 47 (article 22-I de la loi n° 2000-108 précitée) concernant l'éligibilité des professionnels consommateurs d'électricité qui devra être publié, au plus tard, le 1 er juillet 2004 pour respecter la directive 2003/54/CE de juin 2003 ;

- 48 (article 22-II de la loi n° 2000-108 précitée) sur le maintien des tarifs de cession aux distributeurs non éligibles, pour lequel il est nécessaire de recueillir les avis du CSEG et de la CRE avant consultation du Conseil d'Etat ;

- 50 (article 22-IV de la loi n° 2000-108 précitée) relatif à l'achat d'électricité pour revente aux clients éligibles.

Votre Commission des Affaires économiques se réjouit que le Gouvernement ait annoncé la discussion prochaine du projet de loi d'orientation sur l'énergie à l'issue d'une phase de concertation et de dialogue.

CHAPITRE II -

LA LIBÉRALISATION DES MARCHÉS
ÉNERGÉTIQUES EN EUROPE

2003 restera une année spécialement importante en matière de libéralisation des marchés de l'électricité et du gaz, tant en France, où la loi du 3 janvier 2003 est entrée en vigueur, qu'à l'échelon européen, où deux importantes directives électriques et gazières ont été publiées.

I. LA MISE EN oeUVRE DES TEXTES EN VIGUEUR

A l'évidence, l'appréciation des effets économiques de l'ouverture des marchés énergétiques est bien loin d'être tranchée : alors que selon certaines études, les entreprises plébiscitent la libéralisation, il s'avère qu'elle pourrait aussi aboutir à une hausse des prix voire même entraîner, après des gains de court terme, des difficultés à long terme comme l'ont indiqué certains intervenant au dernier congrès de l'Association française du Gaz 2 ( * ) .

A. LE MARCHÉ DE L'ÉLECTRICITÉ

L'ouverture en Europe

L'ouverture du marché de l'électricité entraîne, selon la CRE dont le Rapport annuel , très complet, a servi de base aux développements suivants, une recomposition du paysage industriel européen marqué par :

- le retrait des opérateurs américains notamment du fait des difficultés enregistrées sur leur marché domestique ;

- la fusion d'E.On et de Ruhrgas , le deuxième groupe électrique et le deuxième groupe gazier allemand, complétée par divers achats tant en Allemagne qu'à l'étranger ;

- le rachat de sociétés de distribution d'électricité par RWE , le premier producteur allemand, notamment en Slovaquie , en Pologne et en République tchèque ;

- les acquisitions par EDF du distributeur d'électricité et de gaz Seeboard, et d'une société de distribution d'électricité en Slovaquie ainsi que d'opérateurs espagnols et allemands.

Votre Commission des Affaires économiques s'interroge toutefois sur le taux d'ouverture réelle des marchés de l'électricité en Europe . Elle constate que si plusieurs Etats affichent, depuis trois ans, des taux d'ouverture théoriques très élevés, des données quantitatives et qualitatives sur le taux réel d'ouverture des marchés font encore défaut , alors même que la France respecte désormais à la lettre les normes européennes.

L'ouverture en France est bien réelle

Comme l'observe la CRE, 17 % des clients éligibles ont changé de fournisseurs sur le marché de l'électricité français , tandis que la quasi-totalité des clients qui consomment plus de 16 GWh par an (30 % du marché français total soit plus de 80 % du marché ouvert) ont mis un terme à leur ancien contrat unique, au bénéfice de deux nouveaux contrats (accès au réseau et fourniture). Ainsi, selon la même source, seuls le Royaume-Uni, la Suède et l'Italie se trouvent mieux placés sous cet angle. En pratique, 350 sites sur les 3.500 éligibles au marché ouvert auraient changé de fournisseur.

Les relations des opérateurs du secteur électrique rentrent peu à peu dans le droit commun . C'est ainsi que le contrat d'achat de courant dans des conditions spécifiques signé en 1996 par la SNET et EDF a été renégocié pour être adapté au cadre libéralisé. Faute d'accord amiable, ses signataires ont eu recours à l'instance arbitrale prévue par l'article 50 alinéa 3 de la loi du 10 février 2000, laquelle, prenant acte du déséquilibre de ce contrat en faveur de la SNET, a exigé qu'il soit modifié, décision confirmée par le Conseil d'Etat.

La CRE note que le marché de gros se développe plus vite que les ventes aux éligibles du fait de l'amélioration des fonctions d'intermédiation, bien que la bourse de l'électricité joue un rôle modeste en volume . Alors que le marché « Nord pool », créé en 1993 dans la péninsule scandinave, enregistre des volumes quotidiens d'échanges sur le marché spot de 317 GWh (32 % de la consommation de cette zone), ceux de la bourse française de l'électricité Powernext, créée voici deux ans étaient de 17 GWh au premier semestre 2003. Dans l'ensemble de l'Union, les volumes de transaction sur les bourses de l'électricité ne dépasseraient pas 10 % de la consommation nationale, l'essentiel des échanges en gros d'électricité s'effectuant de gré à gré.

La question de l'effet de la libéralisation sur les prix demeure toujours aussi controversée . Selon le régulateur français, les industriels français auraient, d'ores et déjà, bénéficié d'une diminution de 10 à 15 % de leur facture électrique, du fait de la libéralisation 3 ( * ) . D'autres sources considèrent, en revanche, que l'« Ouverture des marchés n'empêche pas les prix de monter », comme l'indiquait un article des Echos du 23 juillet dernier, fondé sur une étude internationale. C'est ainsi que sur 14 Etats étudiés, 10 connaîtraient des hausses de prix allant de 0,9 pour le Canada à 33 % pour la Finlande. En Allemagne, les prix auraient crû de façon consécutive de 8,6, 16,5 et 3,2 % entre 2001 et 2003 et, selon l'étude précitée, « la domination des grands fournisseurs sur le marché ne s'est pas démentie », les fournisseurs de moindre envergure et les fournisseurs étrangers « rencontrant de plus en plus de difficultés à entrer sur le marché » .

Une autorité de régulation active, dotée de moyens limités

La Commission de régulation de l'énergie a succédé, en vertu de la loi du 3 janvier 2003 précitée, à la Commission de régulation de l'électricité. Alors que selon les estimations réalisées en 2000, ses effectifs devaient atteindre 150 emplois, ils s'élèvent, en 2003, à 96 emplois budgétaires correspondants à un effectif réel de 89 personnes , pour une masse salariale de 6,57 millions d'euros et des moyens de fonctionnement de 5,6 millions d'euros, soit un budget total de 12,17 millions d'euros.

Les réformes résultant de la loi du 3 février 2003

La loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie a apporté des modifications importantes au dispositif institué trois ans plus tôt par la loi relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité. S'agissant de l'électricité, cette loi a :

- modifié le mécanisme de financement du fonds de péréquation de l'électricité (cf. ci-dessous) ;

- supprimé l'obligation faite à un producteur désirant bénéficier de l'obligation d'achat de faire la preuve qu'il ne pouvait trouver de client éligible pour vendre son électricité dans des conditions économiques raisonnables ;

- permis de bénéficier de la compensation des surcoûts enregistrés par EDF et les distributeurs non nationalisés (DNN) qui exploitent leurs propres installations de moins de 12 MW dans les mêmes conditions que celles qui bénéficient de l'obligation d'achat ;

- établi le principe d'une distance minimale entre deux sites d'une même société bénéficiant de l'obligation d'achat afin d'éviter le « saucissonnage » des projets ;

- obligé EDF à racheter à un DNN le surplus de production des installations bénéficiant de l'obligation d'achat raccordées au réseau exploité par ce distributeur ;

- institué un régime spécifique pour la construction de nouvelles éoliennes.

Votre Commission des Affaires économiques s'interroge sur le coût du financement de la filière éolienne que votre rapporteur considère cependant, à titre personnel, comme tout à fait justifié par la nécessité de développer cette énergie « propre ». Le tarif d'achat se situe à 70 €/MWh sur quinze ans, contre un prix moyen d'électricité entre 25 et 30 €, ce qui, selon la CRE « valorise exagérément le bénéfice environnemental de la filière ».

Le financement du service public

L'article 37 de la loi du 3 janvier 2003 précitée a également modifié le mode de financement du service public de l'électricité. Il a notamment :

- intégré dans l'assiette de compensation les coûts supportés par les distributeurs d'électricité en raison de la mise en oeuvre des mécanismes d'aide à la fourniture d'électricité aux clients en situation sociale précaire prévus par la loi (coûts résultant de la mise en oeuvre du tarif « produit de première nécessité » et coûts en partie supportés par les fournisseurs d'électricité en raison de leur participation financière au dispositif institué en faveur des personnes en situation de précarité) ;

- simplifié le recouvrement des contributions par la substitution à un système déclaratif complexe d'un prélèvement additionnel aux tarifs d'utilisation des réseaux pour les premiers clients éligibles et d'un prélèvement additionnel sur la facture d'électricité pour les non éligibles ;

- plafonné la contribution unitaire par kilowattheure fixée à 7 % du « tarif bleu 6 kVA », soit à 0,528 centime d'euro par kilowattheure), et plafonné la contribution par site de consommation à 500.000 euros (afin de ne pas peser sur la compétitivité des industries électro-intensives).

Selon la CRE, les charges de service public s'élèveraient, en 2003 , à 1.461,5 millions d'euros ( + 12 % ) qui se décomposent en 1 052 millions d'euros (en hausse de 233 millions d'euros à cause du développement de la cogénération , et, dans une moindre mesure, des parcs éoliens et hydrauliques) d'une part, et, d'autre part, 398 millions d'euros correspondant aux charges supportées par EDF dans les zones non interconnectées au réseau .

Le financement du service public de la production d'électricité nécessite, en conséquence, une contribution unitaire de 3,3 euros par MW/h . Selon les évaluations de la CRE, à l'horizon 2006, les charges de service public devraient être comprises entre 1,7 et 2,5 milliards d'euros, correspondant à une contribution unitaire comprise entre 4,3 et 6,2 euros /MWh. Celle-ci représenterait alors, en moyenne, 5 % de la facture d'un particulier et 12 % de celle d'un client industriel éligible qui ne bénéficierait pas du plafond de 500.000 euros. La Commission constate que « la contribution unitaire pourrait, dès 2005, en l'absence de mouvement tarifaire à la hausse d'ici là, excéder le plafond fixé par la loi qui est de 7 % du tarif de vente du kilowattheure, hors abonnement et hors taxes (soit actuellement un plafond de 5,28 euros/MWh). Si ces estimations sont exactes, la question de la révision du seuil de 7 % par le Parlement pourrait se poser dès 2005, pour permettre le financement complet du service public de l'électricité ». Votre Commission des Affaires économiques souhaiterait savoir si le Gouvernement confirme les prévisions de la CRE.

B. LE MARCHÉ GAZIER

La loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 précitée a transposé la directive 98/30/CE du 22 juin 1998. Son adoption a permis de mettre un terme, dès le mois de février suivant, aux mesures de rétorsion édictées par l'Espagne, à l'encontre de la France pour non transposition des normes européennes. Elle aboutit à ouvrir le marché gazier à hauteur de 28 %, en permettant de choisir librement leurs fournisseurs :

- aux consommateurs éligibles (qui achètent 237 GWh de gaz par an, correspondant aux 25 millions de m 3 figurant dans la directive de 1998) ;

- aux producteurs d'électricité pour leur consommation de gaz en vue de la production d'électricité ou de vapeur (soit 1200 sites au total) ;

- à la majorité des 17 distributeurs non nationalisés et les 5 nouvelles entreprises agréées de distribution de gaz naturel depuis 2001 qui fournissent aujourd'hui 4 % de la consommation nationale ;

- aux distributions de Gaz de France pour leurs clients éligibles jusqu'au 1 er juillet 2004, et pour tous leurs clients après cette date ;

- à tous les fournisseurs en vue de fournir des clients éligibles ou des distributeurs.

Parmi les textes d'application déjà publiés, insistons sur les décrets n° 2003-302 du 1 er avril 2003 sur l'éligibilité des consommateurs de gaz et n° 2003-405 du 24 avril 2003 relatif aux procédures applicables devant la CRE.

La CRE a, quant à elle, activement travaillé à l'ouverture du marché gazier, procédant à deux consultations publiques, la première sur la transparence des capacités disponibles sur les réseaux publics de transport de gaz et les terminaux et la seconde sur les principes et les dispositions tarifaires pour l'accès au réseau . Sur la base de leurs résultats, la Commission a demandé aux opérateurs de transport de publier, dès le 1 er juillet 2003, les données relatives à la capacité des réseaux et au flux quotidien. Elle a également examiné les mesures susceptibles de faciliter l'accès à des capacités disponibles. En matière de tarification de l'utilisation des réseaux , la CRE a obtenu l'abandon, à compter du 1 er janvier 2003, d'un système de tarification en fonction de la distance, devenu obsolète, pour éviter que les consommateurs de la moitié sud de la France ne soient pénalisés et faciliter la création de hubs gaziers. On notera, à titre de comparaison, que le régulateur italien se préoccupe, lui aussi, de la constitution d'un hub gazier pour accroître la concurrence 4 ( * ) .

La nécessité de réaliser des investissements tant en matière de transport que par la construction de terminaux destinés aux nouveaux entrants qui souhaiteraient notamment recevoir des cargaisons spots constitue aussi un objectif de la CRE. Dans son rapport annuel, l'autorité de régulation souligne qu'elle est « très favorable » à la réalisation des nouvelles infrastructures telles que les terminaux méthaniers de Fos 2 (GDF), Fos 3 (Exxon-Mobil), le Verdon (Total) et aux interconnexions avec l'Espagne (Perpignan-Barcelone et Lacq-Bilbao). S'agissant du développement des places de marché , la CRE se déclare favorable au développement de hubs gaziers et à celui de « places de marché » qui offriraient, à côté de produits commerciaux adaptés, des instruments financiers de couverture des risques pour faciliter les échanges. Elle considère qu'un hub pourrait être créé, dans des délais rapprochés, dans le Sud de la France.

La CRE a également publié, en mai 2003, un avis sur la structure tarifaire de GDF qui met en lumière la complexité de celle-ci et souligne que le mouvement des prix qui lui était soumis ne lui permettait pas de procéder à une analyse détaillée des coûts, observant que si la situation en vertu de laquelle certains tarifs pratiqués pour les clients domestiques et pour des installations industrielles non encore éligibles ne permettent pas de couvrir les coûts perdurait après le 1 er juillet 2004, elle constituerait une subvention croisée entre les clients devenus éligibles et les non éligibles. Elle constate enfin qu'elle ne dispose pas des informations nécessaires pour porter un jugement d'ensemble sur le niveau et la structure des tarifs de vente du gaz en distribution publique.

Malgré ces réserves, le marché français du gaz est désormais ouvert conformément aux directives européennes -soit à 37 % depuis le 10 août-, alors que d'autres marchés européens -citons derechef le cas allemand !- ne le sont pas. Selon la presse d'Outre-Rhin 5 ( * ) , les pouvoirs publics eux mêmes ont conscience de l'absence de concurrence sur le marché. Votre Commission des Affaires économiques souhaiterait connaître les initiatives prises par le Gouvernement pour obtenir l'ouverture du marché allemand du gaz .

II. LE RENFORCEMENT DE L'OUVERTURE DES MARCHÉS

D'importantes négociations ont conduit, sur la base du compromis qui s'est dégagé au sommet européen du 25 novembre 2002, à adopter les directives du 26 juin 2003 n° 2003/54/CE concernant les règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et n° 2003/55/CE concernant les règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel.

Ces deux directives, qui devront être transposées au plus tard le 1 er juillet 2004 , renforcent l'ouverture des marchés, en prévoyant que l'ouverture du marché du gaz aux consommateurs « autres que les ménages » interviendra le 1 er juillet 2004 . Elles aboutiront à un doublement de la part du marché libéralisé à cette date , qui atteindra alors environ 65 % des deux marchés , et environ 530.000 clients sur le segment gazier. Elle prévoit également des mesures « qualitatives », d'accompagnement en matière de protection des consommateurs , de séparation juridique des activités de gestion de réseau dans les entreprises intégrées, de généralisation de conditions d' accès réglementées des tiers aux réseaux de gaz naturel y compris pour le transit de gaz, l'instauration d'un droit d'accès des tiers aux stockages de gaz naturel et la création d'une autorité de régulation spécifique dans chaque Etat. En revanche, la séparation juridique des activités de distribution, prévue pour le 1 er juillet 2007, n'est plus considérée comme une condition sine qua non de la réalisation d'un marché ouvert, et, par ailleurs, pour le gaz, le choix est laissé aux Etats membres d'instaurer un accès des tiers aux stockages négocié ou régulé.

L'action des régulateurs européens se poursuit, dans le cadre du Conseil des régulateurs de l'énergie créé en 2000, et du Forum de Madrid, qui réunit les acteurs du processus de libéralisation. En la matière, votre Commission s'étonne du retard pris par l'Allemagne dans la désignation d'un régulateur spécifique : à la fin de l'été 2003, il était question, selon l'AFP (dépêche du 1 er septembre) que l'Autorité de régulation des Postes ( sic ) allemande soit désignée comme régulateur des marchés électriques et gaziers. Au même moment, les opérateurs gaziers allemands redoutaient la constitution d'un régulateur « surdimensionné », alors que de l'aveu même des services de la Commission européenne, l'ouverture juridique du marché allemand n'a « pas été mise en pratique » 6 ( * ) . De nouveau, votre Commission souhaite que la France intervienne auprès des autorités européennes pour qu'il soit mis un terme aux blocages enregistrés en Allemagne -premier marché gazier européen-, d'autant que si les industriels allemands sont peu empressés à ouvrir leur propre marché, ils s'avèrent, en revanche, très soucieux de se développer à l'étranger, comme le montre la récente annonce du renforcement de la coopération entre Siemens et le groupe russe Gazprom 7 ( * ) .

La question de la préservation du service public gazier constitue désormais, au niveau européen, un sujet essentiel. Or, comme le souligne la CRE dans son rapport annuel, « les stockages souterrains jouent un rôle déterminant dans la continuité de la fourniture aux secteurs de la distribution et du tertiaire et, à travers ces derniers, aux secteurs résidentiels ». Votre Commission des Affaires économiques souhaite donc que l'attention de l'Autorité de régulation se porte sur ce sujet, dans la mesure où la directive de 2003 prévoit un accès des tiers au stockage gazier . A titre personnel, votre rapporteur pour avis déplore la décision d'ouvrir aux tiers les stockages gaziers.

En ce qui concerne l'électricité, la CRE met l'accent, dans son rapport annuel, sur la nécessité de renforcer les interconnexions , actuellement dimensionnées pour assurer le secours mutuel des sociétés électriques et, par conséquent, devenues inadaptées à l'augmentation des échanges d'énergie électrique . C'est pourquoi elle a demandé au Réseau de transport d'électricité (RTE) d'engager des renforcements d'infrastructure en priorité dans les zones où il n'existe pas de difficultés techniques liées à la topographie. Eu égard à la lourdeur des procédures nationales qui conditionnent ces opérations, la Commission considère comme souhaitable de définir une procédure communautaire unique pour de telles opérations .

Votre Commission est particulièrement sensible à la nécessité de développer les interconnexions internationales pour permettre la mutualisation des réserves de puissance et limiter les risques de pénurie.

CHAPITRE III -

LES DIFFÉRENTES SOURCES D'ÉNERGIE

I. PRODUCTION ET CONSOMMATION D'ÉLECTRICITÉ

Depuis trois ans, on assiste à une multiplication des crises d'approvisionnement en électricité dans les pays développés . Pour la première fois, un tel phénomène a menacé, cet été, la France qui s'en croyait à l'abri, suscitant le sentiment que notre pays était passé bien près d'une véritable crise énergétique .

A. LES TENSIONS DES MARCHÉS DE L'ELECTRICITE

Les coupures de courant inattendues se multiplient dans des Etats développés, alors même que d'aucun considéraient que ces catastrophes étaient le lot du seul tiers monde ou d'Etats émergents tels que le Brésil dont le coeur économique avait, par exemple, été privé de courant en janvier 2002. C'est ainsi qu'aux Etats-Unis , 50 millions de personnes ont été victimes d'une panne « géante » les 14 et 15 août derniers, laquelle révèle un sous investissement chronique sur le réseau (certains experts évaluant à 56 milliards de dollars sur dix ans le coût de sa modernisation) 8 ( * ) .

De même, au Canada où la province de l'Ontario a été touchée par le même black out que les Etats-Unis et où des restrictions de consommation sont survenues, également au mois d'août, tandis qu'en Grande-Bretagne , une panne de courant a bloqué les deux tiers du réseau de métro londonien le 27 août pendant deux heures, trois gares étant quasiment bloquées, alors que le maire de la capitale britannique mettait en cause le sous investissement dont le gestionnaire du réseau serait responsable . Enfin, en Italie -qui importe 16 % de son électricité- une panne d'électricité est survenue dans la nuit du samedi 28 au dimanche 29 septembre 2003, vraisemblablement à cause d'une défaillance du système d'interconnexion 9 ( * ) .

Par comparaison, il est loisible de constater -et de se réjouir- que notre pays n'a pas connu le véritable écroulement du réseau électrique qu'ont subi certains de ses voisins. Toutefois, la pénurie électrique s'est faite sentir dans toute l'Europe qui, comme la France a été victime d'une sécheresse et d'une canicule qui ont occasionné un effet de « ciseaux » entre hausse de la consommation (+ 10 % en France, + 17 % en Allemagne en août) et limitation de la production. Celle-ci résultait notamment de la sécheresse qui restreignait la possibilité de recourir aux centrales nucléaires et même si, selon les déclarations des représentants de l'Autorité de sûreté nucléaire, à aucun moment l'augmentation de la température n'a mis en cause la sécurité des centrales 10 ( * ) .

Le Gouvernement français a, quant à lui, appelé les Français à modérer leur consommation au cours de la seconde semaine d'août, son intervention aboutissant à une réduction de la demande d'électricité aux heures de pointe, estimée de 200 à 300 MWh/heure. Il a également autorisé, le 13 août, EDF à poursuivre l'utilisation de ses centrales nucléaires, dans le cadre d'un régime dérogatoire, et à dépasser, temporairement, les normes relatives à la température de rejet de l'eau utilisée pour le refroidissement. Toutes les centrales n'ont pas nécessairement utilisé en même temps de cette autorisation. Ainsi, le 14 août, seules les centrales de Tricastin, Golfech, Saint-Alban et Bugey (hormis sa tranche 3) ont été exploitées dans ce cadre 11 ( * ) .

De son côté, EDF a obtenu de ses grands clients industriels une diminution de leur consommation contre dédommagement. Le prix du courant a pourtant connu une forte hausse, atteignant des pointes à 1.000 euros par MWh à la Bourse française de l'électricité en août, contre 57 euros par MWh, soit 46 % de plus qu'en juin. En outre, on a craint, qu'un « été indien » ne suscite une nouvelle crise de l'approvisionnement électrique à l'automne 2003, le Gouvernement demandant à EDF et RTE d'élaborer un plan « canicule » pour faire face à toute éventualité à l'avenir.

Pour votre Commission des Affaires économiques, cette crise pose le problème de la sécurité d'approvisionnement électrique et conduit à s'interroger, comme le faisait récemment le Président de la CRE sur l'opportunité de désigner, dans chaque pays de l'Union, une autorité responsable de la sécurité d'approvisionnement, que ce soit le Gouvernement, le régulateur ou le gestionnaire du réseau de transport 12 ( * ) .

B. LA SITUATION DU MARCHÉ ÉLECTRIQUE FRANÇAIS

Le parc nucléaire français couvre, à lui seul, 78 % de la production nationale avec 415,5 TWh en 2002 (+ 4 %), l'hydraulique 12 % et le thermique 10 %, soit une production totale de 532,9 TWh, pour une consommation de 448,7 TWh. Environ 91 % de la production électrique française est issue des installations d'EDF , 3 % de la cogénération, 2,8 % de celles de la Compagnie nationale du Rhône et 1,2 % de la SNET, 0,3 % de la SHEM, le solde se répartissant entre de petits producteurs. Si le chiffre d'affaires d'EDF sur le marché français s'est élevé à 28,9 Md€ en 2002 , cette entreprise est également présente à l'étranger, par l'intermédiaire de sa filiale à 100 %, EDF International dont, le total des participations atteignait, au 31 décembre 2002 environ 9,4 Md€, dont 3,66 milliards dans London electricity et 2,6 dans Edenor, en Argentine. Au cours du même exercice, ses investissements se sont élevés à 3.555 M€, principalement au Royaume Uni, en Italie, en Allemagne, en Slovaquie, en République Tchèque, en Hongrie et au Brésil.

Selon les éléments transmis à votre Commission, pour 2003, le groupe EDF s'est engagé à diminuer son endettement, notamment en mettant en oeuvre un programme de cession des investissements non stratégiques. Hors d'Europe, son activité sera essentiellement consacrée à la gestion des conséquences des crises financières et monétaires sur ses actifs en Amérique Latine, tandis qu'en Europe il n'est pas envisagé d'accroissement notable du portefeuille de participations . EDF souhaite se recentrer géographiquement sur les pays européens qui lui sont limitrophes et constituent ses axes de développement stratégiques (France, Allemagne, Grande-Bretagne, Italie, Espagne). Selon les informations transmises à votre Commission des Affaires économiques, ces mesures ont été prises à la suite du rapport de la Cour des Comptes qui a « mis en évidence une diversification internationale insuffisamment maîtrisée qui a conduit à fragiliser la structure financière d'EDF » . A noter, toujours selon ce rapport que « sous l'impulsion du gouvernement, le groupe a revu sa stratégie en faveur d'un recentrage sur l'Europe et une priorité absolue a été fixée au désendettement du groupe » .

Si l'on considère l'é volution des échanges physiques d'électricité avec l'étranger depuis 1997, EDF reste , avec 80,6 TWh le premier exportateur européen avec une augmentation de son solde exportateur de 12 % pour atteindre 76,8 TWh en 2002. Les plus gros clients sont par ordre décroissant d'importance, la Suisse, l'Italie, la Belgique, le Royaume-Uni et l'Allemagne.

II. LE SECTEUR NUCLÉAIRE

Selon votre Commission, parmi les signes encourageants pour l'industrie nucléaire, on a remarqué, en février 2003, que la Suède a décidé de surseoir au démantèlement de sa centrale de Barsebäck, puis, en mai suivant, que les Suisses ont refusé, par référendum, d'abandonner le nucléaire, tandis que la Finlande a choisi de construire un nouveau réacteur.

Votre rapporteur ne saurait trop insister sur le fait que transparence et information des populations sont plus que jamais au coeur du débat sur la question nucléaire. Aussi, à titre personnel, il lui paraît très souhaitable que soit inscrit, dans les meilleurs délais, à l'ordre du jour du Parlement, le projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité nucléaire présenté initialement par le précédent Gouvernement et repris par l'actuel.

A. LES ACTEURS DU SECTEUR NUCLÉAIRE

La puissance installée totale du parc électronucléaire d'EDF s'établit aujourd'hui à 63 130 MWe dont 30.770 MW pour les réacteurs « REP 900 », 26 370 MW pour les unités « REP 1300 » et 5.990 MW pour la technologie « N4 ». Le taux de disponibilité moyen de ces centrales a légèrement progressé, pour atteindre 82 % en 2002.

Votre rapporteur ne reviendra pas, dans le présent avis, sur la question de l'évolution du statut d'EDF et de GDF, considérant que les réserves très claires qu'il a émises dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2003 conservent toute leur actualité.

La principale question qui se pose désormais tient au renouvellement des centrales existantes , à l'horizon 2010 (la première tranche REP 900 ayant été mise en service en 1977). Selon l'Autorité de sûreté, une durée de vie de trente ans serait envisageable de façon générale sous réserve de la délivrance d'autorisations, au cas par cas.

La question est donc posée de la construction d'un modèle de réacteur de nouvelle génération « EPR » , issu de l'amélioration des réacteurs à eau sous pression actuels (notamment en termes de sûreté et de performances techniques, d'augmentation de la durée de vie, de la disponibilité et de l'optimisation du combustible). Une telle perspective est ouverte par le rapport de MM. Birraux et Bataille, députés, sur la durée de vie des centrales nucléaires et les nouveaux types de réacteurs que votre Commission des Affaires économiques a entendus, au cours d'une audition, au printemps 2003. Nos deux collègues estiment qu'« afin de disposer d'une garantie pour sa production d'électricité à l'horizon 2010-2015, la France doit engager sans délai la construction d'un démonstrateur tête de série EPR, dans la perspective de disposer, au moment de l'arrêt des premiers réacteurs REP du palier 900 MWe, d'un réacteur testé, prêt à être construit en série. Il appartiendra alors à l'industrie de prouver l'avenir et la compétitivité à long terme de l'EPR ». Votre Commission considère également que le temps est venu de choisir le réacteur EPR.

A titre personnel, pour votre rapporteur, il apparaît cependant nécessaire de considérer que la question de l'« EPR », « ne peut être tranchée, sans des compléments d'étude, allant au-delà des éléments fournis lors du débat national ». Sommairement, il souhaite souligner la position de ceux qui considèrent que nous approchons du cycle de fin de vie de plusieurs tranches de nucléaire et que l'EPR est indispensable pour assurer la transition avec les centrales de 4 e génération, opérationnelles à une date très éloignée, dans le temps, ... (2040-2050). Mais il veut rappeler, également, les arguments de ceux qui affirment que la durée de vie des centrales actuelles, peut être suffisamment prolongée, permettant ainsi d'aboutir directement à des centrales « génération 4 », sans en passer par l'EPR. Pour eux « l'EPR nous priverait du passage à des techniques plus avancées, résultant des recherches internationales en cours ». D'autres enfin, ne contestent pas l'EPR du fait de sa technologie, mais plutôt parce qu'« elle scellerait pour plusieurs décennies la poursuite du programme électronucléaire français » auquel ils s'opposent.

Pour 2004, les moyens financiers affectés aux programmes et recherches du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) s'élèvent, à 1,502 Md€, contre 1,54 Md en 2003. Les ressources de l'établissement public se composent, d'une part, de la subvention civile accordée par l'État au titre des budgets de la Recherche et de l'Industrie, qui s'élève à 911,2 M€, dont 797 millions pour sur le titre IV (- 19 M€ par rapport au PLF 2003) et 114,2 millions pour le titre VI qui reste stable et, d'autre part, des ressources propres du CEA, issues des recherches qu'il mène pour l'industrie (soit 486 M€ en 2002, 480 millions en 2003 et 594 prévus pour 2004 13 ( * ) ).

Le CEA détient également 79 % des titres d' AREVA , filiale créée en 2001 dont les dividendes alimentent le fonds destiné au démantèlement des installations (soit 104 M€ pour 2002, cf. ci-dessous).

Dans la perspective de l'élargissement de l'Union européenne et eu égard à l'obsolescence constatée sur certaines centrales nucléaires des pays candidats à l'adhésion, votre rapporteur pour avis a interrogé le Gouvernement sur les engagements pris par les pays concernés pour assurer un niveau élevé de sécurité nucléaire et une protection de l'environnement . Il lui a été répondu qu'à l'occasion du Conseil européen d'Helsinki (décembre 1999), l'Union avait souscrit un objectif élevé de sécurité nucléaire et que la mise en oeuvre des recommandations du rapport élaboré en 2001 sur la sûreté nucléaire dans le contexte de l'élargissement faisait l'objet d'un suivi régulier reposant sur des missions d'experts des Etats membres et fixe, pour les centrales les moins sûres, des calendriers précis de démantèlement et de fermeture assortis d'un soutien financier de l'Union dans le cadre des négociations d'adhésion avec la Bulgarie, la Lituanie et la Slovaquie.

B. L'AVAL DU CYCLE NUCLÉAIRE

Le programme de démantèlement nucléaire

Le démantèlement par EDF des centrales du parc des réacteurs à eau pressurisée (REP) est prévu selon un « scénario de référence » en trois étapes courant sur 58 ans au total (démantèlement partiel au niveau 2 AIEA sur 7 ans environ, surveillance pendant 40 ans de l'installation, puis démantèlement final au niveau 3 pendant 8 ans). Son coût est estimé à 15 % du coût complet d'investissement, réévalué chaque année en fonction de l'indice des prix.

EDF procède, d'ores et déjà, au démantèlement de neuf réacteurs appartenant à des filières plus anciennes, et à celui de SUPERPHÉNIX. Du fait de l'entrée en vigueur, le 1 er janvier 2002, du règlement n° 2000-06 du Comité de la Réglementation Comptable relatif aux passifs, les exploitants d'installations nucléaires (EDF, AREVA et CEA), sont tenus d'inscrire dans leurs comptes la totalité des coûts de démantèlement sans compensation possible avec les actifs éventuellement attendus de tiers et sans étalement de cette charge dans le temps, ce qui conduit à majorer les provisions pour risques et charges et nécessite une contrepartie à l'actif, soit par l'intermédiaire « d'actifs de démantèlement », soit par l'intermédiaire de créances sur des tiers, si le démantèlement d'une installation est cofinancé par un partenaire industriel.

EDF constitue, depuis 1979, une provision pour démantèlement des centrales nucléaires (soit 12.276 M€ au 31 décembre 2002), et des provisions pour couvrir les charges futures engendrées pour le retraitement de son combustible usé et pour le stockage des déchets ultimes (16.371 M€ à la même date). La politique de constitution d'actifs dédiés (actions et d'obligations) au financement du coût du démantèlement se poursuit à hauteur de 0,3 G€ par an dans le cadre du contrat de groupe 2001-2003 entre l'Etat et EDF.

Au 31 décembre 2002, le montant provisionné par AREVA s'élevait à 12,3 Md€, (8,5 Md€ pour le démantèlement des installations nucléaires et 3,8 milliards pour la reprise des déchets), dont 4,254 Md€ seront à sa charge. Pour faire face à ces dépenses, sa filiale, COGEMA, a ouvert un portefeuille de titres, dont la valeur de marché atteignait 2.127 M€ à la clôture de l'exercice 2002.

Quant au CEA , il a créé un fonds dédié aux dépenses d'assainissement et de démantèlement de ses installations civiles pour faire face à des dépenses de démantèlement et de gestion des déchets dont le devis actualisé était estimé, fin 2002, à 7.854,6 Md€ dont 7.451,4 M€ sont provisionnés et 403,2 M€ constituent des engagements hors bilan.

Le recyclage des combustibles et le retraitement des déchets

Dans le domaine du recyclage des combustibles , la production commerciale de l'usine de fabrication de MOX exploitée par COGEMA à Cadarache, a été arrêtée en juillet 2003, car elle ne répondait plus aux exigences fixées par l'Autorité de Sûreté sur le risque sismique. Afin qu'une autre installation prenne son relais, une enquête publique a été menée au premier semestre de la même année pour accroître la capacité de l'usine MELOX.

La capacité française de retraitement des combustibles nucléaires usés est constituée par trois unités implantées à La Hague. COGEMA, qui exploite ces installations, a adapté les conditions d'utilisation de ces unités pour répondre aux évolutions de la nature des combustibles usés réceptionnés (notamment en raison de la hausse progressive des taux de combustion) sur le site et aux besoins de traitement d'autres types d'effluents ou de matières. C'est pourquoi les trois décrets autorisant la création des trois unités concernées ont été mis à jour, tandis qu'une procédure de révision des arrêtés autorisant les rejets d'effluents liquides et gazeux a été engagée. Les décrets publiés le 11 janvier 2003 ne modifient donc pas le régime juridique des déchets nucléaires radioactifs en France, mais encadrent plus précisément l'activité des unités de La Hague en fixant des limites précises et en prenant en compte l'évolution des combustibles usés depuis la publication des premiers décrets d'autorisation en 1981.

L'application de la loi du 30 décembre 1991

La loi n° 91-1381 du 30 décembre 1991 (articles L. 542-1 et suivants du code de l'environnement) a déterminé trois axes de diversification de la recherche relative à la gestion des déchets nucléaires : la séparation et la transmutation des éléments radioactifs à vie longue et le stockage dans des formations géologiques profondes dont est chargé le CEA, d'une part, et, d'autre part le conditionnement et l'entreposage de longue durée en surface qu'étudie l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA). Selon le 9 ème rapport de la commission nationale d'évaluation, publié en juin 2003, les études en cours devraient permettre de présenter au Parlement, en 2006, une gamme de solutions de gestion. D'après les éléments adressés à votre rapporteur pour avis, la situation se présente, pour chacun des axes de recherche, comme suit.

Dans le domaine de la séparation et à la transmutation des éléments radioactifs à vie longue :

- les programmes de séparation poussée , ont démontré la faisabilité, en laboratoire, d'un schéma de référence pour la séparation des principaux radionucléides qui pourrait être réalisée au plan technique, à l'horizon 2005 ;

- la faisabilité de la transmutation est démontrée et il est prévu de reprendre, en 2003, une phase expérimentale sur le réacteur de recherche PHENIX ;

- enfin les études sur le conditionnement des actinides mineurs ou de certains produits de fission à vie longue , en ont également démontré la faisabilité scientifique, sans que son coût soit chiffré.

En ce qui concerne le stockage dans des formations géologiques profondes , deuxième voie de recherche, des travaux ont été mené en site argileux qui ont permis d'atteindre la profondeur de - 250 mètres en juillet 2003, le laboratoire et les galeries d'expérimentations, se trouvant en moyenne à 450 m de profondeur. Les travaux en site granitique n'ont pas progressé depuis la remise d'un rapport établi par l'ANDRA en 2002 qui présente un bilan des acquis sur la conception d'un tel stockage, en vue de la remise, fin 2005, d'un second rapport de cet organisme. Selon les informations transmises à votre Commission, « la richesse des données déjà obtenues dans le domaine argileux et les premières constatations issues du « Dossier Argile 2001 » de l'ANDRA permettent d'envisager la tenue d'un rendez-vous parlementaire » en 2006 comme le prévoit la loi de 1991.

Les recherches relatives à l'entreposage de longue durée en surface se poursuivent au CEA où les premiers conteneurs prototypes ont été réalisés en 2002, outre la création d'un centre d'étude sur le conditionnement et l'entreposage des déchets radioactifs, à Marcoule.

III. LES AUTRES SOURCES D'ÉNERGIES NON RENOUVELABLES

A. LE SECTEUR PÉTROLIER

Quels que soient les progrès réalisés dans la production d'ENR et quelle que soit la production d'électricité nucléaire, on ne saurait se désintéresser des produits pétroliers dont l'évolution des cours a une évidence déterminante sur la croissance des économies occidentales. En France, on enregistre, en 2002, un net fléchissement de la quantité totale de pétrole brut traité dans les raffineries , soit - 6,8 % par rapport à 2001 , pour atteindre 81,9 Mt en métropole. Cette diminution est liée tant aux grands arrêts techniques survenus dans ces raffineries, qu'à la faiblesse des marges de raffinage enregistrées en 2002 , lesquelles n'ont pas incité au traitement. Elle s'accompagne d'une diminution du taux moyen d'utilisation des capacités de distillation (de 89,2 % en 2001 à 83,3 % en 2002).

Alors qu'ils avaient baissé en 2001, les cours du brut importé en France ont progressé en 2002 de 20 à 28 dollars/baril , malgré une demande très faible. Poursuivant un mouvement décrit au cours de ces dernières années, la production française ne suit pas la demande de produits raffinés qui diminue de 82 Mt en 2001 à 76,2 Mt (- 7,1 %) et le déficit en gazole s'accentue. Malgré la baisse de la production totale d'essences, la production française reste largement excédentaire (environ 2 Mt/an), le marché étant couvert à hauteur de 115 % de la demande. En revanche, la demande en distillats moyens étant restée constante en 2002, le déficit de couverture du marché demeure important (la production ne représente que 75 % de la demande totale).

En ce qui concerne la production de fioul (9,3 Mt), on constate une surcapacité chronique, par rapport à la demande (5,5 Mt) malgré la faible activité du secteur du raffinage en 2002.

On constate donc une inadaptation de l'outil de raffinage français à la consommation dans un contexte économique défavorable, où les faibles marges de raffinage n'incitent pas au traitement de produits pétroliers. Il est peu vraisemblable que cet état de fait change à court terme puisque malgré la perspective de l'entrée en vigueur de la seconde phase d'application de la directive 98/70/CE (qui prévoit une réduction de la teneur en soufre de 50 mg/kg en 2003 et de 10 mg/kg le 1 er janvier 2005 dans les essences et gazoles), les raffineurs n'ont pas accru leurs investissements, préférant optimiser les outils existants. Ainsi ne signale-t-on que deux nouveaux projets importants : celui d'EXXON MOBIL à Port-Jérôme-Gravenchon et celui de TOTAL à Gonfreville, lesquels correspondent à un investissement de 750 millions d'euros.

Comme il l'a fait à de nombreuses reprises, votre rapporteur pour avis souligne l'importance du maintien d'une desserte équilibrée du territoire en stations services de carburant.

B. LE SECTEUR GAZIER

Le secteur gazier connaît une forte croissance de + 6 à + 7 % par an (+ 1,5 % pour le pétrole), favorisée par une demande en forte hausse qui résulte de son caractère moins polluant.

La production française s'établit à 2,74 milliards de m 3 (- 2,7 %) de gaz brut en 2002, soit 3,8 % de la demande, concentrée pour les 9/10 ème sur les gisements de Lacq et de Meillon, tandis que les importations croissent de 6,7 %, atteignant 493,1 TWh en 2002. De son côté, la consommation est stable à hauteur de 485,9 TWh (car 2002 a été l'année la plus chaude depuis 1961. La répartition de l'origine géographique des importations gazières françaises reste stable, les principaux fournisseurs étant, par ordre décroissant, la Norvège, la Russie, l'Algérie et les Pays-Bas, le Royaume Uni, et le Nigeria. On notera toutefois un fort taux d'accroissement des achats de cargaisons spot de gaz naturel liquéfié (GNL), qui progressent de 18,1 % en 2002 par rapport à 2001.

Les investissements de Gaz de France (GDF) en 2002 atteignent 3 628 M€ en fonds propres (dont 1.047 M€ dans l'Hexagone et 2.581 M€ à l'étranger (contre respectivement 1.614 M€, 1.044 M€ et 570 M€ en 2001). Les prises de participation industrielles correspondent au développement de GDF qui poursuit sa croissance internationale en investissant 2.581 M€ dans plusieurs opérations importantes (SPP , l'une des plus importantes sociétés slovaques et la plus grande société de transport européenne hors Ukraine et Russie, Cal Energy, société d'exploration-production en Mer du Nord britannique, Fram, champ en Mer du Nord norvégienne; et Arcalgas, distributeur de gaz au nord de l'Italie). Du fait de ces prises de participation, le taux d'endettement net consolidé du groupe GDF se situe à 46 % fin 2002 contre 54 % fin 2001, résultat conforme aux objectifs du contrat de groupe qui fixe un taux maxima de 80 %. Toutefois, selon les informations transmises à votre Commission, eu égard aux prises de participations susceptibles d'être réalisées dans les mois à venir, « À la fin 2003, le niveau d'endettement sera probablement tel que la poursuite par GDF du développement de sa stratégie en Europe et dans le monde nécessitera un accroissement significatif des fonds propres ».

C. LE SECTEUR CHARBONNIER

Du fait de l'arrêt de l'extraction prévue à Gardanne en janvier 2003 et à Merlebach en septembre suivant, la production totale issue de la Lorraine et du Centre-midi s'élève à 1,41 million de tonnes pour l'année en cours. Le coût d'extraction par bassin poursuit sa hausse continue depuis huit ans, passant de 104 €/tonne en 1996 à 223 € en 2002 , le coût de revient moyen pour l'ensemble des bassins est de 223 €/tonne. Le coût du charbon importé s'élevant à 45,3 €/tonnes, la perte à la tonne de Charbonnages de France (CDF), atteint, avec 173 €/tonne , un nouveau record.

L'Etat consent une aide à CDF pour accompagner la fin de cette exploitation d'ici à 2005 (chapitre 45-10 article 10 de la loi de Finances). Elle correspond à la prise en charge du financement des prestations de chauffage et de logement dues aux anciens mineurs, des intérêts des emprunts contractés par l'établissement sur la période 1997-1999. Conformément aux demandes de la Commission européenne, l'Etat assume également le déficit d'exploitation de l'extraction de la houille, par une dotation en capital provenant d'un compte d'affectation spéciale. L'ensemble de ces charges, qui s'élevaient à 934,8 en 2002 est estimé à 918,7 M € en 2003 et à 883 millions pour 2004. Au plan social, l'année 2003 a été marquée par la signature d'un protocole du 11 février 2003, qui a complété le régime des congés charbonniers de fin de carrière, « en amont » en créant, pour les mineurs âgés de 43 à 45 ans une « dispense préalable d'activité », qui leur assure 85 % de leur salaire antérieur, mise en oeuvre dans un cadre de suppression progressive du volontariat car il s'avérait, selon les informations transmises à votre Commission, impossible d'assurer à la fois la gestion des effectifs existants et l'arrêt anticipé de l'activité dans le cadre du seul volontariat.

IV. LES ENERGIES RENOUVELABLES

La directive relative à la promotion de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables du 27 septembre 2001 prévoit que la consommation d'électricité d'origine renouvelable sera portée à 21 % en France, à l'horizon 2010 . Beaucoup reste à faire en la matière, car, comme le montre le tableau ci-dessous, hormis l'hydraulique, la production française dans le domaine des ENR reste très modeste. Ce phénomène constitue d'ailleurs une spécificité nationale, puisque la capacité mondiale de production a fortement crû en 2002 (+ 24 %) 14 ( * ) .

Production d'énergie par source d'énergie renouvelable *

 
 
 
 
 
 
 

2000

2001 révisé

2002 provisoire

MÉTROPOLE

Électricité

Thermique **

Électricité

Thermique **

Électricité

Thermique **

en GWh

en ktep

en GWh

en ktep

en GWh

en ktep

Hydraulique

72 403

79 126

66 135

Eolien

78

124

265

Solaire photovoltaîque et thermique

4

19

5

18

7

18

Géothermie

0

110

0

117

0

118

Pompes à chaleur

234

257

265

Déchets urbains solides

2 041

654

2 332

617

2 464

645

Bois et déchets de bois

1 355

8 552

1 273

8 809

1 324

8 154

Résidus de récoltes hors bagasse

75

77

77

Biogaz

321

57

349

58

406

59

Biocarburants

329

327

326

TOTAL

76 202

10 030

83 209

10 279

70 600

9 662

TOTAL en ktep (2)

16 584

17 435

15 734

Source : Observatoire de l'Energie, 2003

Pour votre rapporteur pour avis, il n'est pas souhaitable que la France reste « sous-développée » en matière d'ENR , alors même ses partenaires européens construisent progressivement une véritable industrie des énergies renouvelables. C'est ainsi qu'alors que 220 MW éoliens ont été installés en France depuis 1997, l'Allemagne en a implanté 13.000, et que dans le domaine du solaire photovoltaïque, la puissance installée de l'Hexagone est de 11 MW, contre 300 outre-Rhin 15 ( * ) .

Pour atteindre l'objectif précité, la France doit disposer, au minimum, d'une puissance installée de 13.000 à 14.000 MW d'éolien en 2010. L'effort doit donc être poursuivi et votre rapporteur estime qu'une attention particulière doit être portée au recours aux ENR lors de la construction de bâtiments neufs.

Pour ce faire, estime votre rapporteur pour avis, à titre personnel, devront être levés nombre d'obstacles administratifs concernant l'éolien terrestre et offshore. Mieux ! Un coup d'accélérateur s'impose. Il souhaite que des garanties soient apportées par les producteurs de courant quant à l'origine renouvelable de l'électricité qu'ils injectent dans le réseau. Il note avec intérêt que le Livre Blanc prévoit une augmentation de 50 % de la production de chaleur d'origine thermique par les énergies renouvelables à l'horizon 2015.

Votre Commission estime, quant à elle, qu'il n'est pas possible d'exciper de l'exemple allemand -où l'énergie solaire n'a représenté que 0,3 % de la production- pour donner à penser à nos concitoyens que c'est grâce aux ENR que l'on résoudra tous les défis énergétiques auxquels notre pays se trouve confronté. Elle se réjouit , toutefois, qu'à son initiative, la commission mixte paritaire réunie sur le projet de loi « gaz » ait adopté un dispositif qui clarifie le régime d'implantation des éoliennes (cf. ci-dessus le développement consacré à l'application des lois) qu'elle a perfectionné lors du vote de la loi « urbanisme et habitat » en harmonisant les seuils auxquels sont soumis les projets d'implantation d'éoliennes, dans le cadre des différentes autorisations préalables à leur mise en service.

Elle souhaite également que priorité soit donnée au développement des biocarburants qui constituent un réel avantage dans la gamme des énergies renouvelables et un atout pour la sécurité d'approvisionnement. Votre commission note que selon les Propositions du Gouvernement sur les énergies qui figurent dans le Livre blanc précité, L'Etat souhaite notamment promouvoir l'utilisation des biocarburants en substitution au gazole et à l'essence pour le transport . Le même texte prévoit, en outre, la fixation par décret d'objectifs de pourcentage d'incorporation de biocarburants et d'autres carburants renouvelables apportés à la quantité totale d'essence et de gazole mise sur la marché, en fonction des possibilités de production.

CHAPITRE IV -

PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT
ET ECONOMIES D'ENERGIE

Selon l'Observatoire de l'énergie, l 'intensité énergétique des transports poursuit sa hausse, la consommation globale du secteur ayant augmenté de plus de 90 % depuis 1973. Le parc des véhicules particuliers ne cesse de croître (+ 1,9 %, en 2002) traduction d'une politique qui favorise le développement des transports individuels et un habitat dispersé. Ces données préoccupantes renforcent l'intérêt d'une politique active pour concilier sécurité énergétique et protection de l'environnement.

I. LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT

Des progrès importants ont, ces dernières années, été réalisés dans l'Union européenne pour limiter la nocivité des émissions atmosphériques dues aux essences, de sorte que, désormais, l'essence sans plomb représente environ 100 % de celle consommée. Mais ces avancées sont bien loin de suffire, et de nouveaux efforts devront être accomplis, dans le cadre des engagements souscrits à Kyoto.

A. LE RESPECT DES ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX

Le processus de Kyoto

Depuis l'entrée en vigueur de la Convention-cadre des Nations Unies sur les Changements climatique, en 1994, se poursuit un processus de négociation marqué par l'adoption, en 1997, du « Protocole de Kyoto » qui prévoit que les pays développés, représentant 50 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) réduiront individuellement leurs émissions, pour que la diminution globale leur incombant atteigne 5,2 % à l'horizon 2008-2012 par rapport aux niveaux de 1990. A ce titre, l'Union européenne doit réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 8 % par rapport à 1990, les Etats-Unis de 7 %, le Japon, le Canada, la Pologne et la Hongrie de 6 %.

Pour parvenir à une mise en oeuvre concrète de ces objectifs, des négociations se sont poursuivies au cours de ces dernières années, afin de définir les modalités d'application des dispositions du protocole et d'obtenir sa ratification par tous les Etats concernés, à commencer par la Russie -qui représente 17,4 % des émissions de gaz à effet de serre des pays développés- à laquelle Moscou a récemment décidé de surseoir. Or cette ratification est indispensable à l'entrée en vigueur du protocole à laquelle les Etats-Unis ont, d'ores et déjà, quant à eux, annoncé qu'il ne procèderont pas. Désormais, pour être juridiquement opposable, le protocole de Kyoto doit être ratifié par 55 Etats parties, les pays industrialisés adhérents représentant au moins 55 % du volume total des émissions de CO 2 réalisées par l'ensemble de ces pays en 1990. Les membres de l'Union européenne, dix pays d'Europe de l'Est en voie d'accession, la Norvège, l'Islande, la Suisse, le Canada la Nouvelle-Zélande et le Japon ont ratifié le protocole. Ils représentent 44,2 % des émissions totales de GES des pays développés. Parmi les pays émergents, 79 pays en voie de développement dont la Chine, l'Inde et le Brésil (soit à eux trois 20 % des émissions de GES) ont eux aussi ratifié le Protocole.

Une neuvième conférence diplomatique se tiendra à Milan en décembre 2003 pour achever les travaux des conférences de Marrakech et de New Delhi, préciser les conditions d'applications du protocole de Kyoto et envisager la seconde période d'engagements qui s'ouvrira après 2012.

De nouveaux instruments : permis d'émission et « crédits-projets »

Le protocole de Kyoto prévoit, dès 2008, la constitution d'un marché international d'échanges de « permis d'émission » de GES , sur lequel un Etat qui a réduit ses émissions plus qu'il ne le doit peut vendre l'excédent de réduction qu'il a ainsi dégagé à un autre Etat . Dans l'Union européenne, un projet de directive qui, validé par le Conseil et le Parlement européen, devrait être prochainement adopté définitivement, vise à instaurer un tel marché grâce à des quotas et à un mécanisme d'échanges pour les entreprises européennes les plus grosses consommatrices d'énergie. Il s'appliquera dès la période 2005-2007, avant de prévaloir pour la période 2008-2012 prévue par le protocole de Kyoto. Il concerne 46 % des émissions de CO 2 de la Communauté et environ 12.000 installations. En pratique, chaque Etat membre définira un Plan National d'Octroi des Quotas qui fixera un objectif à chaque installation et lui attribuera les permis correspondant, en laissant ensuite jouer le mécanisme de marché pour l'échange de ces permis. Pendant la première période (2005-2007), le dispositif se limitera aux émissions de CO 2 des installations de combustion, de production d'énergie (électricité, coke, raffinage), de matériaux de construction (ciment, tuiles, briques), de métaux ferreux, de verre, de papier et de pâte à papier. Puis il pourrait s'étendre à d'autres secteurs et à d'autres gaz (N 2 O et gaz fluorés). Le projet de directive -qui devrait être définitivement adopté prochainement- prévoit aussi que les Etats membres pourront, au cours de la première période et sous réserve de l'accord de la Commission, exclure de son champ d'application des installations ou activités, si ces dernières sont soumises à des contraintes équivalentes à celles-ci.

Le second mécanisme destiné à faciliter l'application du protocole tient au recours à des « crédits-projets » délivrés lorsque des investissements additionnels permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre d'un projet au-delà de ce que la réglementation, l'équilibre financier, la disponibilité des ressources ou des techniques auraient imposé , soit dans les pays en voie de développement (Mécanisme de développement propre) soit en Europe de l'Est (Mise en oeuvre conjointe). Ils pourront satisfaire des engagements de limitation ou être revendus sur le marché d'échange de permis. La Commission européenne a présenté, mi-juillet, un projet de directive destiné à permettre l'utilisation par les entreprises de tels crédits projets.

Quelles que soient les ambitions de la France en matière de limitation des GES, l'objectif qui consiste à en ramener les émissions au niveau de 1990 apparaît particulièrement ambitieux, notamment à cause des marges de manoeuvres très limitées qui résultent de la structure de production de l'électricité nationale. Notre pays a, selon les informations transmises à votre rapporteur pour avis, intérêt à ce que le marché d'échange de permis d'émission et celui d'utilisation des « crédits-projets » bénéficie à ses entreprises pour réduire les distorsions de concurrence vis à vis des Etats qui n'ont pas d'objectifs contraignants à respecter (Etats-Unis, Australie et Russie). C'est pourquoi les pouvoirs publics ont encouragé la signature d'engagements volontaires de réduction par les entreprises, gérés par l'Association des Entreprises pour la Réduction de l'Effet de Serre (AERES) créée le 27 septembre 2002, qui valide les engagements pris et s'assure de leur respect. Elle regroupe 33 entreprises et 4 fédérations qui correspondent aux 2/3 des émissions de GES du secteur Energie-Industrie, dont 24 ont pris des engagements volontaires de réduction de leurs émissions (soit 18,7 % des émissions nationales et 56,2 % des émissions du secteur Energie-Industrie en 2001). Ces 24 engagements représentent une réduction totale des émissions de 14 % de 1990 à 2007.

B. LA TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE « PERMIS D'ÉMISSION »

Les quinze sont tenus de transposer la directive relative aux permis d'émission au plus tard le 31 décembre 2003 et de transmettre à la Commission, avant le 31 mars 2004, leur premier Plan national d'octroi des quotas. C'est pourquoi les pouvoirs publics français ont créé cinq groupes de travail respectivement consacrés à la transposition de la directive ; au Plan national d'octroi des quotas et à la juste répartition de l'effort entre les différentes installations ; au potentiel de réduction des différentes installations notamment compte tenu des perspectives de croissance de ces émissions de 2005 à 2008 ; à la surveillance et au contrôle des émissions ; à la nature juridique des quotas et à leur traitement comptable et fiscal et enfin à la création d'un registre national électronique des échanges de quotas .

II. LES ÉCONOMIES D'ÉNERGIE ET LES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES

A. LES ÉCONOMIES SUR LA CONSOMMATION D'ÉNERGIE

Les programmes européens

Deux programmes tendent à réaliser des économies sur la consommation d'énergie : le Programme cadre de recherche et développement (PCRD) et le Programme énergie intelligente pour L'Europe. Adopté fin 2002, le 6 ème PCRD participe au financement de projets de recherche, de développement et de démonstration. Il consacre un volume de crédits constant pour l'énergie, soit de 810 M €, notamment en faveur des ENR et a donné lieu à un premier appel à projet au début 2003. Doté d'un budget de 200 M €, le programme énergie intelligente pour l'Europe , est, quant à lui, destiné au financement d'études et de projets pilotes. Adopté en juillet 2003, il se concentre sur la valorisation des ENR, l'utilisation rationnelle de l'énergie, l'action internationale et les transports débouchera sur un premier appel à proposition d'ici à la fin 2003.

Les directives en cours de transposition

Adoptée le 16 décembre 2002, la directive sur l'amélioration de la performance énergétique des bâtiments qui est en cours de transposition, définit des performances minimales pour les bâtiments neufs et existants, et prévoit l'instauration d'un certificat indiquant les performances énergétiques en cas de changement de propriétaire ou de locataire, ainsi qu'un affichage des consommations d'énergie dans les lieux publics, outre l'inspection périodique des chaudières et des systèmes de climatisation.

Le Conseil des ministres de l'énergie est parvenu à un accord politique le 14 mai 2003 sur une proposition de directive sur la cogénération fondée sur une demande de chaleur utile qui promeut la cogénération à haut rendement énergétique et sur des économies d'énergies primaires. Selon les informations transmises à votre rapporteur pour avis, la France a accompli d'importants efforts pour parvenir à ce compromis mais a réitéré avec constance son opposition à la fixation d'objectifs chiffrés. La Commission procède actuellement à des consultations afin de publier une proposition de directive cadre relative aux seuils de performance minimum des appareils consommant de l'énergie .

D'un point de vue général, votre rapporteur pour avis considère comme souhaitable de mettre à contribution les entreprises du secteur de l'énergie pour financer la promotion des économies d'énergie.

B. L'ACTION DE L'ADEME

L'Agence pour le développement et la maîtrise de l'énergie (ADEME), dont les moyens d'intervention totaux s'établissent, en 2003 à 337 M €, joue un rôle essentiel pour la promotion des ENR et la diminution de la demande d'énergie.

Le budget de fonctionnement de l'ADEME s'établit, en 2003 à 71 millions d'euros, en hausse de plus de trois millions d'euros par rapport à 2002, notamment à cause de l'effet, en année pleine, du surcoût de l'ensemble des loyers et des charges locatives de nouvelles surfaces sur le site d'Angers et d'extension réalisées dans les délégations régionales.

Dans le projet de loi de finances pour 2004, les subventions provenant du ministère de l'industrie s'établissent à 15,1 M € en fonctionnement, et 64,5 millions en intervention, (31 M € en AP, soit une légère baisse, et 33,5 en CP légère hausse). De 1998 à 2003, les effectifs permanents de l'ADEME ont crû de 45 % à cause de la relance de la politique énergétique qui a débouché sur deux vagues de créations d'emplois, en 1999 et en 2001. L'effectif réel s'établit, fin 2002, à 827 agents, pour 833 emplois autorisés.

C. LES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES

1. Les véhicules « propres »

L'annonce par le Gouvernement d'un plan « véhicule propre » conduit à s'intéresser à ce segment très modeste des moyens de locomotion dont le développement s'avère pourtant indispensable à la maîtrise de l'augmentation de la pollution due au secteur des transports.

Les véhicules électriques

Le parc français de véhicules électriques légers, qu'il s'agisse des voitures particulières ou des véhicules utilitaires légers (VUL) était estimé, en France, fin 2002, à environ 8.000 unités , auxquelles s'ajoutent 20 minibus, 60 bennes à ordures ménagères et 2.500 scooters. Le nombre des immatriculations , qui a culminé à 1.360 en 1999 diminue progressivement depuis lors, pour atteindre 700 en 2002 ! Encore la vente de ces véhicules a-t-elle été encouragée par des aides instituées par la loi sur l'air puis par les lois de finances, de 1998 à 2001.

Le plan « véhicule propre » annoncé par le Gouvernement

Au mois de septembre dernier, le Premier ministre a présenté les grandes lignes d'un plan destiné à favoriser le développement des véhicules propres, lequel repose, d'une part, sur un effort exceptionnel de près de 40 millions d'euros dans le domaine de la recherche (moteurs et carburants, gestion et stockage de l'énergie électrique, réduction des consommations auxiliaires telles que la climatisation, le développement de la pile à combustible (cf. ci-dessous), et la réduction des bruits et des expérimentations dans le secteur des transports ; et, d'autre part, sur des dispositions tendant à favoriser l'acquisition de véhicules « propres » et de véhicules à essence ou diesel faiblement émetteurs de GES.

2. La pile à combustible

La pile à combustible fournit de l'électricité et de la chaleur en rejetant de la vapeur d'eau, utilisant l'énergie issue d'une réaction associant de l'hydrogène et de l'oxygène. Si elle est prometteuse, cette technologie reste, en revanche, handicapée dans son développement dans le secteur des transports par l'encombrement de l'appareillage nécessaire dans les véhicules. Même si le rendement énergétique d'un tel véhicule équipé avec elle est excellent (50 à 70 % de l'énergie fabriquée à bord étant récupérés par le moteur), l'alimentation de la pile stockée à bord en hydrogène liquide (à -250°C environ) ou sous forme gazeuse à haute pression constitue une seconde limite à son développement. C'est pourquoi les véhicules à piles à combustible restent encore au stade expérimental , chez de grands constructeurs (PSA, Renault/Nissan, IVECO et FIAT). La combinaison de la technologie du véhicule électrique et l'utilisation de piles à combustible nécessite, au stade industriel, des progrès importants en matière d'intégration de composants et de coûts de fabrication. Elle est envisagée au plus tôt dans une dizaine d'années, les premières flottes urbaines étant mises en service en 2008-2010.

S'agissant des utilisations fixes , dans le bâtiment, l'industrie, et la production d'énergie, la pile à combustible est bien adaptée à la production décentralisée de chaleur et d'électricité. En France, hormis quelques modèles de démonstration, il n'existe pas d'offre commerciale sur catalogue. Toutefois, les fabricants nationaux disposent de démonstrateurs d'une puissance comprise entre moins de 1 kW et 100 MW, lesquels couvrent toutes les utilisations : auto-production en logement individuel, production massive d'électricité et de chaleur de réseaux.

Votre Commission des Affaires économique souhaite voir encouragé le développement des technologies utilisant l'hydrogène, tout en s'interrogeant sur les conditions dans lesquelles sera produit ce gaz : par une production décentralisée ou dans le cadre d'importantes unités industrielles dont il conviendrait, dès à présent de s'interroger sur les combustibles (énergie non renouvelables, nucléaires...).

*

* *

Réunie le jeudi 20 novembre 2003, la Commission des Affaires économiques a, contrairement à la proposition de son rapporteur pour avis, émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'énergie inscrits dans le projet de loi de finances pour 2004 .

* 1 Communication de Mme la ministre déléguée à l'industrie devant le Conseil des ministres du mercredi 18 juin 2003.

* 2 Cf. l'étude de Cap Gemini, Ernst & Young, citée par Les Echos du 23 janvier 2003 et le Bulletin de l'industrie pétrolière du 25 septembre 2003, p. 1.

* 3 Cf. La Tribune du 4 juillet 2003.

* 4 Cf. Bulletin de l'industrie pétrolière, 14 août 2003.

* 5 Cf. Le Handelsblatt du 27 août 2003.

* 6 Cité par la Franckfurter Allgemeine Zeitung du 19 septembre 2003.

* 7 Cf. Le Figaro, 27 septembre 2003.

* 8 Dépêche AFP du 20 août.

* 9 Dépêches AFP des 28 août et 28 septembre.

* 10 Citée par le Figaro du 2 septembre 2003.

* 11 Communiqué de presse du Ministère de l'industrie du 14 août 2003.

* 12 Cf. La Tribune du 4 juillet 2003.

* 13 L'Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN) étant constitué, depuis la loi de finances initiale pour 2000, sous la forme d'un établissement public distinct du CEA, ses crédits figurent au budget du Ministère de l'écologie et du développement durable.

* 14 Observatoire des ENR cité par Energie plus, n° 301, p. 13.

* 15 Selon les données du Syndicat des énergies renouvelables.

(1) : chiffre EDF, y.c. usine marémotrice de la Rance et les centrales classées dans la catégorie pompage.

(2) :1 GWh = 0,086 ktep

(3) : IAA industries agro-alimentaires

* Cette présentation diffère de celle des bilans officiels de l'énergie, car elle réunit tous les types d'énergies renouvelables, y compris l'électricité hydraulique et qu'elle recense des productions primaires et non primaires, y compris les productions

** Production d'énergie renouvelable valorisée sous forme thermique (chaleur ou force motrice).

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