TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE M. JEAN-FRANÇOIS MATTEI, MINISTRE DE LA SANTÉ, DE LA FAMILLE ET DES PERSONNES HANDICAPÉES, SUR LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2004 (CRÉDITS DE LA SANTÉ ET DE LA SOLIDARITÉ)

Réunie le jeudi 13 novembre 2003, sous la présidence de M. Nicolas About, président , puis de M. Jean-Louis Lorrain, vice-président, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées , et de Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'État aux personnes handicapées, sur le projet de loi de finances pour 2004 (crédits de la santé et de la solidarité).

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées , a tout d'abord indiqué que ce budget était en progression de 1,4 % à périmètre constant (soit 9,6 milliards d'euros, y compris les crédits de gestion des politiques sanitaires et sociales cogérés avec le ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité).

Il a précisé que, hors minima sociaux, les dépenses progresseront de 0,9 % et que cet effort était destiné à financer plus particulièrement les domaines de la santé publique, le plan de lutte contre le cancer, la mise à niveau des subventions aux agences sanitaires, le développement de l'aide aux familles ainsi que la poursuite de l'effort en faveur des personnes handicapées.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a affirmé que, dans un contexte budgétaire très difficile, cette progression traduisait une priorité forte du Gouvernement.

Après avoir observé que le projet de loi de finances pour 2004 visait à mettre en place une véritable politique en matière de santé publique, il en a rappelé les trois principes : la réaffirmation du rôle de l'État en matière de prévention, l'importance, sur le plan opérationnel, de la mise en place des groupements régionaux de santé publique et le développement de l'évaluation.

S'agissant des actions de prévention, il a déclaré que les objectifs prioritaires étaient le cancer, le SIDA, la santé mentale et les traumatismes par accidents. Il a insisté sur la croissance des crédits consacrés à la lutte contre le SIDA (52 millions d'euros), qui vise à réduire de 20 % l'incidence des cas d'infection liés au VIH et au SIDA d'ici 2008.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a par ailleurs rappelé que la lutte contre le cancer constituait l'une des priorités du Président de la République et que son ministère était directement engagé dans ce combat. Il a précisé que l'année 2004 permettra la couverture complète du territoire pour le programme de dépistage organisé du cancer du sein, l'évaluation des programmes de dépistage organisés pour d'autres types de cancers (le cancer colorectal, le cancer du col de l'utérus et le mélanome) et la création de l'Institut national du cancer qui a vocation à devenir une « tour de contrôle » permettant de mettre en contact les patients, les soignants et les chercheurs.

Il a indiqué qu'avec 18 millions d'euros de mesures nouvelles, l'effort d'ensemble de prévention contre le cancer atteindra, en 2004, 59,2 millions d'euros contre 6 millions d'euros en 2002.

En ce qui concerne la lutte contre la drogue et la toxicomanie, il a insisté sur le rôle d'animation et de coordination de l'action publique que la mission interministérielle de lutte contre la drogue (MILDT) doit exercer dans le cadre d'un nouveau plan quinquennal. Il a jugé qu'il convenait de réduire la consommation de produits psycho-actifs en accordant une priorité aux actions en direction des mineurs, qu'il s'agisse du tabac, de l'alcool ou des drogues illicites, comme le cannabis. Il a affirmé également qu'il convenait de rappeler le caractère illégal de la consommation de stupéfiants par des actions de communication à destination du grand public, menées conjointement par le MILDT et l'institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES).

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a ensuite présenté la seconde priorité de ce budget 2004 : la sécurité sanitaire. Il a observé que, si la santé publique relevait de cofinancements entre différents partenaires, la sécurité sanitaire devait, elle, être financée par l'État. Il a affirmé que cette distinction était tout à fait essentielle et qu'il avait souhaité la reprendre dans la structure de programme qui sera mise en oeuvre dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances.

Il a considéré que la politique de veille et de sécurité sanitaire avait pour objectifs de disposer, d'une part, d'une meilleure évaluation des risques sanitaires combinée à un système de veille et de gestion des crises efficace, d'autre part, de mieux assurer l'information et l'éducation sanitaires des professionnels et du public dans ce domaine.

Il a rappelé qu'au total six agences nationales étaient chargées d'intervenir dans ces domaines : l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), l'agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), l'agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSE), l'établissement français des greffes (EFG), l'institut national de veille sanitaire (InVS) et l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES). Elles disposeront des crédits nécessaires au renforcement de leur capacité d'analyse, grâce à l'augmentation de leurs effectifs.

Il a déclaré que l'action de son ministère visait aussi à combler certaines lacunes. Il a souligné, en premier lieu, que la création de l'agence de biomédecine, née du regroupement de l'EFG et de l'ex-agence de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaines (APEGH) devrait être complétée à l'avenir par une fusion progressive avec l'Association française de sécurité sanitaire et des produits de santé (AFSSAPS). Il a mentionné, en second lieu, la santé environnementale qui fera l'objet, comme l'avait annoncé le Président de la République en janvier 2003, d'un plan national interministériel au printemps 2004. Les actions de santé environnementale disposeront de 18 millions d'euros, des programmes de prévention spécifiques seront mis en place dans des domaines comme la lutte contre la tuberculose et les centres nationaux de référence seront renforcés pour assurer leur mission d'expertise et d'alerte des épidémies.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a rappelé que, face aux menaces terroristes, le Gouvernement avait mis en place, en plus du plan Vigipirate, des plans gouvernementaux spécifiques. Il a ainsi mentionné Piratox, Biotox et Piratome, qui sont destinés à faire face respectivement aux risques chimiques, biologiques et radiologiques, et Pirate-mer, Pirate-air et Piranet qui ont pour objectif de lutter contre les tentatives d'intrusion par la voie des mers, par la voie des airs et par Internet.

Il a souligné l'implication du ministère dans la mise en oeuvre du plan Biotox, justifiée par les particularités du risque biologique, liées à la période d'incubation, à la contagion éventuelle et à son caractère insidieux. Des actions de lutte contre le bioterrorisme seront poursuivies grâce à des procédures d'intervention adaptées à chaque agent chimique (sarin, ricine...) ou biologique (bactérie du charbon, variole, peste....), en veillant à constituer et à renouveler les stocks d'antibiotiques, d'immunoglobulines, d'antidotes et de vaccins, notamment pour la variole, et en renforçant l'aide médicale urgente pour faire face à tout événement de grande ampleur.

Il a également mentionné les exercices réalisés récemment, à la station de métro Invalides ou dans le cadre de l'opération Mercury, pour tester les capacités de réaction de nos services face à ce type de danger et a précisé que le ministère de la santé était engagé, sur le plan international, dans une démarche de coopération avec les pays du G7 et le Mexique, associant l'OMS et la Commission européenne.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a ensuite affirmé que la couverture maladie universelle jouait un rôle sanitaire incontestable en accordant aux plus démunis une couverture complémentaire. Notant que 85 % des bénéficiaires de la CMU étaient assurés, pour ce qui concerne la couverture complémentaire, par les régimes obligatoires et ce pour le compte de l'État, il a déclaré que le Gouvernement avait la volonté de rééquilibrer le dispositif existant en permettant aux bénéficiaires d'être davantage pris en charge par les organismes complémentaires et en incitant les caisses d'assurance maladie à optimiser leur gestion du risque. Il a précisé que le montant de la déduction accordée aux organismes complémentaires sera augmenté pour assurer une gestion des bénéficiaires de la CMUC dans des conditions équilibrées.

S'agissant des mesures concernant l'offre de soins, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a insisté sur l'accroissement des efforts prévus dans le domaine de la formation des professions médicales et paramédicales, qu'il s'agisse de la formation continue ou de la formation initiale d'infirmiers, compte tenu des difficultés de recrutement des personnels.

M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis des crédits de la santé, s'est interrogé sur la nécessité de regrouper les différentes agences concourant à la politique de veille et de sécurité sanitaire. Il a demandé par ailleurs à M. Jean-François Mattei son sentiment sur l'amendement adopté par la commission des affaires sociales tendant à ce que la prise en charge du coût du plan Biotox soit assurée par l'État.

Il s'est en outre interrogé sur l'origine des crédits qui seront utilisés pour mettre en oeuvre les initiatives menées à l'étranger contre le SIDA.

Il a également demandé s'il existait toujours des crédits destinés à favoriser la modernisation des centres hospitaliers régionaux.

Il a, par ailleurs, noté que l'article 82 du projet de loi de finances prévoyait la mise en place d'un forfait unifié de prise en charge des dépenses de la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC). Il a observé que ce dispositif aboutissait à changer les conditions de remboursement de la couverture complémentaire servie par les organismes de base, puisque ces derniers, jusqu'alors remboursés par le budget de l'État à l'euro près, seraient désormais remboursés au forfait. Il s'est interrogé sur l'économie de 117 millions d'euros qui résulterait de la mise en place du forfait unifié et sur l'éventualité qu'elle se réalise au détriment de la caisse nationale d'assurance maladie, dans la mesure où celle-ci financera les suppléments de coûts de la couverture complémentaire.

Il a observé qu'il serait paradoxal de procéder aujourd'hui à cet ajustement, alors que les travaux du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie ne sont pas achevés et que la répartition des charges entre régime obligatoire et régime complémentaire constitue un point essentiel de la réflexion qui y sera menée.

Mme Annick Bocandé a demandé au ministre de bien vouloir confirmer que le transfert de la formation professionnelle des auxiliaires médicaux sera effectif en 2005, y compris sur le plan budgétaire.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a rappelé que l'État avait fait le choix de confier aux régions la formation du personnel de santé paramédical. Il a confirmé que les budgets correspondants seront transférés en 2005.

En réponse à M. Gilbert Barbier sur la question du grand nombre des agences compétentes en matière de santé publique, M. Jean-François Mattei a tout d'abord fait observer qu'il avait, pour sa part, pris position en 1998 en faveur d'une agence unique sur le modèle américain. S'agissant de l'InVS, il a noté que ses missions avaient été élargies après la crise de la canicule, tout en conservant comme objectif premier la veille sanitaire. Il a également constaté que les aspects climatiques n'avaient jamais été évoqués lors de la création de cet établissement ou lors de la signature du contrat d'objectif et de moyens avec son prédécesseur, Bernard Kouchner.

Sur la question des rapprochements entre ces différentes agences, il a constaté qu'après la création de l'agence biomédicale à partir de l'EFG et de l'APEGH, un rapprochement nouveau pourrait avoir lieu à terme avec l'AFSSAPS. Il a ajouté qu'il serait favorable à un nouveau rapprochement entre l'AFSSA et l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSE). Il a en revanche exclu une telle perspective pour l'InVS et l'ANAES.

Il a également fait part de ses vives réserves sur l'amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 adopté par la commission consistant à faire prendre en charge par l'État, en lieu et place de la CNAM, la charge financière du plan Biotox.

M. Nicolas About, président , est intervenu pour rappeler, à ce propos, que le Conseil constitutionnel n'avait, lors de la création du plan Biotox, validé la mise à contribution de la CNAM qu'en raison de son caractère exceptionnel. Il a considéré que la prise en charge par la CNAM n'apparaissait justifiée qu'en cas de consommation avérée des stocks de vaccins, mais que leur constitution relevait des fonctions régaliennes de l'État.

En réponse à M. Gilbert Barbier, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a ensuite précisé que les fonds qui seront utilisés pour l'action internationale contre le Sida - 150 millions d'euros - proviendront des crédits du ministère des finances.

Concernant la modernisation des hôpitaux, il a mentionné qu'outre une enveloppe de 11 millions d'euros, le budget hospitalier de l'assurance maladie devrait dorénavant prendre en charge directement ces actions.

Il a également affirmé que le Gouvernement entendait éviter que les mutuelles continuent à se dégager de la CMU complémentaire.

M. Gilbert Chabroux s'est réjoui qu'une guerre ait été engagée contre le tabac, tout en jugeant souhaitable d'accroître les actions de prévention et de prendre aussi en compte les difficultés particulières des buralistes. Il a souhaité savoir pourquoi n'avait pas été engagée contre l'alcoolisme une action d'une ampleur comparable.

Il a également insisté sur la nécessité de combattre les maladies professionnelles, dont l'InVS estime le nombre de cas à 10.000 par an, alors que seulement 860 sont effectivement reconnus comme tels.

M. Jean Chérioux a déclaré qu'il partageait le sentiment du ministre sur le dynamisme et la bonne volonté des acteurs locaux, qui sont nécessaires pour relayer les priorités nationales de santé publique.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées , a remercié M. Gilbert Chabroux pour ses propos sur la lutte contre le tabagisme, en ajoutant que son action dans ce domaine s'inscrivait dans la continuité de la loi Evin du 10 janvier 1991. Il a indiqué que la priorité avait été donnée au tabac dans la mesure où sa consommation continuait à croître. Il a observé que la lutte contre l'alcoolisme n'avait pas, pour autant, été oubliée, dans un contexte où la consommation d'alcool baisse régulièrement depuis plusieurs décennies et où sa taxation s'inscrit déjà à un niveau très élevé.

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