II. DES AIDES À L'EMPLOI PLUS CIBLÉES VERS LE SECTEUR MARCHAND

Le budget du travail pour 2003 marquait déjà une forte rupture par rapport à la politique menée par le précédent gouvernement, ce dont s'était félicité votre commission : la priorité était clairement donnée aux aides à l'emploi dans le secteur marchand, ce qui se traduisait par une première réallocation des moyens budgétaires en faveur des publics prioritaires.

Le présent projet de budget poursuit ce mouvement. Si les actions en faveur des publics prioritaires, qui représentent 17 % des crédits budgétaires, voient leurs dotations diminuer de 11,5 %, cette baisse s'accompagne d'une stabilité globale du nombre d'aides programmées rendue possible par une réallocation importante des moyens.

Evolution des crédits en faveur des publics prioritaires

(en millions d'euros)

 

LFI 2002

PLF 2003

Evolution
en %

 

6.369

5.637

- 11,5

A - Actions spécifiques en faveur des jeunes

3.096

2.214

- 28,5

Nouveaux services emplois-jeunes

2.777

1.606

- 42,2

Réseau d'accueil, TRACE, bourse d'accès à l'emploi, contrats jeunes en entreprise, CIVIS

319

608

90,9

B - Actions d'insertion en faveur des publics en difficulté

2.271

2.305

1,5

Contrats emploi-solidarité

279

544

94,6

Contrats emploi-consolidé

959

810

- 15,6

Revenu minimum d'activité - Exonérations

 

20

 

Contrats de retour à l'emploi - CERMI

10

10

0,0

Contrats d'initiative emploi (exo et primes)

484

522

7,8

Programme chômeur de longue durée (SIFE, SAE, mesures d'accompagnement de la globalisation)

360

219

- 39,1

CPER

20

20

- 0,6

Insertion par l'économique

147

149

1,4

Dotation globalisée expérimentale de la région Centre

11

1.1

3,1

C - Actions en faveur des travailleurs handicapés

1.002

1.118

11,5

En 2004, l'action en faveur des publics prioritaires devrait s'articuler autour d'une double priorité : lutter contre le chômage des jeunes en encourageant avant tout l'accès à une première expérience professionnelle en entreprise ; mobiliser davantage les dispositifs d'insertion dans le secteur marchand tout en recentrant les aides à l'emploi dans le secteur non marchand sur les publics les plus éloignés du marché du travail.

A. LA RÉNOVATION DES MÉCANISMES D'INSERTION PROFESSIONNELLE DES JEUNES

Dès son entrée en fonction, le Gouvernement a fait de la lutte contre le chômage des jeunes une de ses priorités. Cet engagement se justifie pleinement au regard de l'évolution très préoccupante du chômage des jeunes depuis maintenant deux ans. Leur taux de chômage augmente toujours plus vite que le taux de chômage moyen, il est près de deux fois plus élevé, voire quatre fois pour les jeunes les moins qualifiés.

Dans ce contexte, le projet de budget poursuit la rénovation des dispositifs d'insertion en accompagnant la montée en charge des contrats-jeunes en entreprise et en instituant le CIVIS dans un cadre largement décentralisé.

1. La priorité accordée au secteur marchand

a) La montée en puissance des contrats-jeunes en entreprise

La création du contrat « jeunes en entreprise », entré en application rétroactivement au 1 er juillet 2002, a concrétisé la résolution du Gouvernement d'offrir aux jeunes peu ou pas qualifiés une possibilité d'insertion durable dans le secteur privé. Le dispositif proposé complète tant les dispositifs d'alternance que les régimes de droit commun d'allégement des charges. Il permet d'abaisser le coût du travail des jeunes non qualifiés par l'octroi aux entreprises d'un soutien forfaitaire, qui, ajouté aux exonérations de charges existantes, permette de compenser tout ou partie des charges patronales sur le salaire (sécurité sociale, Unédic, retraites complémentaires, autres prélèvements).


Le contrat « jeunes en entreprise »

Le contrat « jeunes en entreprise » institué par la loi n° 2002-1095 du 29 août 2002 portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise, vise à favoriser l'embauche en entreprise et à offrir une expérience professionnelle à des jeunes entre 16 et 22 ans qui, en raison de leur faible niveau de formation (inférieur au baccalauréat), éprouvent des difficultés à s'insérer sur le marché du travail.

Ces contrats à durée indéterminée ouvrent droit à une aide de l'État pendant trois ans, sous la forme du versement à l'employeur d'une compensation forfaitaire de cotisations sociales à hauteur de 225 euros par mois, cumulable avec les allégements de charges existants. Cette aide est versée à taux plein les deux premières années et à 50 % la troisième année. Le soutien de l'État est équivalent (les deux premières années), pour une entreprise à 35 heures, à une exonération totale des charges patronales au niveau du salaire minimum, et pourra progresser avec le salaire dans des conditions fixées par décret afin d'éviter toute trappe à bas salaire.

Le dispositif est géré par l'Unédic, les directions départementales du travail,de l'emploi et de la formation professionnelle en assurant le suivi (ils statuent notamment sur les dossiers difficiles, sur les recours éventuels et vérifient la déclaration de l'employeur).

La montée en charge du programme s'est effectuée à un rythme rapide.

Au second trimestre 2002, 48.000 jeunes ont été embauchés. Sur les neuf premiers mois de l'année 2003, ce chiffre s'élève à 54.000. Au total, au 30 septembre dernier, ce sont effectivement 84.000 jeunes qui occupent un emploi à ce titre.

Une analyse plus qualitative montre que les craintes exprimées par certains au moment de l'examen du projet de loi n'ont pas été confirmées.

Ainsi, les embauches ont essentiellement lieu dans les petites entreprises : les contrats concernent, pour 50 %, des entreprises de moins de dix salariés et, pour 84 %, des entreprises de moins de cinquante salariés.

De même, le dispositif est prioritairement ciblé sur les jeunes sans diplôme : 50 % des jeunes recruté n'ont pas la moindre qualification, l'autre moitié ne justifie que d'un CAP ou d'un BEP.

Enfin, l'accompagnement des jeunes dans l'emploi tend à se structurer. Plusieurs branches professionnelles, comme le bâtiment ou la grande distribution alimentaire, ont ainsi conclu des accords collectifs sur l'accompagnement de ces jeunes.

La dotation arrêtée pour 2004 au titre des contrats « jeunes en entreprise » s'élève à 416 millions d'euros - soit plus du double par rapport à l'an passé - et doit permettre de prendre en charge 110.000 contrats supplémentaires en 2004.

b) L'extinction progressive des emplois-jeunes

Compte tenu de l'arrêt des entrées dans le dispositif, le nombre d'emplois-jeunes continue sa décrue : alors qu'ils devraient encore être 153.000 en 2003, on les estime à 106.000 seulement l'an prochain 14 ( * ) .

Evolution prévue des effectifs d'emplois-jeunes en 2004

 

2003

2004

Emplois jeunes hors administrations (associations, collectivités locales, établissements d'enseignement...)

106.600

77.600

Dont épargne consolidée

6.300

11.600

Dont conventions pluriannuelles

7.100

11.100

Emplois jeunes administrations

46.100

28.100

Dont éducation nationale

31.000

16.300

Dont intérieur

13.300

10.000

Dont justice

1.800

1.800

Total

152.700

105.700

Source : projet de loi de finances pour 2004 .

Dans ces conditions, les crédits affectés aux emplois-jeunes diminuent rapidement, même si le coût budgétaire cumulé du programme a été très élevé.

Evolution des crédits budgétaires relatifs aux emplois-jeunes 15 ( * )

(en millions d'euros)

LFI 1998

LFI 1999

LFI 2000

LFI 2001

LFI 2002

LFI 2003

PLF 2004

1.227

2.122

3.253

3.355

3.219

2.777

1.606

Il convient d'observer que, lors du débat du projet de loi de finances pour 2004 en première lecture, l'Assemblée nationale a minoré, à l'initiative du Gouvernement, les crédits relatifs aux emplois-jeunes de 15 millions d'euros. Cette modification résulte d'une révision à la baisse des hypothèses du coût du dispositif en 2004, au regard de la tendance observée en gestion 2003, afin de redéployer ces crédits vers le financement de contrats initiative-emploi supplémentaires.

Pour autant, afin d'accompagner la sortie progressive du dispositif, des mécanismes de consolidation sont d'ores et déjà prévus pour permettre à certains employeurs de prendre en charge progressivement une partie du coût des emplois créés :

- la possibilité, pour les associations, de différer, à leur demande, une partie du versement de l'aide de l'État au-delà de la période initiale de cinq ans prévue par la convention pour la reporter sur trois années supplémentaires avec un abondement supplémentaire de l'État ( mécanisme dit de l'« épargne consolidée » ) est maintenue ;

- des conventions pluriannuelles à l'issue des cinq ans peuvent être conclues pour certains organismes de droit privé à but non lucratif ; elles s'appuient sur une aide financière dégressive sur trois ans, ou moins, selon la situation de l'association, dès lors qu'elle a créé de nouveaux services répondant à des besoins collectifs d'intérêt général non encore solvabilisés ;

- les organismes privés à but non lucratif bénéficiant actuellement de l'aide au poste peuvent se voir également attribuer des crédits d'accompagnement et d'ingénierie destinés à financer des prestations d'appuis et de conseils pour la pérennisation des activités dans le cadre de « dispositifs locaux d'accompagnement » cofinancés par la Caisse des dépôts, les collectivités locales et le fonds social européen.

En 2004, l'aide à la consolidation de l'État sera sensiblement accrue : le projet de budget du travail prévoit en effet 25 millions d'euros de mesures nouvelles (20 millions au titre des conventions pluriannuelles 16 ( * ) et 5 millions au titre de l'accompagnement des projets).

2. Le renouvellement des autres dispositifs d'insertion

a) L'institution du CIVIS

Annoncé dès septembre 2002, le contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) a été mis en oeuvre, à titre expérimental et pour un seul de ses volets, à compter du 15 juillet dernier, sur la base des recommandations formulées par notre collègue Alain Gournac, nommé parlementaire en mission sur ce sujet par le Premier ministre en janvier dernier.

Le présent projet de loi de finances achève sa mise en oeuvre en en définissant le régime - à l'article 80 bis rattaché aux crédits du travail - et en inscrivant les crédits correspondants. 94 millions d'euros y seront consacrés en 2004, ce qui devrait permettre de financer un peu plus de 70.000 contrats pendant l'année.


Le CIVIS

Ce contrat a pour objet de permettre aux jeunes, à partir d'un accompagnement personnalisé, d'accéder soit à un emploi, soit de s'inscrire dans une formation en alternance ou d'entrer en contrat d'apprentissage, soit de bénéficier du dispositif EDEN pour la création ou la reprise d'entreprise.

Le CIVIS s'adressera aux jeunes de 16 à 24 ans dont le niveau de qualification est inférieur ou équivalent à un diplôme de fin de cycle de l'enseignement général, technologique, ou professionnel. Il sera également ouvert à des jeunes rencontrant des difficultés particulières d'insertion et n'ayant pas achevé le premier cycle de l'enseignement supérieur.

Le CIVIS comprendra trois volets :

- Volet 1 « accompagnement vers l'emploi » : le CIVIS est conclu pour une période de deux ans maximum. Les crédits inscrits en projet de loi de finances pour 2004 (18 millions d'euros) permettront de prendre en charge 60.000 entrées.

- Volet 2 « accompagnement vers la création d'entreprise » : les jeunes majeurs engagés dans le dispositif pourront bénéficier d'une allocation financière de 300 euros maximum/mois pendant les périodes durant lesquelles ils ne recevront pas d'autre rémunération. La dotation inscrite au budget permettra de financer 2.500 entrées en 2004.

- Volet 3 « emplois d'utilité sociale » mis en place par le décret n° 2003-644 du 11 juillet 2003 : Les emplois proposés, dans le cadre du CIVIS, font l'objet d'un contrat à durée déterminée de trois ans maximum, conclu entre le jeune et un organisme de droit privé à but non lucratif conduisant des activités d'utilité sociale. 69 millions d'euros sont prévus dans le cadre du projet de loi de finances pour 2004 pour financer 2.778 entrées au quatrième trimestre 2003 et 8.333 entrées en 2004.

source : ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité

b) La révision corrélative des autres dispositifs d'insertion

L'institution du CIVIS n'est pas sans incidence sur les autres dispositifs d'insertion des jeunes.

A cet égard, l'article 80 bis du projet de loi modifie sensiblement le programme TRACE en organisant sa décentralisation progressive au profit des régions, ce programme ayant vocation à se fondre dans le premier volet du CIVIS (« accompagnement vers l'emploi »).

On rappellera que le programme TRACE mis en place par la loi d'orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions a pour objectif d'offrir un accompagnement personnalisé aux jeunes les plus éloignés de l'emploi afin de leur permettre de construire un parcours d'insertion individualisé d'une durée maximale de 18 mois. Le pilotage du programme est confié au réseau d'accueil des jeunes (missions locales ou PAIO).

Hormis ceux relatifs à la bourse d'accès à l'emploi, dont l'extinction programmée l'an passé se poursuit, les crédits d'accompagnement des jeunes vers l'emploi, qu'il s'agisse du programme TRACE ou du réseau d'accueil, devraient être stables en 2004 parallèlement à la création du CIVIS. Au total, l'ensemble des crédits, y compris ceux du CIVIS, sont en hausse de 62 %.

(en millions d'euros)

 

LFI 2003

PLF 2004

Évolution

TRACE

11,7

11,7

- 0 %

Bourse d'accès à l'emploi

25,2

4,4

- 82,5 %

Réseau d'accueil, d'information et d'orientation des jeunes

81,8

82,1

+ 0,3 %

TOTAL

118,7

98,2

- 17,3 %

En première lecture du projet de loi de finances pour 2004, l'Assemblée nationale, à l'initiative du Gouvernement, a toutefois sensiblement modifié la répartition de ces crédits, sans en changer le montant, afin de prendre en compte la décentralisation du CIVIS et de TRACE. Ainsi, les crédits des deux derniers volets du CIVIS (soit 25 millions d'euros) et une partie des crédits relatifs au réseau d'accueil (soit 11 millions d'euros) ont été transférés vers le chapitre 43-06 (dotation de décentralisation).

Votre commission considère à cet égard que la décentralisation du programme TRACE, d'ailleurs conforme aux dispositions du projet de loi relatif aux responsabilités locales récemment adoptées par le Sénat en matière d'accueil, d'information et d'orientation des jeunes, pourrait permettre de renforcer l'efficacité d'un dispositif dont les résultats apparaissent encore ambivalents.

Si le programme TRACE s'est traduit par la prise en charge de 273.000 jeunes entre 1998 et 2002 17 ( * ) et a permis à 43 % d'entre eux d'accéder à l'emploi, plus de 42 % des jeunes sortant du programme se retrouvent au chômage, sans indemnisation le plus souvent. On observe également que le programme initialement ciblé vers les jeunes les moins qualifiés, s'est progressivement écarté de sa vocation initiale : alors que 64 % des entrants en 1999 étaient de niveau V bis ou VI, cette proportion n'était plus que de 50 % en 2002.

B. LA RÉORIENTATION DES AIDES VERS LES PUBLICS LES PLUS EN DIFFICULTÉ

Le projet de budget pour 2004 poursuit le mouvement engagé l'an passé de rééquilibrage des dispositifs d'insertion des publics les plus en difficulté.

Ce rééquilibrage prend une double forme :

- l'accent mis sur les contrats aidés dans le secteur marchand, parallèlement au recentrage des contrats aidés dans le secteur non marchand vers les personnes les plus éloignées de l'emploi ;

- un effort soutenu en faveur de l'insertion par l'économique et de l'insertion professionnelle des personnes handicapées.

1. Des contrats aidés désormais dirigés prioritairement vers le secteur marchand

Jusqu'à présent, les contrats aidés et les mesures d'insertion en faveur des publics en difficulté ont surtout visé le secteur non marchand. Le présent projet de budget amplifie le rééquilibrage entamé l'an passé.

Evolution du nombre de contrats aidés
et de mesures d'insertion

(en flux d'entrées annuels)

 

2001
réalisé

2002
réalisé

2003

2004

 

Prévision budgétaire

Prévision de réalisation

Prévision budgétaire

CES

294.544

294.250

80.000

240.000

170.000

CEC

47.062

41.988

30.000

25.000

15.000

CIE

90.870

52.735

70.000

70.000

110.000

SIFE collectifs

102.195

94.167

80.000

84.734

40.000

SIFE individuels

24.618

24.339

25.000

26.667

15.000

SAE

17.577

13.760

20.000

15.916

10.000

TOTAL

576.866

521.239

290.000

465.095

360.000

Si le tableau ci-dessus témoigne des divergences importantes pouvant exister entre les prévisions budgétaires et les réalisations, il ne remet pas pour autant en cause l'orientation d'une politique et sa traduction budgétaire.

a) La relance du CIE

Lors de la table ronde sur l'emploi du 18 mars 2003, M. François Fillon a annoncé son intention de « relancer le CIE », dont l'attractivité avait été, il est vrai, singulièrement mise en péril par la réforme introduite par la loi de finances pour 2002. Il avait alors indiqué l'intention du Gouvernement de modifier le régime de ce contrat et d'augmenter le contingent budgétaire des contrats.

De fait, une récente enquête de la DARES 18 ( * ) a montré que le CIE constitue un instrument performant pour le retour durable à l'emploi, le qualifiant même de « tremplin rapide vers un emploi classique et stable ». Cette étude montre en effet que 73 % des personnes sorties d'un CIE fin 1999 occupent un emploi « classique » - c'est-à-dire non aidé - en mars 2002.

La modification du régime du CIE est intervenue au 1 er juillet dernier, en application du décret du 27 juin 2003. Ce décret a élargi les conditions d'accès au contrat, augmenté la durée de l'aide pour les salariés âgés et prévu un versement trimestriel de l'aide (et non plus annuel).

Le présent projet de budget organise, pour sa part, une augmentation substantielle du contingent budgétaire, le nombre de nouveaux contrats étant finalement porté à 110.000 pour 2004 au lieu des 70.000 initialement prévus par la loi de finances pour 2003.

On rappellera que le projet de budget pour 2004 adopté en conseil des ministres ne permettait initialement que de financer 80.000 entrées en CIE en 2004. Toutefois, en première lecture à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a annoncé la création de 30.000 places supplémentaires pour un surcoût de 30 millions d'euros : la moitié de ce surcoût a d'ores et déjà été financée par un redéploiement de 15 millions d'euros en provenance des crédits relatifs aux emplois-jeunes, l'autre moitié devant encore être financée, selon les déclarations de M. François Fillon lors de son audition par notre commission, par une économie de même montant sur un autre budget.

b) Le recentrage des autres dispositifs

Lors de cette table ronde du 18 mars 2003, M. François Fillon avait également indiqué son intention de « réformer les contrats emploi-solidarité (CES) et les contrats emploi consolidé (CEC) » et de les réunir dans un contrat d'accompagnement unique, solution par ailleurs également préconisée par notre collègue, Bernard Seillier, nommé parlementaire en mission sur l'insertion des personnes les plus en difficulté.

Certes, les CES et les CEC ont été progressivement recentrés sur les personnes les plus éloignées de l'emploi, parallèlement à l'amélioration de la conjoncture économique entre 1997 et 2001.

Pendant cette période, la part des publics prioritaires croît fortement dans ces dispositifs. Sont ainsi considérés comme public prioritaire les chômeurs de longue durée inscrits depuis plus de trois ans à l'ANPE ; les bénéficiaires du RMI sans emploi depuis un an ; les allocataires de l'allocation spécifique de solidarité sans emploi depuis un an ; les allocataires de l'allocation parent isolé sans emploi depuis un an ; les travailleurs handicapés ; les personnes âgées de plus de 50 ans sans emploi depuis un an ; les jeunes de 16 à 25 ans accompagnés dans le cadre du programme TRACE. On est ainsi passé de 53 % de bénéficiaires d'un CES appartenant à un public prioritaire en 1998 à 88,5 % en 2001 en France métropolitaine ; 37 % des personnes en CES sont bénéficiaires du RMI, 26 % sont chômeurs depuis plus de trois ans, 19 % sont des jeunes en grande difficulté et 12 % sont des travailleurs handicapés.

Pourtant, ces dispositifs ne permettent encore qu'une insertion insuffisante, compte tenu avant tout de la faiblesse de l'accompagnement des bénéficiaires. Ainsi, selon une récente enquête de la DARES 19 ( * ) , « après leur passage en CES, les anciens bénéficiaires restent marqués par les difficultés qu'ils connaissaient à l'entrée dans la mesure ». Si, deux ans après la fin de leur CES, près de 60 % des anciens bénéficiaires occupent un emploi, plus de quatre fois sur dix, il s'agit d'un emploi aidé.

L'an passé, le Gouvernement a donc choisi d'amplifier le recentrage des contrats vers les publics les plus éloignés de l'emploi et l'amélioration de leur contenu en insertion.

En 2004, la réforme engagée dans l'utilisation des CES et des CEC sera poursuivie 20 ( * ) , vers une plus grande responsabilisation des employeurs et le recentrage des personnes bénéficiaires. Il s'agit en particulier de privilégier les employeurs oeuvrant activement dans le cadre de la lutte contre les exclusions.

D'une part, les taux de prise en charge financières du CES sont adaptées à la nature des employeurs. Ainsi, trois taux sont prévus : les employeurs publics (collectivités locales, établissements publics) bénéficieront d'un taux de prise en charge de 65 %, les associations bénéficieront d'un taux à 80 %, enfin, les associations d'insertion (chantiers d'insertion conventionnés au titre de l'insertion par l'activité économique) continueront à bénéficier d'un taux de prise en charge à 95 % afin de construire et de stabiliser une offre d'insertion locale et pérenne.

D'autre part, la mobilisation des CEC se fera dans une double orientation : ces contrats seront réservés aux seuls bénéficiaires de CES qui ne peuvent immédiatement retrouver un emploi à l'issue du CES et qui ont besoin d'une action plus longue d'adaptation au monde du travail et aux employeurs qui s'engagent à maintenir ces emplois au terme des trois ans d'aide de l'État. Ainsi, le taux de prise en charge sera adapté à la contribution progressive de l'employeur dans la consolidation de ces emplois aidés grâce au recours au taux de prise en charge dégressif de 60 % la première année à 40 % la dernière année.

Dès lors, et en dépit de l'augmentation apparente des crédits consacrés aux CES et aux CEC, qui résulte principalement de leur traitement budgétaire en 2003, le présent projet de budget du travail prévoit une diminution sensible du nombre de contrats. L'objectif est en effet de ne recourir à ces contrats que lorsqu'aucune mesure d'insertion dans le secteur marchand ne peut être utilement mobilisée.

A cet égard, votre commission considère que l'amélioration attendue de la conjoncture économique à la mi-2004 devrait rendre moins urgent le recours à ces contrats dans une logique contracyclique.

Elle regrette toutefois que l'année 2004 ne soit sans doute pas l'année de création du « contrat d'accompagnement unique », alors même que la mise en place du RMA aurait pourtant justifié, dans un souci de cohérence, la révision de l'ensemble de nos dispositifs d'insertion des personnes les plus éloignées de l'emploi.

Parallèlement, les dispositifs d'insertion en faveur des chômeurs de longue durée (SIFE et SAE) sont, eux aussi, sensiblement orientés à la baisse. Votre commission y voit, plus qu'une marque de méfiance envers ces dispositifs que d'aucuns considèrent comme peu performants 21 ( * ) , les conséquences des efforts accrus de l'Unédic qui finance aujourd'hui des dispositifs équivalents.

Enfin, le projet de budget accompagne la création du revenu minimum d'activité (RMA). Il prévoit à ce titre l'inscription de 20 millions d'euros de crédits pour le financement des exonérations de cotisations sociales patronales en faveur des employeurs du secteur non marchand, ce qui équivaut à un peu moins de 20.000 contrats d'insertion RMA (en équivalent année pleine).

2. Un effort particulier en faveur de l'insertion par l'activité économique et de l'emploi des personnes handicapées

a) L'insertion par l'économique

L'insertion par l'économique a constitué un des leviers privilégiés des politiques d'insertion et de lutte contre les exclusions conduites ces dernières années. Cette priorité s'est traduite par une augmentation importante des crédits alloués par l'État aux structures d'insertion, afin de dynamiser la création d'activités et l'offre d'insertion.

De fait, en 2002, 970 entreprises d'insertion et 262 entreprises de travail temporaire d'insertion, 1.003 associations intermédiaires et 1.960 chantiers d'insertion étaient en activité. On estime que ces structures ont permis le retour à l'activité de quelques 230.000 personnes en difficulté.

Crédits en faveur de l'insertion par l'économique

(en millions d'euros)

LFI 1999

LFI 2000

LFI 2001

LFI 2002

LFI 2003

PLF 2004

114

139

146

165

147

149

En 2004, le soutien à l'insertion par l'activité économique est réaffirmé.

Ainsi, il prévoit 2,9 millions d'euros de mesures nouvelles au titre de la revalorisation (de 22,5 %) de l'aide au poste pour les entreprises de travail temporaire d'insertion (ETTI).

Il reste que la situation financière des structures d'insertion demeure très fragile, comme l'a observé notre collègue Bernard Seillier dans son récent rapport au Gouvernement 22 ( * ) :

« L'extrême fragilité des structures d'insertion par l'activité économique face aux fluctuations économiques devrait pouvoir être compensée par une stabilisation des crédits accordés par l'État. L'insertion professionnelle des personnes en difficulté est une action de long terme, qui exige une visibilité et un horizon suffisant afin d'assurer une perspective durable tant pour les personnes concernées que pour les structures qui les accompagnent. Il est donc impératif que les financements annoncés et décidés soient garantis : les engagements dans le domaine de l'insertion des personnes en difficulté devraient être respectés de manière prioritaire, en restant à l'abri d'éventuelles mesures de gel, de mise en réserve ou de report budgétaire. Par ailleurs, afin de pallier les fluctuations et les retards des versements par les services de l'État, le versement des aides aux structures d'insertion par l'activité économique pourrait être transféré à un organisme tiers du type du CNASEA, ce qui permettrait d'assurer la régularité du versement tout en permettant aux services chargés de l'emploi de disposer d'outils statistiques et de gestion assurant un meilleur pilotage de la mesure ».

Si la revalorisation de l'aide au poste apporte déjà une première réponse, il conviendrait que ces propositions visant à « sécuriser » le financement des structures d'insertion puissent être mises en oeuvre rapidement.

b) L'emploi des personnes handicapées

Le Gouvernement a fait de l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés une de ses priorités. A ce titre, les moyens consacrés au reclassement des travailleurs handicapés bénéficieront d'un renforcement substantiel en 2004, tout comme cela avait été le cas en 2003.

Crédits en faveur des travailleurs handicapés

(en millions d'euros)

 

LFI 2003

PLF 2004

Evolution

Aide à l'emploi

7,3

8,6

+ 17 %

Ateliers protégés

42,9

42,9

+ 0,1 %

Garantie de ressources

952,1

1.066,3

+ 4,5 %

TOTAL

1.002,3

1.117,8

+ 11,5 %

L'augmentation des crédits correspond très largement à l'effort consenti pour augmenter le nombre de places en centre d'aides par le travail (+ 3.000 en 2004) et le nombre d'emplois en ateliers protégés (+ 500 en 2004).

Surtout, la forte augmentation de la garantie de ressources en milieu protégé est la conséquence directe de la création de ces nouveaux emplois et places (à hauteur de 16 millions d'euros), mais aussi d'un réajustement à la hausse des crédits par rapport aux besoins (98 millions d'euros).

* 14 On rappellera que, fin 2001, 224.000 jeunes étaient en poste.

* 15 Il s'agit ici des seuls crédits inscrits au budget du travail. Ne sont donc pas pris en compte les crédits supplémentaires inscrits aux budgets de l'éducation nationale, de l'intérieur, de la justice et de l'outre-mer.

* 16 Cela permettra alors la conclusion de 4.000 conventions supplémentaires.

* 17 En 2002, ce sont 90.000 jeunes qui sont entrés dans le dispositif.

* 18 Premières informations et premières synthèses, octobre 2003, n° 44-5.

* 19 Premières informations et premières synthèses, octobre 2003, n° 44-2.

* 20 La diminution du taux de prise en charge financière par l'État devrait ainsi permettre une nouvelle économie budgétaire de 95 millions d'euros en 2004.

* 21 Si l'efficacité des SIFE collectifs est effectivement loin d'être avérée, celle des SIFE individuels et surtout des SAE est plus évidente. Ainsi, le taux d'embauche à l'issue d'un SAE est élevé : 81 % dont 65 % en contrat à durée indéterminée.

* 22 « Pour un contrat d'accompagnement généralisé », juillet 2003.

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