N° 77

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 novembre 2003

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2004 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME IV

TRAVAIL ET EMPLOI

Par M. Louis SOUVET,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gilbert Chabroux, Jean-Louis Lorrain, Roland Muzeau, Georges Mouly, vice-présidents ; M. Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Claire-Lise Campion, M. Jean-Marc Juilhard, secrétaires ; MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Joël Billard, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Jean Chérioux, Mme Michelle Demessine, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Claude Domeizel, Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, Serge Franchis, André Geoffroy, Francis Giraud, Jean-Pierre Godefroy, Mme Françoise Henneron, MM. Yves Krattinger, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, André Lardeux, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mmes Valérie Létard, Nelly Olin, Anne-Marie Payet, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente, MM. Bernard Seillier, André Vantomme, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 1093 , 1110 à 1115 et T.A. 195

Sénat : 72 et 73 (annexe n° 35 ) (2003-2004)

Lois de finances .

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le projet de budget du travail pour 2004 s'élève à 32,3 milliards d'euros, soit plus du double que les crédits votés pour 2003.

Cette forte augmentation s'explique par la rebudgétisation du FOREC : les remboursements des allégements de charges financés par ce fonds (15,9 milliards d'euros en 2003) seront donc, à l'avenir, réintégrés dans les crédits du travail. A périmètre constant, les crédits augmenteraient de 2,9 %.

Présentation des crédits du travail par agrégats

(en millions d'euros)

 

LFI 2003

PLF 2004

Variations

Pourcentage du total

Gestion de la politique de l'emploi

2.645

2.679

+1,3 %

8 %

Formation professionnelle

3.932

3.881

-1,3 %

12 %

Publics prioritaires

6.369

5.637

-11,5 %

17 %

Promotion de l'emploi et adaptations économiques

1.050

18.383

NS

+58 %

Retrait d'activité et dépenses de chômage

1.726

1.737

+0,6 %

5 %

Total

15.724

32.317

NS

100 %

Changements de périmètre

15.900

226

-

-

Total corrigé des changements de périmètre

31.624

32.543

+2,9 %

-

Source : PLF 2004

Votre commission ne peut que se féliciter de cette décision de « suppression vertueuse » du FOREC, qu'elle a, par ailleurs, largement analysée 1 ( * ) , et de la réintégration corrélative dans le budget de l'État des remboursements d'exonérations de cotisations sociales, jusqu'ici supportés par le fonds. Une telle réintégration permettra de répondre aux exigences posées par la loi du 25 juillet 1994, selon lesquelles toute exonération de cotisations sociales décidée par l'État doit être intégralement compensée par le budget de l'État à la sécurité sociale. Elle contribuera également à améliorer la lisibilité des moyens affectés à la politique de l'emploi, en permettant désormais au budget du travail de rendre compte au plus près de l'effort global de l'État pour l'emploi.

Au-delà de cette importante modification de périmètre, la principale caractéristique de ce projet de budget réside, à l'évidence, dans la poursuite accélérée de la réorientation de la politique de l'emploi vers la création d'emplois dans le secteur marchand .

Qu'il s'agisse de l'augmentation des allégements de charges, de la création du contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) et du revenu minimum d'activité (RMA), de la relance du contrat initiative emploi (CIE), de la montée en charge du contrat jeune en entreprise, de la redynamisation des aides à la création d'entreprises (EDEN) ou, à l'inverse, du recentrage des contrats aidés du secteur non marchand vers les publics les plus en difficulté, de la réforme de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) ou du resserrement des conditions d'accès aux préretraites, le projet de budget s'inscrit dans la stratégie du Gouvernement visant à revaloriser le travail et à stimuler l'emploi.

Votre commission s'associe pleinement à cette démarche, tant il est vrai que la détérioration continue de la situation du marché du travail depuis le mi-2001 appelait une réorientation de la politique de l'emploi enfin susceptible d'accélérer et d'accompagner en emplois durables le retour de la croissance.

I. UN CONTEXTE DIFFICILE

D'une manière générale, l'orientation d'une politique de l'emploi et du budget y afférent s'évalue à l'aune du contexte dans lequel elle s'inscrit. Or, le contexte économique actuel, marqué par l'extrême faiblesse de la croissance et la poursuite de l'augmentation du chômage, demeure préoccupant, même si des perspectives d'amélioration se dessinent pour 2004.

A. UN MARCHÉ DU TRAVAIL MARQUÉ PAR LE RETOURNEMENT CONJONCTUREL

Après avoir connu de très bonnes performances en termes de création d'emplois à la suite du retour de la croissance en 1997, notre pays est confronté depuis 2001 à une stagnation de l'emploi et à une augmentation continue du chômage.

De fait, la situation de l'emploi est très largement liée aux évolutions de l'environnement économique . Ainsi, on estime généralement que le niveau plancher de croissance économique qui assure une création nette d'emplois est compris entre 1 et 1,5 % 2 ( * ) . Une différence de un point de croissance autour de ce niveau pivot se traduit par la création ou la destruction d'environ 200.000 emplois. Compte tenu des évolutions démographiques qui alimentent encore à la hausse la population active, le niveau plancher de croissance permettant de stabiliser le chômage se situerait, selon les analyses, aux alentours soit de 1,6 à 1,7 %, soit de 2 à 2,2 %.

Dans ces conditions, l'amélioration attendue du contexte économique en 2004 pourrait avoir des répercussions positives sur un marché du travail très dégradé.

1. La stagnation de l'emploi

En cinq ans, de fin 1996 à fin 2001, l'emploi total en France a progressé de 2,1 millions de postes de travail supplémentaires grâce à une croissance économique soutenue et à la création d'emplois dans le secteur non marchand.

Cette tendance s'est nettement infléchie à compter de 2002. La dégradation globale de l'emploi a été moins forte que prévu, mais elle est survenue de façon très variable selon les secteurs, comme le souligne une récente étude de la DARES 3 ( * ) :

« Principalement impulsé par le secteur des services, et dans une moindre mesure par la construction, l'emploi résiste bien à l'absence de croissance, cependant que l'industrie ne parvient pas à s'extraire de la récession. »

De fait, pour s'en tenir au seul secteur concurrentiel, l'emploi est resté globalement stable sur l'année écoulée, malgré un premier semestre 2003 très négatif.

Evolution de l'emploi salarié

 

Effectifs
(en milliers)

Variation sur
(en %)

 

30 sept. 2002

31 déc. 2002

31 mars 2003

30 juin 2003

30 sept. 2003

3 mois

12 mois

Ensemble des secteurs concurrentiels

15.449,5

15.475,2

15.436,3

15.446,7

15.446,9

+ 0,0

- 0,0

Industries

4.080,6

4.061,4

4.035,1

4.010,9

3.980,3

- 0,8

- 2,5

Construction

1.270,3

1.269,8

1.272,6

1.281,1

1.280,4

- 0,1

+ 0,8

Tertiaire

10.098,6

10.144,0

10.128,6

10.154,7

10.186,2

+ 0,3

+ 0,9

Source : INSEE, DARES

Si l'année 2003 devrait, selon toute vraisemblance, s'achever sur une destruction nette d'emplois, l'année 2004 pourrait marquer une reprise de l'emploi dans un contexte économique plus favorable , comme l'observe l'Unédic dans ses dernières prévisions :

« La fin de l'année devrait s'inscrire dans la tendance du premier semestre en raison de la persistance d'une conjoncture dégradée. Au final, l'emploi affilié enregistrerait, en 2003, 104.000 pertes nettes en glissement (- 0,7 %), soit - 7.000 en moyenne annuelle (- 0,0%).

« En 2004, la relance de l'économie mondiale et le retour à une croissance vigoureuse en France au second semestre laissent envisager un redémarrage des embauches. Le nombre de créations nettes de postes pourrait alors atteindre 135.000 emplois salariés affiliés en glissement sur l'année (+ 0,9 %), soit une stabilité en moyenne annuelle. » 4 ( * )

2. La hausse continue du chômage

Entre mai 2001 et septembre 2003, le taux de chômage est passé de 8,6 % à 9,7 %, parallèlement à la dégradation de la conjoncture économique.

Evolution récente du chômage

 

juin 2001

décembre 2001

juin 2002

décembre 2002

septembre 2002

Evolution depuis juin 2001

Nombre de demandeurs d'emplois de catégorie 1

2.089.300

2.203.700

2.261.300

2.308.600

2.435.700

+ 16,6 %

Nombre de demandeurs d'emplois de catégorie 1 + 6

2.525.300

2.614.000

2.653.400

2.707.100

2.854.700

+ 13,0 %

Nombre de chômeurs au sens du BIT

2.293.000

2.377.000

2.439.000

2.512.000

2.639.000

+ 15,1 %

Taux de chômage

8,6 %

8,8 %

9,9 %

9,3 %

9,7 %

-

Pour mémoire, on rappellera que :

- les demandeurs d'emploi de catégorie 1 sont les personnes inscrites à l'ANPE déclarant être à la recherche d'un emploi à temps plein et à durée indéterminée, ayant éventuellement exercé une activité occasionnelle ou réduite d'au plus 78 heures dans le mois ;

- l'ensemble des demandeurs d'emploi des catégories 1 et 6 recouvre toutes les personnes inscrites à l'ANPE déclarant être à la recherche d'un emploi à temps plein et à durée indéterminée, y compris celles qui ont exercé une activité réduite de plus de 78 heures au cours du mois (catégorie 6) ;

- les chômeurs au sens du bureau international du travail (BIT) sont les personnes sans emploi, à la recherche effective d'un emploi et immédiatement disponibles. Les données sont établies une fois par an à partir des résultats de l'enquête annuelle sur l'emploi effectuée par l'INSEE et sont estimées à l'aide d'un modèle économétrique pour les mois intermédiaires.

Cette détérioration du marché du travail apparaît largement liée au retournement de la conjoncture.

Ces évolutions ne sont en effet pas propres à la France, mais elles sont d'autant plus inquiétantes que le taux de chômage dans notre pays continue de se situer à un niveau comparativement élevé . Seul un pays de l'Union européenne connaît aujourd'hui un taux de chômage supérieur au nôtre : l'Espagne. Le taux de chômage français demeure supérieur de 1,4 point à la moyenne européenne.

Comparaison des taux de chômage européens harmonisés

(en pourcentage et en données CVS)

 

juin 97

juin 98

juin 99

juin 00

juin 01

juin 02

juin 03

Evolution 2002/1997 (en points)

Allemagne

9,7

9,1

8,5

7,7

7,7

8,7

9,4

- 0,3

Autriche

4,4

4,6

3,9

3,7

3,5

4,3

4,4

+ 0,0

Belgique

9,2

9,4

8,8

6,8

6,6

7,5

8,0

- 1,2

Danemark

5,2

4,8

4,9

4,4

4,3

4,4

5,3

+ 0,1

Espagne

17,1

15,4

12,7

12,7

10,6

11,3

11,4

- 5,7

Finlande

12,6

11,7

10,1

10,1

9,1

9,1

9,3

- 3,6

France

11,9

11,4

10,9

10,9

6,6

8,7

9,4

- 2,5

Irlande

10,1

7,7

5,7

5,7

3,8

4,3

4,7

- 5,4

Italie

11,5

11,7

11,3

11,3

9,5

9,0

8,7

- 2,8

Luxembourg

2,7

2,7

2,4

2,4

2,0

2,8

3,7

+ 1,0

Pays-Bas

5,1

3,8

3,1

3,1

2,4

2,8

4,1

- 1,0

Portugal

6,8

4,8

4,6

4,6

4,0

4,8

7,3

+ 0,5

Royaume-Uni

7,1

6,2

5,8

5,8

5,0

5,1

5,0

- 2,1

Suède

10,5

8,3

7,3

7,3

4,7

4,8

5,4

- 5,1

Moyenne Union européenne

10,1

9,4

8,7

8,7

7,4

7,7

8,1

- 2,0

Source : Eurostat (données CVS)

La montée du chômage devrait se poursuivre jusqu'à la fin de l'année, mais 2004 pourrait marquer une première amélioration, comme l'observe à nouveau l'Unédic dans ses dernières prévisions :

« La détérioration du marché du travail devrait se poursuivre d'ici à la fin de l'année pour atteindre, fin décembre 2003, 177.000 chômeurs supplémentaires par rapport à décembre 2002 en catégorie 1, et 232.000 pour l'ensemble des chômeurs potentiellement indemnisables (catégories 1, 2, 3, 6, 7, 8 + dispensés de recherche d'emploi). Le nombre de personnes au chômage (toutes catégories confondues) s'établirait ainsi à 4.171.200 fin décembre 2003, soit une augmentation de 5,9 % par rapport à fin 2002.

« En 2004, l'amélioration sur le marché du travail ne serait perceptible qu'au second semestre. Ainsi, en glissement annuel, la population de chômeurs de catégorie 1 devrait se réduire de 17.000 personnes et celle des chômeurs potentiellement indemnisables de 37.000 individus.

« En 2003 et 2004, la population active afficherait une croissance qui se réduit sensiblement par rapport à celles des années antérieures. Le principal facteur explicatif est d'ordre démographique, puisque de plus en plus de personnes de la génération du baby-boom atteindront 60 ans et commenceront à partir en retraite. A cela s'ajoutent des effets liés à la politique de l'emploi. Ainsi, le développement des formations en 2003 et l'ouverture en 2004 du droit au départ en retraite pour les salariés ayant commencé à travailler jeunes vont contribuer au retrait d'individus de la population active. »

B. UN SERVICE PUBLIC DE L'EMPLOI PARTICULIÈREMENT SOLLICITÉ

Cette dégradation du marché du travail n'a pas été sans incidence sur les acteurs du service public de l'emploi 5 ( * ) qui ont été particulièrement sollicités pour accompagner et faciliter le retour à l'emploi des demandeurs d'emploi, au moment même où l'Unédic et l'ANPE engageaient une importante modernisation de leurs activités.

1. L'Unédic

L'augmentation du chômage a plongé les comptes de l'Unédic « dans le rouge », malgré l'adoption de mesures successives visant à rétablir l'équilibre financier du régime d'assurance chômage.

Déjà, le 19 juin 2002, les partenaires sociaux gestionnaires du régime avaient adopté une première série de mesures de sauvegarde, passant notamment par une hausse de 0,2 point des cotisations.

De même, dans un protocole d'accord du 20 décembre 2002, ils avaient ensuite entériné un plan de retour à l'équilibre du régime sur les années 2003, 2004 et 2005, intégrant notamment une hausse supplémentaire de 0,6 point des cotisations et une révision des filières d'indemnisation conduisant à une diminution de la durée de couverture, et décidé de recourir à l'emprunt (un emprunt obligatoire de 4 milliards d'euros sur cinq ans bénéficiant de la garantie de l'État).

Mais, depuis lors, l'Unédic a été appelé à revoir sans cesse à la baisse ses prévisions d'équilibre financier pour 2003 et 2004, comme en témoigne le tableau ci-dessous :

Evolution des prévisions du résultat financier
de l'assurance chômage en 2003 et 2004

(en millions d'euros)

Date de la prévision

2003

2004

4 mars 2003

- 2.448

+ 1.143

2 juillet 2003

- 3.330

+ 209

13 novembre 2003

- 4.295

- 1.228

De fait, l'Unédic se retrouve, depuis 2002, dans une situation financière pire encore que celle qu'a pu connaître le régime en ses heures les plus sombres de 1992-1993.

Le résultat financier de l'assurance chômage 6 ( * )

(en millions d'euros)

 

1999 ®

2000 ®

2001 ®

2002 ®

2003 (P)

2004 (H)

Recettes

21.332

22.776

22.723

22.559

25.896

26.909

Dépenses

21.748

21.444

22.476

26.279

30.191

28.137

Résultat de l'année (R-D)

- 416

1.332

247

- 3.720

- 4.295

- 1.228

® : réalise Source : Unédic

(P) : prévision

(H) : hypothèse

Eu égard à la situation financière du régime d'assurance chômage, les mesures de sauvegarde décidées par les partenaires sociaux apparaissaient donc nécessaires et pourraient permettre au régime de revenir à l'équilibre en 2005, si l'amélioration du marché du travail se confirme.

La nouvelle convention d'assurance chômage issue du protocole d'accord du 20 décembre 2002, même si elle repose sur une répartition équilibrée des efforts entre cotisants (salariés et employeurs) et allocataires 7 ( * ) , se traduira par le « basculement » dans le régime de solidarité, d'un nombre significatif de demandeurs d'emplois indemnisés par l'Unédic.

Effectifs de demandeurs d'emplois indemnisés par l'Unédic susceptibles de basculer en fin de droits d'ici le 31 décembre 2005 8 ( * )

Bénéficiaires de l'allocation de recherche d'emploi (ARE) basculant en fin de droits au 31/12-2003*

180.000

Bénéficiaires de l'allocation de recherche d'emploi (ARE) basculant en fin de droits entre le 01/01/2004 et le 31/12/2005*

430.000

Dont, du 01/01/2004 au 31/12/2004

329.000

Dont, du 01/01/2005 au 31/12/2005

101 000

Surplus d'entrée en ASS au 1 er janvier 2004

47.860

Surplus d'entrée en ASS en 2004

105.000

Surplus d'entrée en ASS en 2005

33.900

Source : Unédic, données transmises le 22-/09/2003 et calculées selon la réglementation ASS en vigueur en 2003.

* Une partie de l'effectif basculant en fin de droits est susceptible d'entrer en ASS et engendre un effectif supplémentaire de bénéficiaires de l'ASS, calculé par l'Unédic en base réglementaire 2003.

Au total, ce serait donc 613.000 personnes actuellement indemnisées par l'assurance chômage qui pourraient perdre leurs droits d'ici fin 2005, en l'absence de retour à l'emploi. Parmi elles, selon leurs ressources, un tiers serait susceptible de basculer dans l'allocation de solidarité spécifique (ASS) au titre du régime de solidarité financé par l'État et un autre tiers pourrait basculer dans le RMI.

2. L'ANPE

La dégradation de la situation de l'emploi a également rendu nécessaire une meilleure mobilisation de l'ANPE, au moment où elle poursuivait sa modernisation dans le cadre du troisième contrat de progrès (1999-2003) et où elle était chargée de mettre en oeuvre le nouveau dispositif d'aide au retour à l'emploi institué par la convention d'assurance chômage du 1 er janvier 2001.

Pour engager ce nouveau dispositif, l'ANPE a disposé de moyens significatifs fournis par l'Unédic, qui affecte chaque année 1 milliard d'euros à la mise en oeuvre du plan d'aide au retour à l'emploi (PARE).

L'Unédic a notamment financé 3.650 des 4.650 nouveaux emplois créés par l'agence pour mettre en oeuvre le dispositif d'aide au retour à l'emploi 9 ( * ) .

De même l'Unédic prend désormais en charge le financement de près de la moitié des prestations prescrites par l'ANPE.

En 2003, l'Unédic est le deuxième financeur de l'ANPE, et contribue à hauteur de 27 % à l'alimentation de son budget (1,78 milliard d'euros).

Répartition des ressources de l'ANPE en 2003

L'État reste néanmoins le principal contributeur de l'ANPE.

En 2004, la dotation de subvention 10 ( * ) de l'État à l'ANPE sera stable à hauteur de 1,19 milliard d'euros, sur un budget total de l'agence de 1,81 milliard d'euros.

Evolution de la subvention de l'État à l'ANPE

(en millions d'euros)

1999

2000

2001

2002

2003

2004

881

973

1.057

1.176

1.192

1.193

Il faut toutefois observer que cette dotation fait l'objet d'une révision des services votés à hauteur de 25 millions d'euros, liée au transfert du revenu minimum d'insertion aux départements . Cette révision s'explique notamment par la fin du financement par l'État des frais de personnel de certains agents de l'ANPE spécialement chargés de l'accompagnement des demandeurs d'emplois au RMI et, sans doute, de certaines prestations spécifiques. A cet égard, on observera que de nombreux départements ont d'ores et déjà conclu des conventions avec l'ANPE pour assurer une prise en charge spécifique de ce public. La décentralisation ne fera alors qu'accentuer cette tendance : alors que les collectivités locales ne contribuaient qu'à 0,8 % des ressources de l'ANPE en 2003, elles devraient en apporter 2,2 % dès 2004.

Le programme PARE/PAP est actuellement stabilisé après une mise en oeuvre rapide. En 2004, ses moyens ne devraient pas connaître d'évolution importante, l'objectif étant plutôt d'optimiser l'utilisation des ressources allouées.

S'il n'appartient pas ici à votre commission de faire le bilan du PARE et de sa mise en oeuvre par l'ANPE, elle observe toutefois que l'Agence a globalement pu faire face dans des conditions satisfaisantes à la montée en charge du programme, et qu'elle a renforcé son accompagnement des demandeurs d'emploi, même si la dégradation de la situation économique n'a pas permis au programme d'atteindre pleinement les objectifs poursuivis.


Premier bilan de la mise en oeuvre du PARE par l'ANPE

Depuis le 1 er juillet 2001, l'ANPE applique, dans le cadre du programme d'action personnalisé pour un nouveau (PAP/ND) et dans le respect des modalités définies par les conventions tripartites État/Unédic/ANPE et bipartite Unédic/ANPE du 13 juin 2001, la convention relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage du 1 er janvier 2001 .

Le service mis en place repose sur l' élaboration d'un projet d'action personnalisé (PAP) adapté à la situation du demandeur d'emploi et un suivi régulier (a minima tous les six mois) jusqu'à son retour effectif à l'emploi. A la différence du service personnalisé pour un nouveau départ vers l'emploi qui s'adressait en 2001 à 1,4 million de demandeurs d'emploi ciblés (CLD et allocataires de minima sociaux) le PAP/ND concerne l'ensemble des demandeurs d'emploi (3,7 millions d'inscriptions annuelles hors récurrence en 2001) pour la totalité de leur parcours de retour à l'emploi.

Plus de six millions de PAP ont ainsi été élaborés entre juillet 2001 et décembre 2002, avec les demandeurs. La montée en puissance a été rapide. Depuis le 1 er juillet 2001, l'Agence élabore un PAP pour tous les nouveaux demandeurs d'emploi après leur inscription : 4.338.500 PAP ont été élaborés avec les nouveaux inscrits ; pour les demandeurs d'emploi inscrits avant le 1 er juillet, l'Agence a tenu son engagement de leur proposer à tous un PAP : 1.726.500 PAP ont été élaborés pour ces populations. Sur ces plus de 6 millions de PAP, 49 % relevaient de l'assurance chômage (ARE).

Les actualisations du PAP pour les demandeurs d'emploi ont débuté en janvier 2002, pour les actualisations à six mois et, en juillet 2002, pour les actualisations à douze mois. A fin décembre 2002, environ 2.170.000 actualisations ont déjà été réalisées.

Même si les premiers résultats ne bénéficient pas d'un recul suffisant, il convient de noter des niveaux de sortie élevés, à six mois et à douze mois de chômage en 2002. Les résultats sur les premières cohortes restent meilleurs que ceux observés en 1997 et 1998, malgré une conjoncture nettement moins favorable. Le PAP/ND apparaît comme un programme avec un effet stabilisateur qui, pour le moins, retarde l'impact de la conjoncture. L'impact positif d'un suivi dans la durée sur des demandeurs avec une ancienneté dans le chômage (hier du fait du SPNDE, aujourd'hui du fait du PAP/ND) semble à nouveau démontré. Une fois le projet de reclassement finalisé avec le demandeur, la mobilisation à bon escient d'un accompagnement et d'un suivi-conseil paraît réduire la durée de chômage.

Source : ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité

Le PARE/PAP a fait l'objet d'une évaluation conjointe par l'ANPE et par l'Unédic au début de l'été dernier.

A ce stade, il ressort des travaux menés par l'ANPE et examinés par son conseil d'administration du 20 juin dernier que :

- l'accompagnement et le soutien au demandeur d'emploi dans ses démarches de recherche d'emploi se sont approfondis. Ainsi, entre juillet 2001 et décembre 2002, 8,2 millions de demandeurs d'emploi ont bénéficié d'un entretien personnalisé 11 ( * ) , contre seulement 1,8 million d'entretiens réalisés dans les dix-huit mois précédents. Parallèlement, le nombre de prestations d'aide au retour à l'emploi (accompagnement, évaluation, bilan de compétences...) a fortement augmenté : 1,8 million de prestations prescrites en 2002 contre un peu moins d'un million en 2001. Il s'agit donc d'un changement d'échelle de l'activité de l'Agence et d'un élargissement du service rendu aux demandeurs d'emploi ;

- le dispositif a été utile dans une conjoncture dégradée. L'ANPE souligne ainsi que les taux de sortie du chômage vers l'emploi au bout de six et douze mois sont supérieurs à ceux de 1997, 1998 et 1999 et proches de ceux de 2000 et 2001.

De son côté, l' Unédic a dressé, le 2 juillet, un premier bilan du dispositif, au regard des 4,7 millions de PARE conclus entre juillet 2001 et avril 2003.

Il en ressort que :

- la durée moyenne d'indemnisation au titre de l'assurance chômage (soit 307 jours) a été réduite de neuf jours en 2002 par rapport à 2001 12 ( * ) ;

- le taux moyen de retour à l'emploi après formation conventionnée ou homologuée par l'Unédic est deux fois supérieur au taux moyen habituellement constaté 13 ( * ) .

Ces premiers résultats, somme toute encourageants, montrent que la modernisation du service public de l'emploi doit se poursuivre afin d'améliorer encore le retour à l'emploi.

Dans ce cadre, le plan national d'action pour l'emploi 2003 présenté en octobre dernier, insiste sur la nécessité, pour l'ANPE, d'intensifier ses efforts : « L'ANPE doit intensifier les efforts déployés jusqu'à présent pour assurer une prise en charge préventive et active des demandeurs d'emploi, enrichir son offre de service aux entreprises, fournir les conditions d'un rapprochement immédiat entre employeur et demandeur d'emploi (par l'extension des services à distance), contribuer à l'amélioration du fonctionnement du marché du travail en assurant une intermédiation active sur les marchés locaux ou professionnels en déséquilibres structurels. La rapidité et la pertinence des diagnostics et des solutions personnalisées, pour les demandeurs d'emploi et les entreprises, sont au coeur des objectifs de l'ANPE (« le bon service, à la bonne personne, au bon moment »).

Dans cette perspective, le quatrième contrat de progrès pour la période 2004-2008, qui devrait être conclu au tout début de l'année 2004, déterminera les priorités d'actions de l'ANPE pour les cinq années à venir et donc les voies et moyens de la poursuite de sa modernisation.

D'ores et déjà, les principaux axes de ce contrat sont arrêtés :

- renforcer encore l'intermédiation pour mieux satisfaire les besoins des entreprises et accélérer le retour à l'emploi des demandeurs par une prise en charge active et préventive ;

- aider activement au développement de l'emploi au plus près des territoires grâce à un partenariat accru avec les collectivité locales et un renforcement de la coopération avec les ASSEDIC ;

- améliorer l'efficacité de gestion.

Il reste que ce nouveau contrat de progrès est appelé à être mis en oeuvre dans un environnement sensiblement modifié. Le Gouvernement a en effet confié, le 26 septembre dernier, à M. Jean Marimbert, la mission de formuler des propositions afin de renforcer le partenariat entre les différents acteurs de la politique de l'emploi, et notamment de l'ANPE et de l'Unédic .

* 1 Voir notamment le rapport de notre collègue Alain Vasselle sur le PLFSS (Sénat, n 59, tome I, 2003-2004).

* 2 Il était encore aux alentours de 2,5 % dans les années 1980. C'est en ce sens que la croissance est devenue aujourd'hui « plus riche en emplois ».

* 3 Premières informations et Premières synthèses, octobre 2003, n° 41-2.

* 4 Unédic, « L'équilibre financier de l'assurance chômage », 13 novembre 2003.

* 5 Si le service public de l'emploi n'est constitué, au sens de la circulaire du 7 mars 1984, que des services du ministère du travail, de l'ANPE et l'AFPA, il convient toutefois d'y associer également l'Unédic dont l'évolution des missions dépasse désormais la simple indemnisation des demandeurs d'emploi.

* 6 Ce résultat ne prend en compte ni le produit de l'emprunt obligatoire lancé par l'Unédic, ni le versement d'une « contribution exceptionnelle » à l'État de 1,22 milliard d'euros une nouvelle fois reportée.

* 7 L'effort de redressement repose à 30 % sur les cotisations des salariés, à 30 % sur celles des employeurs et à 40 % sur les allocations versées aux chômeurs.

* 8 Ce tableau est issu du rapport conjoint de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale des affaires sociales sur « les dépenses d'indemnités journalières » (octobre 2003).

* 9 Sur un effectif de 21.306 agents (équivalent temps plein) en 2003.

* 10 Qui inclut la subvention de fonctionnement et d'équipement.

* 11 Y compris les actualisations à six et douze mois.

* 12 On rappellera que le « point mort » garantissant l'équilibre financier du dispositif était estimé initialement à une réduction de vingt et un jours de la durée moyenne d'indemnisation.

* 13 Sur la période, l'Unédic a engagé 325 millions d'euros pour les aides à la formation.

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