II. LES PREMIERS EFFETS CONCRETS DE LA RÉFORME STATUTAIRE DES DÉPARTEMENTS ET RÉGIONS D'OUTRE-MER

La révision constitutionnelle opérée par la loi n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République a profondément modifié la physionomie de l'outre-mer français en réorganisant le statut juridique des territoires qui le composent. L'exercice budgétaire 2003 a vu se concrétiser cette évolution statutaire.

A. LE STATUT DES DÉPARTEMENTS ET RÉGIONS D'OUTRE-MER RÉSULTANT DE LA LOI CONSTITUTIONNELLE N° 2003-276 DU 28 MARS 2003 RELATIVE À L'ORGANISATION DÉCENTRALISÉE DE LA RÉPUBLIQUE

1. Le nouveau statut des départements et territoires d'outre-mer (article 73 de la Constitution)

A la suite de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, cet article, tout en conservant le principe de l'assimilation législative, en assouplit les modalités, en permettant plus largement qu'auparavant le recours à des mesures d'adaptation.

Ainsi, dans les quatre départements et régions d'outre-mer les lois et règlements sont applicables de plein droit, mais peuvent faire l'objet d'adaptations particulières « tenant aux contraintes et caractéristiques particulières de ces collectivités ». En outre, les départements et régions d'outre-mer, à l'exception de La Réunion, peuvent eux-mêmes prendre des mesures d'adaptation, relevant soit du domaine du règlement, soit du domaine de la loi dans un nombre limité de matières. Les modalités d'exercice de cette compétence sont définies par une loi organique.

Le dernier alinéa de cet article prévoit, en outre, la possibilité de substituer à un département ou une région une collectivité unique, ainsi que d'instituer pour ces deux collectivités une assemblée délibérante unique . Cette précision a permis de lever les incertitudes juridiques nées de la décision du Conseil constitutionnel n° 82-147 DC du 2 novembre 1982 sur la loi adaptant la loi relative à la libre administration des collectivités à la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et La Réunion, qui avait déclaré inconstitutionnelles les dispositions prévoyant l'institution d'une assemblée unique, ces dernières n'assurant pas, selon le Conseil constitutionnel, « la représentation des composantes territoriales du département ».

Articles 72-4, 73 et 74 de la Constitution

(loi n° 2003-276 du 28 mars 2003
relative à l'organisation décentralisée de la République)

Article 72-4.- Aucun changement, pour tout ou partie de l'une des collectivités mentionnées au deuxième alinéa de l'article 72-3, de l'un vers l'autre des régimes prévus par les articles 73 et 74, ne peut intervenir sans que le consentement des électeurs de la collectivité ou de la partie de collectivité intéressée ait été préalablement recueilli dans les conditions prévues à l'alinéa suivant. Ce changement de régime est décidé par une loi organique.

Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut décider de consulter les électeurs d'une collectivité territoriale située outre-mer sur une question relative à son organisation, à ses compétences ou à son régime législatif. Lorsque la consultation porte sur un changement prévu à l'alinéa précédent et est organisée sur proposition du Gouvernement, celui-ci fait, devant chaque assemblée, une déclaration qui est suivie d'un débat.

Article 73.- Dans les départements et les régions d'outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités.

Ces adaptations peuvent être décidées par ces collectivités dans les matières où s'exercent leurs compétences et si elles y ont été habilitées par la loi.

Par dérogation au premier alinéa et pour tenir compte de leurs spécificités, les collectivités régies par le présent article peuvent être habilitées par la loi à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi.

Ces règles ne peuvent porter sur la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l'état et la capacité des personnes, l'organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l'ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral. Cette énumération pourra être précisée et compléter par une loi organique.

La disposition prévue aux deux précédents alinéas n'est pas applicable au département et à la région de La Réunion.

Les habilitations prévues aux deuxième et troisième alinéas sont décidées, à la demande de la collectivité concernée, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. Elles ne peuvent intervenir lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une garantie publique ou d'un droit constitutionnellement garanti. La création par la loi d'une collectivité se substituant à un département et une région d'outre-mer ou l'institution d'une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités ne peut intervenir sans qu'ait été recueilli, selon les formes prévues au second alinéa de l'article 72-4, le consentement des électeurs inscrits dans le ressort de ces collectivités.

Article 74.- Les collectivités d'outre-mer régies par le présent article ont un statut qui tient compte des intérêts propres de chacune d'elles au sein de la République.

Ce statut est défini par une loi organique, adoptée après avis de l'assemblée délibérante, qui fixe :

- les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables ;

- les compétences de cette collectivité ; sous réserve de celles déjà exercées par elle, le transfert de compétences de l'Etat ne peut porter sur les matières énumérées au quatrième alinéa de l'article 73, précisées et complétées, le cas échéant, par la loi organique ;

- les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions de la collectivité et le régime électoral de son assemblée délibérante ;

- les conditions dans lesquelles ses institutions sont consultées sur les projets et propositions de loi et les projets d'ordonnance ou de décret comportant des dispositions particulières à la collectivité, ainsi que sur la ratification ou l'approbation d'engagements internationaux conclus dans les matières relevant de sa compétence.

La loi organique peut également déterminer, pour celles de ces collectivités qui sont dotées de l'autonomie, les conditions dans lesquelles :

- le Conseil d'Etat exerce un contrôle juridictionnel spécifique sur certaines catégories d'actes de l'assemblée délibérante intervenant au titre des compétences qu'elle exerce dans le domaine de la loi ;

- l'assemblée délibérante peut modifier une loi promulguée postérieurement à l'entrée en vigueur du statut de la collectivité, lorsque le Conseil constitutionnel, saisi notamment par les autorités de la collectivité, a constaté que la loi était intervenue dans le domaine de compétence de cette collectivité ;

- des mesures justifiées par les nécessités locales peuvent être prises par les collectivités en faveur de sa population, en matière d'accès à l'emploi, de droit d'établissement pour l'exercice d'une activité professionnelle ou de protection du patrimoine foncier ;

- la collectivité peut participer, sous le contrôle de l'Etat, à l'exercice des compétences qu'il conserve, dans le respect des garanties accordées sur l'ensemble du territoire national pour l'exercice des libertés publiques.

Les autres modalités de l'organisation des collectivités relevant du présent article sont définies et modifiées par la loi après consultation de leur assemblée délibérante.

Ce régime juridique rénové des départements et régions d'outre-mer est désormais pleinement applicable à la Guadeloupe, la Guyane, La Réunion et la Martinique, la loi constitutionnelle précitée étant une loi d'application directe.

2. La transformation possible d'un département ou d'une région d'outre-mer en une collectivité d'outre-mer (article 72-4)

L'une de principales innovations de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 a été d'introduire la possibilité pour l'ensemble des collectivités d'outre-mer de passer du régime de l'article 73 vers le régime de l'article 74 de la Constitution.

Ainsi, une collectivité peut librement décider de passer du régime de l'assimilation législative au régime de la spécialité législative.

L'avantage d'une telle transformation réside dans la possibilité d'une autonomie normative et administrative accrue par rapport à la métropole. Les conditions et les limites de cette autonomie des collectivités d'outre-mer de la République sont définies par une loi organique spécifique, propre à chaque collectivité, le cas échéant complétée par une loi ordinaire.

Ce changement de statut peut non seulement concerner une collectivité dans sa totalité, mais également une partie de collectivité. Cette disposition rend donc possible la transformation de Saint-Barthélémy et Saint-Martin, qui constituent des communes du département de la Guadeloupe, d'évoluer vers un régime juridique différent.

3. Le consentement nécessaire des populations concernées

En tout état de cause, le changement de statut d'une collectivité d'outre-mer - création d'une collectivité unique ou d'une assemblée délibérante unique ; passage du régime de l'article 73 à celui de l'article 74 ou inversement - ne peut s'effectuer sans qu'au préalable, les populations concernées aient pu donner leur consentement.

L'article 72-4 prévoit ainsi, pour la première fois, que les électeurs des collectivités situées outre-mer sont consultés préalablement à toute modification du régime de la collectivité à laquelle ils appartiennent.

La décision de consulter les électeurs dans ce cadre appartient au seul Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel. Lorsque cette consultation est organisée sur proposition du Gouvernement, elle fait l'objet, devant chaque assemblée, d'une déclaration suivie d'un débat.

Ces nouvelles dispositions ont commencé à recevoir une application concrète au cours du présent exercice budgétaire, permettant de jeter les bases de l'évolution statutaire d'une partie des départements et régions d'outre-mer.

B. LES PRÉMISSES DE L'ÉVOLUTION STATUTAIRE DES DÉPARTEMENTS ET RÉGIONS D'OUTRE-MER

Cette évolution statutaire concerne exclusivement les départements français d'Amérique, La Réunion refusant toute différenciation par rapport à l'organisation administrative de la métropole.

1. Les demandes d'évolution statutaire de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane

Ces demandes d'évolution ont pour objet de substituer à ces départements et régions d'outre-mer des collectivités uniques, dans le cadre des dispositions prévues par l'article 73 de la Constitution.

a) Le projet d'évolution statutaire présenté par les élus de la Guadeloupe

Dès la « déclaration de Basse-Terre » du 1 er décembre 1999, les élus de la Guadeloupe ont exprimé leur souhait de faire évoluer la dualité institutionnelle existante vers une collectivité unique. Par deux résolutions des 18 juin et 17 décembre 2001, le congrès des élus départementaux et régionaux a réitéré cette demande d'évolution statutaire.

En marge du débat sur la révision constitutionnelle du titre XII de la Constitution, de nouveau réuni, le congrès a adopté deux nouvelles résolutions, les 22 et 26 octobre 2002, précisant, d'une part, que les régions d'outre-mer demeurant régies par les dispositions de l'article 73 demeureraient bénéficiaires des politiques structurelles de la Communauté européenne et, d'autre part, que la substitution d'une collectivité unique à la région et au département n'aurait pas pour conséquence d'appliquer les dispositions de l'article 74 de la Constitution.

Le 22 février 2003, les commissions permanentes du conseil général et du conseil régional ont confirmé leur volonté de faire évoluer la Guadeloupe vers une collectivité territoriale régie par une assemblée unique, dans le cadre des dispositions de l'article 73 de la Constitution.

Le 9 mai 2003, le congrès s'est réuni de nouveau, aux fins de réaffirmer le souhait d'une collectivité unique de Guadeloupe. Cependant, il a été impossible d'arrêter une position commune sur le mode de scrutin applicable à l'élection de l'assemblée unique et sur l'échéancier de la consultation des électeurs.

Toutefois, le 11 octobre 2003, lors d'une nouvelle réunion, les élus départementaux et régionaux réunis en congrès sont parvenus à un accord sur les principales orientations de l'évolution de la Guadeloupe. Ce document, transmis au Gouvernement, prévoit donc l'institution d'une collectivité unique, se substituant au département et à la région de Guadeloupe, et demeurant régie par les dispositions de l'article 73 de la Constitution .

Cette collectivité succéderait au département et à la région pour l'ensemble de leurs compétences. Elle bénéficierait également des compétences nouvelles qui pourraient lui être apportées sur le fondement de l'article 73 de la Constitution ou des dispositions des projets de loi de décentralisation actuellement en discussion devant le Parlement.

Une assemblée délibérante de 70 membres serait instituée, élue dans le cadre d'une circonscription électorale unique, à la représentation proportionnelle avec prime majoritaire. Chaque liste électorale serait tenue de respecter le principe de parité homme-femme.

L'exécutif serait confié à un organe directement élu parmi les membres de l'assemblée et serait responsable devant cette dernière.

Deux organes consultatifs seraient constitués : un conseil économique et social, ainsi qu'un conseil de l'éducation et de la culture.

b) Le projet d'évolution statutaire présenté par les élus de la Martinique

Lors de deux sessions tenues les 20-23 février 2002 et le 4 mars 2002, les élus départementaux et régionaux de la Martinique, réunis en congrès, ont affirmé leur volonté de substituer une collectivité dotée d'une assemblée unique au département et à la région de Martinique.

Cette volonté a été formalisée dans un « document relatif à la réforme du statut de la Martinique », daté du 15 janvier 2003.

Le 10 avril 2003, le congrès s'est réuni pour confirmer, par neuf résolutions, les propositions faites par le congrès en février et mars 2002, tendant :

- à transformer le département et la région en une collectivité territoriale unique, dotée d'un organe délibérant et d'un exécutif uniques ;

- à préciser le mode de scrutin retenu pour l'élection des représentants ;

- à conférer à cette collectivité un pouvoir législatif encadré ;

- à préciser le nombre de conseils consultatifs ;

- et à déterminer le transfert des compétences de l'Etat en matière de transports, de fiscalité, de propriété publique et de coopération régionale et internationale.

Par une dixième résolution, le congrès a créé une commission de suivi, chargée de trouver avec le Gouvernement les termes d'un projet d'évolution statutaire qui serait par la suite contenu dans un document soumis à la consultation des électeurs.

Le 8 juillet 2003, les membres de cette commission ont adopté un « document d'orientation sur l'avenir institutionnel de la Martinique » prévoyant la constitution d'une collectivité unique, régie par l'article 73 de la Constitution, soumise en conséquence au principe de l'identité législative, le cas échéant adaptée pour tenir compte des contraintes et des caractéristiques de la collectivité, ainsi qu'au statut de région ultrapériphérique de l'Union européenne.

Cette collectivité exercerait les compétences dévolues actuellement au département et à la région, de même que les compétences qui pourraient lui être confiées en application des articles 72, troisième alinéa, et 73 de la Constitution.

Sur le plan institutionnel, la collectivité unique serait dotée d'une assemblée délibérante unique de 75 membres, élus dans le respect du principe de parité homme-femme, dans le cadre d'une circonscription électorale unique, au scrutin proportionnel avec prime majoritaire de quatre sièges à la liste arrivée en tête. Seules les listes ayant obtenu plus de 5 % des voix pourraient participer à la répartition des sièges au sein de l'assemblée.

L'exécutif de la collectivité serait unique, élu par l'assemblée parmi ses membres et responsable devant elle.

Trois organes consultatifs seraient institués : le conseil des communes, le conseil économique et social, et le conseil pour l'éducation et la culture. Ces organes seraient dotés d'un pouvoir d'initiative et de proposition.

c) Le projet d'évolution statutaire présenté par les élus de la Guyane

Par deux résolutions en date du 17 et du 30 juillet 2001, le conseil régional et le conseil général de la Guyane ont adopté un avant-projet relatif à l'avenir de la Guyane.

Transmis au ministre de l'outre-mer, cet avant-projet a appelé un certain nombre d'observations de la part du ministère, portant essentiellement sur les risques d'inconstitutionnalité des dispositions envisagées.

Le congrès des élus départementaux et régionaux de la Guyane, réuni le 21 juin 2003, en l'absence de plusieurs élus départementaux et régionaux a adopté cinq résolutions tendant, d'une part, à la création d'une nouvelle collectivité territoriale de Guyane, régie par l'article 73 de la Constitution , d'autre part, à confirmer les demandes tendant à prévoir des mesures d'accompagnement et de rattrapage pour la Guyane, et enfin, de permettre la consultation de la population dans les meilleurs délais ainsi que l'association des élus de Guyane lors de l'élaboration des lois organiques.

Le 15 juillet 2003, le conseil régional de Guyane a adopté ces différentes résolutions. En revanche, le conseil général a émis un vote défavorable, par dix-neuf voix contre sept.

Le 10 novembre 2003, une délégation des élus de Guyane a remis au ministre de l'outre-mer une nouvelle version du projet d'évolution statutaire qui fait désormais l'objet d'un examen par ses services.

2. Les demandes d'évolution statutaire des communes de Saint-Barthélémy et de Saint-Martin

Ces demandes d'évolution statutaire se fondent sur les dispositions combinées des articles 72-4 et 74 de la Constitution. Ces deux communes, actuellement rattachées administrativement à la Guadeloupe, souhaiteraient en effet pouvoir accéder au statut de collectivité d'outre-mer, au sens de ce dernier article.

a) Le projet d'évolution statutaire présenté par les élus de Saint-Barthélémy

S'appuyant sur le particularisme historique, géographique et économique de la commune de Saint-Barthélémy, le conseil municipal a adopté le 30 avril 2003 un projet d'évolution statutaire qu'il a transmis au Gouvernement.

Par une nouvelle délibération en date du 8 août 2003, le conseil municipal a approuvé, à l'unanimité, ce projet.

Ce projet envisage la création d'une collectivité d'outre-mer de la République se substituant à la commune, ainsi qu'au département et à la région de Guadeloupe pour le territoire concerné.

Cette nouvelle collectivité exercerait des compétences de nature législative dans les domaines suivants :

- fiscalité - sans préjudice de l'établissement d'une convention fiscale avec l'Etat déterminant la notion de résident - régime douanier, réglementation des prix ;

- urbanisme, construction et logement ; cadastre ; domanialité publique ; circulation et sécurité routière ; voirie ; gestion des infrastructures portuaires et aéroportuaires ; droit de l'eau ; énergie ; tourisme ; environnement ; sport ; culture ;

- action sanitaire et sociale ; organisation et gestion des établissements de soins, centre de secours, établissements hospitaliers ; organisation et gestion des établissements primaires et secondaires et de la formation professionnelle ; transport scolaire ;

- postes et télécommunications ;

- accès au travail des étrangers.

Les lois et règlements relevant de la compétence de l'Etat seraient applicables de plein droit.

L'organisation administrative de la collectivité serait la suivante :

- une assemblée délibérante serait élue pour cinq ans selon les modalités prévues par la législation actuelle pour la désignation des membres du conseil municipal ;

- un organe exécutif serait élu par l'assemblée parmi ses membres, pour une durée de cinq ans, et assisté d'une commission exécutive élue à la représentation proportionnelle, ces deux organes étant responsables devant l'assemblée délibérante ;

- un conseil économique, social et culturel, consulté sur les projets d'actes et de délibération entrant dans son domaine de compétences et bénéficiant d'un pouvoir d'initiative et de proposition.

b) Le projet d'évolution statutaire présenté par les élus de Saint-Martin

Les élus du conseil municipal de Saint-Martin ont adopté, le 20 février 2003, un projet d'évolution statutaire destiné à transformer la partie française de l'île de Saint-Martin, qui constitue actuellement une commune du département de la Guadeloupe, en une collectivité d'outre-mer au sens de l'article 74 de la Constitution.

A la suite d'observations formulées par le ministère de l'outre-mer, relatives à la cohérence juridique de ce projet, un nouveau document, daté du 4 juillet 2003, a été soumis au Gouvernement. Ce projet a été approuvé par le conseil municipal de Saint-Martin, le 31 juillet 2003.

Le projet d'évolution statutaire prévoit que les lois et règlements s'appliqueraient de plein droit sur le territoire de la nouvelle collectivité se substituant à la commune de Saint-Martin. Toutefois, des mesures d'adaptation de la législation pourraient être prises.

La collectivité aurait la possibilité d'intervenir dans le domaine de la loi, en matière fiscale, sous réserve des impositions sociales (CSG, CRDS) qui resteraient de la compétence exclusive de l'Etat.

Les organes de la collectivité seraient formés d'une assemblée dotée du pouvoir délibérant, élue pour cinq ans dans le cadre d'une circonscription unique à la représentation proportionnelle avec prime majoritaire et d'un conseil exécutif, élu par l'assemblée parmi ses membres et responsable devant elle.

Deux instances consultatives, un conseil économique et social, ainsi qu'un conseil de l'éducation, de la culture et de l'environnement, seraient également créées.

3. Le débat devant le Parlement et la consultation des populations concernées

Sur la base de ces projets d'évolution statutaire, le président de la République a, sur la proposition du Gouvernement, adopté quatre décrets en date du 29 octobre 2003 décidant de consulter les électeurs de la Guadeloupe, de la Martinique, de l'île de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy sur les projets d'évolution statutaire présentés par les élus de ces départements ou communes d'outre-mer.

La date de ces quatre consultations a été fixée au 7 décembre 2003 . Des commissions de contrôle, essentiellement composées de membres du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation, ont été instituées dans chacune des collectivités concernées, afin de veiller à la régularité des opérations de consultation. Les présidences de ces commissions ont été confiés à M. Jean-Pierre Hoss, conseiller d'Etat, pour la commission de contrôle de la consultation en Guadeloupe, à Mme Martine Denis-Linton, conseiller d'Etat, pour la commission de contrôle de la consultation en Guadeloupe, ainsi qu'à MM. François Loloum et Jean Courtial, maîtres des requêtes au Conseil d'Etat, respectivement pour la commission de contrôle des consultations à Saint-Martin et pour la commission de contrôle à Saint-Barthélémy.

La Guyane reste donc à l'écart de ce processus , le Gouvernement ayant estimé que l'absence de consensus entre les élus locaux sur le contenu du projet d'évolution statutaire ne pouvait conduire, dans l'immédiat, à la tenue d'une consultation des électeurs.

Au préalable, un débat a été organisé au Sénat et à l'Assemblée nationale, le 7 novembre 2003, permettant ainsi au Gouvernement d'exposer les orientations retenues par les différents projets d'évolution statutaire, et à la représentation nationale de débattre du principe même de cette évolution.

Les interventions lors de ce débat ont montré le large consensus existant sur la légitimité et les conditions d'évolution statutaire des collectivités d'outre-mer. Toutefois, certains élus, à commencer par notre excellent collègue M. Nicolas About, ont pu s'inquiéter des conséquences de la transformation en collectivité unique de la Martinique et de la Guadeloupe - première étape, selon eux, vers l'indépendance de ces territoires -, ainsi que de la rapidité avec laquelle la procédure prévue par l'article 72-4 de la Constitution était conduite.

Ce débat a également été l'occasion de rappeler que les projets de statut présentés par les territoires précités ne lieraient pas juridiquement le Gouvernement et le Parlement, puisque seule une loi organique, complétée le cas échéant par une loi ordinaire, peut déterminer le statut applicable aux nouvelles collectivités de Martinique et de Guadeloupe, demeurant soumises aux dispositions de l'article 73 de la Constitution, de même qu'aux collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélémy, qui seraient désormais régies par l'article 74 de la Constitution.

Cependant, le Gouvernement a précisé lors de ce débat, par la voix de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, qu'il proposerait un projet de loi pour chaque collectivité concerné, qui reprendrait les grandes orientations de projets de statuts présentés par les élus locaux, sous réserve qu'ils respectent les règles constitutionnelles applicables aux collectivités territoriales et prévues par le titre XII de la Constitution.

Dans ce même ordre d'idée, le Gouvernement a précisé qu'en l'absence de vote favorable des électeurs consultés, aucun projet de loi portant statut de ces collectivités ne serait déposé devant le Parlement.

Il reste donc à connaître l'opinion des populations concernées. Votre rapporteur estime qu'un vote favorable des électeurs lors de ces consultations n'est pas nécessairement acquis, certains électeurs pouvant avoir tendance à concevoir une telle évolution comme un « lâchage » de la métropole et ce, malgré les assurances de la majorité des élus locaux des départements et régions d'outre-mer et du Gouvernement.

Interrogée, lors de son audition devant la commission des Lois, par votre rapporteur, sur l'existence d'un calendrier prévisionnel pour l'examen des nouveaux statuts des départements d'outre-mer ou de Saint-Barthélémy et Saint-Martin, Mme Brigitte Girardin a annoncé qu' en cas de vote positif lors de ces consultations, des projets de loi organique ainsi des projets de loi ordinaire devraient être élaborés en concertation avec les assemblées locales, ce qui pourrait conduire à un examen de ces textes par le Parlement à l'automne 2004 . Le ministre a également précisé qu' un tel calendrier rendrait nécessaire le vote, début 2004, d'une loi ordinaire allongeant le mandat des conseillers généraux et régionaux , afin que cette concertation puisse s'effectuer de façon transparente et apaisée.

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