C. ...QUI POURRAIT EMPRUNTER DE NOUVELLES VOIES

L'autonomie fiscale des collectivités territoriales se heurte à des limites qui découlent des contraintes juridiques, et notamment, des dispositions communautaires, mais aussi de la difficulté qui existe pour trouver des impôts dont l'assiette serait localisée et bien répartie sur le territoire national et dont les taux ou les tarifs seraient modulables.

Ainsi, l'une des rares assiettes localisables qui pourrait être transférée de l'Etat aux collectivités territoriales avec une liberté de fixation du taux de l'impôt est l'assiette « revenu ». Un tel transfert nécessiterait toutefois un encadrement important et une coordination accrue entre les collectivités territoriales et l'Etat, sur lesquels on reviendra plus loin. C'est d'ailleurs ce qu'indique l'avis précité du Conseil économique et social sur l'avenir de l'autonomie financière des collectivités territoriales.

Le remplacement des impôts locaux par un partage des impôts d'Etat

Il importe de rappeler que la formule des impôts partagés , dont l'assiette et les barèmes sont uniformes et le produit réparti entre différents niveaux de collectivité, du type de la TVA allemande, ménage très peu de place pour l'autonomie fiscale locale . La formule des impôts cédés, prélevés et réglementés par le pouvoir central mais entièrement ristournés à un niveau territorial inférieur, souffre des mêmes limites.

La seule formule de partage fiscal qui respecte plus largement l'autonomie fiscale locale est celle des impôts conjoints dont l'assiette est définie au niveau de pouvoir supérieur mais par rapport à laquelle les niveaux de pouvoir inférieurs peuvent voter des taux additionnels plus ou moins encadrés. Pour ces impôts, l'assiette est territorialisée . C'est le cas de l'impôt sur le revenu en Espagne.

Très peu d'impôts d'Etat en France se prêtent au mécanisme des impôts conjoints :

- les impôts sur les biens et services (TVA, taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP)) ne peuvent avoir des taux locaux différenciés, conformément à la réglementation communautaire (directive de février 1992 sur les produits soumis à assise) et cette différenciation serait en outre de nature à engendrer des distorsions (délocalisation artificielle d'achats) ou des inégalités de produits trop accentuées (TIPP) ;

- les droits de mutation à titre gratuit par décès qui sont dus sur le lieu de résidence du décédé pour l'ensemble de son patrimoine sont très concentrés (huit départements totalisent 45 % du produit) et peuvent donc difficilement servir de base à des impôts conjoints ;

- l'impôt sur les sociétés ne se prête pas du tout à des taux additionnels multiples et localisés, si sur le plan technique, ni sur le plan économique (distorsions en tous genres) ;

- les seuls impôts qui se prêteraient à l'exercice sont les impôts sur le revenu ou les gains en capital des personnes physiques mais on pense plus ici à un impôt nouveau ayant une base analogue à la CSG qu'à l'impôt sur le revenu.

Source : « L'avenir de l'autonomie financière des collectivités locales », avis du Conseil économique et social sur le rapport présenté par Jean-Pierre Brunel au nom de la section des finances, séances des 12 et 13 juin 2001, page I-9

Il convient d'imaginer de nouvelles voies pour préserver, à l'avenir l'autonomie fiscale et financière des collectivités territoriales. Les exemples étrangers fournissent à cet égard d'utiles pistes de réflexion pour l'avenir, s'agissant par exemple des systèmes espagnol et italien.

En Espagne , l'autonomie financière des régions est garantie par la Constitution . Les régions doivent toutefois agir en coordination avec l'Etat , ce dernier conservant le pouvoir fiscal originaire, tandis que les régions ne disposent que d'un pouvoir fiscal dérivé. En 2001, un nouveau système de financement des régions a été mis en place, fondé sur le partage des grands impôts productifs. En 2002, une large part (35 %) de la taxe sur la valeur ajoutée et des taxes sur les carburants, le tabac et l'alcool (40 %), ainsi que la totalité de la taxe sur l'électricité ont été attribuées aux régions espagnoles, la répartition du produit étant calculée en fonction de la consommation locale. Par ailleurs, depuis 1996 l'Etat espagnol a reconnu aux régions, à condition que celles-ci prennent en charge les compétences relatives à la santé et à l'éducation, d'importantes prérogatives fiscales sur une fraction (15 %) de l'impôt sur le revenu, étendue à 33 % en 2002. Ces régions peuvent fixer librement leur taux sur cette fraction d'imposition, sous réserve de respecter une échelle progressive et de respecter le nombre de tranches d'imposition. Elles bénéficient également de la totalité de l'impôt sur la transmission de patrimoine, les successions et les donations. Par ailleurs, les communautés autonomes disposent de la faculté de créer leurs propres taxes, et d'en déterminer l'assiette et le taux.

En Italie , la réforme constitutionnelle de 2001 a introduit dans la Constitution le principe d'autonomie financière et fiscale des régions italiennes . Celles-ci ont désormais la capacité de créer leurs propres taxes et participent au partage du produit des impôts nationaux, le gouvernement demeurant en charge de la péréquation.

On constate donc que les voies empruntées pour préserver et garantir l'autonomie des collectivités territoriales sont diverses. Les contraintes européennes, liées à l'harmonisation fiscale et à la maîtrise des finances publiques, impliquent notamment la recherche de systèmes permettant d'instituer une co-responsabilité entre l'Etat et les collectivités territoriales , en empruntant la piste d' impôts partagés pour lesquels les responsabilités sont également partagées . Ce partage existe entre les différentes catégories de collectivités territoriales. Une des voies pour préserver leur autonomie financière à l'avenir pourrait consister à le transposer au niveau des relations entre l'Etat et les collectivités territoriales, dans le cadre d'un dialogue dont les modalités restent toutefois à définir.

EXAMEN DES ARTICLES
ARTICLE 1er

Définition de la notion de catégorie de collectivités territoriales

Commentaire : le présent article a pour objet de définir la notion de « catégorie de collectivités territoriales ».

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

L'exposé des motifs du présent projet de loi organique rappelle que l'article 72-2 de la Constitution « reconnaît la garantie de l'autonomie financières non pas aux collectivités locales prises individuellement, mais à leurs catégories ».

Le premier alinéa de l'article 72 de la Constitution dispose que « les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74. Toute autre catégorie de collectivité territoriale est créée par la loi, le cas échéant en lieu et place d'une ou de plusieurs collectivités mentionnées au présent alinéa ». Il existerait donc cinq catégories de collectivités territoriales si l'on retient l'énumération figurant à l'article 72 de la Constitution. Le présent projet de loi organique propose de retenir pour l'application des règles relatives à l'autonomie financière des collectivités territoriales, les trois principales catégories « de droit commun » : les communes, les départements et les régions.

Les principales questions soulevées par la définition des catégories de collectivités territoriales proposée par le présent article concernent les collectivités d'outre-mer, d'une part, et les établissements publics de coopération intercommunale, d'autre part.

A. LES COMMUNES

La première catégorie de collectivités territoriales mentionnée par le présent article concerne les communes. Cette catégorie comprendrait l'ensemble des communes, situées sur le territoire métropolitain ou en outre-mer.

D'après les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, la ville de Paris relèverait simultanément de deux catégories : la commune de Paris serait rattachée à la catégorie des communes, tandis que le département de Paris relèverait de la catégorie des départements.

Il convient de souligner que les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les régies dotées de la personnalité morale ne constituent pas des collectivités territoriales, mais sont une émanation des communes. Par conséquent, ils ne peuvent constituer une catégorie de collectivités territoriales, et ne sont pas concernés, en tant que tels, par les règles relatives à l'autonomie financière des collectivités territoriales. En revanche, les articles 2 et 3 du présent projet de loi organique prévoient que les ressources des EPCI soient pris en compte dans le calcul de la part déterminante des ressources propres des communes, afin de tenir compte des flux financiers liés à l'intercommunalité. Le présent projet de loi organique tient donc compte du fait que les relations financières entre les communes et leurs EPCI s'effectuent selon le principe des « vases communicants » : les EPCI ne bénéficient pas en tant que tels de l'autonomie financière, les communes en étant les garantes.

B. LES DÉPARTEMENTS

Ainsi que l'indique l'exposé des motifs du présent projet de loi organique, « les collectivités territoriales d'outre-mer ont été rassemblées avec celles de la métropole afin de ne pas constituer des catégories trop spécifiques, comprenant par ailleurs trop peu de membres pour garantir leur stabilité ».

Ainsi, sont assimilées à des départements deux collectivités d'outre-mer qui disposent, à l'instar des départements, de conseils généraux, et dont le fonctionnement est proche de celui des départements métropolitains, même si leur statut est spécifique 6 ( * ) :

- la collectivité départementale de Mayotte 7 ( * ) ;

- la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Le présent article fait également référence, dans la catégorie des départements, aux « collectivités à statut particulier issues de la fusion d'une ou plusieurs communes et d'un département ». Cette disposition laisse votre rapporteur pour avis perplexe, compte tenu de l'inexistence d'une telle collectivité. Le gouvernement souhaiterait, en prévoyant ce cas particulier, ne pas se « lier les mains » pour l'avenir, dans l'hypothèse où une refonte de l'organisation politique du territoire serait mise en oeuvre. Toutefois, cette disposition semble davantage relever d'un « principe de précaution » que préjuger d'une évolution prochaine sur ce point.

C. LES RÉGIONS

Sont assimilées à la catégorie des régions, outre les régions métropolitaines, les régions ultramarines et la collectivités territoriale de Corse 8 ( * ) , « les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution autres que celles mentionnées au 2°, les provinces de la Nouvelle-Calédonie, les collectivités à statut particulier issues de la fusion de départements et de régions et les collectivités mentionnées au dernier alinéa de l'article 73 ».

Seraient donc rattachées à la catégorie des régions l'ensemble des collectivités territoriales d'outre-mer, régies par l'article 74 de la Constitution, soit qui ont « un statut qui tient compte des intérêts propres de chacune d'elles au sein de la République », et qui ne relèvent pas de la catégorie des départements susmentionnée. Cette disposition viserait donc deux collectivités d'outre-mer :

- Wallis-et-Futuna, d'une part ;

- la Polynésie française, d'autre part.

Les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélémy seraient rattachées à la catégorie des régions, le gouvernement indiquant que « ces collectivités vont disposer, dans le cadre de leur futur statut, de compétences au niveau communal, départemental et régional ». On rappellera sur ce point qu'un référendum a été organisé le 7 décembre 2003 sur ces deux îles, qui étaient jusqu'ici des communes de la Guadeloupe, pour décider de leur évolution institutionnelle. Les électeurs se sont prononcés largement (95,51 % pour Saint-Martin et 76,17 % pour Saint-Barthélémy) en faveur du statut de collectivités d'outre-mer. Ce statut, défini par l'article 74 de la Constitution, ouvre le droit au vote de lois propres au niveau local, dans un nombre limité de domaines.

Le dernier alinéa de l'article 72-3 de la Constitution prévoit que « la loi détermine le régime législatif et l'organisation particulière des Terres australes et antarctiques françaises ». Toutefois, les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) ne constituent pas une collectivité territoriale, et ne sont donc pas concernées par les dispositions du présent projet de loi organique.

Quant à la Nouvelle-Calédonie, l'avant-dernier alinéa de l'article 72-3 de la Constitution prévoit que son statut « est régi par le titre XIII » de la Constitution. Il est donc particulier : l'article 3 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie prise en application de l'article 77 de la Constitution dispose que « les provinces et les communes de la Nouvelle-Calédonie sont des collectivités territoriales de la République ». Par conséquent, les communes de Nouvelle-Calédonie sont intégrées à la catégorie des communes, tandis que ses trois provinces sont rattachées explicitement à la catégorie des régions par le présent article.

La catégorie des régions comprendrait également deux types de collectivités, qui n'existent pas aujourd'hui :

- d'une part, les collectivités à statut particulier issues de la fusion de départements et de régions. De même que pour la catégorie des départements, il convient d'interpréter cette disposition comme une mesure conservatoire visant à permettre l'application des règles prévues par le présent projet de loi organique dans l'hypothèse où des évolutions viendraient modifier l'organisation actuelle des collectivités territoriales ;

- d'autre part, les collectivités qui seraient créées en application du dernier alinéa de l'article 73 de la Constitution, selon lequel « la création par la loi d'une collectivité se substituant à un département et une région d'outre-mer ou l'institution d'une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités ne peut intervenir sans qu'ait été recueilli, selon les formes prévues au second alinéa de l'article 72-4 9 ( * ) , le consentement des électeurs inscrits dans le ressort de ces collectivités ». On rappellera que des consultations électorales ont été organisées en Guadeloupe et en Martinique le 7 décembre 2003, afin de décider de leur avenir institutionnel. La Guadeloupe (à 72,98 %) et la Martinique (à 50,48 %) se sont prononcées contre l'évolution vers une collectivité territoriale unique proposée par le référendum, et en faveur du statu quo .

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre commission des finances considère que la définition des catégories de collectivités territoriales est cohérente avec les dispositions constitutionnelles et adaptée pour la mise en oeuvre des dispositions du présent projet de loi organique. Elle vous propose cependant d'adopter un amendement rédactionnel.

Décision de la commission : votre commission émet un avis favorable sur cet article ainsi modifié.

ARTICLE 2

Définition de la notion de ressources propres

Commentaire : le présent article a pour objet de définir la notion de « ressources propres ». Par ailleurs, il précise les modalités selon lesquelles les ressources des établissements publics de coopération intercommunale seraient prises en compte pour le calcul de l'autonomie financière des communes.

I. L'ABSENCE DE DÉFINITION EXISTANTE DES « RESSOURCES PROPRES »

A. L'ABSENCE DE DÉFINITION DES RESSOURCES PROPRES DANS LA JURISPRUDENCE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

La définition des ressources propres est une question centrale pour l'application du troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution. Il revient au législateur organique d'en tracer les contours. En effet, on rappellera que le Conseil constitutionnel a indiqué, dans sa décision n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003 portant sur la loi de finances pour 2004, que « la méconnaissance de ces dispositions [du troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution] ne peut utilement être invoquée tant que ne sera pas promulguée la loi organique qui devra définir les ressources propres des collectivités territoriales et déterminer, pour chaque catégorie de collectivités territoriales, la part minimale que doivent représenter les recettes fiscales et les autres ressources propres dans l'ensemble de leurs ressources », laissant ainsi toute latitude au législateur organique pour définir ce qui constitue une ressource propre.

B. L'INADÉQUATION DE LA NOTION DE « RECETTES PROPRES »

La notion de « recettes propres », qui figure à l'article L. 1612-4 du code général des collectivités territoriales, ne correspond pas à la logique voulue par le constituant.

En effet, cette notion désigne une partie des recettes budgétaires d'investissement de la collectivité qui, ajoutée à l'autofinancement, permet de couvrir le remboursement de sa dette 10 ( * ) . D'après les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, les contours de ces « recettes propres » ont été dégagés par la doctrine du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et par les avis des chambres régionales des comptes. Il s'agit de recettes d'investissement dont l'emploi est libre, ce qui ne recoupe pas la définition des ressources propres donnée par le présent article : à titre d'exemple, le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) figure dans le champ des « recettes propres » mentionnées à l'article L. 1612-4 précité, attendu que son emploi est libre, alors que le présent article ne retient pas cette ressource comme une ressource propre.

C. LES DÉFINITIONS COMMUNES NE SONT PAS PERTINENTES

L'étymologie et les définitions des dictionnaires ne permettent pas de dessiner davantage les contours de ce qui peut être une « ressource propre ». Ainsi que le souligne M. Robert Herzog, professeur à l'Institut d'Etudes Politiques de Strasbourg, « la loi organique et le juge lui donneront donc le contenu qu'ils voudront.

« Un critère juridique rigoureux devrait partir de l'étymologie de propre et de sa proximité avec la propriété : « qui appartient exclusivement... » (Littré) ; « qui est possédé en toute propriété... » (Robert). Sont des ressources propres toutes celles sur lesquelles les collectivités ont un véritable droit de créance et qui leur sont dues sans l'intervention d'un pouvoir discrétionnaire extérieur : elles leur sont versées pour entrer dans leur propriété. Cela conduirait à ranger les dotations générales (DGF, FCTVA, etc.) dans les ressources propres, puisque les bénéficiaires ont un droit à en obtenir le versement (tant que la loi n'est pas modifiée ! Mais cela est vrai de toutes les autres recettes, impôts compris), qu'ils peuvent faire valoir, le cas échéant, devant les juridictions. Les sommes dues à chaque collectivité sont pour l'Etat des dépenses obligatoires, bien que la loi n'ait pas prévu de voie d'action particulière pour en obtenir le paiement, comme l'inscription ou le mandatement d'office qui existent pour les dépenses obligatoires des collectivités locales.

« Bien entendu, cela ruinerait toute la réforme et irait à l'encontre des intentions de ses promoteurs, qui n'ont pas voulu que l'expression embrasse les dotations » 11 ( * ) .

II. LA DÉFINITION DES IMPOSITIONS DE TOUTES NATURES

A. LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES NE DISPOSENT PAS D'UN POUVOIR FISCAL AUTONOME

Les collectivités territoriales ne disposent pas d'un pouvoir fiscal autonome, la Constitution confiant ce pouvoir de manière exclusive au législateur.

Ainsi que le souligne Mme Catherine Logéat, moniteur à la faculté de droit et de science politique de l'université de Rennes I, « les collectivités n'ont d'emprise sur leurs impôts que celle qui leur est consentie par le législateur. Elles ne peuvent ni créer leurs recettes fiscales, ni fixer l'assiette de celles-ci 12 ( * ) . Elles ne disposent, selon l'expression de Jean-Pierre Ferrand, que d'un pouvoir fiscal délégué 13 ( * ) . De plus, celui-ci est encadré par deux régimes réducteurs : le plafonnement des taux, et leur système de liaison. Cette réglementation limite incontestablement la liberté fiscale des collectivités locales, à laquelle, pourtant, les élus locaux sont fortement attachés car elle est pour eux, signe d'un véritable pouvoir. (...)

« Les compétences fiscales des collectivités locales ne sont qu'un pouvoir dérivé consenti par le législateur conformément à l'article 34 de la Constitution. Comme toutes les compétences des collectivités locales, elles ne sont pas définitivement acquises. Le législateur pourrait donc les réduire en modifiant les lois existantes 14 ( * ) (...)

« La fiscalité locale et les compétences fiscales des collectivités sont peu protégées : l'autonomie fiscale des collectivités locales n'est pas garantie juridiquement » 15 ( * ) .

Le constituant n'a jamais reconnu de pouvoir fiscal local, et les collectivités territoriales ne peuvent pas établir d'impôts par elles-mêmes : les impôts sont créés par la loi et les collectivités territoriales disposent ensuite des ressources correspondantes. En effet, l'article 34 de la Constitution dispose que « la loi fixe les règles concernant : (...) l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures (...) ».

Le Conseil constitutionnel a, à plusieurs reprises, rappelé les limites du pouvoir fiscal local, notamment :

- dans sa décision n° 90-277 DC du 25 juillet 1990 sur la loi relative à la révision générale des évaluations des immeubles retenus pour la détermination des bases des impôts directs locaux :

« Considérant que si, en vertu de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus », chacune d'elles le fait « dans les conditions prévues par la loi » ; que l'article 34 de la Constitution réserve au législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources, ainsi que la fixation des règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ;

« Considérant que sur le fondement de ces dispositions, il appartient au législateur de déterminer les limites à l'intérieur desquelles une collectivité territoriale peut être habilitée à fixer elle-même le taux d'une imposition établie en vue de pourvoir à ses dépenses ; que toutefois, les règles posées par la loi ne sauraient avoir pour effet de restreindre les ressources fiscales des collectivités territoriales au point d'entraver leur libre administration ».

- dans sa décision n° 91-291 DC du 6 mai 1991 sur la loi instituant une dotation de solidarité urbaine et un fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France, réformant la dotation globale de fonctionnement des communes et des départements et modifiant le code des communes :

« Considérant que les auteurs des saisines soutiennent que l'institution d'un prélèvement sur les ressources fiscales des communes est contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales ; que, pour les auteurs de la première saisine, ce principe implique qu'une commune puisse déterminer seule le montant de ses impôts locaux et la destination des fonds ainsi prélevés ; que les auteurs de la seconde saisine estiment que l'article 14 de la loi entrave la libre administration des communes du fait de l'ampleur du prélèvement fiscal qu'il opère ainsi que de ses effets sur le budget des communes dont les ressources sont par ailleurs diminuées au titre de la dotation de solidarité urbaine ;

« Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, le principe de libre administration des collectivités territoriales reçoit application « dans les conditions prévues par la loi » ; qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution il appartient au législateur de déterminer les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources, ainsi que de fixer les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ;

« Considérant que dans l'exercice de sa compétence en matière fiscale le législateur n'est pas tenu de laisser à chaque collectivité territoriale la possibilité de déterminer seule le montant des ses impôts locaux ;

« Considérant de même que le législateur peut, à titre exceptionnel, décider que le produit d'une impôt communal pourra en partie être attribué à une autre collectivité territoriale ; qu'un prélèvement sur les ressources fiscales d'une collectivité est assimilable par ses effets à une charge obligatoire ;

« Considérant toutefois que le prélèvement sur les ressources fiscales d'une collectivité territoriale dans le but d'accroître les ressources d'autres collectivités territoriales doit être défini avec précision quant à son objet et sa portée et qu'il ne saurait avoir pour conséquence d'entraver la libre administration des collectivités territoriales concernées (...) ».

La loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 précitée relative à l'organisation décentralisée de la République a précisé le contenu du pouvoir fiscal des collectivités territoriales. Ainsi, les deux premiers alinéas de l'article 72-2 de la Constitution prévoient que « les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi.

« Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine ».

Ainsi que le rappelle le professeur Robert Herzog dans son article précité, « Le pouvoir des assemblées locales en matière d'impôts est presque aussi ancien que ces assemblées et a toujours été une de leurs fonctions les plus emblématique. L'inscription dans l'article 72-2 du droit pour les collectivités territoriales de recevoir tout ou partie du produit des impositions et de prendre des décisions sur l'assiette et le taux des impôts dans les limites fixées par la loi peut donc paraître une redondance puisque ces droits étaient déjà reconnus par une longue tradition, que personne n'en demandait la disparition et qu'en tout état de cause ils sont une facette essentielle de la libre administration 16 ( * ) . L'attribution d'une fraction d'un impôt n'est d'ailleurs qu'un mode de calcul de l'enveloppe des dotations.

« La question du statut constitutionnel du pouvoir fiscal des assemblées locales n'était donc apparemment pas posée. Elle n'avait pas à l'être sous les régimes antérieurs, pour au moins deux raisons. La première est que le législateur, maître du partage des domaines législatifs et réglementaires, avait toute latitude pour fixer les compétences des assemblées locales. La seconde tient aux techniques de la fiscalité locale directe, qui cachaient le pouvoir fiscal derrière le pouvoir budgétaire 17 ( * ) . La tradition était si bien acquise qu'on ne vit pas que la Constitution de 1958 avait renouvelé les données. En effet, l'article 34 fait de la fiscalité une matière qui relève entièrement du parlement. La loi fixe les règles (et non seulement les principes fondamentaux comme pour la libre administration des collectivités locales) dans tous les aspects : assiette, taux, modalités de recouvrement, quel que soit le bénéficiaire ou la destination des impositions de toutes natures (on remarquera le pluriel ; le Conseil constitutionnel et le Conseil d'Etat en ont donné une définition très extensive). Il n'y a donc pas de place pour le pouvoir réglementaire, même celui du Premier ministre (...). Comme les actes des autorités locales restent des actes administratifs, y compris quand elles votent le tarif des impôts, décident de certaines exonérations, modulent des abattements ou instituent des impôts facultatifs, on nagerait là en pleine inconstitutionnalité » 18 ( * ) .

Le périmètre des ressources propres des collectivités territoriales retenu par le présent article comprend :

- les impositions de toutes natures ;

- les redevances pour service rendu ;

- les produits du domaine ;

- les participations d'urbanisme ;

- les produits financiers ;

- les dons et legs.

B. LA DÉFINITION DES IMPOSITIONS DE TOUTES NATURES

1. La jurisprudence du Conseil constitutionnel

S'agissant de la définition de ce qu'est une « imposition de toutes natures », la jurisprudence du Conseil constitutionnel tend à classer parmi les « impositions de toutes natures » les produits suivants :

- les impôts (quelle que soit leur dénomination) qui sont des prélèvements pécuniaires définitifs (le contribuable ne se verra donc jamais restituer l'argent qu'il verse), requis par l'autorité publique, des personnes physiques ou morales, sans contreparties déterminées ;

- certains types de prélèvements obligatoires recouvrés dans des conditions particulières (redevances d'espaces verts, taxe de défrichement, redevance archéologie préventive), quand ils ne sont pas affectés à la rémunération d'un service rendu.

Par contre, les taxes rémunérant des services rendus ou, tout au moins mis à la disposition du redevable ainsi que les redevances, qui ne sont dues qu'en cas de prestation effectivement utilisée par le redevable, ne sont pas considérées par la jurisprudence comme des « impositions de toutes natures ». On peut citer, par exemple, la redevance d'enlèvement des ordures ménagères (REOM).

On rappellera que les principales impositions de toutes natures dont le produit revient aux collectivités territoriales sont les impôts directs, c'est-à-dire, pour l'essentiel, les « quatre vieilles » : la taxe d'habitation, les taxes foncières (sur le foncier bâti et non bâti), la taxe professionnelle ainsi que les redevances communale et départementale des mines.

Ces impôts directs sont partagés entre les collectivités territoriales, comme le rappelle le tableau ci-après :

Impôts directs

Communes

Départements

Régions

Taxe d'habitation

*

*

Taxe sur le foncier bâti

*

*

*

Taxe sur le foncier non-bâti

*

Taxe professionnelle

*

*

*

Les impôts indirects dont le produit revient aux collectivités territoriales sont nombreux. Ils sont affectés, de manière générale, à une seule catégorie de collectivités. Il s'agit, par exemple : des droits de mutation, de la taxe locale d'équipement, de la taxe sur les cartes grises, de la taxe sur les emplacements publicitaires, de la taxe départementale sur les espaces naturels et sensibles ou de la taxe de séjour.

2. La question du partage des impôts d'Etat

a) Des ressources propres selon l'analyse de la Constitution

La jurisprudence du Conseil constitutionnel permet de considérer que constitue une imposition de toutes natures toute contribution requise par la puissance publique d'une personne physique ou morale qui n'est pas affectée à un objet particulier et notamment, à un service rendu à cette personne.

Le deuxième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution dispose que la loi « peut autoriser » les collectivités territoriales à fixer le taux et l'assiette des impôts dans les limites qu'elle détermine. Par conséquent, les collectivités territoriales peuvent recevoir tout ou partie des impositions de toutes natures sans qu'elles soient autorisées par la loi à en fixer l'assiette ou le taux.

Cette analyse de l'article 72-2 de la Constitution tendrait à démontrer que des impositions de toutes natures dont les collectivités territoriales reçoivent le produit sans toutefois disposer de la capacité d'en fixer l'assiette ou le taux sont bien des « recettes fiscales » au sens du troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, et donc, seraient comprises dans le champ des « ressources propres » mentionnées au même alinéa.

Par conséquent, le partage d'impôts d'Etat serait inclus dans le champ des ressources propres des collectivités territoriales. Cette interprétation est reprise tant par le gouvernement que par les rapporteurs de la commission des lois et des finances de l'Assemblée nationale. Le gouvernement a ainsi indiqué à votre rapporteur pour avis que « le deuxième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution pose le principe que les collectivités locales peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. Il fixe ainsi un principe général. La seconde phrase de cet alinéa précise que la loi peut autoriser les collectivités à en fixer le taux et l'assiette. Il en découle donc que la fixation d'un taux et d'une assiette n'est pas un élément constitutif de la notion de produit d'imposition de toutes natures, mais ce n'est qu'une modalité de sa perception pour les collectivités locales. Le texte de la Constitution ne restreint ainsi pas la notion de produit d'imposition de toutes natures à celles dont le taux ou l'assiette peuvent être fixés par la collectivité.

« Cette analyse est confirmée par le troisième alinéa de l'article 72-2 qui prévoit que la part déterminante est constituée des recettes fiscales précédemment définies (avec ou sans pouvoir de taux) ainsi que des « autres » ressources propres.

« Les notions de recettes fiscales et d'imposition de toutes natures sont donc bien synonymes ».

b) Ce ne sont pas des ressources propres si l'on se place du point de vue des collectivités territoriales

Sans contester les fondements juridiques de l'analyse citée ci-dessus, force est de constater, au regard de la gestion des collectivités territoriales, que le produit issu du partage d'un impôt d'Etat, pour lequel les collectivités ne peuvent fixer ni le taux, ni l'assiette, présente des caractéristiques plus proche d'une dotation que des impôts directs locaux pour lesquels les collectivités territoriales peuvent modifier, bien que de manière encadrée, les taux, et, quoique marginalement, l'assiette .

Certes, le produit perçu par les collectivités territoriales varie selon l'évolution d'une assiette fiscale et non selon des critères décidés par le législateur, et sur lesquels celui-ci peut revenir chaque année, s'agissant des dotations. Toutefois, le transfert aux départements d'une fraction des tarifs de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) au titre de la compensation du transfert du revenu minimum d'insertion (RMI) et de la création du revenu minimum d'activité (RMA), prévu par l'article 59 de la loi de finances pour 2004 (n° 2003-1311 du 30 décembre 2003) montre les limites de la procédure de partage d'une imposition sans capacité de modulation des ressources . En effet, ni la prévisibilité de la ressource considérée, ni son dynamisme, ne permettent d'y voir un avantage décisif par rapport à une dotation indexée sur l'indice de progression de la dotation globale de fonctionnement (DGF). En particulier, le partage d'une ressource fiscale ne garantit aucunement une évolution positive de celle-ci. Des inquiétudes ont ainsi été exprimées quant à l'évolution de l'assiette de la TIPP, compte tenu des progrès technologiques permettant de réduire la consommation de carburant par les véhicules à moteur, et en particulier, du développement du parc automobile diesel, plus économe en carburant que les véhicules à essence.

On rappellera toutefois que le Conseil constitutionnel a, dans sa décision précitée sur la loi de finances initiale pour 2004, précisé qu'« en transférant aux départements des recettes égales au montant des dépenses exécutées par l'Etat en 2003 au titre de l'allocation de revenu minimum d'insertion et de l'allocation de revenu de solidarité, l'article 59 respecte le principe de l'équivalence entre les charges constatées à la date du transfert et les ressources transférées ; que toutefois, si les recettes départementales provenant de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers venaient à diminuer, il appartiendrait à l'Etat de maintenir un niveau de ressources équivalent à celui qu'il consacrait à l'exercice de cette compétence avant son transfert » 19 ( * ) .

Le Conseil constitutionnel a ainsi introduit une sorte de « garantie minimale » de ressources tirées du partage d'impôts d'Etat pour les collectivités territoriales. Toutefois, la décision du Conseil constitutionnel précitée se rapporte au quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution portant sur la compensation des transferts, créations et extensions de compétences 20 ( * ) , et non au troisième alinéa portant sur l'autonomie financière des collectivités territoriales. Par conséquent, il n'est pas certain qu'une telle garantie s'applique également au produit d'un impôt partagé qui ne résulterait pas la compensation d'un transfert de compétence.

c) L'attribution d'une fraction de tarif de la TIPP par la loi de finances initiale pour 2004

Les développements ci-après s'inspirent largement des commentaires du rapport général de votre commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2004 afférents à l'article 40 relatif aux modalités de la compensation financière aux départements résultant de la décentralisation du revenu minimum d'insertion (RMI).

Le choix retenu tend à neutraliser, pour les départements, les effets des variations de tarifs décidées au niveau national sur la ressource transférée en compensation de la décentralisation du RMI . Par conséquent, compte tenu de ce choix et de l'absence de possibilité pour les départements de moduler la fraction du tarif de la TIPP qui leur est attribuée, la compensation versée aux départements n'évoluera qu'en fonction de la seule évolution de la base d'imposition de la TIPP, soit les quantités de carburants vendues sur l'ensemble du territoire national .

En revanche, les dispositions du présent projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales n'assurent aucunement à ces collectivités de bénéficier de ressources fiscales modulables, dès lors qu'aucune distinction n'est effectuée, au sein des impositions de toutes natures, entre les impositions pour lesquelles elles seraient en mesure de moduler les taux et celles pour lesquelles elles ne le pourraient pas. Il faut bien reconnaître que ce constat limite beaucoup l'intérêt de la réforme et risque d'en faire une « coquille vide ». Quelle est en effet la différence entre une part d'impôt d'Etat déterminée au niveau central et une dotation budgétaire, du point de vue de l'autonomie de gestion des collectivités territoriales ? Seule une imposition dont la collectivité détermine ou, à la rigueur, module les taux, répond au critère économique d'autonomie.

La gestion de la TIPP sera à cet égard un test révélateur. Selon que la modulation par les régions sera ou non possible, le Sénat constatera si les intentions exprimées sont ou non rejointes par la réalité.

La compensation des transferts de compétences par l'attribution d'impositions de toute nature constitue certes un progrès significatif par rapport aux transferts de compétences antérieurs, qui étaient généralement compensés par le biais de la dotation générale de décentralisation (DGD). Cette solution présentait en effet un double inconvénient :

- d'une part, celui de rigidifier le budget de l'Etat, en accroissant la part des dépenses obligatoires, incompressibles et indexées sur l'indice de progression de la dotation globale de fonctionnement ;

- d'autre part, celui de réduire l'autonomie fiscale des collectivités territoriales : celles-ci géraient en effet de plus en plus de compétences, mais avec une capacité de lever l'impôt, et donc, d'adapter le niveau de leurs ressources à l'évolution de leurs dépenses, moindre en proportion de leur budget total.

Toutefois, en l'absence de capacité à moduler les taux des impôts transférés, les collectivités territoriales ne seront pas en mesure de fixer le niveau de leurs ressources : la différence avec une dotation ne porte donc que sur la prise en compte de l'évolution des bases correspondant à l'impôt pour la détermination de l'évolution de la ressource transférée.

L'absence de possibilité, pour les départements, de moduler les taux de la TIPP, pose problème . En effet, le RMI constitue une dépense sociale « obligatoire », puisque l'éligibilité à cette allocation continuera - et cela se conçoit - à être définie par l'Etat. Par conséquent, le département n'aura pas la maîtrise des dépenses liées au RMI. L'absence de possibilité de moduler les taux de la TIPP, et par là, de faire varier la ressource transférée afin de la faire coïncider avec l'évolution des charges, est donc une réelle difficulté. Dans l'hypothèse où les charges liées au RMI augmenteraient de manière plus dynamique que le produit total de la TIPP, les départements seraient en effet contraints soit d'augmenter le taux des autres impôts dont ils bénéficient, reportant une charge importante sur les contribuables locaux, soit de réduire d'autres postes de dépenses. Dans ce dernier cas de figure, on se rapprocherait d'une tutelle indirecte de l'Etat sur les dépenses des conseils généraux. Ces derniers ne seraient alors que « sous-traitants » d'une politique de l'Etat.

A titre d'illustration, le tableau ci-après compare l'évolution des recettes de TIPP et des dépenses au titre du versement de l'allocation de RMI en France métropolitaine depuis 1993. Or, sur cette période, les recettes de TIPP ont augmenté de 24,3 %, soit une évolution comparable à l'évolution de la dotation globale de fonctionnement (DGF) versée aux collectivités locales au cours de la même période (+ 25,3 %), tandis que les dépenses de l'Etat au titre des allocations de RMI versées en France métropolitaine ont augmenté de 84,5 %. Certes, cette période correspond à une montée en charge du nombre d'allocataires du RMI, dont on peut considérer qu'il a atteint un « point haut », compte tenu de la conjoncture économique dégradée que connaît notre pays. Toutefois, il met en valeur deux éléments importants :

- d'une part, il souligne la possibilité d'un décalage important entre l'évolution des charges liées au versement de l'allocation de RMI, et les recettes, dont le présent article propose le transfert ;

- d'autre part, il montre que le transfert d'une partie du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers n'est pas nécessairement plus intéressant, d'un strict point de vue financier, que le transfert d'une dotation budgétaire indexée sur l'indice de progression de la DGF.

Comparaison de l'évolution des recettes de la TIPP, des dépenses au titre du RMI
et de l'indice de progression de la DGF depuis 1993

(en millions d'euros )

Année

Recettes (TIPP)

Evolution (TIPP)

Indice de progression de la DGF

Evolution (RMI)

Dépenses (RMI)

1993

19.273

-

+ 4,33 %

-

2.411

1994

21.517

+ 11,64 %

+ 2,00 %

+ 20,20 %

2.898

1995

21.851

+ 1,55 %

+ 1,70 %

+ 9,56 %

3.175

1996

22.621

+ 3,52 %

+ 3,77 %

+ 7,31 %

3.407

1997

22.938

+ 1,40 %

+ 1,26 %

+ 8,57 %

3.699

1998

23.465

+ 2,30 %

+ 1,38 %

+ 12,27 %

4.153

1999

24.649

+ 5,05 %

+ 2,78 %

+ 4,43 %

4.337

2000

24.271

- 1,53 %

+ 0,82 %

- 0,42 %

4.319

2001

23.409

- 3,55 %

+ 3,38 %

+ 0,09 %

4.323

2002

23.962

+ 2,36 %

+ 4,09 %

+ 3,17 %

4.460

1993-2002

-

+ 24,33 %

+ 25,32 %

+ 84,99 %

-

Source : direction générale des douanes et des droits indirects (recettes de TIPP), CNAF, ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales

Le décalage entre l'évolution des ressources et des charges transférées

Lors de la discussion générale du projet de loi portant décentralisation du RMI et création du RMA au Sénat, le 26 mai 2003, votre rapporteur pour avis indiquait : « Vous avez dit avec raison, monsieur le ministre, qu'une fois le transfert opéré la dépense comme l'impôt qui la finance continueraient à évoluer, et pas nécessairement de la même façon.

« Comment les choses se sont-elles passées jusqu'à présent ? En 1993, selon les chiffres que vos services nous ont communiqués - ils sont donc forcément exacts -, le coût financier de l'allocation du RMI s'est élevé à environ 2,5 milliards d'euros, et, si l'on avait décentralisé le RMI à cette époque, il aurait fallu transférer 2,5 milliards d'euros prélevés sur la TIPP aux départements.

« Comment ont évolué depuis le RMI d'un côté et la TIPP de l'autre ? Le RMI a, en 2003, représenté, vous l'avez dit et c'est tout à fait exact, 4,4 milliards d'euros, soit près de 4,5 milliards d'euros. Quant à la TIPP, qui évolue indépendamment, son produit atteint 2,98 milliards d'euros, soit environ 3 milliards d'euros 21 ( * ) . « Manque » donc 1,4 milliard d'euros, même si je ne tire pas de ces deux évolutions et de cette constatation la conclusion qu'il manquera systématiquement 1,4 milliard d'euros, parce que, demain, les choses peuvent évoluer différemment. Le Gouvernement devrait transférer des centimes de TIPP aux départements sans tenir compte des abattements que, par exemple dans un système de TIPP flottante, il peut décider pour limiter le coût du carburant. Quoi qu'il en soit, on voit bien que l'évolution de la TIPP est assez différente de celle du coût du RMI.

« En conséquence, si on laisse les choses en l'état, c'est-à-dire si on ne prévoit pas de possibilité de modulation, ne restera qu'un seul recours, à savoir la taxe d'habitation, puisque la taxe professionnelle produit beaucoup moins.

« Nous n'allons pas clore le débat sur la modulation aujourd'hui, ce serait trop long, mais il faut au moins l'ouvrir, monsieur le ministre. Je crois que, tous, nous pouvons y participer et nous devons faire assaut d'imagination, car si transférer la TIPP, c'est bien, ne pas prévoir la possibilité de moduler le taux, c'est beaucoup moins bien ! Il faut donc envisager le transfert d'autres impôts. N'étant pas ministre du budget, et n'aspirant pas à l'être, j'ignore lesquels, mais j'espère, monsieur le ministre, que vous nous direz quelles autres pistes peuvent être ouvertes tant le différentiel entre l'évolution des dépenses et des charges est grand.

« Il n'y aurait de pire sinon que de transférer aux départements une dépense qui évolue relativement vite non seulement du fait de l'augmentation du nombre des allocataires, mais aussi parce que ni vous-même ni ceux qui, dans de nombreuses années, vous succéderont ne prendront l'engagement de ne jamais augmenter les minima sociaux. Il faudra les augmenter, et c'est normal, mais la TIPP, elle, n'augmentera pas parce que les minima sociaux augmentent ! ».

Dans la suite de la discussion générale, notre collègue Jean-Pierre Fourcade indiquait :

« Monsieur le ministre, je vous ai rendu hommage en commission en indiquant que l'article 3 du projet de loi était conforme, dans son écriture, au texte constitutionnel que nous avons adopté ici-même. (...) Encore faut-il savoir de quel impôt il s'agit ! (...) Encore faut-il savoir comment sera transféré le morceau d'impôt - je préférerais qu'il s'agisse de morceaux de plusieurs impôts, de manière que le financement soit mieux assuré et que l'équilibre des budgets départementaux soit mieux garanti -, quelles que seront l'évolution et la modulation de ce transfert. C'est la raison pour laquelle je reste attaché au transfert d'un morceau d'impôt assorti d'une modulation des taux par la collectivité départementale ou par la collectivité régionale : seule cette solution permettrait de faire face aux difficultés que nous rencontrons. Cela n'est pas précisé dans l'article 3 parce que ce n'était pas possible, mais j'espère que cela figurera dans le projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités locales, qui est en préparation. Nous veillerons, en tous les cas, à ce que la loi de finances en tire les conséquences.

« On ne saurait, en effet, se lancer dans un processus de transfert aussi coûteux pour les collectivités territoriales que le fut celui qui concernait les collèges et les lycées, dont nous avons tous gardé un très mauvais souvenir : l'Etat nous ayant donné ce que lui-même dépensait - c'est-à-dire, passez moi l'expression, des « clopinettes » -, nous avons été obligés d'augmenter notre fiscalité pour pouvoir faire face aux besoins.

« Il faut que, dans notre pays, comme dans les autres grands pays européens, soit instaurée, entre l'Etat et les collectivités locales, une procédure de révision tous les trois ou cinq ans, opérée par des organismes ad hoc et permettant de faire apparaître l'évolution des flux financiers ».

Source : JO Débats Sénat, séance du 26 mai 2003, pages 3606-3607 et pages 3620-3621

C. LA DÉLICATE QUESTION DU STATUT DES DÉGRÈVEMENTS D'IMPÔTS LOCAUX

Il n'existe pas de définition juridique de ce qu'est un dégrèvement législatif. Il s'agit d'un dispositif destiné à réduire la cotisation d'impôt acquittée par un redevable, l'Etat se substituant à ce dernier pour tout ou partie de sa cotisation, dans le cadre d'une disposition législative 22 ( * ) .

Le dégrèvement est un mécanisme qui permet donc de réduire partiellement ou totalement la cotisation fiscale du redevable de l'impôt, tout en restant neutre pour la collectivité. Il ne s'agit pas pour elle d'un dispositif de compensation financière, puisque les bases imposables notifiées à la collectivité sur lesquelles s'exerce son pouvoir fiscal comprennent celles qui feront, le cas échéant, l'objet d'un dégrèvement. La collectivité est donc assurée de disposer du produit fiscal résultant de l'application du taux voté aux bases imposables. Le montant total des dégrèvements législatifs pris en charge par l'Etat s'est élevé, en 2001, à environ 8 milliards d'euros . On rappellera que l'article 1641 du code général des impôts prévoit que l'Etat perçoit des frais de dégrèvement et de non-recouvrement au taux de 3,60 %.

Du point de vue des collectivités territoriales, le dégrèvement est neutre, puisque l'Etat se substitue aux contribuables locaux pour le paiement des impositions . Il n'y a donc pas de justification à traiter de manière différente les dégrèvements législatifs d'impôts locaux et le produit des impositions de toutes natures au regard du périmètre des ressources propres des collectivités territoriales.

Il n'en reste pas moins que la prise en charge croissante des impôts locaux par l'Etat par le biais de dégrèvements législatifs contribue à réduire la responsabilité fiscale locale en diluant les liens entre les contribuables locaux et leurs élus.

Les travaux de notre collègue Yves Fréville ont montré à cet égard les effets pervers des dégrèvements législatifs afférents à la taxe d'habitation. Ainsi, dans un récent rapport d'information 23 ( * ) , notre collègue écrit :

« La taxe d'habitation n'est plus un vrai impôt local : la moitié des contribuables ne paie plus ou ne paie que partiellement cet impôt qu'en fonction de leurs revenus, sans que subsiste un quelconque lien avec l'impôt sur l'habitation voté par les collectivités locales.

« Un coin fiscal à la charge de l'Etat a été enfoncé entre la recette perçue par les collectivités locales et l'impôt payé par les contribuables. (...)

« Cette politique a (...) un impact financier qui obère les relations entre l'Etat et les collectivités locales. Sur le plan budgétaire, la montée en puissance des dégrèvements législatifs, de taxe d'habitation mais aussi de taxe professionnelle, au début de la dernière décennie ne pouvait qu'induire un freinage de la croissance des dotations d'Etat.

« Les dégrèvements législatifs, même s'ils sont d'abord des aides individuelles apportées à certains contribuables, constituent également des « subventions implicites » aux collectivités territoriales où résident ces contribuables ».

On notera qu'il est parfois difficile d'opérer une distinction claire entre les dégrèvements et les compensations sous forme de dotations, car il se peut que certains dégrèvements ne soient pas qualifiés comme tels par la loi. Par ailleurs, certains dégrèvements sont calculés à partir d'un taux fixe ou sont plafonnés, c'est-à-dire que l'Etat ne prend pas intégralement à sa charge la cotisation du contribuable. C'est, par exemple, le cas du plafonnement de la cotisation de taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée : sur demande du contribuable, la cotisation de taxe professionnelle d'une entreprise est plafonnée en fonction de la valeur ajoutée produite au cours de l'année d'imposition. Toutefois, ce plafonnement diffère en fonction du chiffre d'affaires des entreprises, d'une part, et le montant du dégrèvement accordé est limité, d'autre part 24 ( * ) .

Cependant, si la cotisation est alors partagée entre l'Etat et le contribuable local, la part de ce dernier étant éventuellement amenée à s'accroître en fonction soit de l'évolution des taux d'imposition décidée par la collectivité territoriale, soit de l'évolution des bases d'imposition, la collectivité territoriale continue de recevoir l'intégralité du produit fiscal résultant de l'application aux bases fiscales du taux voté.

Il semble donc logique de considérer que les dégrèvements, quelles que soient leurs modalités, font partie des ressources propres des collectivités territoriales, puisque ces dernières reçoivent le même produit d'imposition qu'en l'absence de dégrèvement.

La prise en compte des dégrèvements dans les ressources propres des collectivités territoriales n'est toutefois pas sans poser quelques problèmes. Notre collègue député René Dosière a souligné les effets pervers de cette solution lors de la première lecture du présent projet de loi organique à l'Assemblée nationale : « Un autre inconvénient du texte tient au fait qu'il va rendre impossible toute réforme de la fiscalité locale, en particulier de la taxe d'habitation.

« Aujourd'hui, en effet, près de la moitié des contribuables, soit douze millions de Français, ne paient pas de taxe d'habitation, ou bénéficient d'un plafonnement à 4,3 % de leurs revenus. Dans les deux cas, cela est lié au niveau de revenus des intéressés, et ne dépend nullement de décisions prises par les collectivités locales, qui n'ont aucune marge de manoeuvre en matière d'assiette ou de taux d'imposition. La compensation par l'Etat de cette perte de recettes est improprement désignée comme un dégrèvement, alors qu'il s'agit plutôt, comme l'observe M. Fréville, d'une subvention implicite. C'est, d'ailleurs, le même phénomène que celui évoqué par M. Migaud à propos de la taxe professionnelle.

« Pour la moitié des contribuables, la taxe d'habitation est donc devenue un impôt national, fixé selon des critères de revenus et redistribué aux collectivités sous forme de subventions implicites, dénommées « dégrèvements » ou « compensations », qui représentent tout de même un montant de 3,5 milliards d'euros ! La distribution de ces sommes est riche de surprises. Ainsi, à Saint-Quentin, dans mon département, 20 % des contribuables seulement paient une taxe d'habitation normale, ce qui signifie que 80 % d'entre eux sont exonérés ou bénéficient du plafonnement. Il est clair que les ressources accordées à la collectivité sont sans rapport avec la situation locale.

« Estimer que les dégrèvements font partie des ressources propres de la collectivité interdit de corriger les injustices liées à la distribution de la taxe d'habitation sans porter atteinte à l'autonomie des collectivités locales. Ces dégrèvements ne sont pas faits pour les contribuables incapables de payer ; il s'agit de subventions qui procèdent de décisions législatives de l'Etat, comme cela est le cas pour la taxe professionnelle, plafonnée en fonction de la valeur ajoutée.

« Puisque la décision en la matière échappe entièrement aux collectivités locales, considérer ces subventions comme des ressources propres empêchera toute réforme de la fiscalité locale. L'Etat, loin de dégager des moyens supplémentaires pour mettre en oeuvre cette réforme, préférera distribuer les sommes disponibles. M. Méhaignerie le sait bien, qui s'est souvent élevé contre le fait que certaines collectivités touchent au titre du dégrèvement des sommes très supérieures à ce que perçoivent certaines autres, sans aucun lien avec la politique fiscale de la collectivité. Vous devez donc revoir cette notion dans votre texte, si vous voulez être en mesure d'aborder ultérieurement la réforme fiscale » 25 ( * ) .

A l'occasion de l'examen de l'article 2 du présent projet de loi organique, il a insisté sur ce point :

« (...) si vous considérez que ces 3 milliards d'euros font partie des ressources propres, vous ne pourrez pas modifier ce système. Si vous touchez à ces ressources, vous dégraderez leur ratio. Le Gouvernement, vous ou un autre, ne disposera d'aucune marge de manoeuvre pour réformer. Or ces 3 milliards d'euros doivent pouvoir être redistribués. Des collectivités reçoivent, de manière indue, des sommes considérables alors qu'elles pourraient en percevoir moin s ».

En réponse, M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur, a indiqué : « (...) les compensations ne sont pas des ressources propres. En ce qui concerne les dégrèvements, nous sommes très nombreux, et c'est la position du Gouvernement, à être convaincus qu'ils peuvent légitimement être considérés comme des ressources propres. (...)

« Il semble même, si on peut introduire une nuance pour les taux historiques, que cela n'ait pas d'incidence fondamentale sur l'autonomie financière des collectivités locales. Cela étant dit, la question peut être posée de savoir si, dans le calcul, on retient définitivement ou non le dégrèvement dans l'autonomie financière. (...)

« Le débat va se poursuivre au Sénat, puis, ici même, pour la deuxième lecture. Pour l'heure, je fais remarquer que dans un cas ou dans l'autre, on n'arrive pas au même ratio d'autonomie financière (...) .

« Si, au cours du débat, nous décidions ensemble de ne pas considérer les dégrèvements comme des ressources propres et que celles-ci doivent faire l'objet d'une enveloppe séparée, nous diminuerions le degré d'autonomie financière des collectivités territoriales, ce dont il ne faudra pas ensuite se plaindre. Il faut faire preuve de cohérence » 26 ( * ) .

Si les dégrèvements constituent des ressources propres, ils ne peuvent être remplacés, pour maintenir le niveau d'autonomie financière des collectivités, que par des impositions locales ou partagées avec l'Etat. Or, selon votre collègue Yves Fréville, il sera nécessaire, pour mettre en oeuvre de manière progressive la réforme de la taxe professionnelle (et donc, lisser les transferts de ressources entre collectivités), d'« activer » les dégrèvements , c'est-à-dire répartir les montants en jeu, soit environ 7 milliards d'euros pour la taxe professionnelle, afin d'ajuster, au cours de la phase de transition, le niveau des ressources tiré de l'impôt qui remplacera la taxe professionnelle.

Il semblerait logique que ces ajustements s'effectuent à l'aide de dotations de l'Etat , qui présentent l'avantage d'être facilement modulables d'une année sur l'autre, mais le présent projet de loi organique, en l'état, le prohiberait 27 ( * ) , contraignant à « convertir » les dégrèvements en « autres ressources propres », c'est-à-dire en parts d'impôts perçus par l'Etat. Ce serait donc une véritable « usine à gaz » qu'il faudrait monter !

L'exclusion des dégrèvements du champ des ressources propres des collectivités territoriales pose un autre type de problème : il priverait en effet partiellement l'Etat de sa capacité d'intervenir, par le biais de dégrèvements, sur la charge fiscale pesant sur les contribuables, puisque cela reviendrait à dégrader le niveau d'autonomie financière des collectivités territoriales.

Trouver une solution à ce délicat problème n'est pas simple. Du point de vue de l'Etat, il pourrait être tentant de considérer que les dégrèvements sont des ressources propres, mais de ne pas en tenir compte pour le calcul du ratio d'autonomie financière calculé pour 2003, année de référence. Cette solution semble toutefois difficilement acceptable sur le plan juridique, puisqu'elle reviendrait à donner une définition variable dans le temps de ce qu'est une ressource propre.

III. LES AUTRES RESSOURCES PROPRES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

A. LES REDEVANCES POUR SERVICE RENDU

Les collectivités territoriales bénéficient de recettes qui résultent de la tarification de certaines de leurs prestations. Il peut s'agir, par exemple, des repas servis dans les cantines scolaires ou aux personnes âgées, des transports en commun, des prêts de livres ou de droits d'accès aux équipements collectifs, s'agissant par exemple du droit d'entrée à une piscine. On notera que certains services publics doivent être obligatoirement facturés, s'agissant de la distribution d'eau potable, par exemple.

B. LES PRODUITS DU DOMAINE

Les produits du domaine correspondent à l'exploitation des propriétés de la collectivité, par exemple, les recettes correspondant aux concessions de service public ou à l'occupation du domaine public, ou encore les recettes tirées de l'exploitation forestière.

C. LES PARTICIPATIONS D'URBANISME

Les participations d'urbanisme sont visées à l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme. Celui-ci dispose que « dans les secteurs de la commune où un programme d'aménagement d'ensemble a été approuvé par le conseil municipal, il peut être mis à la charge des constructeurs tout ou partie du coût des équipements publics réalisés pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans le secteur concerné ». Ces participations incluent également les contributions aux dépenses d'équipement public prévues au 2° de l'article L. 332-6-1 du code de l'urbanisme 28 ( * ) .

D. LES PRODUITS FINANCIERS

Les produits financiers comprennent, par exemple, le produit des placements financiers et les gains de change. Par ailleurs, ils incluent le produit des participations des collectivités territoriales dans les établissements de crédit revêtant la forme de société anonyme, dont le capital peut être détenu sous certaines conditions par les collectivités territoriales, et qui ont pour objet exclusif de garantir les concours financiers accordés à des personnes morales de droit privé et notamment, celles qui exploitent des entreprises nouvellement créées.

E. LES DONS ET LEGS

On rappellera que l'acceptation des dons et legs est prévue par le code général des collectivités territoriales. Ainsi, pour les communes, l'article L. 2242-1 du code précité prévoit que « le conseil municipal statue sur l'acceptation des dons et legs faits à la commune » ; de même, l'article L. 3213-6 du même code dispose, s'agissant des départements, que « le conseil général statue sur l'acceptation des dons et legs faits au département ».

F. LA PRISE EN COMPTE DES RESSOURCES PROPRES DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DE COOPÉRATION INTERCOMMUNALE (EPCI)

Le second alinéa du présent article tend à consolider les ressources propres des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), dont on a rappelé plus haut qu'ils étaient des émanations des premières, et relevaient donc de la même catégorie. A cet effet, cet alinéa dispose donc que « pour la catégorie des communes, les ressources propres sont augmentées du montant de celles qui, mentionnées au premier alinéa, bénéficient aux établissements publics de coopération intercommunale ».

Les EPCI disposent, pour l'exercice des compétences qui leur ont été transférées par les communes membres, de ressources propres, que celles-ci soient constituées du produit d'un impôt unique (la taxe professionnelle unique) ou de fiscalité additionnelle. Ils peuvent également disposer, à l'instar des communes, de produits tirés de l'exploitation de leur domaine ou au titre de contrepartie de services rendus.

Dès lors que les EPCI sont rattachés à la catégorie de collectivités territoriales constituée des communes, il est nécessaire d'ajouter leurs ressources propres à celles de ces dernières afin de calculer la part de celles-ci dans l'ensemble des ressources de cette catégorie de collectivités.

En revanche, les versements effectués par les EPCI au profit de leurs communes membres au titre de l'attribution de compensation ou de la dotation de solidarité communautaire (DSC) ne sont pas évoqués par le présent article. Dès lors qu'il s'agit de transferts internes à une catégorie de collectivités territoriales, il ne paraît pas indispensable d'en tenir compte, puisque cela resterait sans influence sur le calcul du niveau d'autonomie financière pour l'ensemble de la catégorie.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre commission des finances considère que la définition des ressources propres proposée par le présent article ne permet pas de garantir l'autonomie financière des collectivités territoriales, dès lors que l'autonomie fiscale est, selon elle, une composante essentielle de celle-ci . En effet, la définition des ressources propres proposée par le présent article inclut les parts d'impôts d'Etat sur lesquelles les collectivités territoriales ne peuvent intervenir, soit, s'agissant de l'existant, les fractions de tarif de TIPP attribuées aux départements en compensation de la décentralisation du revenu minimum d'insertion (RMI) et de la création d'un revenu minimum d'activité (RMA).

Cette définition permettrait par exemple à un gouvernement de supprimer l'ensemble de la fiscalité directe locale et de la remplacer par des parts d'impôts d'Etat, sans accorder aux collectivités territoriales la possibilité d'agir sur l'assiette, les taux ou les tarifs de celles-ci. Votre commission des finances considère qu'une telle hypothèse constituerait, à l'évidence, une atteinte à l'autonomie financière des collectivités territoriales. Elle vous propose donc d' exclure de la définition des ressources propres les parts d'impôts d'Etat sur lesquelles les collectivités territoriales ne disposent d'aucune marge de manoeuvre , en prévoyant que les ressources propres des collectivités territoriales sont constituées, outre des redevances pour services rendus, des produits du domaine, des participations d'urbanisme, des produits financiers et des dons et legs, « du produit des impositions de toutes natures dont la loi les autorise à fixer l'assiette, le taux, ou le tarif ». Cette modification implique de modifier la définition de la « part déterminante » de ces ressources propres dans l'ensemble des ressources des collectivités territoriales prévue par l'article 3 du présent projet de loi organique. En effet, fixer ce seuil au niveau de la part atteinte pour l'année 2003 poserait d'importantes difficultés :

- d'une part, elle ferait en sorte qu'une évolution des dotations plus dynamique que celle des ressources propres conduirait immédiatement à franchir ce seuil. Or, une évolution des ressources propres moins rapide que celle des dotations, dès lors qu'elle ne correspondrait pas à une modification de la structure du financement des collectivités territoriales peut résulter d'une évolution favorable à leur autonomie financière : en effet, l'évolution favorable des dotations est de nature à favoriser une modération de la pression fiscale locale ;

- d'autre part, elle empêcherait, pour les raisons évoquées ci-dessus, le développement de la péréquation, qui constitue désormais un objectif de rang constitutionnel 29 ( * ) ;

- enfin, elle bloquerait toute réforme ultérieure de la fiscalité directe locale, dont les défauts ont été rappelés plus haut.

Votre commission des finances vous propose d'adopter un amendement tendant à prévoir que les ressources propres des collectivités territoriales comprennent, outre les redevances pour services rendus, les produits du domaine, les participations d'urbanisme, les produits financiers et les dons et legs, comme le prévoit le présent article tel qu'adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, le seul produit des impositions de toutes natures dont la loi autorise les collectivités territoriales à fixer l'assiette, le taux, ou le tarif.

Décision de la commission : votre commission émet un avis favorable sur cet article ainsi modifié.

ARTICLE 3

Définition des notions d'« ensemble des ressources » et de « part déterminante »

Commentaire : le présent article tend à définir les notions d'« ensemble des ressources » et de « part déterminante » afin d'établir les modalités de calcul du ratio d'autonomie financière des catégories de collectivités territoriales ainsi que le plancher en dessous duquel ce ratio ne peut descendre.

I. LE CALCUL DE L'ENSEMBLE DES RESSOURCES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Les deux premiers alinéas du présent article prévoient les modalités selon lesquelles seront calculés, par catégorie de collectivités territoriales, les niveaux d'autonomie financière. Il définit « l'ensemble des ressources » - le dénominateur du ratio d'autonomie financière des collectivités territoriales - en énumérant les ressources qui doivent être déduites de la totalité de leurs ressources.

A. LES RÈGLES GÉNÉRALES

Pour chaque catégorie de collectivités, l'ensemble des ressources correspond à la totalité de celles-ci, dont il convient toutefois d'exclure les éléments précisés ci-après.

1. Les emprunts

La capacité des collectivités territoriales d'emprunter constitue, ainsi que cela a été rappelé plus haut, un élément important de leur libre administration et de leur autonomie financière. Toutefois, les recettes d'emprunts ne constituent pas des recettes définitivement acquises dès lors que ces emprunts ont vocation à être remboursés par la suite. Par conséquent, il semblait logique de ne pas les considérer comme des ressources propres des collectivités territoriales, définies à l'article 2 du présent projet de loi organique.

La question pouvait cependant se poser de leur prise en compte dans « l'ensemble des ressources » des collectivités territoriales. Toutefois, cela aurait été à la fois paradoxal et peu utile : en premier lieu, cela aurait contribué à dégrader le ratio d'autonomie financière des collectivités territoriales, alors même que l'on peut considérer que les emprunts participent de l'autonomie financière des collectivités territoriales ; en second lieu, inclure les recettes d'emprunt aurait contribué à troubler la définition du ratio d'autonomie financière, compte tenu de la variabilité de ces recettes. Enfin, dès lors que l'on envisage la problématique de l'autonomie financière des collectivités territoriales sous l'angle des relations de ces dernières avec l'Etat, la prise en compte des recettes d'emprunt ne présente pas d'intérêt.

Le tableau ci-après indique, pour chaque catégorie de collectivités territoriales, l'évolution de la part des emprunts dans leurs recettes totales entre 1998 et 2003.

Part des emprunts dans les recettes totales des collectivités territoriales

(en milliards d'euros)

1998

1999

2000

2001

2002

2003

Communes

Recettes totales

70,08

73,55

75,24

77,05

78,08

80,11

Emprunts

6,04

6,79

7,19

7,32

7,25

7,72

Part des emprunts dans les recettes totales

8,6 %

9,2 %

9,6 %

9,5 %

9,3 %

9,6 %

EPCI à fiscalité propre

Recettes totales

9,46

10,62

13,62

16,82

20,00

23,48

Emprunts

1,05

1,35

1,43

1,22

1,20

1,31

Part des emprunts dans les recettes totales

11,1 %

12,7 %

10,5 %

7,3 %

6,0 %

5,6 %

Départements

Recettes totales

36,41

37,96

38,00

38,96

42,43

45,69

Emprunts

3,11

3,06

2,92

3,51

4,29

4,63

Part des emprunts dans les recettes totales

8,5 %

8,1 %

7,7 %

9,0 %

10,1 %

10,1 %

Régions

Recettes totales

12,12

12,69

12,97

13,71

16,35

17,19

Emprunts

1,14

1,13

1,36

1,76

2,40

2,72

Part des emprunts dans les recettes totales

9,4 %

8,9 %

10,5 %

12,8 %

14,7 %

15,8 %

Source : ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales

2. Les « ressources correspondant au financement par l'Etat des compétences transférées à titre expérimental ou mises en oeuvre par délégation de l'Etat »

La loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République a introduit plusieurs dispositions visant à permettre aux collectivités territoriales de mettre en oeuvre des compétences à titre expérimental :

- d'une part, l'article 37-1 de la Constitution dispose que « la loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental » ;

- d'autre part, le quatrième alinéa de l'article 72 dispose que « dans les conditions prévues par la loi organique 30 ( * ) , et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l'a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences ».

Pour le moment, aucune compétence n'a été transférée à titre expérimental aux collectivités territoriales en application des nouvelles dispositions constitutionnelles précitées. Le projet de loi relatif aux libertés et aux responsabilités locales, adopté en première lecture par le Sénat et actuellement en cours de navette entre les deux assemblées, comporte toutefois plusieurs possibilités d'expérimentation pour les collectivités territoriales et les EPCI. En particulier, il prévoit de déléguer aux collectivités territoriales ou aux établissements publics de coopération intercommunale la responsabilité de la conduite de la politique d'habitat. Le projet prévoit, en outre, de confier aux collectivités ou à leurs groupements, à titre expérimental, la gestion financière de programmes communautaires régionaux, la définition des mesures d'assistance éducative, le financement d'équipements sanitaires, la lutte contre l'habitat insalubre ou la gestion des crédits relatifs aux travaux d'entretien et de restauration des monuments historiques classés et inscrits n'appartenant pas à l'Etat ou à ses établissements publics.

La délégation et les expérimentations que le projet de loi relatif aux libertés et aux responsabilités locales devrait rendre possible interviendront dans un cadre contractuel ; les conditions financières dans lesquelles les collectivités ou leurs groupements seront amenés à exercer les compétences déléguées ou transférées à titre expérimental seront donc définies par convention. Il convient de rappeler que les délégations et les expérimentations prévues par le projet de loi relatif aux libertés et aux responsabilités locales sont à l'initiative des collectivités et de leurs groupements, ce qui rend difficile toute évaluation des charges qui seront transférées dans ce cadre. Toutefois, le gouvernement précise que les sommes en jeu sont « de l'ordre de 530 millions d'euros s'agissant de la politique d'aide à la construction, et de 2,6 milliards d'euros s'agissant des fonds structurels européens ».

Au cours des années récentes, le seul véritable transfert expérimental de compétence mis en oeuvre a concerné les transports collectifs d'intérêt régional, dont l'encadré ci-après rappelle les principales étapes.

Le transfert expérimental des transports collectifs d'intérêt régional

L'article 67 de la loi n° 95-115 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 a prévu d'attribuer aux régions, après une phase d'expérimentation, l'organisation et le financement des transports collectifs d'intérêt régional.

La loi n° 97-135 du 13 février 1997 portant création de l'établissement public « Réseau ferré de France » en vue du renouveau du transport ferroviaire a précisé les caractéristiques essentielles de cette expérimentation. Engagée le 1 er janvier 1997 pour une durée de trois ans, elle a vu ses effets se proroger en application de l'article 21 de la loi n° 99-533 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire du 25 juin 1999 qui prévoit une période transitoire de deux ans au plus.

Sur ces bases, l'expérimentation de la régionalisation des services de voyageurs s'est engagée, à compter du 1 er janvier 1997, dans six régions volontaires (Alsace, Centre, Nord-Pas-de-Calais, Pays de la Loire, Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Rhône-Alpes). Elle a été étendue, au 1er janvier 1999, à une septième région, le Limousin. Ses principes ont été définis en commun : la transparence, la réversibilité, le transfert de compétences sans transfert de charges.

Pendant l'expérimentation, les régions ont assumé pleinement la responsabilité de la définition des services régionaux de voyageurs. Elles ont fait évoluer l'offre en l'ajustant au mieux aux besoins des populations, en liaison avec les autres autorités organisatrices dans leur domaine de compétence respectif, dans le cadre d'un schéma intermodal de transports. Elles ont pu également mettre en place une politique tarifaire spécifique en direction de certaines catégories de clients ou pour certains événements. Pour ce faire, elles ont passé une convention avec la SNCF, exploitant de ces services, et ont dû assumer les financements correspondants.

Pour ces régions, l'expérimentation s'est traduite par un transfert d'une partie de la contribution de l'Etat à l'exploitation des services ferroviaires d'intérêt régional afin que le transfert de charges soit compensé.

La loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains a prévu qu'au 1 er janvier 2002, l'ensemble des régions françaises deviendraient compétentes pour l'organisation et le financement des services ferroviaires régionaux de voyageurs. Autorités organisatrices à part entière, elles auraient la charge de définir le contenu du service public de transport régional de voyageurs et notamment, les dessertes, la tarification, la qualité du service et l'information de l'usager, dans le respect des compétences respectives des autres autorités organisatrices et des principes du système tarifaire national.

Le transfert des compétences s'est accompagné d'une compensation versée par l'Etat aux régions et intégrée à la dotation générale de la décentralisation.

Les premiers enseignements de cette expérimentation paraissent positifs.

Les recompositions de desserte engagées en 1997 dans certaines régions se sont poursuivies en 1998 et il apparaît que la régionalisation s'inscrit bien dans une logique de développement du transport ferroviaire.

Ainsi le trafic a progressé plus vite dans les régions expérimentales que dans les autres régions, augmentant respectivement de 12,1 % (6,3 % pour les autres régions) de 1996 à 1999. Il en a été de même pour les recettes qui ont progressé de 11,7 % sur la même période (6,7 % pour les autres régions).

En 2000, le trafic et les recettes ont affiché une augmentation respectivement de 6,55 % (6,7 % pour les autres régions) et de 6,2 % (6 % pour les autres régions) par rapport à 1999.

De manière générale, il semble que l'expérimentation ait créé un dynamisme nouveau . Des mécanismes de concertation se sont mis en place entre les différents partenaires. Des régions non expérimentales ont manifesté leur volonté de tisser d'ores et déjà des relations nouvelles avec la SNCF et ont conclu avec la SNCF de nouvelles conventions d'exploitation dans l'optique d'une transition vers la régionalisation (Aquitaine, Bourgogne, Haute-Normandie, Lorraine, Midi-Pyrénées, Picardie).

De plus, des efforts importants sont entrepris dans la plupart des régions, expérimentales ou non, pour moderniser ou renouveler le matériel roulant régional . S'agissant de la nouvelle gamme de matériel régional, les premières livraisons de l'automoteur X TER sont intervenues à partir de l'automne 1997 (115 commandes dont 55 pour les régions expérimentales) et la mise en service commercial des automotrices à deux niveaux au début de l'année 1998 (80 TER2N commandées par le Nord Pas-de-Calais, PACA et Rhône-Alpes). Puis à partir de l'année 1999, des autorails TER ont été mis en service (200 commandes dont 98 par les régions expérimentales).

A ces premières acquisitions de nouveaux matériels sont venus s'ajouter, une commande de 22 exemplaires d'une automotrice TER électrique dérivée de l'automoteur TER et deux autres projets visant à acquérir des automotrices à deux niveaux de nouvelle génération ainsi que 100 autorails TER supplémentaires.

En ce qui concerne la tarification les initiatives locales sont multiples : mise en place de tarifications régionales à l'occasion de tel ou tel événement, instauration de tarifications spécifiques pour les étudiants, les chômeurs, ou encore d'un abonnement de travail au-delà de 75 kms (limite fixée pour les abonnements de travail mis en oeuvre à la demande de l'Etat au niveau national)...De même, les tentatives se multiplient pour favoriser la création de tarifications multimodales permettant de circuler sur le réseau TER et le réseau des transports urbains et assurant ainsi une meilleure complémentarité entre modes.

Source : ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales

S'agissant des procédures d'expérimentation des transferts de compétences ou de la délégation de compétences, il s'agit de dispositions temporaires et largement encadrées, la Constitution précisant qu'elles ne peuvent être mises en oeuvre que « pour un objet et une durée limitée ». Par conséquent, il apparaît logique, à l'instar des emprunts, de ne pas tenir compte des ressources attribuées aux collectivités territoriales et à leurs groupements au titre des procédures précitées pour mesurer leur niveau d'autonomie financière.

3. Les « transferts financiers entre collectivités d'une même catégorie »

Les transferts financiers entre collectivités locales sont les fonds de concours, les subventions et les partages de fiscalité effectués en application de la loi n° 80-10 du 10 janvier 1980 portant aménagement de la fiscalité directe locale.

Ces transferts financiers entre collectivités d'une même catégorie sont, dans leur ensemble, exclus des ressources propres et de la totalité de leurs ressources, afin d'éviter les doubles comptes. En effet, si le présent article n'opérait pas cette clarification, les ressources pourraient être prises en compte une première fois au titre des ressources de la collectivité territoriale qui procède au transfert des ressources, et une seconde fois au titre de la collectivité territoriale bénéficiaire.

B. LE CAS PARTICULIER DES RELATIONS FINANCIÈRES ENTRE LES COMMUNES ET LEURS EPCI

Le dernier alinéa de l'article 2 du présent projet de loi organique dispose que « pour la catégorie des communes, les ressources propres sont augmentées du montant de celles qui, mentionnées au premier alinéa, bénéficient aux établissements publics de coopération intercommunale ».

Par cohérence avec cette disposition, le deuxième alinéa du présent article propose d'ajouter à la totalité des ressources des communes calculées selon les règles générales exposées plus haut, celles dont bénéficient les établissements publics de coopération intercommunales, calculées selon les mêmes règles. Toutefois, afin d'éviter les doubles comptes, les transferts financiers entre les collectivités territoriales et les EPCI (il s'agit, pour l'essentiel, de l'attribution de compensation et de la dotation de solidarité communautaire, ainsi que des fonds de concours) viennent minorer le montant de l'ensemble des ressources. En effet, ces ressources sont d'ores et déjà comptabilisées dans les ressources des EPCI.

II. L'APPRÉCIATION DE LA PART DÉTERMINANTE DES RESSOURCES PROPRES POUR CHAQUE CATÉGORIE DE COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Le dernier alinéa du présent article définit ce qui est considéré, pour chaque catégorie de collectivités territoriales, comme une part déterminante de ressources propres dans l'ensemble des ressources.

La première phrase de cet alinéa dispose que « pour chaque catégorie, la part des ressources propres est déterminante, au sens de l'article 72-2 de la Constitution, lorsqu'elle garantit la libre administration des collectivités territoriales relevant de cette catégorie, compte tenu des compétences qui leur sont confiées ». Cette expression reprend la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel lorsque celui-ci a été amené à apprécier si la réduction de certaines ressources fiscales portait ou non atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales. Elle précise, toutefois, que cet examen doit tenir compte de l'importance des compétences confiées à chaque catégorie de collectivités territoriales.

On rappellera que le Conseil constitutionnel a toujours considéré, jusqu'à présent, que les réformes fiscales intervenues (et en particulier, à l'occasion de la suppression d'impôts et de parts d'impôts locaux et de leur remplacement par des dotations) n'entravaient pas la libre administration des collectivités territoriales. En particulier, à l'occasion de la suppression partielle de la taxe différentielle sur les véhicules à moteur par l'article 6 de la loi n° 2000-1352 du 30 décembre 2000 portant loi de finances pour 2001, le Conseil constitutionnel avait considéré, dans sa décision n° 2000-442 DC du 28 décembre 2000, que « (...) les dispositions critiquées, si elles réduisent encore la part des recettes fiscales des collectivités territoriales dans l'ensemble de leurs ressources, n'ont pour effet ni de restreindre la part de ces recettes ni de diminuer les ressources globales des collectivités concernées au point d'entraver leur libre administration ; qu'en particulier, en contrepartie des pertes de recettes des départements et de la collectivité territoriale de Corse résultant des nouvelles exonérations de taxe, l'article 6 prévoit, à la charge de l'Etat, une compensation indexée à partir de 2002 sur la dotation globale de fonctionnement ;

« Considérant qu'il résulte de ce qui précède que doivent être rejetés les griefs dirigés contre l'article 6 de la loi déférée ».

La dernière phrase du présent article constitue l'élément réellement novateur par rapport à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, en disposant que la part des ressources propres de chaque catégorie de collectivités territoriales ne peut être inférieure au niveau constaté en 2003. Cette disposition est réellement normative : elle signifie que les taux d'autonomie financière ne pourront, à l'avenir, se situer en deçà de ce niveau, alors même que la jurisprudence du Conseil constitutionnel pourrait considérer qu'une nouvelle dégradation de ces taux n'était pas de nature à entraver la libre administration des collectivités territoriales.

Toutefois, le Conseil constitutionnel pourra continuer à exercer un contrôle sur des dispositions législatives au titre de la libre administration des collectivités territoriales, afin de vérifier si celles-ci affectent ou non l'autonomie financière des collectivités territoriales, et ce, même si ces dispositions ne conduisent pas à ramener le taux constaté en dessous du taux de référence de l'année 2003. Par conséquent, le Conseil constitutionnel demeurera parfaitement fondé à disjoindre une mesure qui ne conduirait pas à abaisser la part des impositions de toutes natures et des autres ressources propres dans l'ensemble des ressources sous le « plancher » correspondant à l'année 2003, mais porterait néanmoins atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales.

S'agissant du respect du taux « plancher » d'autonomie financière correspondant à l'année 2003, le Conseil constitutionnel pourrait :

- soit avoir une lecture stricte qui le conduirait à disjoindre toute mesure aboutissant à repasser sous le seuil de 2003 ;

- soit disjoindre toute mesure aboutissant manifestement à repasser sous ce seuil ;

- soit avoir une lecture souple du dispositif, qui le conduirait à prendre en compte le dispositif prévu à l'article 4 du présent projet de loi organique. Il se contenterait alors d'une réserve interprétative soulignant que des mesures correctrices devront être prises.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel pourra être saisi quant au respect de l'article 4 du présent projet de loi organique, à l'occasion d'une loi de finances de la deuxième année suivant celle où le constat d'un passage en dessous des taux établis pour l'année 2003 a été fait.

Le Conseil constitutionnel sera alors amené à vérifier que les dispositions prises par le gouvernement permettent le rétablissement effectif, au niveau de 2003, de la part des impositions de toutes natures et des autres ressources propres dans l'ensemble des ressources.

Les tableaux ci-après détaillent, pour chaque catégorie de collectivités territoriales, l'évolution de la part de leurs ressources propres dans l'ensemble de leurs ressources, entre 1998 et 2003.

Autonomie financière du secteur communal : simulations 2003 selon plusieurs hypothèses

(en milliards d'euros)

Communes + groupements

1998

1999

2000

2001

2002

2003 provisoire

Recettes totales

78,83

83,35

86,07

89,61

92,08

96,59

Emprunts

7,09

8,14

8,61

8,54

8,45

9,03

Recettes totales hors emprunts

71,74

75,21

77,46

81,07

83,63

87,56

Recettes fiscales hors compensations

36,20

36,79

37,18

37,88

38,58

40,23

dont produit 4 taxes

31,23

31,46

31,92

31,68

32,02

Autres ressources propres

7,94

8,01

8,45

8,72

8,71

8,78

dont Produits des services et du domaine

3,61

3,73

3,88

4,07

4,25

dont Cessions d'immobilisations

0,90

1,18

1,22

1,30

1,16

dont Produits de gestion courante

2,06

2,06

2,17

2,16

2,24

Total des ressources propres

44,14

44,81

45,63

46,60

47,30

49,01

Recettes propres / Recettes totales hors emprunts

61,5%

59,6%

58,9%

57,5%

56,6%

56,0%

Addition des communes et des groupements avec neutralisation des reversements fiscaux.

Données les plus récentes disponibles fin mai 2004

Source : ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales

Autonomie financière des départements : simulations 2003 selon plusieurs hypothèses

(en milliards d'euros)

Départements

1998

1999

2000

2001

2002

2003
provisoire

Recettes totales

36,41

37,96

38,00

38,96

42,43

45,69

Emprunts

3,11

3,06

2,92

3,51

4,29

4,63

Recettes totales hors emprunts

33,30

34,91

35,09

35,45

38,14

41,06

Recettes fiscales hors compensations

19,85

19,80

19,64

19,09

19,80

21,07

dont produit 4 taxes

13,54

13,66

13,85

13,80

14,21

15,10

Autres ressources propres

2,53

2,62

2,60

2,50

2,48

2,50

Produit des services et du domaine

1,76

1,76

1,70

1,74

1,61

Cessions d'immobilisations

0,08

0,09

0,12

0,08

0,10

Total des ressources propres

22,37

22,41

22,24

21,59

22,28

23,57

Recettes propres / Recettes totales hors emprunts

67,2 %

64,2 %

63,4 %

60,9 %

58,4 %

57,4 %

Source DGCL et DGCP

Données les plus récentes disponibles fin mai 2004

Source : ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales

Autonomie financière des régions : simulations 2004 selon plusieurs hypothèses

(en milliards d'euros)

Régions

1998

1999

2000

2001

2002

2003
provisoire

Recettes totales

12,12

12,69

12,97

13,71

16,35

17,19

Emprunts

1,14

1,13

1,36

1,76

2,40

2,72

Recettes totales hors emprunts

10,99

11,55

11,61

11,94

13,95

14,47

Recettes fiscales hors compensations

6,33

5,63

5,83

5,00

5,08

5,02

dont produit 4 taxes

3,78

3,80

3,95

3,09

3,02

3,06

Autres ressources propres

0,25

0,19

0,20

0,18

0,23

0,20

Total des ressources propres

6,58

5,81

6,03

5,18

5,31

5,22

Recettes propres / Recettes totales hors emprunts

59,9 %

50,3 %

51,9 %

43,4 %

38,1 %

36,1 %

Source DGCL et DGCP

Données les plus récentes disponibles fin mai 2004

Source : ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales

Le tableau ci-après indique, de manière moins détaillée que les précédents, la part attendue des ressources propres dans l'ensemble des ressources des différentes catégories de collectivités territoriales, à l'issue des transferts de compétences prévus par le projet de loi relatif aux libertés et aux responsabilités locales, actuellement en cours de navette entre les deux assemblées. On notera que les chiffres mentionnés dans ce tableau partent de l'hypothèse que les fractions de tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TIPP) attribuées aux départements et aux régions constituent des ressources propres. Or, la définition des ressources propres que votre commission des finances vous propose de retenir diverge sur ce point : si les fractions de TIPP qui devraient être attribuées aux régions au titre des transferts de compétence prévues par le projet de loi relatif aux libertés et aux responsabilité locales constitueraient bien des ressources propres dès lors que les régions pourraient en moduler les tarifs 31 ( * ) , tel ne serait pas le cas, selon la définition donnée par votre commission des ressources propres, s'agissant de la fraction attribuée aux départements.

Part des ressources propres dans l'ensemble des ressources de chaque catégorie de collectivités territoriale à l'issue des transferts de compétences prévus dans le cadre de « l'acte II » de la décentralisation

Année

1998

1999

2000

2001

2002

2003 provisoire

2003 provisoire après transferts de compétences

Communes et groupements à fiscalité propre

Recettes propres/Recettes totales hors emprunts

55,5 %

53,9 %

53 %

51,8 %

51,2 %

54,6 %

54,6 %

Départements

Recettes propres/Recettes totales hors emprunts

59,8 %

57 %

56,2 %

54,1 %

52,1 %

51,4 %

58,7 %

Régions

Recettes propres/ recettes totales hors emprunts

57,7 %

48,7 %

50,3 %

41,9 %

36,4 %

35,7 %

46,4 %

Source : ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre commission des finances vous propose d'adopter deux amendements au présent article :

- le premier est une précision de nature technique . Il vise à exclure de la définition de l'ensemble des ressources des collectivités territoriales non seulement les financements correspondant aux procédures d'expérimentation des transferts de compétences ou de la délégation de compétences, mais également les financements résultant des délégations de compétence pouvant être accordées par une collectivité relevant d'une catégorie à une collectivité d'une catégorie différente, afin d'éviter les « doubles comptes » ;

- le second tire les conséquences de la définition des ressources propres proposée par votre commission des finances à l'article 2 du présent projet de loi organique, en fixant la part déterminante des ressources propres à 33 % de l'ensemble des ressources des collectivités territoriales, pour chaque catégorie . Ce seuil résulte de la volonté de votre commission des finances ainsi que de votre commission des lois de concilier le souci de garantir aux collectivités territoriale une autonomie fiscale suffisante pour assurer leur autonomie financière , et celui de permettre un développement de la péréquation et la mise en oeuvre de réformes ultérieures de la fiscalité locale .

Décision de la commission : votre commission émet un avis favorable sur cet article ainsi modifié.

ARTICLE 4

Mécanisme de mise en oeuvre de la garantie

Commentaire : afin d'assurer la mise en oeuvre de la garantie financière prévue à l'article 3 du présent projet de loi organique, le présent article propose d'instaurer une obligation de communication annuelle au Parlement du montant de la part de ressources propres dans les ressources des collectivités territoriales, ainsi qu'une obligation, en cas de diminution de cette part, de prise de mesures correctrices en loi de finances.

I. LE TEXTE PROPOSÉ PAR LE GOUVERNEMENT

Le présent article a pour objet d'assurer la mise en oeuvre de la garantie financière prévue par l'article 3 du présent projet de loi organique.

On rappelle que, selon l'article 3 précité, pour chaque catégorie de collectivités territoriales, la part des ressources propres « ne peut être inférieure au niveau constaté au titre de l'année 2003 ».

A. L'INFORMATION DU PARLEMENT

Le premier alinéa du présent article prévoit que le gouvernement transmet au Parlement, pour une année n , au plus tard le 1 er septembre de l'année n+2 , un rapport faisant apparaître, pour chaque catégorie de collectivités, la part des ressources propres.

Le gouvernement indique, dans l'exposé des motifs du présent projet de loi organique, que ce délai maximal de deux ans est nécessaire pour recueillir et consolider les données chiffrées. En effet, l'article L. 1612-12 du code général des collectivités territoriales prévoit que le vote de l'organe délibérant arrêtant les comptes doit intervenir au plus tard le 30 juin de l'année n + 1 . Le compte administratif doit ensuite être transféré au préfet, au plus tard 15 jours après la date limite du 30 juin, à des fins de contrôle. Il n'est transmis qu'ensuite à l'administration centrale pour l'exploitation des données et le calcul du ratio. La transmission des informations au Parlement l'année n+1 se heurterait donc à des difficultés techniques.

En revanche, il serait possible d'avancer la remise de ce rapport du 1 er septembre au 1 er juin de l'année n+2 . Votre commission des finances vous propose donc un amendement en ce sens.

B. LA MISE EN oeUVRE DE LA GARANTIE PAR LA LOI DE FINANCES

1. Un contrôle constitutionnel l'année n+4

Le second alinéa du présent article prévoit que si, pour une catégorie de collectivités territoriales, « la part des ressources propres ne répond pas aux règles fixées à l'article 3 » précité, les dispositions nécessaires sont arrêtées, au plus tard, par « la loi de finances pour la deuxième année suivant celle où ce constat a été fait » 32 ( * ) .

Compte tenu du délai de 2 ans fixé par le premier alinéa du présent article pour la réalisation de ce constat, cela correspond à l'année n+4 . Ce délai s'explique par la nécessité de laisser au gouvernement suffisamment de latitude pour décider des mesures à prendre. A défaut de telles dispositions, la loi de finances de l'année n+4 serait donc censurée par le Conseil constitutionnel.

2. Des dispositions qui concernent, en pratique, surtout les régions

En pratique, le présent article aurait pour principal effet, à moyen terme, d'enrayer la diminution de la part des ressources propres dans le cas des régions , comme l'indique le graphique ci-après. On rappellera toutefois que ces dernières devraient bénéficier d'une part de TIPP modulable en compensation des transferts de compétences prévus par le projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales, ce qui devrait entraîner une augmentation significative de leur ratio d'autonomie financière.

La part des ressources propres dans les ressources des collectivités territoriales

(en %)

Source : informations transmises par le gouvernement dans le cadre de la discussion du présent projet de loi organique

II. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de sa commission des lois, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable du gouvernement, un amendement selon lequel la loi de finances concernée est non « la loi de finances initiale de la troisième année suivant celle où ce constat a été fait », mais « la loi de finances pour la deuxième année suivant celle où ce constat a été fait ». Ainsi :

- le délai maximal entre le constat que la part des ressources propres ne répond pas aux règles fixées à l'article 3 du présent projet de loi et la prise de mesures appropriées en loi de finances a été réduit de 3 ans à 2 ans ;

- les mesures correctrices ne doivent pas nécessairement figurer en loi de finances initiale .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DOIT APPLIQUER STRICTEMENT LE PRÉSENT ARTICLE

Le Conseil constitutionnel devra adopter une interprétation stricte du présent article, afin d'éviter que celui-ci ne conduise à un affaiblissement du contrôle de constitutionnalité dans le cas de l'autonomie financière des collectivités territoriales. La règle selon laquelle la part des ressources propres ne doit pas passer en dessous de son niveau de 2003 est en effet ambiguë .

1. L'absence d'ambiguïté dans le cas d'une évolution « endogène » de la part des ressources propres

L'obligation de mesure correctrice en loi de finances peut concerner un passage de la part des ressources propres en dessous de son niveau de l'année 2003 qui ne proviendrait pas d'une disposition législative particulière . Dans ce cas, le second alinéa du présent article renforcerait le contrôle de constitutionnalité, dans la mesure où il imposerait l'obligation de corriger cette diminution dans le cadre d'une loi de finances, au plus tard 4 ans après celle-ci.

2. Le contrôle de constitutionnalité est-il renforcé ou affaibli dans le cas d'un passage en dessous du plancher de 2003 provenant d'une disposition législative particulière ?

La situation est moins nette dans le cas d'un passage de la part des ressources propres en dessous de son niveau de l'année 2003 provenant d'une disposition législative particulière .

Selon le gouvernement, le Conseil constitutionnel pourrait alors avoir « une lecture stricte , qui le conduirait à disjoindre toute mesure aboutissant à repasser sous le seuil 2003 ». Telle est l'interprétation retenue par la commission des finances de l'Assemblée nationale, qui estime qu'« il ne fait pas de doute qu'une fois adoptée la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités locales, le Conseil constitutionnel censurera une disposition dont il serait saisi qui dégraderait jusqu'à un niveau inférieur à la valeur plancher de 2003, le taux d'autonomie financière d'une catégorie de collectivités locales établi selon les modalités précisées par cette loi » 33 ( * ) . Dans ce cas, le présent article renforcerait le contrôle de constitutionnalité.

Cependant, selon les informations obtenues par votre rapporteur pour avis auprès du gouvernement, ce dernier estime également possible que le Conseil constitutionnel se contente dans un tel cas d'une « réserve interprétative soulignant que des mesures correctives devront être prises conformément au dispositif de l'article 4 » précité. Le présent article assouplirait alors le contrôle de constitutionnalité dans le cas de l'autonomie financière des collectivités territoriales, puisqu'une atteinte à cette autonomie serait permise, dès lors qu'elle serait transitoire.

Votre commission des finances estime que la première interprétation doit prévaloir. En effet, dans le cas contraire un gouvernement pourrait adopter une disposition réduisant la part des ressources propres, laissant à la majorité suivante le soin de prendre les mesures correctrices. Ce serait aller à l'encontre de l'autonomie financière des collectivités territoriales, mais aussi de la responsabilité de l'exécutif.

3. A terme, la notion de libre administration des collectivités territoriales pourrait-elle conduire à la reconnaissance d'un « effet de cliquet » ?

Un enjeu important est l'interprétation que le Conseil constitutionnel fera de la notion de libre administration des collectivités territoriales.

En effet, selon les informations obtenues par votre rapporteur pour avis auprès du gouvernement, le Conseil constitutionnel continuera à exercer un contrôle au titre de la libre administration des collectivités territoriales 34 ( * ) , même si les mesures concernées ne conduisent pas à ramener le taux constaté en dessous du taux 2003 de référence.

Dès lors, il serait envisageable que le Conseil constitutionnel considère qu'une disposition tendant à entraîner une diminution de la part des ressources propres, ou à passer en dessous d'un certain seuil fixé à un niveau supérieur à celui de l'année 2003, serait contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales. Il en découlerait l'existence d'un effet de cliquet, la part des ressources propres des collectivités territoriales ne pouvant, une année donnée, qu'être stable ou augmenter.

Comme le souligne la commission des finances de l'Assemblée nationale, une telle éventualité ne correspondrait pas à la jurisprudence actuelle du Conseil constitutionnel. Elle estime néanmoins que s' « il est vrai que le texte proposé par le gouvernement invite peut-être le Conseil constitutionnel à modifier son analyse quant au niveau de la part déterminante permettant le respect de la libre administration des collectivités territoriales, « compte tenu des compétences qui leur sont confiées » , il ne semble pas que cette précision puisse dans un avenir prévisible modifier le caractère opérationnel des valeurs planchers constatées pour 2003, s'agissant du respect de la règle prévue par le troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution » 35 ( * ) .

B. LES MODIFICATIONS PROPOSÉES PAR VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre commission des finances vous propose d'apporter plusieurs modifications au présent article.

1. La modification de certaines dispositions relatives au rapport au Parlement

Deux de ces modifications concernent le rapport au Parlement.

Tout d'abord, ainsi que ceci a été indiqué, il semble souhaitable d' avancer du 1 er septembre au 1 er juin de la deuxième année suivant l'année de référence, le délai de remise du rapport au Parlement. Les comptes administratifs des collectivités territoriales d'une année donnée sont votés au plus tard le 30 juin de l'année suivante. Le gouvernement disposera donc d'un délai raisonnable pour collecter les informations et établir son rapport.

Ensuite, il serait utile de préciser que le rapport au Parlement devra non seulement présenter le taux d'autonomie financière de chaque catégorie de collectivités territoriales, mais également ses modalités de calcul et son évolution.

2. La nécessité d'une amélioration rédactionnelle en ce qui concerne le type de loi de finances dans laquelle les mesures correctrices doivent être prises

Votre commission des finances s'interroge en outre sur la clarté du texte adopté par l'Assemblée nationale s'agissant du type de loi de finances au sein de laquelle les mesures correctrices doivent être prises.

On rappelle que, dans le texte adopté par l'Assemblée nationale, les mesures correctives sont arrêtées, au plus tard, par « la loi de finances pour la deuxième année suivant celle où ce constat a été fait ». Selon les informations transmises par le gouvernement à votre rapporteur pour avis, « le texte adopté par l'Assemblée nationale fait référence à la loi de finances sans distinction entre la loi de finances initiale et la loi de finances rectificative ». Cependant, le recours à l'article « la », qui suppose l'existence d'une unique « loi de finances pour la deuxième année », nuit à la lisibilité du présent article.

Aussi votre commission des finances vous propose-t-elle un amendement rédactionnel , tendant à remplacer l'article « la » par l'article « une ».

Décision de la commission : votre commission émet un avis favorable sur cet article ainsi modifié.

* 6 On rappellera que le premier alinéa de l'article 74 de la Constitution dispose que « les collectivités d'outre-mer régies par le présent article ont un statut qui tient compte des intérêts propres de chacune d'elles au sein de la République ».

* 7 Pour mémoire, l'article L. 1711-1 du code général des collectivités territoriales a prévu, s'agissant de Mayotte, que « la référence au département ou à la région est remplacée par la référence à la collectivité départementale (...) ».

* 8 Pour mémoire, l'article L. 4421-2 du code général des collectivités territoriale a prévu que « la collectivité territoriale de Corse est substituée à la région de Corse dans tous ses droits et obligations ».

* 9 Pour mémoire, la première phrase de cet alinéa dispose que « le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal Officiel, peut décider de consulter les électeurs d'une collectivité territoriale située outre-mer sur une question relative à son organisation, à ses compétences ou à son régime législatif ».

* 10 L'article L. 1612-4 du code général des collectivités territoriales dispose que « le budget de la collectivité territoriale est en équilibre réel lorsque la section de fonctionnement et la section d'investissement sont respectivement votées en équilibre, les recettes et les dépenses ayant été évaluées de façon sincère, et lorsque le prélèvement sur les recettes de la section de fonctionnement au profit de la section d'investissement, ajouté aux recettes propres de cette section, à l'exclusion du produit des emprunts, et éventuellement, aux dotations des comptes d'amortissements et de provisions, fournit des ressources suffisantes pour couvrir le remboursement en capital des annuités d'emprunt à échoir au cours de l'exercice ».

* 11 Robert Herzog, « L'ambigüe constitutionnalisation des finances locales », AJDA, 24 mars 2003, page 548.

* 12 L'expression de « ressource propre » qui est utilisée pour désigner les recettes fiscales des collectivités locales constitue un excès de langage. En effet, la notion de ressource propre implique certaines compétences dont ne dispose les collectivités locales françaises. Elles ne peuvent ni créer un impôt, ni aménager discrétionnairement leurs assiettes. Ces compétences sont réservées au Parlement conformément au principe de légalité fiscale consacré à l'article 34 de la Constitution.

* 13 J-P. Ferrand, le pouvoir fiscal des autorités locales, Thèse Université Aix-Marseille, mars 1992.

* 14 C'est ce qu'a d'ailleurs affirmé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 6 mai 1991 à propos du vote des taux des quatre taxes locales. Il a précisé que « dans l'exercice de sa compétence fiscale, le législateur n'est pas tenu de laisser à chaque collectivité territoriale la possibilité de déterminer seule le montant de ses impôts locaux ».

* 15 In « L'autonomie fiscale des collectivités locales, un combat perdu ? », Petites affiches n° 253, 19 décembre 2002, page 4.

* 16 Voir les décisions du Conseil constitutionnel, notamment n° 90-277 DC du 25 juillet 1990, qui permet au législateur de fixer les limites à l'intérieur desquelles une assemblée territoriale est habilitée à déterminer le taux d'une imposition. Et le juge n'a jamais évoqué d'office l'inconstitutionnalité des dispositions relatives à la fiscalité locale dans les nombreuses lois qui lui étaient soumises, notamment les lois de finances.

* 17 Les assemblées votaient un nombre de centimes ou un produit fiscal pour équilibrer le budget à partir desquels l'administration calculait le tarif applicable aux contribuables. Le vote direct des taux n'a été établi que par la loi du 10 janvier 1980. Beaucoup d'impôts locaux étaient représentés comme des « taxes », dont le caractère fiscal était atténué par une contrepartie plus ou moins immédiate (enlèvement des ordures ménagères, etc.). Au surplus, tant que le budget et les décisions fiscales étaient approuvés par le représentant de l'Etat, le pouvoir final appartenait à celui-ci.

* 18 op. cit. pages 554-555.

* 19 Décision n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003, considérant 23.

* 20 Pour mémoire, le quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution dispose que « tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ».

* 21 Il s'agit ici du montant de la TIPP tel qu'il aurait résulté du transfert d'une quote-part portant sur un montant de 2,5 milliards d'euros en 1993, et non du produit total de la TIPP.

* 22 Une collectivité ne peut procéder au dégrèvement à son initiative, ce qui constituerait une rupture d'égalité devant l'impôt et l'exposerait à la censure du juge administratif.

* 23 Rapport n° 71 (2003-2004): « La taxe d'habitation est-elle encore un impôt local ? ».

* 24 Le plafonnement de la cotisation de taxe professionnelle, prévu par l'article 1647 B sexies du code général des impôts, prévoit notamment que « pour les impositions établies au titre de 1999 et des années suivantes, le taux de plafonnement est fixé à 3,5 % pour les entreprises dont les chiffre d'affaires de l'année au titre de laquelle le plafonnement est demandé est inférieur à 21.350.000 euros, à 3,8 % pour celles dont le chiffre d'affaires est compris entre 21.350.000 euros et 76.225.000 euros et à 4 % pour celles dont le chiffre d'affaires excède cette dernière limite ».

* 25 Compte rendu intégral des débats - 2 ème séance du jeudi 13 mai 2004.

* 26 Compte rendu intégral des débats - 3 ème séance du jeudi 13 mai 2004.

* 27 S'agissant des départements et des régions, un « matelas » de ressources propres supplémentaires par rapport à l'année 2003 le permettrait, du fait de la compensation des transferts de compétence organisés par les lois de finances pour 2004 (RMI-RMA) et 2005 (projet de loi relatif aux libertés et aux responsabilités locales). Tel n'est toutefois pas le cas pour les communes et leurs EPCI.

* 28 Le 2° de l'article L. 332-6-1 du code de l'urbanisme comprend :

« a) La participation pour raccordement à l'égout prévue à l'article L. 35-4 du code de santé publique ;

b) La participation destinée à la réalisation de parcs publics de stationnement prévue au troisième alinéa de l'article L. 421-3 ;

c) La participation spécifique pour la réalisation d'équipements publics exceptionnels prévue à l'article L. 332-8 ;

d) La participation pour voirie et réseaux prévue à l'article L. 332-11-1 ;

e) Les cessions gratuites de terrains destinés à être affectés à certains usages publics qui, dans la limite de 10 % de la superficie du terrain auquel s'applique la demande, peuvent être exigées des bénéficiaires d'autorisations portant sur la création de nouveaux bâtiments ou de nouvelles surfaces construites ».

* 29 Pour mémoire, le dernier alinéa de l'article 72-2 de la Constitution dispose que « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales ».

* 30 Il s'agit de la loi organique n° 2003-704 du 1 er août 2003 relative à l'expérimentation par les collectivités territoriales.

* 31 Sur ce point, d'après les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, la modulation des tarifs ne devrait être autorisée par l'Union européenne que pour les carburants vendus à des particuliers ; à défaut, cela créerait une distorsion de concurrence qui ne serait pas conforme aux règles communautaires.

* 32 Et non par « la loi de finances initiale de la troisième année suivant celle où ce constat a été fait », comme le prévoyait le texte initial.

* 33 Rapport pour avis n° 1546 (XII ème législature) de notre collègue député Gilles Carrez, rapporteur général du budget, page 46.

* 34 On rappelle que selon l'article 72 de la Constitution, « dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences ».

* 35 Rapport pour avis précité de notre collègue député Gilles Carrez, rapporteur général du budget, page 40.

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