III. LA RECHERCHE DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER DE L'ASSURANCE MALADIE À L'HORIZON 2007
De manière liminaire, il convient de souligner que l'équilibre financier prévisionnel de l'assurance maladie à l'horizon 2007, proposé par le présent projet de loi, est subordonné à une modification en profondeur des comportements de tous les acteurs de santé, et apparaît, de ce fait, soumis à aléas .
En outre, le chiffrage des économies permises par les mesures contenues dans le présent projet de loi, fournies par le ministère de la santé et de la protection sociale, ont pu être contestées par diverses sources, au premier rang desquelles la direction du budget et la direction de la prévision et de l'analyse économique du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
A. L'IMPACT FINANCIER DU PRÉSENT PROJET DE LOI
Ainsi que l'a indiqué M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie lors de l'examen du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, « selon le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, le déficit est dû pour les deux tiers à des facteurs structurels et pour un tiers à des motifs conjoncturels. En réduisant les dépenses de 10 milliards d'euros et en augmentant les recettes de 5 milliards d'euros, le gouvernement a suivi la même logique, la seule légitime aux yeux du Haut conseil ».
1. L'économie générale des mesures contenues dans le présent projet de loi
L'économie générale des mesures contenues dans le présent projet de loi, à la fois en termes de maîtrise médicalisée des dépenses de santé et d'augmentation des recettes, est retracée dans le tableau ci-après.
Impact financier de la réforme en 2007
(en milliards d'euros)
1. Offre de soins |
Rendement |
Commentaire |
Maîtrise médicalisée |
3,50 |
Dossier médical personnel (article 2), qualité des soins pour les ALD (article 3), médecin traitant (article t4), qualité et évaluation des pratiques professionnelles (articles 7-9), bon usage du médicament (article 18) liquidation médicalisée (article 10), renforcement des contrôles et des sanctions (articles 13-16) + mesures non législatives (décrets, organisation des caisses, contenu des conventions) |
Produits de santé |
2,30 |
Développement des génériques (art 17), taux K et taxation (articles 42 et 43) + mesures non législatives (notamment développement des TFR, politique de prix du CEPS...) |
Hôpital (hors revalorisation du forfait journalier) |
1,60 |
Pas de traduction législative (modernisation de la gestion hospitalière, politique d'achat...) |
Amélioration de la gestion des indemnités journalières |
0,80 |
Renforcement des outils de contrôle (articles 14-15-16) et de la politique mise en oeuvre par la CNAMTS |
Systématisation du recours contre tiers |
0,30 |
Traduction législative dans la LFSS 2004 |
Economies sur les frais financiers (reprise de la dette par la CADES) |
1,10 |
Transfert de dette (article 45) |
Diminution des coûts de gestion de la CNAMTS |
0,20 |
Pas de traduction législative - dans la convention d'objectifs et de gestion Etat/CNAMTS |
Total Offre de soins |
9,80 |
|
2. Participation de l'usager |
Rendement |
Commentaire |
Contribution de 1 € par acte |
0,70 |
Article 11 |
Revalorisation du forfait journalier hospitalier |
0,30 |
Pas de nature législatif |
Total participation de l'usager |
1,00 |
|
3. Volet recettes |
Rendement |
Commentaire |
Transfert d'une partie du droit de consommations sur les tabacs de l'Etat à la CNAMTS |
1,00 |
Article 39 |
Création d'une contribution additionnelle à la C3S |
0,90 |
Article 44 |
Relèvement de la CSG : - élargissement de l'assiette de la CSG des actifs - relèvement de 0,4 point du taux de CSG des retraités imposables - relèvement de 0,7 point du taux sur les revenus du patrimoine - augmentation de 2 points du taux de CSG sur les jeux |
1,00 0,60 0,60 0,10 |
Article 41 |
Total volet recettes |
4,20 |
|
Total des mesures |
15,00 |
|
Source : ministère de la santé et de la protection sociale
Lors de l'examen du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, le secrétaire d'Etat à l'assurance maladie a détaillé le montant des économies attendues s'agissant notamment des mesures de maîtrise médicalisée des dépenses de santé :
- 800 millions d'euros d'économies par an grâce à la promotion du bon usage du médicament par le biais du déploiement des logiciels d'aide à la prescription, de campagnes d'information et d'une mobilisation du service médical, soit 1,6 milliard d'euros d'ici 2007 ;
- 800 millions d'euros d'économies d'ici 2007 grâce au développement des référentiels de bonne pratique et à la mise en oeuvre de la liquidation médicalisée par les caisses d'assurance maladie ;
- 1 milliard d'euros d'économies d'ici 2007 grâce aux mesures de coordination des soins (dossier médical personnel, médecin traitant et rapprochement entre la ville et l'hôpital).
Toutefois, certaines mesures, incluses dans le chiffrage global du ministère de la santé et de la protection sociale, n'ont pas de traduction financière dans le présent projet de loi : il s'agit par exemple de la rationalisation de la politique d'achat de l'hôpital, de la modernisation de la gestion du réseau des caisses d'assurance maladie ou encore de l'optimisation du rendement des recours contre tiers.
En outre, deux mesures représentant 2,1 milliards d'euros sont neutres pour les finances publiques prises dans leur ensemble. Il s'agit du transfert de 1 milliard d'euros du produit du droit de consommation sur les tabacs du budget général vers la CNAMTS d'une part, et des économies réalisées sur les frais financiers liés à la reprise de dette par la CADES.
2. Les incertitudes relatives à l'impact financier du présent projet de loi
a) Les incertitudes exprimées par les services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie
Dans une note conjointe, adressée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie le 10 juin 2004, et communiquée à votre commission des finances le 6 juillet 2004, le directeur du budget et le directeur de la prévision et de l'analyse économique du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie indiquent que, d'après leurs prévisions, le rendement des mesures de redressement contenues dans le présent projet de loi peut être évalué à environ 8 milliards d'euros à l'horizon 2007 .
Il convient de préciser que ces prévisions n'incluent aucun effet modérateur sur le nombre de consultations lié à l'instauration d'une contribution forfaitaire à la charge des assurés pour chaque acte de soins ou prestation, fixée par décret, vraisemblablement à un euro, car la note considère que cette contribution ne serait pas d'ordre public, des contrats d'assurance complémentaire pouvant toujours la rembourser, malgré le mécanisme désincitatif introduit à l'article 32 du présent projet de loi.
En outre, d'après la note précitée, le cadrage financier associé au présent projet de loi, pour ce qui concerne les économies, repose sur des hypothèses de changement des comportements dont l'incidence financière est difficile à évaluer .
En particulier, les économies liées à la gestion du risque supposent une diminution sensible de l'activité des professionnels de santé ainsi qu'une réduction des prescriptions. Elles impliquent également que les mesures de maîtrise médicalisée des dépenses de santé (notamment la possibilité de fixation du niveau de remboursement en fonction du respect de protocoles de soins et les sanctions à l'encontre des pratiques abusives) soient mises en oeuvre avec rapidité et détermination. De même, les économies sur les indemnités journalières supposent une action très volontariste.
La note précitée insiste également sur le fait que des volets importants du plan affichent des objectifs qui ne sont pas étayés par des mesures précises, en particulier sur le médicament ou les établissements de santé .
Ainsi, il apparaît, d'après les prévisions des services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, que, toutes administrations publiques confondues, une fois neutralisées les mesures de transferts, sans incidence en termes de besoin de financements, l'impact de la réforme peut être estimé à environ 0,15 point de PIB en 2005 et environ 0,3 point de PIB en 2007, à comparer avec les 0,4 point de PIB en 2005 et 0,7 point de PIB en 2007 introduits dans le programme de stabilité transmis à Bruxelles fin 2003.
Source : direction du
budget et direction de la prévision et de l'analyse économique du
ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, note du
10 juin 2004
Votre rapporteur pour avis, qui s'exprime au nom de votre commission des finances, ne peut que marquer de l'intérêt pour les arguments développés conjointement par la direction du budget et la direction de la prévision et de l'analyse économique du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Il estime en effet que la modification des comportements, qui conditionne la réussite de cette réforme structurelle basée sur une responsabilisation des acteurs du système, peut être plus lente que ne l'envisage le présent projet de loi. Mais il importe de fixer un objectif volontariste, c'est le rôle du politique.
b) Des précisions chiffrées
En outre, il convient d'apporter des précisions supplémentaires s'agissant des dépenses nouvelles induites par le présent projet de loi tel qu'adopté par l'Assemblée nationale et qui n'avaient pu être chiffrées, à ce stade, par les services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
D'après les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, les dispositions du présent projet de loi issues de l'examen à l'Assemblée nationale pourraient notamment engendrer les coûts mentionnés dans le tableau ci-dessous.
Estimation du coût de certaines mesures nouvelles non encore évaluées
(en millions d'euros)
Mesures du projet de loi |
Coût estimé en 2007 |
Article 8 ter : aide à la souscription d'une assurance pour les médecins exerçant en établissements de santé et qui sont engagés dans une procédure d'accréditation ou accrédités |
45 à 50 |
Article 12 : contrôle de l'utilisation de la carte vitale - photographie obligatoire à compter du prochain renouvellement de la carte ; - relevé annuel récapitulant l'ensemble des prestations médicales dont a bénéficié chaque assuré social |
35 20 à 25 |
Article 19 : création de la Haute autorité de santé Coût de fonctionnement annuel |
20 |
Article 35 : création de l'Institut des données de santé Coût de fonctionnement annuel |
0,3 |
Mesures nouvelles ayant un coût non estimé |
|
Article 5 : dépassement d'honoraires de certains médecins spécialistes Coût induit pour l'assurance maladie en termes d'augmentation des frais de prise en charge des cotisations sociales dues par les professionnels de santé au titre de leurs honoraires |
? |
Article 8 bis : création d'un Observatoire des risques médicaux |
? |