C. DES MESURES ALLANT DANS LE SENS DU RENFORCEMENT DU CONTRÔLE MÉDICAL DE L'ASSURANCE MALADIE ET DE LA SANCTION DES PRATIQUES ABUSIVES
1. Un meilleur contrôle de l'utilisation de la carte Vitale
Si la carte Vitale, comme le note l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), « a des avantages indéniables, puisqu'elle contribue à la rapidité du règlement, la sécurité du support et de la transmission, et à la productivité de la liquidation » 19 ( * ) , elle présente certaines faiblesses au regard des risques de fraude.
L'IGAS a ainsi relevé dans sa note d'étape précitée que le nombre de cartes en circulation était trop élevé par rapport au nombre de personnes qui devraient bénéficier de ces cartes : il y aurait ainsi 60 millions de cartes en circulation, soit 10 millions de cartes en trop. L'IGAS note, en outre, que la carte Vitale ne permet pas de connaître l'étendue des droits des assurés, ni de s'assurer de leur identité. Ces faiblesses entraînent un risque de fraude, auquel l'article 12 du présent projet de loi entend répondre.
Les risques de fraude liés à la carte Vitale
Les risques liés aux cartes en surnombre
Les risques théoriques sont élevés. Les cartes en surnombre sont toujours valides, puisqu'il a été décidé lors du déploiement de ne pas leur conférer une date de fin de validité (contrairement à la carte bancaire). Même lorsqu'elles sont recensées dans le système de gestion (SGCAM) comme étant perdues, volées, dénoncées ou invalides, le paiement de prestations reste possible. Plus précisément, en cas d'anomalie de la carte, le système d'information des caisses ne rejette le paiement que s'il est destiné à l'assurés 20 ( * ) . En cas de tiers payant (2/3 des soins de ville), l'anomalie ne déclenche qu'un simple « signalement ». Certaines caisses traitent manuellement tous les signalements, d'autres non. Mais la garantie de paiement accordée au professionnel de santé fait que celui-ci est dans tous les cas payé. Les professionnels de santé (notamment les pharmaciens) n'ont pas encore connaissance de la liste d'opposition, et ne peuvent donc savoir s'il y a lieu de facturer ou non.
Mais les risques réels sont limités. Dans les faits, les cartes Vitale non récupérées sont rarement utilisées. Selon les données des caisses, seules 250.000 d'entre elles ont été utilisées au moins une fois pour signer une FSE après avoir été enregistrées sur la liste d'opposition. Il faudrait ajouter à ce chiffre le nombre de cartes non récupérées utilisées pour des paiements hors Sésam Vitale, mais il n'est pas connu puisque ces flux ne sont pas signés.
En outre, l'utilisation d'une carte en surnombre n'est pas forcément une fraude. Lorsqu'un assuré a reçu plusieurs cartes, parce qu'il a changé de régime, de région, ou est pluri-actif, il est indifférent qu'il utilise l'une ou l'autre 21 ( * ) . Il reste qu'avoir plusieurs cartes en facilite le prêt voire la revente.
Les risques liées à l'ensemble des cartes en circulation
L'utilisation par un assuré social d'une carte d'un autre assuré n'est pas, dans tous les cas, une fraude. Du moment que les soins sont réels et la facture unique, l'assurance maladie ne subit pas de préjudice. Qu'il s'agisse des 10 millions de cartes en trop ou des 50 millions de cartes correctement attribuées, il n'y a fraude que dans trois cas (qui correspondent à des cas réels signalés à la mission) :
- la carte est utilisée par une personne qui n'est pas assurée sociale en France (touriste, membre de la famille de passage en France, expatrié...) ;
- la carte est utilisées par un assuré social qui a des droits moins élevés que ceux de la carte qu'il a « empruntée » (ex. carte CMUc ou ALD utilisée par un assuré n'y ayant pas droit) ;
- un professionnel de santé utilise la carte qui lui a été confiée par un assuré pour générer des flux correspondant à des prestations fictives (qui seront indétectables par les caisses).
Source : IGAS, Note d'étape sur les risques liés à la carte Vitale
Le III de cet article modifie l'article L. 162-21 du code de la sécurité sociale, qui pose le principe de la couverture des frais de traitement de l'assuré dans les établissements de soins de toute nature autorisés à dispenser des soins aux assurés sociaux. Il prévoit ainsi que dans ces établissements de santé, un assuré peut se voir demander d'attester de son identité à l'occasion des soins qui lui sont dispensés, en produisant un titre d'identité comportant sa photographie. L'Assemblée nationale a précisé, sur proposition de notre collègue député Philippe Vitel, que cette attestation d'identité se ferait auprès des services administratifs, et non des médecins.
Cette disposition présente le mérite d'être simple, sûre et de ne pas être coûteuse. Les conditions dans lesquelles interviendront les services administratifs mériteront toutefois d'être précisées. Par ailleurs, on peut s'interroger sur la restriction de la possibilité de demande d'attestation d'identité au seul champ des établissements de santé. S'il a été indiqué au cours des débats à l'Assemblée nationale que cette mesure ne serait pas appliquée par les médecins, la distinction opérée peut surprendre, et ce d'autant plus que de nouvelles dispositions ont été adoptées s'agissant de la personnalisation de la carte Vitale.
L'exposé des motifs de l'article 12 indiquait que des dispositions réglementaires prévoiraient la présence de la photographie sur le document lors du renouvellement des cartes vitales, en 2006. Le ministre de la santé et de la protection sociale, M. Philippe Douste-Blazy, a en outre précisé que les nouvelles cartes Vitale comprendraient également des éléments de biométrie, afin de les transformer en « véritables cartes d'identité de santé des assurés ».
L'Assemblée nationale a toutefois adopté deux amendements de nos collègues députés Yves Bur et Jean-Michel Dubernard inscrivant dans le présent projet de loi l'apposition d'une photographie sur la carte Vitale à l'occasion de leur prochain renouvellement.
Un débat avait déjà eu lieu à ce sujet au moment de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004. Votre rapporteur pour avis avait alors considéré cette modification comme inopportune , les éléments d'information dont il disposait à l'époque évaluant le coût de ce dispositif entre 200 et 400 millions d'euros. Il avait également estimé que sa mise en oeuvre serait source de complexité et qu'elle était inutile dans la mesure où il suffisait de demander au titulaire de la carte Vitale de présenter une pièce d'identité pour éviter tout risque d'utilisation frauduleuse de cette carte électronique. Cette analyse avait conduit votre rapporteur pour avis à proposer la suppression de la disposition prévoyant une photographie sur la carte Vitale au moment de la discussion de ce texte.
Les analyses ont depuis lors été approfondies, notamment par l'IGAS, qui a évalué que le surcoût de l'apposition d'une photographie sur la carte vitale serait compris entre 35 millions d'euros et 160 millions d'euros si cette apposition intervenait lors du prochain renouvellement généralisé des cartes, ainsi que le montre le tableau suivant.
Le surcoût lié à l'apposition d'une photographie sur la carte Vitale
Surcoût par carte de l'apposition de la photographie (en euros) |
Face-à-face |
Envoi par l'assuré |
Numérisation photo |
0,2 |
0,2 |
Personnalisation |
0,5 |
0,5 |
Face à face (5 minutes par assuré) |
2,5 |
- |
Total |
3,2 |
0,7 |
Surcoût pour l'assurance maladie (pour le parc de 50 millions de cartes, en millions d'euros) |
|
|
Source : IGAS, note d'étape sur les risques liés à la carte vitale, 23 avril 2004
Lors de la discussion de cet article à l'Assemblée nationale, M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie, a indiqué que le gouvernement retiendrait les mesures permettant de limiter le coût de cette opération à 35 millions d'euros. Cela signifie donc que la solution retenue sera celle reposant sur l'envoi de la photographie par l'assuré, et non celle consistant à demander à l'assuré de se rendre à un guichet pour effectuer cette opération.
Votre rapporteur pour avis observe que la disposition adoptée par l'Assemblée nationale relève du domaine réglementaire 22 ( * ) , mais que le gouvernement, qui avait fait part de sa volonté d'agir en ce sens, ne s'est pas opposé à son adoption. Dès lors, et dans la mesure où le coût de l'opération demeure limité à 35 millions d'euros, votre rapporteur pour avis est favorable à cette mesure, qui sera probablement plus opérationnelle que la simple possibilité de demander au patient d'attester de son identité. Il convient toutefois de relever que l'inscription de données biométriques, qui restent à préciser, devrait renchérir encore, dans des proportions importantes, le coût des futures cartes Vitale.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a par ailleurs, à l'initiative de notre collègue députée Claude Greff, complété l'article L. 161-31 du code de la sécurité sociale en indiquant que la carte Vitale était valable partout en France et tout au long de la vie de son titulaire, sous réserve que la personne bénéficie de prestations au titre d'un régime d'assurance maladie et des mises à jour concernant changement de régime ou des conditions de prise en charge. Il est en outre précisé qu'elle est délivrée gratuitement à l'assuré et qu'elle est remplacée par son organisme d'affiliation en cas de vol, de perte ou de dysfonctionnement. Cette disposition tend à renforcer le parallèle entre la carte d'identité et la carte Vitale, conçue comme une « carte d'identité de santé ».
* 19 IGAS, mission d'évaluation des risques de fraude à l'assurance maladie, note d'étape sur les risques liés à la carte vitale, 23 avril 2004.
* 20 Le premier passage d'une carte dénoncée, perdue ou volée sort un simple signalement (non bloquant) et classe la carte dans la liste de cartes dites frauduleuses ou abusives (liste d'opposition) ; le 2 ème paiement est bloqué.
* 21 Sous réserve de l'imputation des prestations au bon régime
* 22 L'article L. 161-31 du code de la sécurité sociale dispose en effet que « le contenu de la carte, les modalités d'identification de son titulaire et ses modes de délivrance, de renouvellement, de mise à jour et d'utilisation sont fixés par décret en Conseil d'Etat ».