3. Un renforcement du contrôle des prescripteurs de transports ou d'arrêts de travail
L'article 14 du présent projet de loi prévoit le renforcement du contrôle des prescripteurs de frais de transports ou d'arrêts de travail.
S'agissant des dépenses d'indemnités journalières, l'Inspection générale des finances (IGF) et l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) ont constaté que le comportement des assurés et des prescripteurs avait probablement joué un rôle important dans la vive croissance constatée des dépenses, comme le retrace le tableau qui suit, et mis en évidence la très grande disparité dans les dépenses, le nombre d'indemnités journalières par salarié occupé variant de 1 à 2,5 selon les départements.
L'augmentation annuelle des dépenses d'indemnités journalières maladie (toutes durées)
IJ maladie |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
2002/1997 |
En date d'arrêt |
+ 8,8 % |
+ 4,2 % |
+ 8,8 % |
+ 7,5 % |
+ 10,1 % |
+ 46 % |
En date de paiement |
+ 6,6 % |
+ 5,2 % |
+ 7,0 % |
+ 8,0 % |
+ 13,3 % |
+ 46,8 % |
Source : IGF-IGAS, les dépenses d'indemnités journalières, octobre 2003
Au total, le montant des dépenses d'indemnités journalières s'élevait à 5,1 milliards d'euros en 2002 pour l'assurance maladie dans le régime général, pour 200 millions de journées maladies indemnisées au titre de 6,7 millions d'arrêts de travail. La commission des comptes de la sécurité sociale a relevé, dans son rapport de juin 2004, que les indemnités journalières conservaient en 2003 une croissance rapide, en dépit d'une décélration.
Le rapport de la CNAMTS sur l'exécution de l'ONDAM 2003 relève que, dans le cadre d'un plan de contrôle ciblé, 55.000 assurés ont été contrôlés en 2003 : les médecins conseils ont donné un avis défavorable à la poursuite de l'arrêt de travail pour 22 % d'entre eux.
L'IGF et l'IGAS relèvent dans leur rapport précité que « le niveau et l'évolution des dépenses sont d'autant plus soumis aux comportements que ceux-ci sont peu encadrés. Les textes sont interprétés largement ; les procédures de contrôle sont compliquées à l'envi ; les sanctions contre les médecins sont inexistantes. Les acteurs sont donc déresponsabilisés et les contrôles désarmés ».
On rappellera que, en application de l'article L. 162-4-1 du code de la sécurité sociale, les médecins sont tenus de mentionner sur les documents destinés au service du contrôle médical :
- lorsqu'ils établissent une prescription d'arrêt de travail donnant lieu à l'octroi d'une indemnité journalière, les éléments d'ordre médical justifiant l'interruption de travail ;
- lorsqu'ils établissent une prescription de transport en vue d'un remboursement, les éléments d'ordre médical précisant le motif du déplacement et justifiant le mode de transport prescrit.
Ils sont en outre tenus de porter sur ces documents les indications permettant leur identification par la caisse et l'authentification de leur prescription.
Toutefois, comme le relève l'exposé des motifs du présent projet de loi, la législation actuelle ne permet pas à l'assurance maladie d'intervenir efficacement lorsqu'elle constate une utilisation abusive des prescriptions d'arrêts de travail ou de transport, notamment lorsqu'une pratique très supérieure à la moyenne de l'activité normale de ces prescriptions est détectée ou lorsqu'une prescription injustifiée est constatée.
Dans leur rapport précité, l'IGF et l'IGAS relèvent ainsi que les actions envers les prescripteurs sont très réduites, voire inexistantes, en dehors de la contribution au remboursement d'indus rendue possible dans certains cas 24 ( * ) .
La procédure de sanction financière à l'encontre des médecins auteurs d'actes ou de prescriptions irrégulières, instaurée par l'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996, avait en effet été supprimée par l'article 29 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.
Dès lors, la seule procédure existant dans le droit actuel à l'encontre des prescripteurs est la traduction des intéressés devant la section des assurances sociales du conseil de l'ordre des médecins, pour ce qui relève de l'article L. 145-1 du code de la sécurité sociale. Il s'agit toutefois d'une procédure longue, en particulier en cas d'appel : l'appel d'une décision du conseil de l'ordre suspend en effet l'exécution de la sanction prononcée à l'encontre du médecin, alors que les indemnités journalières d'un assuré sont toujours supprimées en cas d'appel, dans l'attente de la décision définitive. En outre, l'IGF et l'IGAS notent que cette procédure, connue et employée par les caisses primaires d'assurance maladie et les médecins conseils, ne répond pas souvent aux attentes des contrôleurs.
C'est la raison pour laquelle l'article 14 du présent projet de loi, qui prévoit l'insertion d'un nouvel article L. 162-1-15 dans le code de la sécurité sociale, propose de renforcer le contrôle des arrêts de travail et de la couverture des frais de transports prescrits.
a) La subordination de la couverture des frais de transport ou du versement des indemnités journalières à l'accord préalable du service du contrôle médical
Cet article permet ainsi au directeur de la caisse locale d'assurance maladie de subordonner la couverture des frais de transports ou le versement des indemnités journalières à l'accord préalable du service du contrôle médical, pour une durée maximale de six mois, dès lors que ses services constatent :
- le non-respect par le médecin des conditions prévues par les 2° et 5° de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale 25 ( * ) ;
- un nombre ou une durée de prescriptions d'arrêts de travail prescrits par le médecin et ouvrant droit au versement d'indemnités journalières significativement supérieurs aux données moyennes constatées, pour une activité comparable, pour les médecins exerçant dans le ressort de la même union régionale de caisses d'assurance maladie (URCAM) ;
- un nombre de prescriptions de transports significativement supérieur à la moyenne des prescriptions de transports constatée, pour une activité comparable, pour les médecins exerçant dans le ressort de la même URCAM.
Il est cependant que prévu que, en cas d'urgence attestée par le médecin prescripteur, l'accord préalable de l'organisme débiteur des prestations n'est pas requis pour la prise en charge des frais de transport.
En outre, afin de garantir les droits de la défense et de s'assurer du bien-fondé de cette décision, il est prévu que la décision du directeur de la caisse intervient uniquement, d'une part, après que le médecin a été mis en mesure de présenter ses observations et, d'autre part, après avis de la commission composée et constituée au sein de l'organisme local d'assurance maladie, prévue par l'article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale inséré par l'article 13 du présent projet de loi, qui précise que des professionnels de santé prennent part à cette commission dès lors que la pénalité est prononcée à l'encontre d'un professionnel de santé.
* 24 L'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale prévoit que, en cas d'inobservation de la nomenclature générale des actes professionnels, de la nomenclature des actes de biologie médicale, du tarif interministériel des prestations sanitaires, des règles de tarification des frais de transport, l'organisme de prise en charge recouvre l'indu correspondant auprès du professionnel concerné. Il en est de même en cas de facturation en vue du remboursement, par les organismes d'assurance maladie, d'un acte non effectué, de facturation d'un dispositif médical ou de frais de transport non conforme à la prescription.
* 25 Le 2° de cet article précise que l'assurance maladie comporte « la couverture des frais de transport de l'assuré ou des ayants droit se trouvant dans l'obligation de se déplacer pour recevoir les soins ou subir les examens appropriés à leur état ainsi que pour se soumettre à un contrôle prescrit en application de la législation de sécurité sociale ». Le 5° de cet article dispose que l'assurance maladie comporte « l'octroi d'indemnités journalières à l'assuré qui se trouve dans l'incapacité physique constatée par le médecin traitant (...) de continuer ou de reprendre le travail ; l'incapacité peut être également constatée, dans les mêmes conditions, par la sage-femme dans la limite de sa compétence professionnelle et pour une durée fixée par décret ; toutefois, les arrêts de travail prescrits à l'occasion d'une cure thermale ne donnent pas lieu à indemnité journalière, sauf lorsque la situation de l'intéressé le justifie suivant des conditions fixées par décret ».