III. LE RÉSEAU DES ESPACES RÉGLEMENTÉS ET LA POLITIQUE DES PAYSAGES : QUELLE PLACE DANS LE PROJET DE BUDGET POUR 2005 ?

Créées afin de contribuer à la conservation « de la faune, de la flore, du sol, des eaux, des gisements de minéraux et de fossiles et, en général, du milieu naturel », lorsque ce dernier revêt « une importance particulière ou qu'il convient de (le) soustraire à toute intervention artificielle susceptible de (le) dégrader » ( article L. 332-1 du code de l'environnement ), les réserves naturelles participent activement à la lutte contre la dégradation de la biodiversité et à la préservation des milieux naturels.

Les parcs nationaux , dont les gestionnaires assument la tache difficile de protéger la nature tout en favorisant le développement d'activités compatibles avec cet objectif et l'accueil des visiteurs, font partie du réseau d'espaces réglementés au service de la préservation des sites.

Chargé de la sauvegarde de l'espace littoral, du respect des sites naturels et du maintien de l'équilibre écologique, le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres gère aujourd'hui, après une politique d'acquisition active, 10 % du linéaire côtier français.

Interrogée l'année dernière sur la baisse (de 8 % par rapport à 2003) dans le projet de loi de finances 2004 des crédits consacrés à l'entretien et à l'extension du réseau d'espaces protégés, la ministre de l'écologie et du développement durable avait annoncé que 2004 serait une année de réflexion, permettant notamment l'élaboration d'une stratégie nationale en faveur de la biodiversité et la présentation d'un projet de loi sur la rénovation du patrimoine naturel.

Un an après, votre rapporteur tient à s'assurer qu'une part des 75,60 millions d'euros consacrés dans le projet de loi de finances pour 2005 à la mise en oeuvre de la Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) bénéficiera au réseau d'espaces réglementés et aux acteurs de la politique de protection des monuments naturels et des sites, qui ont durement souffert du gel des crédits d'investissement en 2003 et 2004 ainsi que du retard pris par l'Etat pour honorer ses engagements, concernant le versement des sommes correspondant aux autorisations de paiement.

L'examen du projet de loi de finances 2005 montre des évolutions contrastées : alors que les dotations allouées aux parcs nationaux et aux sites classés sont en baisse, en revanche, les réserves naturelles profitent d'une augmentation de crédits de 12 %, portant leur dotation à 12,9 millions d'euros , ce dont votre rapporteur ne peut que se réjouir.

La politique du paysage semble être la grande « sacrifiée » du budget 2005, puisque, pour la troisième année consécutive, les moyens disponibles sont en baisse (-50 % de crédits de paiement par rapport à 2004).

A. LE RÉSEAU DES ESPACES RÉGLEMENTÉS AU TITRE DE LA NATURE ET DES PAYSAGES : LA PRIORITÉ AUX RÉSERVES NATURELLES

Le ministère de l'écologie et du développement durable met en oeuvre sa politique de protection, de gestion et de réhabilitation du patrimoine naturel, des sites et des paysages, notamment par l'intermédiaire d'un réseau d'espaces réglementés, gérés par :

• les réserves naturelles nationales ( article L. 332-1 du code de l'environnement ) ;

• les parcs nationaux ( article L. 331-1 du code de l'environnement ) ;

• le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ( article L. 322-1 du code de l'environnement ).

La politique de protection et de réhabilitation des sites et paysages (articles L. 341-1, L. 342-1 du code de l'environnement) vise, par ailleurs, à protéger les sites dont la conservation ou la préservation présente, au point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, un intérêt général.

Les crédits consacrés au réseau d'espaces protégés dans le projet de loi de finances pour 2005 s'élèvent à 67 millions d'euros , répartis comme suit :

(en millions d'euros)

Réseau d'espaces protégés

Rappel
LFI 2003

LFI 2004

PLF 2005

Evolution 2004/2005

Dépenses ordinaires (DO)

46,49

45,77

46,99

+2,7%

Crédits de paiement (CP)

31,39

25,82

20,26

-21,5%

DO + CP

77,87

71,58

67,25

-6,0%

Autorisations de programme (AP)

37,12

34,01

28,58

-16,0%

(en millions d'euros)

Si l'enveloppe globale inscrite au projet de loi de finances pour 2005 est, par conséquent, en recul de 6 % par rapport à 2004 (DO+CP), cette diminution n'est ni homogène ni générale : le ministère a procédé à des arbitrages, -qui ont abouti à privilégier les réserves naturelles, ces dernières bénéficiant d'une enveloppe budgétaire en hausse-, au détriment des parcs nationaux et des sites classés, dont les crédits sont en diminution.

1. Les réserves naturelles : des crédits en hausse destinés en priorité au « désendettement » et aux réserves existantes.

Votre rapporteur ne peut qu'exprimer sa satisfaction face à la décision du ministère d'octroyer des marges financières plus importantes aux gestionnaires des réserves naturelles.

Un déplacement dans les réserves des ballons des Vosges et de la petite Camargue alsacienne a en effet permis de mesurer l'ampleur des difficultés financières dans lesquelles ces gestionnaires ont été placés, faute d'attribution de crédits d'investissement au cours des deux dernières années.

Depuis trois ans, en effet, alors que le nombre de réserves a augmenté (150 fin 2000, 154 en 2004), le budget des réserves naturelles n'a cessé de diminuer, comme le montre le tableau suivant :

ÉVOLUTION DES SUBVENTIONS VERSÉES
AUX RÉSERVES NATURELLES NATIONALES

(en millions d'euros)

(en millions d'euros)

LFI 2002

LFI 2003

LFI 2004

Évolution LFI 2002/ LFI 2003

Évolution LFI 2003/ LFI 2004

Fonctionnement

10,56

10,21

9,84

-3,3 %

-3,6 %

Crédits de paiement (CP)

1,14

1,73

1,73

+ 51,8 %

0 %

Autorisations de programme (AP)

3,69

2,74

2,14

-25,8 %

-21,9 %

(source : ministère de l'écologie et du développement durable)

a) Les données budgétaires

Constituées de « parties du territoire d'une ou plusieurs communes » qui, sur le fondement de l'article L. 332-1 du code de l'environnement, sont classées par décret, pour assurer « la conservation d'éléments naturels d'intérêt national, ou la mise en oeuvre d'une réglementation communautaire, ou d'une obligation résultant d'une convention internationale », les réserves naturelles nationales , au nombre de 154 en août 2004 , protégent 540 858 hectares, sur terre et en mer, ce qui représente 0,7% du territoire national.

Si les collectivités locales ou les organismes intéressés sont systématiquement associés aux dépenses liées à l'accueil de public là où il est possible, les recettes des réserves naturelles proviennent essentiellement du budget de l'Etat , en conformité avec leur nature d'espaces reconnus d'intérêt national, international ou communautaire.

Ces crédits sont répartis comme suit dans le projet de loi de finances pour 2005 :

ÉVOLUTION DES SUBVENTIONS VERSÉES
AUX RÉSERVES NATURELLES NATIONALES

(en millions d'euros)

Réserves naturelles nationales

LFI 2004

PLF 2005

Évolution en  %

Dépenses ordinaires (DO)

9,84

10,7

+8%

Crédits de paiement (CP)

1,73

2,6

+51,8%

DO + CP

11,56

12,9

+11,6 %

Autorisations de programme (AP)

2,14

2,73

+27,5 %

(source : ministère de l'écologie et du développement durable)

2005 marque par conséquent le retour à la croissance des subventions de fonctionnement , -dont on peut remarquer qu'elles sont revenues à leur niveau de 2003-, tandis que les crédits d'investissement doublent quasiment en moyens de paiement et bénéficient d'une hausse sensible en moyens d'engagement.

Il convient de rappeler que le budget de fonctionnement des réserves naturelles est consacré en majeure partie -de l'ordre de 73 %- au financement des salaires des personnels qui assurent les missions de protection, de gestion écologique, d'animation ou d'étude.

Or, force est de constater qu'aujourd'hui, les réserves disposent de moyens humains insuffisants pour permettre aux gestionnaires de mener à bien et de manière pérenne la mission d'intérêt général qui leur a été confiée.

Ainsi, près de la moitié des réserves naturelles nationales dispose de moins de 2 emplois « en équivalent temps plein » pour fonctionner , alors même que la réglementation rend obligatoire la présence d'un conservateur et d'un garde.

La situation de certaines réserves est particulièrement critique : c'est la cas de la Falaise du Cap Romain, dont le budget n'est pas suffisamment doté pour financer un seul poste, alors même que les dégradations sont quotidiennes, ou des réserves de Guyane, qui disposent de moyens humains ridicules par rapport à leur taille et à leurs enjeux.

Au vu de l'importance et de l'étendue des missions assumées par les personnel des réserves : -mission de surveillance et de police de la nature, mission de restauration et de gestion Conservatoire du patrimoine, mission d'éducation à l'environnement des scolaires et d'accueil du public, mission d'animation de la concertation avec les populations locales et de participation au développement durable des territoires-, votre rapporteur a pu, à plusieurs reprises, alerter les services du ministère sur le fait qu'il n'était pas acceptable que le personnel affecté aux réserves continue d'être insuffisant , et, pour plus d'un quart, employé en contrat précaire.

Votre rapporteur sera, par conséquent, particulièrement attentif à ce les réserves qui sont dans les situations les plus difficiles soient dotées prioritairement.

Le budget d'investissement, par ailleurs finance principalement les études nécessaires à la préparation et à l'évaluation des plans de gestion, l'achat d'équipement et de matériels, et des travaux de génie écologique et ne sert qu'exceptionnellement à l'achat de terrains.

Le ministère ayant indiqué que ces montants prenaient en compte les créations et extensions de réserves, votre rapporteur s'est inquiété de savoir quelle part des crédits était destinée aux réserves existantes.

Si, en effet, la hausse de l'enveloppe budgétaire ne devait servir à financer que de nouvelles réserves, -sachant notamment qu'un projet de réserve est en cours en Guyane, à Mont Grand Matoury, couvrant une superficie de 2 700 hectares- la totalité de l'augmentation pourrait être absorbée par les créations, au détriment des réserves actuelles.

En réponse à cette interrogation, le ministère de l'écologie et du développement durable a fait savoir que les fonds serviraient prioritairement, d'une part, à acquitter les engagements de l'Etat s'agissant des autorisations de paiement disponibles, non couvertes par des crédits de paiement, et, d'autre part, à financer les besoins des réserves existantes.

b) L'exemple de trois réserves naturelles : des hommes engagés au quotidien dans la lutte contre la dégradation du patrimoine naturel.

A l'échelle des territoires, les réserves naturelles sont fréquemment les éléments moteurs d'un dispositif plus large d'aménagement du territoire et de développement durable.

Pour cela, leur gestion, nécessairement conçue dans une perspective à très long terme, s'inscrit régulièrement dans des démarches de projets participatifs, en lien avec les acteurs locaux.

L'opportunité qui a été donnée à votre rapporteur de suivre le parcours d'un des animateurs de la réserve du Grand-Ventron, au coeur du parc naturel régional des Ballons des Vosges, lui a permis d'apprécier le travail de terrain au quotidien de ces hommes, engagés, avec l'ensemble des populations locales, -qu'ils soutiennent, informent et accompagnent-, dans le développement durable des territoires dont ils ont la charge.

Aussi, si la principale caractéristique des réserves naturelles nationales réside bien dans la diversité :

- du patrimoine naturel recouvert : de la forêt guyanaise aux forêts tempérées, des zones humides aux îlots marins, des couches fossilifères jusqu'aux sommets enneigés ;

- des espèces menacées qui y sont protégées (82 % des espèces menacés de mammifères en France, 79 % des oiseaux, 83 % des poissons, 86 % des amphibiens, 91 % des reptiles, 37 % des insectes, 22 % des espèces végétales) ;

- des propriétaires du foncier (44 % appartiennent au domaine public maritime, 17 % au domaine privé de l'Etat, 27 % aux collectivités territoriales et 12 % à des propriétaires privés) ;

- des gestionnaires (54 % sont des associations, 27 % des collectivités, 18 % des établissements publics) ;

- et des missions qui leur sont confiées : protéger, gérer, sensibiliser les populations, faire découvrir... ;

il semble pourtant à votre rapporteur qu' elles ont en commun de reposer sur l'investissement continu de quelques hommes, qui effectuent un travail sans relâche pour mobiliser les élus, les chercheurs, les populations et l'ensemble de l'opinion publique à la cause du patrimoine naturel .

C'est en effet ce qui est ressorti du déplacement au coeur des réserves de la Petite Camargue alsacienne et du massif du grand Ventron, au cours duquel votre rapporteur a pu estimer la richesse des projets respectivement développés par chacun des gestionnaires.

• La réserve naturelle Petite Camargue alsacienne : aider la nature à regagner du terrain.

Dans un contexte périurbain et transnational (500 000 habitants, à 5 km de la Suisse et de l'Allemagne), la réserve naturelle de la Petite Camargue alsacienne a été créée en 1982 sur 120 hectares en périphérie de ville, dans l'ancienne zone à tresse du Rhin.

Le fleuve aujourd'hui canalisé n'inonde plus la plaine, mais une zone humide persiste grâce à la proximité de la nappe phréatique.

La réserve naturelle abrite donc une grande diversité de milieux secs et humides juxtaposés : les pelouses sèches accueillent vingt espèces d'orchidées, les prairies humides l'Azuré de la sanguisorbe, les roselières l'unique station de Blongios nain en Alsace et les forêts naturelles six espèces de pics nicheurs.

Le gestionnaire de la réserve est l'association Petite Camargue alsacienne. Les élus des trois communes d'assise (Saint-Louis, Rosenau et Village-Neuf) sont membres actifs de l'association, qui met actuellement en oeuvre le second plan de gestion de la réserve et se trouve confrontée à deux problèmes historiques : d'une part, l'atterrissement et le boisement progressif des zones de marais depuis la canalisation du Rhin, d'autre part, l'agriculture intensive qui gagne les zones traditionnelles de prairie, en périphérie de la réserve naturelle.

Au cours de la visite que votre rapporteur a pu effectuer, il lui est apparu qu'une des réussites de la Petite Camargue alsacienne résidait dans la conciliation de la conservation des richesses biologiques avec l'ouverture du site, largement fréquenté.

La réserve se présente ainsi comme un site protégé ouvert au public.

D'une part, votre rapporteur a pu rencontrer l'équipe de naturalistes et de scientifiques à qui a été confiée l'élaboration de projets de conservation de la diversité de la faune et de la flore.

D'autre part, il a pu profiter de la richesse des parcours balisés, permettant à un public nombreux de cheminer sur trois sentiers, équipés de panneaux d'interprétation et pourvus d'observatoires qui jalonnent les parcours.

Ainsi, il a pu visiter l'exposition permanente « Mémoire du Rhin », qui décline sur 400 m 2 l'incroyable histoire des rebellions et de la domestication du fleuve ainsi que de la protection de ses richesses en Petite Camargue et admirer la restauration de l'ancienne pisciculture de Huningue, première pisciculture industrielle d'Europe bâtie en 1860 afin d'endiguer le dépeuplement des cours d'eau de France et d'Europe.

Protéger les milieux naturels, équilibrer les usages, développer une véritable conscience écologique grâce à l'implication forte des élus locaux, c'est l'ensemble de ces enjeux que relève la Petite Camargue alsacienne, véritable laboratoire et lieu de mémoire au sein de son territoire.

• La réserve naturelle du massif du grand Ventron : la mobilisation de l'ensemble des acteurs locaux au service du développement harmonieux du massif vosgien.

La réserve naturelle du Grand Ventron, au coeur du massif des Vosges, est gérée par le Parc du Ballon des Vosges, dans le cadre d'une « Charte » qui définit quatre objectifs :

- protéger et mettre en valeur les Hautes-Vosges et leurs versants boisés ;

- maintenir des paysages ouverts et des espaces de qualité ;

- soutenir le développement économique en valorisant les patrimoines ;

- contribuer au développement culturel.

203 communes, 4 départements, 3 régions regroupés dans le syndicat mixte du Parc naturel régional des Ballons des Vosges, ainsi que des membres « associés » (chambres d'agriculture, villes portes et Office national de forêts), décident des actions et collaborent à la définition des priorités du parc.

Votre rapporteur a été frappé par la disponibilité et l'engagement des personnels de la réserve, qui déploient tout leur savoir-faire et leur capacité d'écoute pour faire vivre la montagne, tout en préservant sa beauté.

Il a constaté que la concertation entre les différents points de vue était systématiquement recherchée, sur les projets d'aménagement, de protection des sites ou de développement économique.

La réserve naturelle du Grand Ventron prouve ainsi, si c'était nécessaire, que la mise en place d'une réserve n'aboutit pas à mettre la nature « sous cloche », mais au contraire contribue à en valoriser les richesses, naturelles, touristiques, mais aussi économiques.

Plus de 500 agriculteurs se sont ainsi engagés avec le Parc à sauvegarder les paysages et les milieux naturels tout en développant leur activité.

Votre rapporteur a pu se rendre compte, dans une « ferme témoin », de l'importance du label « parc » et « réserve naturelle » pour le soutien à la promotion des produits agricoles et artisanaux, qui passe par l'organisation de rencontres à la ferme et de journées portes-ouvertes chez les agriculteurs et les artisans.

De même, alors que les panoramas des Hautes-Vosges attirent toujours davantage de visiteurs, le Parc cherche à développer un tourisme harmonieux sur l'ensemble du massif et sur les quatre saisons (circuits VTT, itinéraires et sentiers de découverte, randonnées sans bagages, musées, manifestations culturelles), tout en restant très vigilant à la maîtrise des paysages et à l'aménagement des espaces.

Votre rapporteur a pu rencontrer des universitaires engagés dans un travail d'enquête historique portant sur les chaumes, et qui travaillent en étroite collaboration avec les gestionnaires des réserves, pour qui la connaissance des milieux est également un outil stratégique de préservation des équilibres naturels.

• La réserve naturelle Falaise du Cap Romain : un patrimoine géologique exceptionnel menacé.

Au coeur de la Côte de Nacre, sur les côtes du Calvados, la falaise du Cap Romain est située à 15 Km au nord ouest de Caen.

Haute de 6 à 7 mètres au maximum, elle s'étend sur environ 500 m de longueur à la limite des deux plages de Bernières-sur-mer et de Saint-Aubin-sur-mer.

Les premières maisons approchent à quelques mètres du bord de cette basse falaise, qui domine un large estran rocheux.

L'érosion naturelle a mis en évidence dans les calcaires de la partie moyenne de cette falaise, et localement sur l'estran rocheux, des récifs d'éponges fossiles d'âge jurassique, remarquablement bien conservés avec leur faune d'accompagnement.

La qualité exceptionnelle de la falaise du Cap Romain fut soulignée dès le début du XIXe siècle (Arcisse de Caumont, Alcide d'Orbigny) : les récifs d'éponges du Cap Romain ont fait l'objet de travaux paléontologiques et sont décrits dans divers guides géologiques et naturalistes. Leur comparaison avec des constructions analogues vivant dans les mers tropicales actuelles (Caraïbes, Bahamas) montre que la mer jurassique était plus chaude que la Manche. Les recherches sur les témoins quaternaires de la falaise et du platier rocheux révèlent, au contraire, que la Manche est plus chaude qu'à la fin de la glaciation.

Or, il s'avère que ce patrimoine subit de nombreuses menaces et risque, faute de réglementation stricte, de subir des détériorations durables.

Si, aujourd'hui, la pêche à pied, les promenades et jeux de plage, l'observation des falaises sont tout à fait libres sur le territoire de la réserve, à condition de remettre en position les gros galets et les dalles rocheuses soulevées pour pêcher et de ne pas les abandonner retournées, par contre, l'escalade frontale de la falaise et la circulation sur le haut de la falaise sont strictement interdites, ainsi que l'arrachage des végétaux et le prélèvement de roches et de fossiles, à plus forte raison les fouilles.

A l'heure actuelle, le budget de la réserve ne permet de pourvoir qu'un seul poste afin de veiller à l'ensemble de ces atteintes, et encore est-il menacé, faute de crédits de fonctionnement disponibles.

Votre rapporteur ayant attiré l'attention du ministère sur cette situation, il semble qu'aujourd'hui, les services de la DIREN de Basse-Normandie aient été mobilisés afin de doter la réserve des crédits nécessaires pour 2004.

Une veille toute particulière sera effectuée, afin de s'assurer de la pérennité du rétablissement de cette situation financière, qui semble indispensable à votre rapporteur.

2. Des crédits en baisse pour les parcs nationaux et pour le Conservatoire du littoral et des rivages lacustres.

• Le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres

Le projet de budget pour 2005 maintient les subventions de fonctionnement du conservatoire, mais se caractérise par une forte contraction de ses subventions d'investissement qui diminuent de 17 % en crédits de paiement et de 33,6 % en autorisations de programme.

ÉVOLUTION DES SUBVENTIONS VERSÉES PAR L'ÉTAT AU CONSERVATOIRE

(en milliers d'euros)

Conservatoire du littoral

LFI 2004

PLF 2005

Évolution en  %

DO (article 36-41-10)

7 400

7 400

-

CP (article 67-41-10)

13 410

11 150

- 17%

DO + CP

20 810

18 550

- 10,9 %

AP (article 67-41-10)

16 790

11 150

- 33,6 %

(source : bleu budgétaire)

La diminution des capacités d'investissement semble surprenante à votre rapporteur puisque :

- d'une part, le conservatoire verra prochainement ses compétences étendues aux zones humides des départements côtiers, si l'examen en deuxième lecture au Sénat du projet de loi sur les territoires ruraux confirme les dispositions adoptées en première lecture ;

- d'autre part, le programme prévisionnel d'acquisitions transmis par les services du ministère prévoit l'augmentation des terrains gérés (75 300 ha en 2007 contre 73 100 ha en 2005).

Créé par la loi du 10 juillet 1975 dont les dispositions, maintenant codifiées aux articles L. 322-14 à L. 322-14 du code de l'environnement, sont complétées par les dispositions réglementaires de l'article R. 243 du code rural, le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, établissement public de l'Etat à caractère administratif, a pour mission de mener, après avis des communes et en partenariat avec les collectivités territoriales intéressées, une politique foncière de sauvegarde de l'espace littoral et de respect des sites naturels et de l'équilibre écologique.

Au 1 er juillet 2004, le patrimoine du conservatoire couvre 70 500 hectares sur 300 ensembles naturels , représentant environ 860 km de rivages maritimes.

Afin de maintenir son rythme d'acquisition à environ 2 000 hectares/an, une dotation budgétaire exceptionnelle de 6 millions d'euros , prélevée sur les ressources des agences de bassin, a été accordée au conservatoire en 2004 par le Gouvernement.

De même, pour 2005, le Comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire (CIADT) du 14 septembre dernier a décidé d'abonder ses ressources d'une enveloppe de 8 millions supplémentaires , qui seront inscrits en loi de finances rectificative.

Si le soutien de l'Etat à cet établissement ne peut qu'être approuvé, votre rapporteur souhaite néanmoins que la réflexion engagée par le Premier ministre sur la possibilité de mettre en place une ressource pérenne qui serait affectée au conservatoire aboutisse rapidement.

Le renforcement de ses moyens se doublera en 2005 de l'affectation au conservatoire de territoires que le Gouvernement possède dans d'importantes zones humides.

Enfin, votre rapporteur estime que la décision du CIADT de permettre aux collectivités territoriales de bénéficier du Fonds de compensation de la TVA pour les travaux de réhabilitation qu'elles conduiront sur les terrains du conservatoire va dans le sens d'une mise en oeuvre coordonnée de la politique du patrimoine naturel.

• Les parcs nationaux : des crédits en baisse, dans l'attente de l'adoption d'un projet de loi modernisant leur cadre législatif et réglementaire.

Le projet de budget pour 2005 prévoit pour les parcs nationaux une contraction des crédits disponibles (DO+CP), en baisse de 4,6 % et une diminution concomitante des autorisations de programme, en recul de 7,3 %.

(En millions d'euros)

 

2003

2004

2005

Évolution 2005/2004

Dépenses ordinaires (DO)

26,53

26,30

26,30

-

Crédits de paiements

7,8

6,37

4,88

- 23,4 %

DO+CP

34,33

32,67

31,18

- 4,6 %

Autorisations de programme

7,9

7,34

6,07

-7,3 %

Comme le montre le tableau ci-dessus, les dépenses de fonctionnement sont reconduites à l'identique, permettant notamment le maintien de 522 postes budgétaires inscrits en 2004, chiffre qui restera inchangé en 2005.

Actuellement, le territoire de tout ou partie d'une ou plusieurs communes peut, sur le fondement de l'article L. 331-1 du code de l'environnement, être classé par décret en Conseil d'Etat, en parc national , lorsque la conservation de la faune, de la flore, du sol, du sous-sol, de l'atmosphère, des eaux et, en général, d'un milieu naturel présente un intérêt spécial et qu'il importe de le préserver.

Le décret de classement peut également délimiter autour du parc une zone périphérique dans laquelle les pouvoirs publics peuvent prendre des mesures tendant à des réalisations d'ordre social, économique et culturel.

Il existe actuellement 7 parcs nationaux d'une superficie globale de près de 370 000 hectares en zone centrale et de plus de 900 000 hectares en zone périphérique.

LES SEPT PARCS NATIONAUX

Parcs nationaux

Date de création

Superficies

Parc national de La Vanoise

1963

52 839 ha en zone parc

145 000 ha
en zone périphérique

Parc national de Port-Cros

1963

694 ha de zones terrestres

1 800 ha de superficie marine

Parc national des Pyrénées

1967

45 707 ha en zone parc

206 352 ha
en zone périphérique

Parc national des Cévennes

1970

91 279 ha en zone parc

229 726 ha
en zone périphérique

Parc national des Ecrins

1973

91 800 ha en zone parc

178 200 ha
en zone périphérique

Parc national du Mercantour

1979

68 500 ha en zone parc

136 500 ha
en zone périphérique

Parc national de la Guadeloupe

1989

17 300 ha en zone parc

12 200 ha en zone parc

Trois projets de parc sont actuellement à l'étude :

- en mer d'Iroise ( 250 000 hectares) ;

- à la Réunion (107 000 hectares) ;

- en Guyane (1,8 million d'hectares) ;

et une réflexion est en cours dans les Calanques.

Il semble néanmoins que la rénovation du cadre législatif et réglementaire applicable aux parcs s'impose comme un préalable à l'aboutissement de ces projets.

Les difficultés rencontrées par les gestionnaires des parcs s'expliquent essentiellement par la délicate conciliation des exigences de protection du patrimoine naturel avec la volonté d'en permettre une fréquentation ouverte.

Mais elles ressortent également des modalités de gestion de ces espaces.

Si la compétence des services du parc est très généralement admise, le mode de fonctionnement de l'organisme gestionnaire, constitué le plus souvent sous forme d'établissement public (article L. 331-8 du code de l'environnement), est souvent critiqué par les propriétaires privés et les élus locaux, qui se sentent dépossédés d'une grande partie de leurs attributions du fait des règles de protection. La servitude environnementale, notamment, est souvent ressentie comme une forme d'expropriation, particulièrement lorsqu'elle va à l'encontre d'usages ancestraux.

Par ailleurs, la distinction actuelle entre « zone centrale » et « zone périphérique » est génératrice d'ambiguïté quant aux limites réelles du parc.

Dans le droit fil des propositions faites par M. Jean-Pierre Giran, à qui a été confié une mission de réflexion sur la modernisation du cadre législatif et réglementaire des parcs, un projet de réforme est en cours d'élaboration.

Dans la dernière mouture de l'avant-projet de loi, il n'est pas question de toucher aux fondements des parcs nationaux : leur gestion restera assurée par un établissement public sous la tutelle du ministère de l'écologie ; leurs ressources financières proviendront toujours de l'Etat, leurs politiques d'aménagement et de réglementation continueront de dépendre du conseil d'administration.

En revanche, leur découpage serait modifié : la zone centrale serait rebaptisée « coeur de parc » et la zone périphérique deviendrait une « zone d'adhésion » à laquelle les collectivités seraient libres de souscrire ou pas.

La place accordée aux élus dans les conseils d'administration, composés aujourd'hui d'un tiers de représentants de l'administration, un tiers d'élus, un tiers de personnalités qualifiées, serait, par ailleurs renforcée : non seulement le nombre de scientifiques et de membres d'associations diminuerait, mais le responsable du conseil d'administration serait obligatoirement choisi parmi les élus.

Il s'appuie par conséquent sur les trois axes déclinés dans le rapport Giran, à savoir :

- moderniser le cadre juridique, notamment par la mise en place d'une nouvelle gouvernance, grâce à l'association plus large des différents acteurs locaux aux instances de réflexion et de décision ;

- améliorer l'ancrage local et l'acceptabilité sociale du parc national ;

- favoriser l'intervention des établissements publics dans le domaine du développement durable en instituant, notamment, une solidarité de fait entre le parc national et sa zone périphérique.

Selon les informations du ministère, le projet de loi devrait être présenté avant la fin de l'année 2004.

B. LA POLITIQUE DES PAYSAGES : LA GRANDE OUBLIÉE DU PROJET DE LOI DE BUDGET POUR 2005 ?

La politique du paysage ne se résume pas au classement des sites, même si la protection des monuments naturels et des sites est un élément essentiel de la politique générale de protection des paysages.

1. Elle s'appuie sur trois axes principaux

• Le développement de la connaissance des paysages.

La réalisation d'atlas du paysage par les services de l'Etat, en collaboration avec les collectivités territoriales et les chambres consulaires doit permettre d'améliorer la connaissance des paysages français et de fonder des références et une culture communes en matière de paysage.

• Le renforcement et la mise en cohérence des politiques publiques du paysage.

Il s'agit de veiller à la mise en oeuvre de la loi du 8 janvier 1993 sur la protection et la mise en valeur des paysages, notamment par l'application de « directives paysagères » destinées à protéger les territoires les plus remarquables par leur intérêt paysager, de renforcer les moyens consacrés aux paysagistes-conseils de l'Etat, en poursuivant à terme leur couverture territoriale auprès des DIREN et d'inscrire la politique du paysage dans les politiques européennes, notamment par la participation du ministère de l'écologie et du développement durable à la mise en oeuvre de la convention européenne du paysage.

• Le soutien des compétences professionnelles.

En 2005, cette action consistera à aider les écoles de paysage les plus anciennes comme les plus récentes, à harmoniser leurs offres de formation tout en conservant leur spécificité, à soutenir la profession dans sa démarche de recherche d'un système de qualification et à transformer le Grand Prix du paysage et le Trophée du paysage, décernés alternativement pour promouvoir le rayonnement national et international des paysagistes français, en une distinction harmonisée au niveau européen, en application de la Convention européenne du paysage.

Ces politiques s'ajoutent à celles qui tendent à la mise en valeur des paysages exceptionnels :

- par le classement de nouveaux sites (10 nouveaux sites ont été classés en 2000, 10 en 2001, 17 en 2002, 18 en 2003 et 4 du 1 er janvier 2004 au 1 er août 2004) ;

- par la démarche des « opérations grand site » pour la réhabilitation des sites classés les plus dégradés par une fréquentation excessive (36 opérations sont en cours d'études ou de travaux) ;

- par la participation à la valorisation du paysage dans des territoires spécifiques , en partenariat avec d'autres ministères.

Mises en oeuvre dans le cadre des articles L. 341-1 et L. 342-1 du code de l'environnement, ces procédures ne produisent pas les mêmes effets :

- le classement d'un site génère une protection forte, dont l'objectif est la conservation et la préservation du site dans l'état où il se trouve au moment du classement ; à ce titre, toute modification de l'aspect ou de l'état du site est soumise à l'autorisation préalable du ministre chargé des sites, ou pour les travaux mineurs, du préfet du département ;

- l'inscription est en revanche une servitude légère de conservation par laquelle l'administration locale veille à la qualité de l'évolution du site : l'avis qu'elle donne sur l'aspect ou la modification de son état est un avis simple.

On compte à ce jour 5 100 sites inscrits et 2 700 sites classés .

En outre, les « opérations grand site » permettent, grâce à un partenariat entre l'Etat et les collectivités territoriales, la réhabilitation et la mise en valeur des sites de grande notoriété, classés mais menacés notamment du fait de l'afflux touristique.

Alors que, dans le cadre de ses engagements européens, la France, qui a signé la Convention européenne du paysage aujourd'hui soumise à l'approbation du Parlement, s'est engagée à protéger le paysage en ce qu'il constitue « une ressource commune qu'il convient de protéger, de gérer et d'aménager dans le cadre d'une coopération entre pays européens », les moyens budgétaires disponibles pour la mise en oeuvre de cette politique subissent une nouvelle baisse en 2005.

Comme le montre le tableau ci-après, les subventions de fonctionnement consacrées aux sites et paysages subissent un recul significatif en 2005, après une réduction plus douce en 2004.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS CONSACRÉS AUX SITES ET PAYSAGES

(en millions d'euros)

Sites et paysages

Rappel LFI 2003

LFI 2004

PLF 2005

Évolution en  %

Dépenses ordinaires (DO)

1,02

0,73

0,6

- 18,6 %

Crédits de paiement (CP)

3,38

3,37

1,7

- 48,3 %

DO + CP

4,40

4,10

2,3

- 44%

Autorisations de programme (AP)

7,22

6,54

4,7

- 28,2 %

(Source ministère de l'écologie et du développement durable)

Interrogé à ce sujet, le ministère a indiqué que les crédits affectables aux politiques de la nature et des paysages avaient dû être prioritairement réorientés sur les actions de mise en oeuvre liées notamment au réseau Natura 2000, pour satisfaire les engagements communautaires de la France.

Les services du ministère indiquent qu'un bilan précis de chaque opération grand site est actuellement à l'oeuvre, non seulement en termes d'évaluation qualitative, mais aussi sur le plan budgétaire, afin d'éclairer les décisions à prendre et de fixer les priorités.

Ils signalent également qu'une enquête portant notamment sur les prévisions financières d'apports de l'Etat pour les prochaines années est en cours auprès des DIREN.

Concernant les écoles du paysage, enfin, il a été précisé que la baisse des subventions serait ciblée et concernerait notamment celles dont la gestion n'est pas satisfaisante ou qui nécessitent des réaménagements.

Votre rapporteur ne peut se satisfaire de cette réponse.

Sensibilisé depuis plusieurs années à la problématique de la dégradation des paysages, il soulignait déjà, dans un rapport sur les « entrées de ville » remis en 1994 2 ( * ) , l'importance de la qualité des paysages pour l'amélioration du cadre de vie.

Estimant que le sort réservé à la politique des paysages dans le projet de budget pour 2005 reflète l'indifférence de l'Etat et une attitude des services déconcentrés que certains acteurs de terrain jugent désinvolte, il lui semble qu'une véritable réflexion doit être entreprise sur les moyens et la place que l'Etat veut consacrer à la préservation et la mise en valeur des sites français.

2. Initier une réflexion sur les moyens et la place que l'Etat veut consacrer à la préservation et la mise en valeur des sites français.

Il ressort des entretiens avec les divers acteurs de terrain que votre rapporteur a pu rencontrer qu'une des voies possibles de revalorisation de cette politique serait d'inscrire les mesures de mise en valeur des paysages dans la problématique plus large de développement durable des territoires .

C'est en ce sens que votre rapporteur avait déposé un amendement, lors de l'examen en première lecture par le Sénat du texte sur le développement des territoires ruraux, afin de demander au ministre de la culture d'engager une réflexion sur les voies de promotion du patrimoine rural.

Il s'agissait alors de soutenir l'action des nombreux musées d'agriculture et de patrimoine rural qui ont vocation au niveau local à sauvegarder la mémoire des techniques agricoles, et à travers elles, de la diversité des modes de vie de la France rurale.

Comme l'a suggéré un représentant de l'inspection des sites au cours d'un entretien, la sensibilisation des acteurs locaux à l'intérêt de la protection d'un site passe nécessairement par la mise en oeuvre concomitante d'actions de développement local.

L'intérêt touristique évident qui découle des procédures d'inscription ou de classement peut, en effet, générer des retombées économiques, qu'il serait intéressant de mutualiser, par exemple, via un plan contractualisé de protection et de mise en valeur dont les collectivités locales seraient parties.

Convaincu que la protection et la mise en valeur des paysages français sont des éléments essentiels tant à la préservation du cadre de vie qu'au maintien de l'attractivité de la France vis-à-vis de l'étranger, votre rapporteur ne doute pas que le Gouvernement saura redonner aux acteurs qui oeuvrent sur le terrain pour défendre les atteintes à l'intégrité des sites les moyens de poursuivre leur action , dont l'efficacité est aujourd'hui remise en cause, faute de mobilisation des services de l'Etat, tant au niveau central que déconcentré.

* 2 « Les entrées de villes ou redonner le goût de l'urbanisme », octobre 1994

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page