Avis n° 76 (2004-2005) de M. Bernard PIRAS , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 25 novembre 2004

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N° 76

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 25 novembre 2004

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi de finances pour 2005 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME XV

URBANISME

Par M. Bernard PIRAS,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Paul Émorine, président ; MM. Jean-Marc Pastor, Gérard César, Bernard Piras, Gérard Cornu, Marcel Deneux, Pierre Hérisson, vice-présidents ; MM. Gérard Le Cam, François Fortassin, Dominique Braye, Bernard Dussaut, Christian Gaudin, Jean Pépin, Bruno Sido, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Gérard Bailly, René Beaumont, Michel Bécot, Jean Besson, Joël Billard, Michel Billout, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Jean-Pierre Caffet, Yves Coquelle, Roland Courteau, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Mme Michelle Demessine, MM. Marcel Deneux, Jean Desessard, Mme Evelyne Didier, MM. Philippe Dominati, Michel Doublet, Daniel Dubois, André Ferrand, Alain Fouché, François Gerbaud, Alain Gérard, Charles Ginésy, Georges Ginoux, Adrien Giraud, Mme Adeline Gousseau, MM. Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Odette Herviaux, MM. Michel Houel, Benoît Huré, Mmes Sandrine Hurel, Bariza Khiari, M. Yves Krattinger, Mme Elisabeth Lamure, MM. Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Claude Lise, Daniel Marsin, Jean-Claude Merceron, Dominique Mortemousque, Paul Natali, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Thierry Repentin, Bruno Retailleau, Charles Revet, Henri Revol, Roland Ries, Claude Saunier, Daniel Soulage, Michel Teston, Yannick Texier, Pierre-Yvon Trémel, Jean-Pierre Vial.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 1800 , 1863 à 1868 et T.A. 345

Sénat : 73 et 74 (annexe n° 14 ) (2004-2005)

Lois de finances.

SOMMAIRE

Pages

INTRODUCTION 4

CHAPITRE I ER - LE BUDGET ET LA POLITIQUE DE L'URBANISME 6

I. LE BUDGET DE L'URBANISME 6

A. LES CRÉDITS DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2005 6

B. LA MISE EN oeUVRE DE LA LOLF 7

II. LES PRIORITÉS AFFICHÉES DE LA POLITIQUE DE L'URBANISME 10

A. L'APPUI TECHNIQUE AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES 10

B. LES POLITIQUES FONCIÈRES ET D'AMÉNAGEMENT 12

1. L'accompagnement des villes nouvelles 12

2. Le soutien aux opérations d'aménagement et aux actions foncières 12

III. LE DROIT DE L'URBANISME EN 2004 14

CHAPITRE II - QUELS REMÈDES À LA CRISE FONCIÈRE ? 18

I. LA CRISE FONCIÈRE 18

A. MANIFESTATIONS DE LA CRISE FONCIÈRE 18

1. La spéculation foncière 18

2. L'étalement péri-urbain 19

3. Des quartiers en déclin 19

B. ANALYSE DU FONCTIONNEMENT DU MARCHÉ FONCIER 20

1. Une crise liée à la crise immobilière 20

2. Le marché foncier : un marche atypique 21

II. DES SOLUTIONS JUSQU'ICI INSUFFISANTES 23

A. LES INSUFFISANCES DE LA POLITIQUE FONCIÈRE 23

1. Un marché relativement opaque 23

2. L'intervention des collectivités territoriales 24

3. Le patrimoine de l'Etat 26

B. LES PISTES DE RÉFLEXION 28

1. Rendre le marché plus transparent 28

2. Mettre en oeuvre une fiscalité foncière incitative 28

3. Assurer l'affectation d'une partie du patrimoine de l'Etat au logement 29

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Votre commission des affaires économiques a choisi de centrer sur la question foncière l'avis qu'elle émet chaque année sur les crédits consacrés à l'urbanisme dans le projet de loi de finances.

L'année 2004 a en effet été marquée, au plan législatif, par le souci d'apporter des réponses aux dysfonctionnements du marché foncier. Qu'il s'agisse de la protection des espaces agricoles et naturels contre la spéculation dans les espaces périurbains , dans le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, ou de la création d'outils destinés à libérer du foncier pour le logement , dans le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, la question foncière a été au coeur des préoccupations de la politique de l'urbanisme. En outre, un projet de loi, baptisé « Habitat pour tous », est attendu en 2005, et devrait comporter un important volet de mesures foncières. Le présent rapport tente donc d'analyser les multiples facettes du phénomène parfois qualifié de « crise foncière », et esquisse des pistes de réflexion pour l'avenir.

Par ailleurs, s'agissant des crédits de l'urbanisme, votre rapporteur pour avis déplore vivement que, depuis deux ans, les mesures de régulation budgétaire opérées en cours d'exercice remettent en cause dans des proportions significatives l'économie générale du budget ouvert en loi de finances . Ainsi, pour 2004, le total des crédits annulés ne représente pas moins de 31 % de la dotation ouverte en loi de finances . En outre, d'importants reports apparaissent qui, en gestion, peuvent compléter les dotations de la loi de finances initiale : en 2004 les reports d'autorisations de programme représentent 71 % des dotations ouvertes en loi de finances initiale, et les reports de crédits de paiement 85 %.

Votre rapporteur pour avis souligne à cet égard que si le Gouvernement entend mener, comme il l'annonce, une politique ambitieuse en matière foncière, il ne suffit pas de modifier la législation en matière d'urbanisme, il faut également donner aux collectivités territoriales les moyens suffisants pour mener les interventions foncières et les opérations d'aménagement qui permettront de remédier à la pénurie et surtout au renchérissement des terrains à bâtir actuellement constatés.

CHAPITRE IER -

LE BUDGET ET LA POLITIQUE DE L'URBANISME

I. LE BUDGET DE L'URBANISME

A. LES CRÉDITS DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2005

Le tableau des crédits pour 2005, regroupés, à l'intérieur du fascicule « Services communs et urbanisme », dans l'agrégat 22 intitulé « aménagement foncier et urbain » appelle les observations suivantes.

La scission intervenue en 2004 entre les crédits de l'urbanisme, rattachés à la section services communs du budget du ministère de l'équipement, et ceux du logement , rattachés à la section logement du budget du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, a des conséquences sur la structure du budget de l'urbanisme.

Ainsi, les crédits destinés aux actions d'information et de diffusion de publication menées par la direction générale de l'urbanisme, inscrits dans le chapitre 34-60 (titre III), s'élevaient à 2 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2004. Ils regroupaient alors des crédits destinés pour moitié au logement et pour moitié à l'urbanisme. On peut donc considérer que, s'agissant des crédits de l'urbanisme, qui passent pour 2005 à 1 million d'euros, les dotations sont constantes.

De même, les actions de concertation, de formation et d'animation dans le secteur de l'urbanisme, regroupées en 2004 sous le titre « subventions aux associations », destinées à financer à 90 % des actions liées au logement n'étaient pas comptabilisées dans le budget urbanisme. Elles passent de 130.540 euros à 159.479.

Le total des dépenses ordinaires passe de 11,68 millions à 12,38 millions d'euros, soit une augmentation de 6,32 % . Les dépenses en capital passent, au total, de 48,1 millions d'euros en AP à 47,9 et de 43,6 millions en CP à 43,8, soit une baisse de 0,3 % . Au total, les crédits passent de 59,7 millions d'euros à 61,4 millions d'euros en DO+AP et de 55,3 millions d'euros à 56,7 millions d'euros en DO+CP, soit une hausse de 2,85 % et 2,43 %.

Cette hausse doit évidemment être analysée à la lumière des mesures de régulation budgétaire intervenues en 2004 mentionnées en introduction.

 
 

2004

2005

évolution

 
 

TITRE III

 
 
 
 
 

34-60

Information, réalisation et diffusion de publication

 
 
 
 
 

20

DGUHC

1 000,000

996,741

 
 
 
 

total chapitre

1 000,000

996,741

-0,33%

 
 

TOTAL TITRE III

1 000,000

996,741

-0,33%

 
 

TITRE IV

 
 
 
 
 

44-10

Subventions diverses, bourses, formation professionnelle et permanente

 
 
 
 
 

10

Contribution au paiement des frais de structure des établissements publics d'aménagement

1 600,000

1 612,786

0,80%

 
 

20

Subventions aux agences d'urbanisme

8 950,000

9 618,552

7,47%

 
 

90

Actions de concertation, de formation et d'animation dans le secteur de l'urbanisme

130,540

159,479

22,17%

 
 
 

total chapitre

10 680,540

11 390,817

6,65%

 
 

TOTAL TITRE IV

10 680,540

11 390,817

6,65%

 
 

TOTAL DEPENSES ORDINAIRES

11 680,540

12 387,558

6,32%

 
 
 
 

2004

2005

évolution

 
 

AP

CP

AP

CP

AP

CP

TITRE V

 
 
 
 
 
 

55-21

Urbanisme, études, acquisitions et travaux

 
 
 
 
 
 

20

Actions foncières

7 000,000

8 000,000

6 497,000

6 571,000

-7,19%

-17,86%

30

Voirie primaire des villes nouvelles

3 800,000

1 940,000

7 000,000

7 476,000

84,21%

285,36%

50

Mobilisation du foncier public en en vue de la production de logements

 
 

800,000

399,000

 
 

60

Etudes centrales et locales en matière d'urbanisme

9 803,300

9 153,300

8 649,000

1 835,000

-11,77%

-79,95%

 

total chapitre

20 603,300

19 093,300

22 946,000

16 281,000

11,37%

-14,73%

TOTAL TITRE V

20 603,300

19 093,300

22 946,000

16 281,000

11,37%

-14,73%

TITRE VI

 
 
 
 
 
 

65-23

Urbanisme, aménagements du cadre de vie urbain

 
 
 
 
 
 

30

Villes nouvelles

12 000,000

13 000,000

12 000,000

12 958,000

0,00%

-0,32%

50

Action foncière, planification et aménagement urbain

15 500,000

11 600,000

13 015,000

14 591,000

-16,03%

25,78%

 

total chapitre

27 500,000

24 600,000

25 015,000

27 549,000

-9,04%

11,99%

TOTAL TITRE VI

27 500,000

24 600,000

25 015,000

27 549,000

-9,04%

11,99%

TOTAL DEPENSES EN CAPITAL

48 103,300

43 693,300

47 961,000

43 830,000

-0,30%

0,31%

 
 
 
 
 
 
 
 
 

TOTAL DO+AP

59 783,840

60 348,558

0,94%

 

TOTAL DO+CP

55 373,840

56 217,558

1,52%

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

avec le chapitre 59-01 (expérimentation AUIP)

 
 
 
 

61 487,558

2,85%

 
 
 
 

56 719,558

2,43%

Source : Ministère de l'équipement.

B. LA MISE EN oeUVRE DE LA LOLF

Dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), il est prévu que les crédits de l'urbanisme soient regroupés dans le programme intitulé « aménagement, urbanisme et ingénierie publique » , à l'intérieur de la mission interministérielle « Politique des territoires » , qui regroupera également les programmes « stratégie en matière d'équipement », « information géographique et cartographique » et « tourisme ».

Ce programme est structuré en quatre actions :

- une action « Urbanisme, planification et aménagement » , qui vise à favoriser un aménagement de l'espace maîtrisé et cohérent et regroupe les interventions foncières et les opérations d'aménagement ;

- une action « Appui technique de proximité aux collectivités territoriales et aux tiers » , qui a pour objectif de permettre aux collectivités locales d'exercer leurs compétences propres et de mettre en oeuvre leurs projets, en leur apportant une assistance technique ;

- une action « Appui au ministère chargé de l'écologie » , afin d'apporter un soutien opérationnel au ministère chargé de l'environnement pour la mise en oeuvre de certaines de ses politiques ;

- une action « Appui technique aux autres ministères » , consistant à aider les autres ministères et leurs établissements publics ne disposant pas de compétences techniques, afin de leur permettre de mener à bien leur projets immobiliers.

Les objectifs et indicateurs de ce programme, qui font encore l'objet de concertations et n'ont pas été arrêtés dans leur version définitive, sont décrits dans le tableau ci-après.

OBJECTIFS

INDICATEURS

Objectif 1 : (citoyen/ efficacité socio-économique)

Faciliter l'émergence des projets locaux d'aménagement des territoires en s'appuyant sur les démarches de planification territoriale

Indicateur n°1-1-a : % de la population des aires urbaines comprenant une agglomération de plus de 50 000 habitants couvertes par un SCOT (en cours de procédure) ou un SD approuvé (en vigueur) - ( métropole + DOM )

Indicateur n°1-1-b : % de la population des communes situées dans la bande des 15 kms du rivage de la mer couvertes par un SCOT (en cours de procédure) ou un SD approuvé (en vigueur) - ( métropole hors Corse )

Indicateur n°1-2 : % de communes appartenant à des agglomérations de plus de 100 000 habitants couvertes par une agence d'urbanisme

Objectif 2 : (citoyen/efficacité socio-économique)

Contribuer à une meilleure organisation du développement urbain

Indicateur n°2-1 : part des logements autorisés dans les communes couvertes par un POS, un PLU ou une carte communale approuvé(e)s par rapport à la totalité des logements autorisés ( sources Sitadel / enquête DGUHC )

Indicateur n° 2-2 : taux de « rendement » de l'urbanisation : rapport entre les m² d'espaces consommés et les m² construits, en variation

Objectif 3 : (citoyen/efficacité socio-économique)

Soutenir des pôles de développement d'intérêt national

Indicateur n° 3-1 : effet de levier de l'investissement public au sein de ces pôles : montant de l'investissement privé généré par € public investi

Indicateur n° 3-2 : nombre d'emplois et de logements créés chaque année au sein de ces pôles

Objectif 4 : (usager/qualité de service)

Assurer aux usagers et aux collectivités locales un service de qualité dans la délivrance des autorisations d'urbanisme

Indicateur n° 4-1 : Indicateur de respect des délais : % des dossiers instruits par les DDE, respectant les délais réglementaires, pour les permis de construire et les certificats d'urbanisme

Indicateur n° 4-2 : Indicateur de sécurité juridique : % d'annulation des actes instruits par les DDE dans l'année, pour les permis de construire, les déclarations de travaux et les certificats d'urbanisme (càd, le nombre d'annulations par les tribunaux administratifs rapporté au nombre de décisions)

Objectif 5 : (usager/qualité de service)

Apporter aux collectivités une assistance pour leur permettre d'exercer leurs compétences en privilégiant l'assistance à maîtrise d'ouvrage et l'aide aux petites communes

Indicateur n°5-1 : taux de satisfaction des élus locaux pour les interventions d'ingénierie publique (cet indicateur suppose la réalisation d'une enquête annuelle)

Indicateur n° 5-2 : % d'ETP consacrés aux interventions dans les communes répondant aux critères de l'ATESAT (décret 12-09-2002) par rapport au total d'ETP de l'ingénierie publique (indicateur de ciblage de l'activité)

Indicateur n° 5-3 : part des missions d'AMO au regard du total des missions d'ingénierie publique

Objectif 6 : (contribuable/efficience)

Apporter aux autres services de l'Etat, dans un cadre contractuel négocié, une assistance pour leur permettre de conduire leurs programmes immobiliers

Indicateur n° 6-1 : coût des prestations des services de l'équipement rapporté au montant des travaux, en distinguant construction neuve et travaux d'entretien

Le programme « aménagement, urbanisme et ingénierie publique » sera expérimenté en 2005 dans deux régions : Nord-Pas-de-Calais et Pays-de-Loire, afin de vérifier la pertinence des indicateurs retenus. Les crédits destinés à la mise en oeuvre de cette expérimentation sont inscrits dans le chapitre nouveau créé sur la section services communs et urbanisme, chapitre 59-01, doté de 96 millions d'euros en DO+CP :

- la presque totalité de ces crédits est liée à la rémunération des 2.800 agents intéressés par le programme ;

- il résulte de cette expérimentation un transfert de crédits à hauteur de 1,139 millions d'euros en AP et 0,50 en CP.

Cette expérimentation poursuit les objectifs suivants :

- expérimenter la mise en oeuvre d'un pilotage par objectifs et indicateurs de performance ;

- identifier et préfigurer les objectifs et indicateurs intermédiaires ;

- tester les nouveaux modes de fonctionnement et de responsabilité entre les différents niveaux administratifs (direction générale de l'urbanisme, directions régionales de l'équipement, directions départementales de l'équipement) ;

- analyser la mise en application des budgets opérationnels de programme (BOP) et les procédures associées (gestion globalisée, gestion des emplois et de la masse salariale, fongibilité asymétrique...) ;

- expérimenter les nouvelles dispositions budgétaires et comptables.

II. LES PRIORITÉS AFFICHÉES DE LA POLITIQUE DE L'URBANISME

A. L'APPUI TECHNIQUE AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Le budget de l'urbanisme pour 2004 se caractérise par une forte hausse des subventions aux agences d'urbanisme, qui passent de 8,95 millions d'euros à 9,61 millions, soit une augmentation de 22,17 % . Outre la réaffectation, à enveloppe constante, des moyens aux agences les moins bien dotées, le ministère de l'équipement poursuit un double objectif de création de nouvelles agences et d'extension du territoire géographique d'intervention des agences existantes.

Cette augmentation répond à la volonté d'atteindre l'objectif annoncé lors du comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire de juillet 2001 de création, pour 2000-2006, d'une quinzaine d'agences d'urbanisme dans les agglomérations de plus de 100.000 habitants ou dans celles présentant des enjeux particuliers.

Il existe actuellement 44 agences. D'après le président de la Fédération nationale des agences d'urbanisme, M. André Rossinot, 15 agences seraient en projet (Ajaccio, Bastia, Avignon, Perpignan, Le Creusot) et 4 ou 5 devraient voir le jour dans les six mois à venir. Votre commission souligne que les agences ont pour mérite de faire travailler ensemble tous les échelons d'une agglomération et se félicite de cette augmentation .

Votre commission se félicite également, s'agissant du concours particulier créé au sein de la dotation générale de décentralisation (DGD) , de la parution du décret du 6 janvier 2004 1 ( * ) qui rend les cartes communales éligibles à la DGD. Le taux de progression de cette dotation devant être de 2 % cette année, ce concours devrait s'élever à 16,9 millions d'euros, soit une très légère augmentation (chapitre 41-56, article 10 du budget du ministère de l'intérieur).

Par ailleurs, les crédits pour l'assurance des communes pour les risques contentieux liés à la délivrance des autorisations d'utilisation du sol, inscrits au même chapitre, devraient passer de 4,3 millions d'euros en 2004 à 4,478 millions d'euros en 2005, suivant un taux de progression de 2 %.

Votre rapporteur pour avis, tout en se félicitant de l'augmentation des crédits destinés aux agences d'urbanisme, déplore toutefois à titre personnel que, parallèlement, les crédits destinés aux études centrales et locales en matière d'urbanisme subissent une baisse . Ces crédits, scindés afin de tenir compte du rattachement des crédits du logement au ministère de l'emploi, passent en effet, en AP, de 9,8 à 8,4 millions d'euros, soit une baisse de 11,7 %. S'agissant des crédits de paiement, la lecture des chiffres n'est pas aisée, dans la mesure où les études d'urbanisme engagées antérieurement au 1er janvier 2005 restent rattachées au chapitre 57-30/10 de la section logement. Seuls sont donc inscrits sur le chapitre 55-21/60 les crédits de paiement correspondant au paiement des nouvelles études d'urbanisme, ce qui explique la différence que l'on constate entre le montant des CP 2004 et celui des CP 2005, qui passent de 9,1 à 1,8 millions d'euros 2 ( * ) . Votre rapporteur pour avis souligne que ces crédits, destinés à l'élaboration des documents d'urbanisme et des études préalables sont nécessaires aux collectivités, le coût d'élaboration des documents étant élevé, notamment pour les petites communes. Votre commission rappelle toutefois, à cet égard, que depuis la loi Urbanisme et habitat, les dépenses des communes engagées pour l'élaboration des documents d'urbanisme sont éligibles au fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée.

B. LES POLITIQUES FONCIÈRES ET D'AMÉNAGEMENT

1. L'accompagnement des villes nouvelles

La dotation attribuée au titre de la voirie primaire des villes nouvelles se caractérise apparemment par une très forte hausse, puisqu'elle passe de 3,8 millions d'euros en AP et 1,9 en CP à respectivement 7 et 7,4 millions d'euros, soit une augmentation de 84 et 285 % . En réalité, d'après les informations fournies à votre rapporteur pour avis, cette ligne enregistrait, au début de l'année 2004, un gel de 13,5 millions d'euros en CP . Quatre millions d'euros ayant été dégelés, on comptera au total 9 millions d'euros gelés en 2004. L'augmentation constatée en loi de finances initiale n'est donc que la conséquence de cette régulation budgétaire, et constitue pour l'essentiel un report de crédits.

La dotation attribuée aux villes nouvelles, qui comporte le différé d'amortissement et une subvention d'équilibre, se caractérise quant à elle par une stabilité certaine, puisqu'elle passe de 12 millions d'euros en AP et 13 millions en CP à 12 et 12,9 millions d'euros. Cette dotation concerne les syndicats d'agglomération nouvelle les plus endettés, c'est-à-dire Sénart, Marne-La-Vallée et l'Isle d'Abeau.

2. Le soutien aux opérations d'aménagement et aux actions foncières

En premier lieu, les crédits en faveur de l'action foncière, de la planification et de l'aménagement urbain passent de 15,5 millions d'euros en AP et 11,6 en CP à, respectivement, 13 et 14,5 millions d'euros . Cette ligne budgétaire rassemble des actions extrêmement diverses.

Il s'agit, tout d'abord, des contributions de l'État dans le cadre des contrats de plan Etat-région , qui ont vocation à participer au financement de diverses actions foncières en province ou en Île-de-France et à celui des opérations d'aménagement dans les territoires prioritaires d'Île-de-France. Ces opérations ne pourraient pas être équilibrées sans aides publiques, notamment du fait des coûts de mobilisation du foncier (sols pollués, démolitions...).

L'analyse de l'exécution des contrats de plan Etat-région, dans ce domaine, fait apparaître que, malheureusement, ceux-ci ne sont pas toujours suivis d'effet, pour des raisons d'indisponibilité des crédits.

On constate ainsi que, pour l'Ile-de-France, aucun financement n'est intervenu en 2000 et 2001 au bénéfice des territoires prioritaires, dans l'attente de la mise au point des mécanismes de versement des aides et du démarrage des opérations. Un montant total de 16,5 millions d'euros d'AP de l'Etat a été délégué en 2002 et 2003, soit un taux d'exécution de la convention de 15 % fin 2003 (contre un taux théorique de 57 %). Sept opérations situées sur les territoires de Seine-Amont et de la Plaine de France ont été engagées sur cette enveloppe. Pour 2004, huit opérations sont en cours de mise au point, situées, outre sur ces territoires, sur deux territoires qui n'en ont pas encore bénéficié, la boucle nord des Hauts-de-Seine et le Mantois. Ces opérations requièrent la délégation de 15 millions d'euros d'AP supplémentaires , ce qui porterait le taux d'exécution de la convention à 29 % (contre un taux théorique de 71 %). Pour 2005, une dizaine d'opérations sont à l'étude, qui devraient conduire à un besoin de subvention de l'Etat de 15 millions d'euros au minimum. Or, d'après les informations fournies à votre rapporteur pour avis, les mesures de régulation budgétaires opérées en 2003 et 2004 vont réduire fortement les montants susceptibles d'être délégués au titre de la convention, aussi bien en AP qu'en CP .

Des actions foncières ont en outre été contractualisées dans 18 régions, pour un montant total de 66,34 millions d'euros inscrits aux CPER 2000 - 2006. Au 30 juin 2004, 18.388 millions d'euros ont été délégués, soit 27,7 % du total contractualisé. Une dotation de 5 millions d'euros en AP est prévue dans le cadre du PLF 2005.

La ligne concerne également les subventions foncières au titre des grandes opérations d'urbanisme et en faveur des établissements publics d'aménagement des villes nouvelles . Deux opérations sont notamment concernées à ce titre : EuroMéditerranée, opération d'intérêt national pour laquelle le financement est programmé, pour 2005, à 1,705 million d'euros en AP, et, d'autre part, l'opération Plaine de France qui doit recevoir une dotation annuelle de 3,66 millions d'euros sur la base du protocole financier approuvé le 8 décembre 2002 en provenance de l'ensemble des partenaires du projet Plaine de France représentés au conseil d'administration.

Enfin, la ligne 65-23-50 est destinée, depuis 2004, à la participation de l'Etat au financement des études nécessaires à l'élaboration des SCOT : ce dispositif est applicable du 1 er janvier 2004 au 31 décembre 2007, les modalités d'octroi et de calcul ayant été fixées par la circulaire n° 2004-5 du 28 janvier 2004 ; pour 2005, le montant des AP pourrait être de l'ordre de 3,5 millions d'euros et celui des CP de 2,5 millions d'euros .

On relèvera qu' aucun crédit de paiement ne sera délégué en 2004 pour l'aide à l'élaboration des SCOT . Cette situation s'explique par le fait que les conventions entre les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de SCOT et les directions départementales de l'équipement commencent seulement à être conclues. Votre rapporteur pour avis insiste sur la nécessité qu'une aide effective soit apportée en 2005 et indique que 92 périmètres avaient été arrêtés en 2002, contre 46 en 2003 .

En second lieu, comme chaque année, l'Etat participe au paiement des frais de structure des établissements publics d'aménagement, grâce à une enveloppe stable qui s'élève à 1,612 millions d'euros pour 2005, soit une augmentation de 0,80 % (chapitre 44-10).

En troisième lieu, la politique foncière du Gouvernement prend la forme d'une dotation allouée aux actions foncières, qui passe de 7 millions en AP et 8 millions en CP à 6,4 et 6,5 millions d'euros, soit une baisse de 7 et 17,8 % (à l'exception des crédits pour les régions Nord-Pas-de-Calais et Pays de la Loire : 3.000 euros en AP et 7.000 euros en CP inscrits sur le chapitre 59-01).

Cette dotation regroupe, en principe, trois types d'actions :

- les acquisitions foncières de l'Etat, notamment dans les villes nouvelles : d'après les informations fournies à votre rapporteur pour avis, les gels enregistrés en 2004 n'ont permis que très peu d'acquisitions foncières ;

- la couverture des frais de gestion du patrimoine foncier de l'Etat gérés par ses établissements, notamment l'Agence foncière et technique de la région parisienne ;

- les subventions versées aux établissements publics fonciers d'Etat pour couvrir leurs frais de gestion.

Enfin, une dotation relative à la mobilisation du foncier public en vue de la production de logements est créée et abondée à hauteur de 800.000 euros en AP et 399.000 en CP . Ces crédits concernent la délégation à l'action foncière créée en 2004 afin, notamment, d'accroître l'offre foncière destinée à la production de logements nouveaux en Ile-de-France.

III. LE DROIT DE L'URBANISME EN 2004

Outre les mesures relatives au marché foncier, qui seront détaillées plus loin, l'année 2004 a été marquée, au plan législatif, par la volonté de trouver des adaptations locales à la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne et à la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral.

S'agissant de la loi du 9 janvier 1985, ont ainsi été votées, dans le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, des mesures tendant à :

- réformer le régime d'autorisation des unités touristiques nouvelles (UTN) : les UTN les plus importantes continueront, en l'absence de schéma de cohérence territoriale, à être approuvées par le préfet coordonnateur de massif, après avis du comité de massif, les UTN d'importance locale, qui sont la majorité, seront approuvées par le préfet de département après avis de la commission de massif. En outre, elles pourront être réalisées dans les communes dotées d'une carte communale ;

- remplacer la limite de protection de 300 mètres autour des lacs de moins de 1000 hectares par un périmètre déterminé en fonction de la topographie où des secteurs constructibles pourraient être autorisés après réalisation d'une étude spécifique soumise, pour avis, à la commission des sites ;

- adapter les règles de recul de part et d'autres des autoroutes et des voies à grande circulation à la topographie des lieux en zone de montagne selon un dispositif analogue, dans le cadre d'un plan local d'urbanisme ou d'une carte communale.

Concernant la « loi littoral », deux rapports préconisant un approfondissement de la concertation, de la planification locale et de la décentralisation ont respectivement été élaborés par le Sénat et l'Assemblée nationale. Le rapport remis par le groupe de travail du Sénat préconise notamment de faire du schéma de cohérence territoriale le document de planification de référence permettant, le cas échéant, d'adapter les règles d'urbanisme aux circonstances locales, notamment en arrière du littoral.

A cet égard, votre commission se félicite de la parution de deux décrets qui étaient attendus depuis plus de vingt an s, relatifs, respectivement, à la procédure de délimitation du rivage de la mer, des lais et relais de la mer et des limites transversales de la mer à l'embouchure des fleuves et rivières d'une part, et à la fixation de la liste des communes littorales d'autre part 3 ( * ) . Elle salue également les adaptations apportées par le décret n° 2004-310 du 29 mars 2004 aux dispositions relatives aux espaces remarquables du littoral, qui permettront notamment aux activités conchylicoles de s'exercer plus facilement.

Elle ne peut en revanche que déplorer très vivement l'absence de publication du décret relatif à l'article L. 146-6-1 du code de l'urbanisme .

Tirant les conséquences du constat que, dans certains cas particuliers, les dispositions de la « loi littoral » pouvaient conduire à la dégradation des espaces protégés par la loi, les parlementaires avaient adopté, en 2000 , une disposition prévoyant qu'un schéma d'aménagement pouvait être établi afin d'autoriser la construction, la reconstruction ou le maintien de constructions existantes à l'intérieur de la bande des cent mètres (article L. 146-6-1 du code de l'urbanisme). Près de quatre ans après la promulgation de cette loi, cette disposition, qui visait notamment à résoudre le problème posé par la survenue de sinistres dans certaines zones et par l'entretien des constructions antérieures à la loi littoral, n'est toujours pas applicable, faute de décret d'application. Votre commission souligne qu'un tel retard n'est pas acceptable, et appelle à une parution rapide de ce décret.

L'année 2004 a par ailleurs été marquée par l'adoption de la loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit qui prévoit, dans son article 13, une autorisation à habiliter le Gouvernement à simplifier les règles relatives aux déclarations et autorisations d'utiliser le sol et à redéfinir la procédure de contrôle de la conformité des travaux . Votre rapporteur pour avis déplore, à titre personnel, que des mesures d'une telle importance fassent l'objet d'une législation par ordonnance, alors même qu'il s'agit d'un sujet particulièrement sensible, pour les usagers comme pour les collectivités territoriales. Votre commission souligne quant à elle l'importance qui s'attache à la consultation de tous les élus et professionnels concernés, ainsi qu'à une bonne information du Parlement en amont de la publication de la future ordonnance, dont le contenu devrait être extrêmement consistant .

Votre commission se félicite enfin de la parution, en 2004, d'un certain nombre de décrets parfois attendus depuis fort longtemps, à l'instar du décret n° 2004-835 du 19 août 2004 relatif aux servitudes d'utilité publique prévues par l'article 12 bis de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie. De même, le décret nécessaire à l'adaptation des dispositions règlementaires du code de l'urbanisme liées aux modifications opérées par la loi du 2 juillet 2003 Urbanisme et habitat a été publié 4 ( * ) , ainsi que celui relatif aux concessions d'utilisation du domaine public maritime en dehors des ports 5 ( * ) .

CHAPITRE II -

QUELS REMÈDES À LA CRISE FONCIÈRE ?

I. LA CRISE FONCIÈRE

Les acteurs du logement comme les élus locaux le soulignent : la construction de logements se heurte à la rareté et surtout à la cherté des terrains. On rappellera en effet que le prix du foncier représente entre 20 et 30 % du coût global d'une construction.

L'interaction entre les marchés foncier et immobilier se traduit par un cercle vicieux, l'accroissement de la demande de logements entraînant un renchérissement du foncier, celui-ci nourrissant à son tour la cherté des logements.

Or le marché foncier est soumis à un fonctionnement spécifique, caractérisé par une forte intervention des acteurs publics.

La volonté des maires, compétents en matière d'urbanisme, d'agir sur ce marché, se heurte à la complexité des procédures d'urbanisme opérationnel et à la nécessité de trouver des moyens financiers suffisants. Il apparaît donc aujourd'hui urgent de trouver des outils efficaces de régulation du marché foncier.

A. MANIFESTATIONS DE LA CRISE FONCIÈRE

Tout d'abord, votre rapporteur pour avis regrette qu'il n'existe pas de données d'ensemble au niveau national concernant le marché foncier urbain, comparables aux études menées par la Fédération nationale des sociétés d'aménagement foncier et d'équipement rural pour le marché foncier rural.

1. La spéculation foncière

On observe tout d'abord, dans les grandes agglomérations engagées dans un processus de métropolisation, un phénomène de spéculation foncière, alimenté par la forte croissance économique et démographique de ces zones, qui pèse sur la construction.

Ainsi, d'après une étude menée en 2000 par la direction régionale de l'équipement, entre 1990 et 2000, les ventes de terrains à bâtir (bâtis ou non) de Paris intra-muros ont représenté, en superficie, 6 % du total des mutations de la zone centrale francilienne (Paris et les trois départements centraux) mais plus de la moitié du montant financier total du marché foncier de cette zone centrale, en raison d'un coût au mètre carré très élevé (4.116 euros par mètre carré en valeur 1999). Les plus grandes agglomérations, comme celles de Lyon, Marseille ou Toulouse, ont connu des évolutions comparables.

Le phénomène se rencontre également dans les régions frontalières (notamment Pays genevois, Alsace) et sur les façades maritimes : Provence-Alpes-Côte d'Azur principalement, Languedoc-Roussillon, ainsi que certaines parties de la côte atlantique, notamment la Bretagne et le Pays basque.

A titre d'exemple, les prix des terrains à bâtir ont fortement progressé dans le secteur Sud-Ouest de la France entre 1998 et 2002 : à Arcachon ils sont passés en moyenne de 82.492 € à 169.269 € (soit une progression de 105 %) ; à Libourne de 30.619 € à 54.745 € (soit + 78 %). De même, la croissance des prix moyens du terrain à bâtir dans la communauté urbaine de Strasbourg s'est élevée à près de 60 % entre 1998 et 2001.

2. L'étalement péri-urbain

La rareté et la cherté des terrains tendent à rejeter vers la périphérie des villes les populations modestes mais aussi les activités de proximité. Cette évolution conduit à un étalement en tache d'huile et un mitage de l'espace rural, l'un et l'autre favorisés par l'accès à un foncier à bon marché. Or cette croissance urbaine est très consommatrice d'espaces, le plus souvent prélevés sur les terres agricoles. Elle est également très coûteuse, en raison du prix des travaux liés aux réseaux et à la voirie rendus nécessaires par l'étalement de l'habitat.

Ainsi la superficie agricole utile a diminué de 12,3 % dans les pôles urbains depuis 1988 (soit une diminution de 200.000 ha), quand, sur le reste du territoire, elle enregistrait une diminution de 3 % . Une partie importante de l'espace agricole (un tiers de la superficie agricole utile), constitutif, pour l'essentiel, de l'espace rural, relève désormais d'une gouvernance urbaine. C'est dans cet espace que la vocation multifonctionnelle de l'agriculture est la plus sollicitée pour répondre aux attentes de la société alors qu'elle s'y trouve démographiquement très minoritaire et fragilisée par le cloisonnement de l'espace et par la concurrence sur les usages du sol.

3. Des quartiers en déclin

A l'inverse du mouvement de spéculation décrit précédemment, certaines régions, caractérisées par la présence importante de friches industrielles, militaires ou urbaines, connaissent un processus de déclin qui se traduit par la multiplication d'espaces dégradés parfois pollués et de quartiers urbains déshérités.

Ainsi, d'après l'étude menée pour la région Ile-de-France par la direction régionale de l'équipement en 2000, alors que les paramètres d'aménagement en périphérie sont favorables (achat du terrain à un faible prix, existence d'un cadre de vie naturel très prisé par le marché), les quartiers existants dévalorisés ne trouvent pas les matériaux de leur renouvellement dans les « produits » demandés par le marché, situation qui aggrave leur déficit d'attractivité.

Il apparaît donc qu'étalement urbain et ségrégation sociale vont de pair et que, dans ces conditions, le renouvellement urbain des quartiers peut constituer une alternative à l'étalement urbain et un lieu possible pour la diversité sociale.

B. ANALYSE DU FONCTIONNEMENT DU MARCHÉ FONCIER

1. Une crise liée à la crise immobilière

Contrairement à une idée reçue, ce n'est pas exclusivement la cherté du foncier qui accroît le prix du logement, ce peut être l'existence d'une forte demande de logements, non satisfaite, qui pèse sur le prix du foncier.

Les liens entre prix de l'immobilier et du foncier sont complexes, comme le montre l'encadré suivant.

De l'immobilier au foncier : les causes et les conséquences

Est-ce le marché des terrains qui entraîne le marché de l'immobilier ou le marché de l'immobilier qui entraîne le marché des terrains ? De la réponse à cette question dépend la validité des politiques foncières à adopter. La réponse n'est pas simple, mais elle existe. Elle dépend en particulier de l'échelle géographique à laquelle on se place.

1) L'effet de levier de l'immobilier sur le foncier

Les coûts d'une opération immobilière, qu'il s'agisse de logements neufs ou de bureaux, forment un ensemble hétérogène dans lequel on peut utilement distinguer trois parties :

1. Les coûts plus ou moins proportionnels au prix de sortie de l'opération (c'est à dire au prix auquel l'opérateur escompte la vendre). Ce sont les marges, les frais financiers, les budgets d'études, les coûts de commercialisation, etc.

2. Les coûts plus ou moins fixes, ou qui n'augmentent et ne diminuent que faiblement lorsque le prix de sortie augmente ou diminue et qui ne varient même pas énormément en fonction du standing de l'immeuble. Ce sont essentiellement les coûts de construction.

3. Enfin un dernier coût éminemment variable, la charge foncière, apparaît comme la variable d'ajustement . Il inclut aussi bien le prix du terrain proprement dit que le coût de sa libération, les équipements à la charge du constructeur et diverses autres ponctions financières.

Dans la mesure où le prix de sortie est une donnée du marché et où les deux premières séries de coûts sont calculables, il est possible d'en déduire (à travers le « compte à rebours »), la charge foncière maximum acceptable pour que l'opération puisse se faire.

Or certains des coûts étant constants, il est clair que toute augmentation ou diminution du prix de sortie entraînera une augmentation ou diminution plus que proportionnelle des charges foncières maximales supportables.

Pour un même terrain, les calculs des différents promoteurs en compétition pour son achat aboutiront sensiblement au même résultat, c'est à dire à la même offre. Si cette offre ne parvient pas à surpasser la valeur d'usage actuel du terrain, le propriétaire la refusera et l'opération n'aura pas lieu.

Mais si, au contraire, une augmentation du niveau de l'immobilier provoque, par l'effet de levier, une augmentation plus que proportionnelle des charges foncières acceptables, ce sont, peut-être, non seulement l'opération en cause qui deviendra faisable, mais toute une série d'autres opérations qui était jusque là bloquées dans le même quartier.

2) La formation des prix de sortie

Dans un quartier existant donné, il est clair que le renouvellement immobilier, en l'absence d'interventions publiques fortes, sera étroitement commandé par la mécanique du compte à rebours. C'est le prix de sortie de l'immobilier qui commandera les charges foncières acceptables et donc le rythme du renouvellement urbain.

Mais comment ces prix de sortie vont-ils se fixer ? Le marché de l'immobilier ne se forme pas à l'échelle du quartier, mais à celle de l'agglomération ou, plus précisément du « bassin d'habitat », c'est à dire de l'ensemble des secteurs géographiques entre lesquels il est raisonnable qu'un ménage recherche une localisation résidentielle optimale en comparant les coûts, les avantages et les inconvénients qui lui sont offerts ici et là.

Un ménage, qu'il soit riche ou qu'il soit pauvre, aura toujours la possibilité, pour un budget logement donné, soit d'habiter plus au large dans une localisation moins bonne (généralement parce qu'excentrique), soit d'habiter plus à l'étroit dans un emplacement plus favorable. Il existera donc, en particulier, une alternative résidentielle entre les nouvelles localisations résultant de la production foncière périphérique proposée sur le marché des nouveaux terrains à bâtir et les localisations plus centrales.

Or, les politiques foncières mises en oeuvre peuvent avoir un fort impact sur la valeur du gisement foncier périphérique qui entraînera automatiquement une baisse du prix des terrains neufs. L'avantage relatif à habiter à la périphérie s'en trouvera renforcé et la compétition pour les localisations centrales moins vive.

A l'échelle de l'agglomération, on peut donc dire, tout au contraire que ce sont les politiques foncières qui commandent les prix de l'immobilier et que leur impact se propage de la périphérie vers le centre .

Et dans la mesure où le marquage social devient un facteur de formation de la valeur immobilière des quartiers plus important que l'accessibilité, on peut ajouter que les politiques de mixité sociale, elles aussi, contribuent à la formation des valeurs foncières.

Source : d'après Joseph Comby, La formation de la valeur sur les six marchés fonciers, numéro 101 de la revue « Etudes foncières » (janvier 2003) .

2. Le marché foncier : un marche atypique

Dans l'article cité précédemment, M. Joseph Comby écrit : « Au café du Commerce, rien de plus simple que le fonctionnement du marché foncier. Si les prix des terrains augmentent c'est que les acheteurs sont nombreux et que les terrains sont devenus « rares et chers ». S'ils augmentent vraiment beaucoup, c'est à cause des spéculateurs. Et s'ils diminuent ? Ce n'est plus un sujet de conversation puisque chacun est convaincu que les prix des terrains ne peuvent pas baisser. L'idée que l'on observe toujours autant de ventes que d'achats, autant de vendeurs que d'acheteurs (pour qu'une mutation foncière se réalise, il faut être deux) paraît étrangement incongrue. Quant à l'affirmation selon laquelle il y a toujours autant de terrains avant et après la hausse des prix, que la surface d'une commune ne change pas, elle provoque des abîmes de perplexité chez l'interlocuteur. La fameuse « loi de l'offre et de la demande » qui conditionne nos réflexions, n'est décidément d'aucun secours pour comprendre quelque chose à l'économie foncière. Pire, elle nous égare. ».

Contrairement aux autres marchés, la valeur de l'espace sur le marché foncier ne se forme pas du côté de l'offre mais de celui de la demande : c'est la compétition que se livrent les acquéreurs potentiels d'un espace donné qui en détermine la valeur. Le nombre de mutations dans un secteur dépend ainsi du nombre de propriétaires disposés à vendre compte tenu de la valeur que la demande accorde à ce secteur.

De surcroît, il convient de distinguer le marché de la ressource foncière, c'est-à-dire le « foncier brut » à aménager, qualifié de « gisement foncier », et le marché des terrains à bâtir , produits à partir de ces terrains bruts. L'un des principaux objets de la politique foncière est de permettre le processus de fabrication de terrains à bâtir.

Or l'analyse de la crise actuelle fait apparaître que c'est précisément ce processus qui pose problème. Le rapport établi en 2003 pour le ministre de l'équipement par M. Pierre Pommelet, intitulé « Relancer l'habitat en Ile-de-France par la mobilisation des actifs fonciers publics » constate ainsi pour l'Ile-de-France : « la rareté et le coût du foncier dans les secteurs bien desservis sont les facteurs le plus communément cités par les acteurs publics et privés de la construction de logements pour expliquer la chute de la construction. En réalité il ne s'agit pas de foncier physiquement rare : (...) plus de 3 millions de m² peuvent être mobilisés dans la seule sphère du ministère de l'équipement ; il s'agit, en réalité, du foncier mis sur le marché dans le but de construire des logements qui, lui, est effectivement rare et cher, en zone agglomérée ».

En effet, le foncier urbain est « naturellement » cher, dans la mesure où sa valeur d'usage est élevée (desserte par les réseaux, équipements ...), alors même que son coût intrinsèque est alourdi par les coûts de démolition, voire de dépollution, préalables à une reconstruction. Le prix de vente n'est donc pas suffisant pour supporter à la fois un prix de réhabilitation ou de construction et une rémunération du foncier , surtout si son coût est déjà amputé par les frais de remise en état des immeubles concernés, de démolition et de remembrement. Par définition, les opérations de réhabilitation sont au démarrage très déficitaires. Le problème foncier vient dans ce cas du décalage entre le prix du foncier et ses possibilités actuelles de valorisation.

Les aménageurs indiquent à cet égard qu'il est impossible de remodeler de tels quartiers sans une importante aide publique . Dans les secteurs dégradés, les experts estiment souvent qu'il faut apporter environ 150 euros par mètre carré de subvention pour équilibrer l'opération, soit 12.000 à 15.000 euros par logement 6 ( * ) .

L'idée d'un outil public d'intervention sur le foncier est donc pertinente, d'autant que, par ailleurs, tous les paramètres de la valorisation (ouverture des documents d'urbanisme à la construction, mise en place d'équipements...) sont entre les mains de structures publiques.

II. DES SOLUTIONS JUSQU'ICI INSUFFISANTES

La spécificité du fonctionnement du marché foncier explique que l'Etat se soit donné, ou ait donné les moyens aux collectivités territoriales d'intervenir sur ce marché. Toutefois, les outils de la politique foncière semblent aujourd'hui insuffisants pour résoudre le problème de la pénurie et du renchérissement des terrains à bâtir.

A. LES INSUFFISANCES DE LA POLITIQUE FONCIÈRE

1. Un marché relativement opaque

Le rapport établi en 1996 au nom du conseil économique et social par M. Jean-Louis Dumont 7 ( * ) le constatait : les aménageurs se heurtent à l'opacité qui pèse sur le marché foncier, tant sur les prix des transactions les plus récentes que sur la nature des propriétaires fonciers. La publicité de ces informations, assurée par les 353 bureaux des hypothèques, se heurte à plusieurs limites. D'une part, seule la communication d'une pièce précise est possible : l'usager ne peut consulter directement le fichier immobilier, et doit passer par la médiation d'un agent du bureau des hypothèques. En outre, le coût de la communication d'un extrait étant relativement élevé, il apparaît difficile de mener un travail d'observation du marché foncier.

Cette opacité est, d'après le rapport précité, l'une des causes des phénomènes de spéculation, et limite de surcroît les capacités d'intervention et d'anticipation des acteurs . Elle est d'ailleurs plus accentuée pour le marché urbain, dans la mesure où, s'agissant du marché des terres agricoles, les observations sont nombreuses et anciennes, l'existence d'un droit de préemption des SAFER sur toutes les terres agricoles rendant particulièrement facile la collecte des données.

Le même rapport relevait que cette opacité explique en partie l'utilisation qui est faite par les communes du droit de préemption urbain (DPU). Celui-ci apparaît ainsi davantage utilisé comme un outil d'observation des transactions que comme un outil d'intervention. On constate en effet que près de 96 % des communes dotées d'un POS ou d'un PLU ont instauré le DPU sur la quasi-totalité de leurs zones urbaines ou à urbaniser, mais que ce droit est en fait très rarement exercé, puisque moins de 0,6% des déclarations d'intention d'aliéner entraînent une décision de préemption. De surcroît, le taux « d'évaporation » des décisions de préemption non suivies d'acquisition effective est élevé : en 1998, 60 % des dossiers se concluaient par un retrait de la collectivité ou du propriétaire.

Ainsi, une meilleure connaissance de l'information détenue par les conservations des hypothèques sur les transactions pourrait limiter l'usage du DPU comme moyen de connaissance des intentions de mutation.

Votre rapporteur pour avis relève enfin avec intérêt que certaines communes transmettent pour avis les déclarations d'intention d'aliéner qu'elles reçoivent aux bailleurs sociaux , ceux-ci pouvant, le cas échéant, signaler les opportunités compatibles avec une opération de logements sociaux.

2. L'intervention des collectivités territoriales

Avec la décentralisation, l'Etat a réduit ses aides à la constitution de réserves foncières, sans que les collectivités aient toujours les moyens suffisants pour prendre le relais. Elles peuvent intervenir sur le marché foncier par trois biais différents.

En premier lieu, les zonages élaborés dans les documents d'urbanisme peuvent modifier la valeur d'un terrain . Ainsi, tous les documents d'urbanisme doivent déterminer les conditions permettant d'assurer la diversité des fonctions urbaines et la mixité sociale dans l'habitat urbain et dans l'habitat rural , en prévoyant des capacités de construction et de réhabilitation suffisantes pour la satisfaction, sans discrimination, des besoins présents et futurs en matière d'habitat et d'activités économiques. En outre, dans les zones urbaines, le plan local d'urbanisme peut instituer des servitudes consistant à réserver des emplacements en vue de la réalisation, dans le respect des objectifs de mixité sociale, de programmes de logements qu'il définit (article L. 123-2 du code de l'urbanisme).

Enfin, le programme local de l'habitat a vu son rôle renforcé par la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales : celui-ci définit, pour une durée au moins égale à six ans, les objectifs et les principes d'une politique visant à répondre aux besoins en logements et en hébergements, et à favoriser le renouvellement urbain et la mixité sociale en assurant entre les communes et entre les quartiers d'une même commune une répartition équilibrée et diversifiée de l'offre de logements.

En second lieu, les collectivités ont, à leur disposition, un certain nombre d'outils opérationnels. Parmi ceux-ci se trouvent notamment les procédures de lotissement et les zones d'aménagement concerté .

S'agissant de ces dernières, le diagnostic établi par le rapport de M. Pierre Pommelet pour l'Ile-de-France tend à montrer qu'une utilisation plus fréquente de ces procédures aurait un impact sur le marché foncier. En effet, c'est bien l'altération du processus de transformation de terrains potentiellement constructibles en terrains à bâtir mis sur le marché qui explique l'actuelle pénurie de terrains pour la construction. Ainsi, en Ile-de-France, au 1 er janvier 2002, on comptait 789 ZAC, représentant une emprise au sol de 18.900 hectares, à comparer aux 167.000 hectares urbanisés en région Ile-de-France dont la surface totale est de 1.200.000 hectares.

En outre, d'après ce rapport, toutes les potentialités ouvertes par ces ZAC sont loin d'être utilisées puisque, sur les 713 ZAC en cours de commercialisation, si l'on fait la différence entre les surfaces prévues dans les plans d'aménagement de zone et celles qui ont fait l'objet d'une déclaration d'ouverture de chantier, on trouve une surface hors oeuvre nette résiduelle de 36 millions de mètres carrés, soit 14 % de la surface totale programmée . Ces surfaces se décomposent en 5,6 millions de mètres carrés de bureaux, 2,1 millions de commerces, 18 millions d'activité industrielle et 11,3 millions de mètres carrés de logements.

Il apparaît donc que la relance de l'urbanisme opérationnel serait de nature à permettre une relance du logement en Ile-de-France : celle-ci passe par une relance des ZAC, mais aussi l'utilisation des fortes capacités résiduelles à mettre en chantier.

Par ailleurs, il paraît nécessaire, afin d'assurer une meilleure efficacité des procédures d'aménagement des quartiers existants , de clarifier le champ d'application de l'autorisation d'opération de restauration immobilière et de simplifier la procédure en la rapprochant de celle du permis de construire. Ces dispositions devraient figurer dans l'ordonnance prise en vertu de l'article 13 de la loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit précitée.

En troisième lieu, une action foncière nécessite la mobilisation de ressources financières importantes pour constituer des réserves foncières et effectuer du portage foncier . Or toutes les communes ne disposent pas de ces moyens, ni des capacités d'expertise suffisantes pour donner une cohérence à leurs interventions foncières.

Pour la constitution de réserves foncières en vue d'une opération d'aménagement, les collectivités peuvent soit internaliser le portage, ce qui suppose des ressources suffisantes, soit faire appel à un instrument foncier . Parmi ceux-ci, on relèvera que le syndicat d'action foncière (1 seul en activité), la société d'économie mixte locale (290 dans le secteur de l'aménagement, sur les 1.158 existantes), et l'office public d'aménagement et de construction (30 en 2001) ont pour principal défaut l'impossibilité de mettre en oeuvre des procédures de préemption ou d'expropriation.

Les établissements publics fonciers apparaissent à cet égard comme des outils plus pertinents. Toutefois, le bilan des établissements publics fonciers locaux apparaît relativement insatisfaisant, puisque seulement six établissements ont été créés depuis 1990. Certes, la réforme de leur régime en 2000 a entraîné la création de quatre nouveaux établissements, et la récente loi relative aux libertés et aux responsabilités locales a permis à ces établissements de percevoir une taxe spéciale d'équipement à hauteur de 20 € par habitant. Toutefois, ces établissements sont encore très faiblement développés à l'échelle du territoire .

En revanche, votre commission se félicite des dispositions du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale qui visent à faciliter la création d'établissements publics fonciers d'Etat . En séparant mieux les métiers d'aménageur et d'opérateur foncier, en fixant une priorité en matière de logement social et en portant le plafond de la taxe spéciale d'équipement à 20 €, ce projet de loi devrait permettre la création d' instruments efficaces au service des collectivités locales .

L'établissement public du Nord-Pas-de-Calais

Créé en 1990, cet établissement a pour première mission la requalification des friches industrielles (4.400 hectares déjà réhabilités sur des crédits contractualisés Etat-région Nord-Pas-de-Calais). Depuis 1996, grâce au produit de la taxe spéciale d'équipement, l'organisme assure des missions de recyclage foncier à travers 32 conventions-cadres signées avec des établissements publics de coopération intercommunale. Il a acquis pour 56 millions d'euros de biens immobiliers et a revendu pour 20 millions d'euros de biens.

Récemment, l'établissement, en lien avec l'association régionale de l'habitat et la Caisse des dépôts, s'est impliqué dans la recherche de foncier en vue d'opérations de construction de logements sociaux . En 2003, quatre bureaux d'études ont été mandatés pour dresser un état des besoins et des possibilités, en renouvellement urbain (pour les deux tiers) ou en zones d'extension urbaine. Ces travaux ont fait apparaître un besoin d'environ 60 millions d'euros d'acquisitions foncières , un possible début de réponse au "stock" de 103.000 demandes de logement en instance dans la région . Le conseil d'administration de l'EPF a décidé d'y prendre une part de 15 millions d'euros sur la période 2004-2006. La somme sera mobilisée progressivement par emprunt (2 millions d'euros cette année, 5 millions l'an prochain, 8 millions en 2006).

3. Le patrimoine de l'Etat

Le rapport remis au Premier ministre par M. Olivier Debains sur la gestion du patrimoine de l'Etat 8 ( * ) rappelle que les propriétés publiques sont considérables en nombre et en volume , mais que leur recensement et la connaissance de leur affectation sont loin d'être exhaustifs, en l'absence d'un registre des biens publics.

Votre rapporteur pour avis regrette que l'Etat ne puisse pas, aujourd'hui, fournir un inventaire détaillé et une évaluation de la valeur de ses propriétés, et relève qu'un certain nombre de terrains affectés aux services ministériels ou à des organismes publics sous tutelle, pourraient opportunément être remis sur le marché et affectés à la construction de nouveaux logements. Il souligne également que la volonté de dégager des recettes pour le budget de l'Etat ne doit pas mettre en péril l'exigence de leur affectation prioritaire vers le logement et que la remise de ces terrains doit s'effectuer dans le cadre d'un projet mis au point avec les collectivités territoriales concernées.

Il convient à cet égard de saluer la démarche adoptée par le ministère de l'équipement à la suite du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 18 décembre 2003. Le ministre de l'équipement a en effet nommé en début d'année 2004 un délégué ministériel à l'action foncière qui lui est directement rattaché et qui est chargé de coordonner l'ensemble des actions nécessaires à la mobilisation et à la mise sur le marché des terrains de l'Etat disponible s affectés aux services du ministère ou aux organismes publics sous sa tutelle.

Un premier inventaire des terrains a été réalisé en Ile-de-France . Celui-ci a conduit à recenser environ 300 hectares de terrains pouvant être remis sur le marché qui devront faire l'objet, en priorité, d'une affectation à la construction de nouveaux logements.

La délégation à l'action foncière a commencé à instruire les dossiers avec leurs organismes propriétaires ou leurs services affectataires, en liaison avec les municipalités concernées. L'objectif est de clarifier et de préciser la destination de ces terrains en tenant compte de la volonté de l'Etat de donner une priorité à la construction de nouveaux logements. Dès la fin de l'année 2004, cette démarche associant l'ensemble des acteurs concernés sera opérationnelle en Île-de-France et sera étendue progressivement à l'ensemble des grandes métropoles régionales.

Le 4 novembre 2004, MM. Gilles de Robien et Marc-Philippe Daubresse ont annoncé qu'en Île-de-France, 9.300.000 m² de terrains seront mobilisés dans les dix années à venir, dont 1.300.000 m² dans les trois prochaines années. Sur la base de programmes mixtes accueillant des logements et des activités, ces terrains pourraient permettre de réaliser environ 40.000 logements. Des conventions ont été signées avec les principaux établissements publics du ministère , afin de définir précisément les terrains qui pourront être libérés : il s'agit de 2.610.000 m² pour Réseau ferré de France et la SNCF, 220.000 m² pour la RATP .

Si les terrains publics rendus disponibles ne suffisent pas à eux seuls à résoudre la pénurie foncière, cette démarche est décisive à plusieurs égards :

- elle est exemplaire de la part de l'Etat, qui ne peut inciter ou encourager les maires bâtisseurs, sans donner lui-même l'exemple sur ses propres terrains lorsqu'ils ne sont plus utiles à l'exercice de ses missions publiques ou qu'ils peuvent faire l'objet d'une utilisation plus rationnelle ;

- l'offre foncière ainsi créée a un effet induit sur la fluidité de l'ensemble du marché foncier ;

- si ces terrains ne représentent qu'une faible part des besoins fonciers à l'échelle nationale ou régionale, ils jouent souvent un rôle décisif à l'échelle des communes dans lesquels ils se situent.

B. LES PISTES DE RÉFLEXION

1. Rendre le marché plus transparent

Votre rapporteur pour avis souligne la nécessité d'organiser une transparence effective des prix sur le marché foncier, et s'interroge à cet égard sur l'opportunité de prévoir, lors du dépôt à la conservation des hypothèques en vue de la publicité foncière d'un acte portant aliénation à titre onéreux d'un bien, qu'un extrait d'acte soit simultanément transmis par le déposant au représentant de l'Etat dans le département et au maire de la commune où se situe le terrain ou l'immeuble, qui doit en faciliter la consultation publique.

Il convient en outre, en tout état de cause, de mettre en place dans toutes les agglomérations des systèmes d'informations foncières regroupant l'ensemble des données disponibles (notaires, Insee, Equipement ...).

2. Mettre en oeuvre une fiscalité foncière incitative

Un certain nombre de pistes, notamment fiscales, doivent être explorées dans la perspective du projet de loi « Habitat pour tous ».

L'analyse de la fiscalité immobilière et foncière fait ressortir un paradoxe : ceux qui construisent, qui agissent, sont davantage taxés que ceux qui ne le font pas. Il paraît donc nécessaire de rééquilibrer la fiscalité dans un sens plus favorable aux premiers. Ainsi, la loi n° 90-669 du 30 juillet 1990 relative à la révision générale des évaluations des bases des impôts directs locaux avait ouvert la possibilité, pour la commission communale des impôts directs, de créer, au sein de la classification des propriétés non bâties, une catégorie « terrains constructibles ». Cette catégorie concerne les terrains qui ne font pas l'objet d'une interdiction de construire et qui sont situés dans les zones urbaines délimitées par un plan d'occupation des sols. Cette faculté permet ainsi aux communes de taxer plus lourdement les terrains non urbanisés, localisés dans des zones urbaines. Il s'agit donc de créer une fiscalité incitative à la valorisation des terrains non bâtis. Or peu de communes ont exploité cette possibilité. Il pourrait être envisagé de rendre cette mesure obligatoire.

Votre rapporteur pour avis relève par ailleurs qu'il pourrait également être opportun de généraliser la pratique esquissée par certaines communes d'introduire de manière systématique une part de logements locatifs sociaux dans les programmes de promotion privés dépassant un certain seuil en nombre de logements. Enfin, l'introduction, dans les PLU, d'un zonage explicite fixant une proportion variable de logements sociaux sur les différents territoires de la commune pourrait avoir un effet régulateur sur les prix fonciers.

3. Assurer l'affectation d'une partie du patrimoine de l'Etat au logement

D'après le rapport de M. Pierre Pommelet, « l'effet psychologique de la remise sur le marché par l'Etat d'emprises publiques et la mise en oeuvre de procédures opérationnelles en accord avec les communes sur ces terrains, pourraient avoir un effet considérable d'entraînement, susceptible de relancer l'ensemble du processus de création de terrains à construire, aussi bien en secteur déjà programmés que dans les nouveaux terrains libérés ». Cet effet d'entraînement aurait, d'après le rapport, déjà été observé de 1986 à 1994, après la première relance de la recherche de foncier public.

Votre commission souligne l'importance de cette mise en place d'une politique active de libération du foncier en lien avec les collectivités . Il pourrait être opportun, à cet égard, comme le suggère le rapport intitulé « Mobiliser le foncier au profit de l'habitat social » établi par Mme Marie-Noëlle Lienemann, présidente de la Fédération nationale des sociétés coopératives d'Hlm, de créer auprès du Premier ministre une délégation à l'action foncière fédérant tous les services ministériels compétents . Chaque ministère devrait, dans ce cadre, rendre compte de sa politique en la matière lors de la discussion du budget, éventuellement sous forme d'indicateur, dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances. Au niveau local, il pourrait être envisagé de rendre obligatoire, dans le cadre du porter à connaissance des PLU, la communication de la liste des terrains publics .

Il serait également opportun de réfléchir à l'instauration d'un droit de préemption prioritaire aux collectivités locales lors de la cession de terrains publics. En tout état de cause, comme le suggère le rapport de M. Pierre Pommelet, cette politique de cession doit se concrétiser dans les communes où existent de vastes terrains publics par des engagements réciproques de l'Etat et des collectivités par le biais d'un protocole sur l'habitat annexé au programme local de l'habitat .

*

* *

Réunie le mercredi 10 novembre 2004, la commission des affaires économiques a, contrairement à la proposition de son rapporteur pour avis, émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'urbanisme inscrits dans le projet de loi de finances pour 2005 .

* 1 Décret n° 2004-17 du 6 janvier 2004 modifiant certaines dispositions du code général des collectivités territoriales relatives au concours particulier créé au sein de la dotation générale de décentralisation au titre de l'établissement et de la mise en oeuvre des documents d'urbanisme.

* 2 À l'exception des crédits liés à l'expérimentation qui représentent 451.000 euros en AP et 135.000 en CP.

* 3 Décrets n°2004-309 du 29 mars 2004 et n° 2004-311 du 29 mars 2004.

* 4 Décret n° 2004-531 du 9 juin 2004 (JO du 13 juin 2004) relatif aux documents d'urbanisme et modifiant le code de l'urbanisme.

* 5 Décret n° 2004-308 du 29 mars 2004.

* 6 Marc Sauvez, Acheter le foncier pour renouveler la ville, ADEF, n° 99, sept-oct 2002.

* 7 Conseil économique et social, La question foncière, avis adopté le 10 janvier 1996, p. 57.

* 8 Olivier Debains, Mission « immobilier public », rapport remis au Premier ministre, 2003.

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