II. UN EFFORT DE RATIONALISATION DANS LES FINANCEMENTS POUR LA PROTECTION DE L'EAU ET DES MILIEUX AQUATIQUES

1. Un effort de rationalisation dans les financements qui se traduit par une diminution des crédits consacrés à l'agrégat 22

Dans le projet de loi de finances pour 2005, les crédits de l'agrégat 22 diminuent de 15,3 % pour être fixés à 95,43 millions d'euros contre 112,72 millions d'euros 7 ( * ) en 2004.

Le tableau ci-dessous retrace cette évolution, détaillée à travers les composantes de l'agrégat.

DÉPENSES BUDGÉTAIRES SUR L'AGRÉGAT 22

(en millions d'euros)

Composantes de l'agrégat

2002

2003

LFI 2004

PLF 2005

Politique pluriannuelle de prévention des risques d'inondations fluviales

28

28

38

48

Police de l'eau et des milieux aquatiques

14

10

17

15

Reconquête de la qualité des milieux marins

8

55

6

7

Systèmes d'information sur l'eau et les milieux aquatiques

20

26

12

13

Lutte contre les pollutions diffuses d'origine agricole

10

27

14

3

Solidarité et péréquation nationales

4

31

11

4

Préservation, restauration des milieux naturels aquatiques

14

12

7

3

Structures de la politique de l'eau et planification

2

2

3

2

Total

100

191

108

95

Source : PLF 2005, « bleu écologie et développement durable ».

A travers cet agrégat, on peut rappeler que le ministère de l'écologie et du développement durable anime et coordonne la politique publique de gestion qualitative et quantitative de l'eau et des milieux aquatiques, en veillant à ce qu'elle respecte les orientations législatives et réglementaires du code de l'environnement et des directives communautaires prises dans le domaine de l'eau. Il en est ainsi notamment des dispositions de la directive du 23 avril 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, transposée en droit interne par la loi n° 2004-338 du 21 avril 2004.

S'agissant des priorités budgétaires fixées en 2005 pour la politique de l'eau et des milieux aquatiques, le ministère de l'écologie et du développement s'inscrit dans les objectifs définis par l'avant-projet de loi sur l'eau à, à venir en 2005, à savoir simplifier et clarifier tant les multiples composantes de la politique de l'eau que les modalités d'interventions de ses multiples acteurs.

Selon le ministère, « cela explique que, globalement et selon l'esprit de cette future loi, les crédits consacrés à l'eau passent de 112,70 à 95,43 millions d'euros. Il s'agit de mettre fin à des financements croisés et complexes entre l'Etat et les agences de l'eau. Il en résultera un changement de périmètre mais à prix constant pour le m 3 d'eau. Il ne s'agit pas d'un désengagement de l'Etat mais bel et bien d'un recentrage sur sa mission première : être garant de la qualité de l'eau vis à vis de l'ensemble des citoyens et des risques qu'elle peut engendrer, par exemple les inondations . A ce titre, en matière de prévention des dommages liés aux inondations, les crédits s'élèveront à 48 millions d'euros en 2005 soit une augmentation de près de 20 % par rapport à l'année 2004. En outre, 10 postes sont créés dans les services de prévision des crues, instruments indispensables à une politique de prévention efficace. »

Au total, le décroisement des financements entre l'Etat et les agences de l'eau porterait sur 20 millions d'euros.

En conséquence, les cinq priorités retenues pour 2005, s'agissant de la politique de l'eau, peuvent être ainsi présentées :

- renforcer les financements sur les services de prévision des crues et de police de l'eau . Ces deux missions régaliennes font l'objet d'un effort particulier de modernisation des services grâce à un regroupement des équipes et à la simplification des procédures par voie législative et réglementaire ;

- maintenir un effort important pour la mise en oeuvre d'un système d'information sur l'eau . Sa mise en place obéit à une obligation européenne, inscrite dans la directive cadre, dont l'échéance est fixée à fin 2006 ;

- maintenir un effort important sur le Plan Loire et les programmes d'action et de prévention des inondations intégrés par bassin versant ;

- diminuer dans le cadre d'un plan pluriannuel les crédits consacrés au fonctionnement de l'administration (- 10 %), au Conseil supérieur de la pêche (- 20 %), à divers partenaires et clore les opérations de financement de programmes spécifiques qui venaient le plus souvent abonder des participations des agences de l'eau (bassin minier, étang de Berre...) ;

- proposer aux agences de l'eau un accroissement de leur intervention dans le domaine des politiques relatives aux zones humides, à la couverture hivernale des sols et aux pollutions dues aux produits phytosanitaires.

2. La priorité donnée à la politique de prévention et de lutte contre les inondations

La politique de l'Etat en matière de prévention des inondations s'inscrit dans le cadre du plan Loire et dans le prolongement du programme décennal de prévention des risques naturels adopté en 1994, qui a fait l'objet d'ajustements spécifiques en octobre 2002 pour en renforcer l'efficacité.

Cette politique se décline selon trois axes qui peuvent être ainsi rappelés :

- la mise au point d'un ensemble de mesures législatives prévues dans la loi du 30 juillet 2003 ;

- la réorganisation de l'annonce des crues ;

- la promotion de programmes d'actions globaux et coordonnés chacun par un pilote unique, conduits à l'échelle des bassins versants et mettant l'accent sur le ralentissement des écoulements dès l'amont des bassins.

Pour le volet législatif, la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la prévention des dommages prévoit plusieurs dispositifs destinés à améliorer l'information des populations (information des acquéreurs, repères de crues), à renforcer les capacités d'intervention des collectivités locales (acquisitions, servitudes) et à réduire la vulnérabilité en élargissant le champ d'intervention du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM).

En matière de prévision des crues, une réorganisation complète des services oeuvrant à l'annonce des crues a été engagée depuis 2002 pour regrouper d'ici 2006 environ 140 agents (en équivalents temps plein) aujourd'hui encore dispersés sur 70 sites, en équipes disposant de la masse critique nécessaire à une véritable prévision des crues, dans 22 services de prévision des crues dotés chacun de 5 à 12 agents. Le service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévision des inondations (SCHAPI) créé dès 2003 a été installé sur le « météopôle » à Toulouse, de façon à développer des synergies entre météorologie et hydrologie.

En ce qui concerne les programmes globaux d'actions, le plan Loire, dont la tranche 2000-2006 a commencé avec retard et difficultés, ce que la Cour des Comptes a sévèrement critiqué en 2002, a fait l'objet d'une relance spécifique pour donner un véritable rôle de pilotage au préfet coordonnateur de bassin, devenu le gestionnaire unique des moyens de l'Etat affectés à ce plan.

Cette relance a permis d'augmenter le rythme annuel des dépenses consacrées à la prévention des inondations de 6 millions d'euros en 2002, à 11 en 2003 et à 20 en 2004 (prévisions) de façon à atteindre le rythme moyen prévu au contrat interrégional pour les années 2000 à 2006 adopté pour ce plan.

En juin 2003, après appels d'offres, 34 projets ont été retenus. Pour quelques bassins non sélectionnés représentant un enjeu important en termes de risques, il a été demandé aux maîtres d'ouvrage de retravailler ces projets avec le concours des services de l'Etat. Le nombre de dossiers retenus a été porté à 42 début 2004. Près d'un quart du territoire métropolitain sera ainsi couvert par des programmes d'actions résultant d'une démarche globale de prévention des inondations menée à l'échelle de bassins versants.

Les quelques 75 projets retenus début 2004 relèvent aussi bien de la catégorie des crues dites lentes (crues de plaine ou de nappes) que des crues torrentielles. Presque tous les bassins sur lesquels des crues importantes ont été enregistrées depuis une quinzaine d'années font partie des bassins expérimentaux (Somme, Odet, Saône, Meuse, Maine, bassin des Gardons, Ouvèze, Siagne...).

Votre rapporteur pour avis souligne que près de 170 millions d'euros seront mobilisés sur le budget de l'Etat et sur le FPRNM de 2004 à 2007, ce qui nécessitera une augmentation du budget de la prévention des inondations du ministère durant cette période.

Au-delà du bassin de la Loire, des initiatives ont été engagées en vue de définir une stratégie globale sur les deux autres fleuves français susceptibles d'engendrer les dommages les plus importants : la Seine, avec un risque de dommage de près de 10 millions d'euros sur la Région Ile-de-France en cas de renouvellement d'une crue similaire à celle de 1910, et le Rhône à l'origine, à plusieurs reprises depuis octobre 1993, d'inondations catastrophiques.

- En avril 2003, le préfet coordonnateur du bassin du Rhône a été chargé d'élaborer une stratégie globale de prévention des dommages liés aux crues du Rhône en concertation avec les collectivités riveraines du fleuve et de ses affluents de façon à aboutir à un équilibre entre les intérêts de ces diverses collectivités.

Les dommages de la crue de début décembre 2003 ont confirmé l'urgence de l'élaboration d'une telle stratégie et les maîtres d'ouvrages locaux gestionnaires des digues du Rhône aval situés en régions Languedoc-Roussillon et Provence Alpes Côte d'Azur se sont réunis en un syndicat unique pour coordonner leurs efforts, le préfet coordonnateur de bassin se voyant confier en janvier 2004 une mission de pilotage de la mise en oeuvre des aides exceptionnelles mobilisées par l'Etat et l'agence de l'eau pour aider la réparation des ouvrages hydrauliques endommagés (24 millions d'euros) pour un montant de travaux évalué à 60 millions d'euros).

- En ce qui concerne la Seine, le préfet de région Ile-de-France a engagé depuis deux ans une rénovation complète du plan de secours inondation de la Région Ile-de-France et sera chargé d'engager la concertation avec les collectivités de ce bassin pour définir également une stratégie globale de prévention sur le bassin de la Seine.

3. Le confortement de la politique de l'eau à travers l'élaboration du projet de loi sur l'eau

On peut rappeler que le dispositif juridique de la gestion de l'eau en France repose essentiellement sur les lois sur l'eau de 1964 et de 1992. Fondé en particulier sur la gestion par bassin versant, il a, de l'avis général, fait preuve d'une certaine efficacité et ce concept a d'ailleurs été repris dans la directive cadre européenne sur l'eau adoptée en octobre 2000.

Toutefois, le constat de la situation française n'est pas entièrement satisfaisant, au regard notamment de la dégradation de la qualité des eaux, de l'insuffisance des politiques de prévention et d'alerte, de déséquilibres chroniques entre les besoins et les ressources en eau sur certains territoires, et enfin de la forte augmentation du prix de l'eau au cours de ces dix dernières années, source d'inquiétude tant du côté des associations de consommateurs que des élus locaux.

En outre, il faut rappeler que le contrôle du Parlement sur l'établissement des redevances des agences de l'eau est insuffisant au regard de la Constitution, ce qui interdit toute amélioration législative.

Un confortement de la politique de l'eau s'avère donc nécessaire à travers une réforme d'envergure conduite par le Gouvernement à travers un grand débat national sur la politique de l'eau pour établir un diagnostic partagé et proposer un plan d'action en étroite concertation avec tous les acteurs de l'eau qui débouche sur un projet de loi examiné par le Parlement en 2005 et dont votre commission des affaires économiques se saisira au fond.

La réforme législative aura pour objectifs principaux de définir les outils nécessaires à l'administration, aux collectivités territoriales et aux acteurs de l'eau en général pour reconquérir la qualité des eaux et atteindre en 2015 les objectifs de bon état écologique fixé par la directive cadre européenne. Il s'agira aussi de parvenir à une meilleure adéquation entre ressources et besoins en eau, dans une perspective de développement durable des activités économiques utilisatrices et de donner aux collectivités territoriales les moyens d'adapter les services publics d'eau potable et d'assainissement aux nouveaux enjeux en terme de transparence vis à vis des usagers, de solidarité en faveur des plus démunis et d'efficacité environnementale.

Le projet propose également d'unifier les outils issus de la loi pêche et de la loi sur l'eau, de façon à ce que les rivières soient traitées par un corpus réglementaire unique. S'agissant de ce secteur, il convient de signaler que le projet de loi envisage de transformer le Conseil supérieur de la pêche en Office national de l'eau et des milieux aquatiques, afin de donner à cet établissement une nouvelle orientation. Votre rapporteur pour avis relève que cette structure serait financée principalement par des contributions de solidarité versées par les agences de l'eau ce qui résout, d'une certaine manière, les difficultés financières actuelles de l'établissement, difficultés qui ont obligé l'Etat à verser des subventions importantes depuis 1999.

Sur le plan institutionnel, il est envisagé de réformer dans le sens d'une meilleure efficacité l'ensemble du système, en précisant le rôle de chacun des acteurs concernés.

Enfin, s'agissant de la question des moyens financiers, le projet de loi modifie fondamentalement le régime des redevances des agences de l'eau, pour le rendre conforme à la Constitution, le simplifier et l'adapter au contexte de la décentralisation.

Les règles de calcul et d'établissement des redevances devront en particulier respecter les principes suivants :

- contribuer à la réussite de la mise en oeuvre de la directive cadre sur l'eau, à travers notamment la possibilité, pour les comités de bassin, de décider des modulations géographiques de taux et de coefficients d'usage tenant compte de la diversité des territoires ou encore l'extension du champ des redevances à des coûts écologiques aujourd'hui exonérés ;

- faire voter par le Parlement les assiettes et la procédure de recouvrement des redevances, ainsi que le plafonnement des taux, tout en privilégiant la « subsidiarité opérationnelle » des comités de bassin ;

- aboutir à un système de redevances plus simple et plus lisible, notamment par la suppression de la contre-valeur dans le calcul de la redevance consommation ;

- favoriser un rééquilibrage raisonné des contributions des différentes catégories d'usagers, sans hypothèse d'une stabilité globale des prélèvements obligatoires.

* 7 Dans le bleu « écologie et développement durable », les crédits en 2004 pour l'agrégat 22 sont inférieurs (108,5 millions d'euros), en raison d'une expérimentation menée dans le cadre de la mise en oeuvre de la LOLF.

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