III. LES CENTRES CULTURELS ET L'ALLIANCE FRANÇAISE

Le réseau culturel et de coopération est, avec les consulats, l'objet principal de la restructuration de réseau diplomatique français programmé pour 2004- 2007.

Constitué de 148 établissements, qui emploient une grande majorité de personnels recrutés localement (on en dénombre 6 300), il est surtout implanté en Europe occidentale (75 dont 29 dans trois pays -Allemagne, Espagne et Italie) et en Afrique (44), mais il est pratiquement absent du continent américain -où le relais est pris par l'Alliance Française- et jusqu'à une date récente, de l'Europe de l'Est. Depuis 2001 le ministère des Affaires étrangères a entrepris la restructuration de ce réseau, ce qui a conduit à la fermeture de six instituts en Allemagne et à la création de quatre établissements (Tachkent, Tbilissi, Sarajevo et Bakou).

L'objectif affiché est de « rationaliser » le dispositif, de le rendre plus efficace. On peut constater toutefois, ce qui est troublant, qu'il n'est jamais question de fermer une ambassade endormie (nous ne citerons pas d'exemple), mais que des centres culturels disparaissent alors que peu sont ouverts. L'examen des crédits d'intervention qui leurs sont attribués ainsi que la diminution du nombre d'agents dans le réseau confirment la volonté de le réduire pour sauvegarder le réseau diplomatique proprement dit, dans le cadre d'un budget contraint.

Même s'il est impossible, cette année, du fait de l'expérimentation de la LOLF sur 10 pays, de comparer les crédits ligne à ligne, l'évolution générale des subventions accordées aux Centres et Instituts est nette :

- 2000 : 71 M€

- 2001 : 69 M€

- 2002 : 70 M€

- 2003 : 72M€ (crédits amputés par la régulation budgétaire en cours d'année 2003)

- 2004 : 68,1 M€

La baisse est patente.

Par ailleurs, les postes budgétaires ne cessent de disparaître. En 2004, pour la seule catégorie A, 45 emplois ont été supprimés, 23 créés, soit un solde négatif de 22.

Sans entrer dans le détail des conséquences du plan de restructuration pour le réseau culturel, nous mettrons en évidence les points suivants :

A. LES FUSIONS DE FONCTIONS ET CELLES DES CENTRES CULTURELS AVEC LES ALLIANCES FRANÇAISES

• Fermeture ou transformation des centres culturels de province en Europe

Sur les 148 Centres culturels existants, une dizaine seront fermés ou deviendront des antennes d'un Institut maintenu, en Allemagne, en Autriche, Belgique, Italie et Pays-Bas. Le maintien d'une présence culturelle serait assuré par un « cadre de substitution », tel que la structure administrative du centre, qui pourrait subsister comme outil de coopération.

Mieux vaut peut-être fermer des centres culturels qui se meurent d'inanition depuis trop longtemps : poussiéreux, mal équipés, incapables de présenter une offre culturelle et des cours de français d'un niveau supérieur à celui des écoles de langues concurrentes. Mais ce n'est pas le cas de tous les Centres et Instituts qui vont disparaître parce que le dynamisme de nombreux directeurs et du personnel local avait pallié le manque de subvention publique. Le rapport du député Yves Dauge avait montré les richesses du réseau. En asphyxiant ces Centres et Instituts progressivement, avant de les déclarer moribonds et inutiles, on sacrifie un des leviers de la diplomatie culturelle de la France dont on continue de faire grand cas dans les discours, mais surtout dans les discours.

• Fusion des fonctions de consul général et de directeur d'institut

Cette fusion est déjà réalisée à Hambourg et à Alexandrie. Elle est prévue pour Sarrebrück et Stuttgart. Là, deux hypothèses sont possibles. Soit un diplomate, privé de la direction d'un consulat de plein exercice et placé à la tête d'un « consulat d'influence », devra animer et gérer une « boutique culturelle », soit un agent du réseau culturel sera véritablement directeur de l'Institut et décoré du titre honorifique de « consul d'influence ». Dans les deux cas, si l'on prend en compte la spécificité des métiers (on peut être excellent consul et piètre animateur et gestionnaire culturel, excellent animateur culturel et piètre diplomate, les deux talents étant rarement rassemblés dans la même personne), on ne peut que s'inquiéter, et pour le devenir des Instituts et pour la réalité de l'accomplissement des missions diplomatiques du « consul d'influence ». D'autre part, on connaît déjà la réaction des autorités politiques des villes concernées : elle oscille entre l'incompréhension et le sentiment d'être traitées sans considération par la France. L'exemple d'Alexandrie donne à penser.

• Fusion des fonctions dans les postes diplomatiques

Des postes sont supprimés dans les grands SCAC (service de coopération et d'action culturelle) d'Egypte, du Liban, du Maroc, de Tunisie où la diminution de notre action rend certains emplois administratifs moins nécessaires. Mais si l'on maintient un bon niveau d'activité en dépit de l'évolution des crédits, la ressource humaine manquera vite. Dans nombre de petits postes, le Premier Conseiller de l'ambassade deviendra directeur du SCAC.

• Transformation de postes d'expatriés en postes de recrutés locaux

Il s'agit là d'une bonne idée, là où existent des compétences locales. Toutefois il faudrait offrir des perspectives d'avenir à des personnes qui jusqu'alors n'ont eu droit ni à beaucoup de considération ni à une rémunération correspondant à leurs responsabilités et à la qualité de leurs services.

• Renforcement des moyens dans des postes prioritaires

C'est la bonne nouvelle du plan de restructuration. La réouverture du centre culturel d'Oran est en cours. Celles de Constantine et de Tlemcen sont prévues pour 2005. Des postes seront créés à Pékin où l'action culturelle se développe avec des Alliances Françaises qui s'ouvrent dans de nombreuses villes universitaires. L'Institut de Copenhague est installé sur un site plus approprié et celui de Tel Aviv sera installé dans un nouveau bâtiment. L'Angola, la Bosnie-Herzégovine, la Mongolie, l'Iran bénéficient aussi de mesures favorables en contrepartie desquelles des suppressions de postes sont prévues dans une dizaine d'autres lieux.

• Suppression des doublons entre un Centre culturel et une Alliance Française

L'idée est bienvenue car il est absurde de garder dans la même ville deux structures dont les fonction sont identiques : fermer l'Alliance française de Lisbonne et renforcer le Centre culturel, susciter la création d'une Alliance Française là où un Institut culturel est jugé trop dispendieux paraissent être des mesures de bonne politique.

La difficulté réside dans l'exécution. On a connu le mauvais exemple de Rome. La fermeture d'un Centre culturel doit se faire dans des conditions financières transparentes. On ne doit pas demander à une Alliance Française d'absorber le passif d'un établissement endetté. Et comment l'Alliance embaucherait-elle des personnels qui n'auraient pas été auparavant licenciés par le Centre culturel dans les conditions prévues par le droit du travail ? Par ailleurs, on ne peut attendre d'une Alliance Française, sauf dans des pays où le mécénat local est généreux, qu'elle propose une programmation culturelle équivalente à celle d'un Centre culturel. Enfin, la structure parisienne de l'Alliance Française n'a ni le personnel ni les moyens financiers nécessaires à l'animation de son réseau actuel. Si l'on continue à soutenir la création d'Alliances Françaises et à demander plus aux existantes, il faudra renforcer l'Alliance Française de Paris.

L'essentiel est de ne pas mutiler les deux institutions d'une de leurs activités au motif de les harmoniser. Mettre les cours de français dans l'une et les activités culturelles dans l'autre est le meilleur moyen de tuer les deux. C'est la présence des élèves et des professeurs qui anime la vie quotidienne, les recettes des cours constituent une part importante de l'auto-financement et ce sont les activités culturelles qui attirent et renouvellent le public, alimentant ainsi la demande l'enseignement. Heureusement, ce partage des compétences ne semble pas être à l'ordre du jour.

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