B. UNE PREMIÈRE ÉTAPE DE L'ÉVOLUTION STATUTAIRE DES COMMUNES DE SAINT-MARTIN ET SAINT-BARTHÉLÉMY

Les conseils municipaux de Saint-Barthélémy et Saint-Martin ont, depuis longtemps, fait connaître au Gouvernement et au Parlement leur souhait de voir leur statut actuel évoluer, afin que soit mieux prises en compte leurs particularités géographiques, historiques et économiques. Les élus de ces communes ont ainsi présenté au Gouvernement deux projets distincts de nouveau statut, ouvrant la voie à la consultation des électeurs inscrits.

1. L'approbation populaire d'une évolution statutaire dans le cadre de l'article 74 de la Constitution

L e conseil municipal de Saint Martin a adopté, le 20 février 2003, un projet d'évolution statutaire tendant à substituer à la commune de Saint-Martin une collectivité d'outre-mer au sens de l'article 74 de la Constitution. Afin de tenir compte de certaines difficultés juridiques soulevées par ce texte, un nouveau projet a été approuvé par le conseil municipal le 31 juillet 2003.

Le conseil municipal de Saint-Barthélémy a adopté, le 30 avril 2003, un projet d'évolution statutaire, de nouveau approuvé à l'unanimité le 8 août 2003. Ce dernier prévoyait la création d'une collectivité d'outre-mer au sens de l'article 74 de la Constitution se substituant à la commune ainsi qu'au département et à la région de Guadeloupe pour le territoire de Saint-Barthélémy.

Dans les deux communes, une très large majorité des électeurs s'est prononcée en faveur de l'évolution statutaire. Ce résultat contraste fortement avec celui des consultations tenues le même jour pour le reste de la Guadeloupe, ainsi qu'en Martinique.

Résultats des consultations du 7 décembre 2003 dans les îles de
Saint-Martin et Saint-Barthélémy

 

Inscrits

Votants

Exprimés

OUI

NON

Saint-Martin

13.413

5.926

5.645

76,17 %

23,83 %

Saint-Barthélémy

3.697

2.910

2.852

95,51 %

4,49 %

Source : ministère de l'outre-mer.

Le vote positif des électeurs de Saint-Barthélémy et Saint-Martin a donc ouvert la voie à la présentation devant le Parlement d'un projet de loi organique définissant les statuts respectifs nouveaux de ces deux collectivités.

2. Une transformation prochaine en collectivités d'outre-mer

Les projets d'évolution statutaire approuvés, dans leur principe, par les électeurs de Saint-Martin et Saint-Barthélémy ne lient juridiquement ni le Gouvernement ni le Parlement pour l'adoption éventuelle de la loi organique fixant leurs nouveaux statuts .

Toutefois, Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, s'est engagée dès le débat sur l'évolution statutaire tenu devant le Parlement le 7 novembre 2003, à ce que le projet de loi organique reprenne les grandes orientations des projets adoptés par ces deux communes , sous réserve que ceux-ci respectent les règles constitutionnelles applicables aux collectivités territoriales et prévues par le titre XII de la Constitution.

Le ministre a déclaré, lors de son audition par votre commission, que les avant-projets de lois organique et ordinaire portant statut de ces collectivités étaient en cours d'élaboration . La visite dans ces îles de Mme Brigitte Girardin, les 2 et 5 juillet 2004, a été l'occasion de préciser la teneur de ces textes qui, selon le ministre, devraient être adoptés au plus tard au printemps 2005 afin que les nouvelles institutions locales puissent être installées avant l'été 2005.

a) Les orientations du futur projet de loi organique pour Saint-Martin

Lors de son discours devant les élus de l'île, le 2 juillet 2004, Mme Brigitte Girardin a confirmé, sur le plan institutionnel, la création, par le futur projet de loi, d'une assemblée délibérante élue au suffrage universel réglant les affaires de la collectivité . Les compétences de cette assemblée comprendraient, outre celles du conseil municipal, celles du conseil général et celles du conseil régional, ainsi que des attributions nouvelles, en particulier dans le domaine de la loi. L'assemblée élirait un organe exécutif collégial distinct, responsable devant elle. La nouvelle collectivité exercerait ses compétences dans le respect du cadre constitutionnel et législatif défini par la République, ce qui implique que le représentant de l'Etat devrait disposer des outils nécessaires pour exercer ce contrôle.

A propos de la fiscalité , la nouvelle collectivité serait compétente pour déterminer le taux et l'assiette des impositions de toute nature, à l'exception des impositions sociales qui continueraient de relever de la compétence de l'Etat. Il appartiendra cependant aux nouvelles institutions de dégager les marges de manoeuvre financière nécessaires à l'exercice des compétences nouvelles qui leur seraient transférées. Toutefois, les règles applicables à la perception de ces impôts et taxes resteraient définies par les procédures fiscales nationales et leur perception sera assurée par les services de l'Etat.

En revanche, le droit pénal, les règles relatives à la recherche et à la constatation des infractions, le droit bancaire, le droit des marchés financiers et le droit commercial continueraient de relever de la compétence pleine et entière de l'Etat . Les dispositions législatives et réglementaires s'y rapportant seraient applicables de plein droit à Saint-Martin.

Le ministre a également précisé que les ressources de la collectivité comprendraient les dotations attribuées aux communes, aux départements et à la région pour l'exercice habituel de leurs compétences. Ces dotations seraient prélevées, au prorata de la population concernée, sur celles versées au département et à la région de Guadeloupe, mais il appartiendra également à la collectivité de dégager des ressources grâce à la fiscalité qu'elle mettra en place.

Enfin, le ministre a estimé que le nouveau statut de Saint-Martin pourrait être l'occasion de définir un régime juridique spécifique en matière d' immigration , mieux adapté aux particularités de cette collectivité, rappelant que les questions de sécurité et d'ordre public resteraient de la compétence de l'Etat.

Votre commission insiste pour que la réforme statutaire envisagée ne consacre aucun désengagement de l'Etat, notamment en matière de répression du banditisme et des circuits de blanchiment d'argent. La partie néerlandaise de Saint-Martin, Sint-Maarten, connaît en effet d'importants problèmes de blanchiment intervenant par le biais de la dizaine de casinos implantés sur son territoire. Les actions entamées par l'Etat afin que ces activités ne se développent pas dans la partie française de l'île doivent donc être poursuivies et amplifiées, nonobstant le changement statutaire annoncé.

b) Les orientations du futur projet de loi organique pour Saint-Barthélémy

A l'occasion d'un discours prononcé devant les élus de Saint-Barthélémy, le 5 juillet 2004, le ministre a énoncé que l'avant-projet de statut adopté par le conseil municipal serait, pour l'essentiel, repris dans le futur projet de loi .

Concernant les institutions de la nouvelle collectivité, le principe de la création d'une assemblée délibérante élue au suffrage universel , ainsi que d'un exécutif responsable devant elle a été confirmé. Un conseil économique, social et culturel, doté de larges pouvoirs d'initiative et de consultation, serait également institué. Bien que dans des domaines nombreux le principe d'identité législative avec la métropole soit maintenu , l'assemblée délibérante de la nouvelle collectivité, pourrait adopter des dispositions relevant du domaine de la loi, notamment pour l'urbanisme, l'environnement et la fiscalité .

Ainsi, selon le ministre, le nouveau statut ne pourra conduire à la création d'un « paradis fiscal », dans la mesure où l'Etat conservera la maîtrise des droits bancaire, commercial et pénal, ainsi que des règles concernant la recherche et la constatation des infractions. De plus, le pouvoir donné à la collectivité nouvelle de fixer l'assiette et le taux des impositions s'exercerait dans le respect de la Constitution, de la convention fiscale qui sera conclue avec l'Etat pour éviter toute forme d'évasion, et de la nécessité d'assurer à la collectivité des moyens nécessaires à son fonctionnement. En tout état de cause, la perception des impôts, droits et taxes resterait assurée par des agents de l'Etat. La collectivité nouvelle serait également soumise à un contrôle de légalité de ses actes.

Le ministre a, en outre, rappelé que l'évolution statutaire de Saint-Barthélémy était indépendante du droit européen, mais que la capacité normative de la future collectivité pourrait être plus ou moins contrainte par l'appartenance au statut de région ultra périphérique plutôt qu'à celui de pays et territoires d'outre-mer, prévu par les traités européens.

Les deux collectivités de Saint-Barthélémy et de Saint-Martin devraient donc disposer rapidement d'une organisation territoriale adaptée à leurs spécificités . Les futurs projets de loi , qui auront pour « principal objet l'organisation des collectivités territoriales » au sens de l'article 39 de la Constitution, devront être examinés en premier lieu au Sénat. Une mission de votre commission des Lois se rendra d'ailleurs du 9 au 15 décembre 2004 dans ces deux îles afin d'évaluer, sur place, la pertinence de l'évolution statutaire envisagée au regard de leurs particularités économiques, géographiques et historiques.

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