3. Quelle contribution de l'éducation nationale au développement de l'apprentissage ?

Les régions exercent, dans le domaine de la formation en apprentissage, une compétence de plein exercice. Elles décident, dans le cadre du PRDFP, de l'ouverture et de la fermeture des sections.

Elles ont contribué, ces dernières années, au développement rapide de l'apprentissage ainsi qu'à son amélioration qualitative, dans le souci, d'une part, de mieux répondre aux besoins des entreprises, et d'autre part, d'utiliser les lycées professionnels dont elles ont la charge à leur plein potentiel.

Ainsi, l'apprentissage a vu ses effectifs s'accroître de près d'un quart de 1995 à 2003, passant de 290 000 à 360 000. Toutefois, ces effectifs stagnent depuis 1999.

Alors que la loi de programmation pour la cohésion sociale a affiché l'objectif de porter les effectifs d'apprentis de 360 000 actuellement à 500 000 d'ici 2009 , votre rapporteure estime que l'éducation nationale doit y apporter une contribution essentielle, afin de faire de l'apprentissage une filière de réussite.

a) L'apprentissage au sein de l'éducation nationale : une voie encore marginale, mais qui a connu de profondes mutations

Comme le constate un rapport sur « L'apprentissage au sein de l'éducation nationale », établi à la demande du Haut Conseil de l'évaluation de l'école (HCéé) préalablement à son avis n° 17 de juillet 2005 26 ( * ) , « la voie de l'apprentissage constitue à bien des égards une voie structurellement à la marge du système éducatif français. »

On ne compte en effet, au 1 er janvier 2004, que 22 300 apprentis scolarisés dans des structures relevant de l'éducation nationale.

Néanmoins, l'apprentissage au sein de l'éducation nationale a connu ces dernières années une mutation de ses structures, de sa géographie, de son recrutement et de ses métiers.

Ainsi, la carte de l'apprentissage a été sensiblement modifiée. L'apprentissage est réalisé en 2004 au sein de 308 établissements, soit six fois plus qu'en 1990, même si cela ne représente qu'un établissement public local d'enseignement (EPLE) potentiellement concerné sur huit :

- le nombre de centres de formation des apprentis (CFA) dans les EPLE est passé de 52 à la rentrée 1989 à 95 en 2004 ;

- en parallèle, de nouvelles structures issues de la loi quinquennale de 1993, se sont mises en place sur le territoire : les sections d'apprentissage (SA) et unités de formation par apprentissage (UFA).

De fait, en 2004, on trouve au moins une structure de formation par apprentissage dans 25 académies -contre dans seulement 13 en 1989 -, soit dans l'ensemble des académies de métropole excepté la Corse.

LE CADRE JURIDIQUE DE L'APPRENTISSAGE
AU SEIN DE L'ÉDUCATION NATIONALE

- 95 CFA en EPLE regroupent la grande majorité des effectifs, soit environ 19 000 apprentis ; leur fonctionnement est proche de celui des CFA gérés par d'autres organismes, à la différence qu'ils sont gérés par les EPLE qui les hébergent ; un coordinateur pédagogique, qui seconde le chef d'établissement, est dans les faits chargé d'assurer leur gestion quotidienne ;

- 109 sections d'apprentissage (SA) accueillent environ 1 800 apprentis ; elles sont créées sur la base d'une convention entre le conseil régional, un EPLE et une profession, à partir d'un besoin de formation particulier ; ce cadre a constitué un moyen privilégié de développer l'apprentissage dans des établissements ou académies ayant peu d'antériorité dans ce domaine ; trois académies (Toulouse, Orléans-Tours et Poitiers) regroupent à elles seules près de la moitié des SA existant sur l'ensemble du territoire ;

- 85 unités de formation par apprentissage (UFA) accueillent environ 1 500 apprentis ; elles se distinguent des SA en ce qu'il existe une distinction entre la responsabilité pédagogique des formations dispensées, qui reste du ressort de l'EPLE, et la responsabilité administrative et financière qui relève d'un CFA dit « sans mur » ou « hors les murs », géré par une association régionale créée par un partenaire professionnel. Cette formule, issue d'une expérimentation menée par la région Rhône-Alpes à la fin des années 80, a été étendue par la loi quinquennale de 1993, dans l'objectif de favoriser l'implication des branches professionnelles dans le développement de l'apprentissage dans les régions, tout en s'appuyant sur le potentiel des installations et enseignants de l'éducation nationale déjà existant ;

- d'autres formules plus marginales peuvent se mettre en place dans certaines académies, notamment par des conventions passées par les EPLE avec des CFA, au titre de l'article L. 116-1-1 du code du travail (l'EPLE ne fait que mettre à disposition ses équipements techniques ou ses ressources pédagogiques, en laissant le CFA assurer le pilotage de la formation) ou par des regroupements de structures.

Source : Rapport à la demande du Haut Conseil de l'évaluation de l'école, « L'apprentissage au sein de l'éducation nationale : un état des lieux », Avril 2005.

Toutefois, cette évolution n'a pas levé les très fortes disparités constatées selon les académies, comme le montre le tableau ci-après.

PART DE L'APPRENTISSAGE AU SEIN DE L'ÉDUCATION NATIONALE
SELON LES ACADÉMIES

Régions

Part de l'EN dans la population des apprentis

Données de cadrage

1995

2002

Effectifs au sein des établissements EN en 2002

Évolution du nombre des apprentis entre 1995 et 2002 (tous CFA confondus)

Effectifs tous CFA confondus en 2002

Ø Alsace

62,8

47,1

6 073

1 420

12 907

Ø Lorraine

24,4

20,7

3 050

2 704

14 713

Ø Champagne-Ardenne

3,5

0,0

0

1 505

7 702

Ø Provence Côte d'Azur

9,1

7,0

2 078

5 946

29 871

Ø Rhône-Alpes

5,6

3,5

1 139

8 605

32 191

Ø Pays de la Loire

6,6

5,1

1 445

7 346

28 613

Ø Auvergne

0,4

0,0

0

37

7 315

Ø Corse

0,0

0,0

0

83

1 213

Ø Total

8,0

8,1

29 054

70 129

357 028

Ø Bretagne

3,6

4,0

646

3 497

16 232

Ø Basse-Normandie

0,0

0,4

42

1 298

9 857

Ø Picardie

0,0

0,5

50

2 332

10 974

Ø Centre

1,2

2,3

383

1 602

16 490

Ø Languedoc-Roussillon

7,3

8,4

991

1 776

11 772

Ø Bourgogne

1,2

2,4

269

2 109

11 290

Ø Nord Pas de Calais

11,5

13,5

2 303

3 389

17 075

Ø Franche-Comté

0,1

2,6

209

1 599

8 178

Ø Midi Pyrénées

3,1

5,5

808

2 763

14 564

Ø Île-de-France

4,1

6,8

4 074

15 852

60 103

Ø Haute-Normandie

5,7

9,4

1 318

2 847

14 092

Ø Poitou-Charentes

0,2

4,4

550

1 028

12 604

Ø Aquitaine

6,4

13,0

2 082

2 319

16 030

Ø Limousin

23,9

47,7

1 544

72

3 239

Source DEP « Enquête 51 » traitement CEREQ

D'une façon générale, la répartition territoriale de l'apprentissage est très inégale, tant en termes de spécialités que de niveaux, et reflète la grande disparité des politiques régionales en ce domaine. En effet, son développement reste très lié aux caractéristiques du tissu économique local ainsi qu'aux traditions ou « cultures » régionales.

b) Clarifier le rôle de l'éducation nationale dans le développement de l'apprentissage, pour en faire une filière de réussite

La loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école a fixé, pour l'éducation nationale, l'objectif d'augmenter de 50 % le nombre d'apprentis dans les formations en apprentissage dans les lycées, soit 11 000 apprentis supplémentaires.

Ce développement s'appuiera sur deux leviers principaux :

- l'élargissement, dans le cadre de la loi de programmation pour la cohésion sociale, des possibilités de création d'UFA, qui pourront désormais être créées par des CFA publics gérés soit par un EPLE, soit par un GIP académique ;

- l'inscription dans le code de l'éducation, par la loi pour l'avenir de l'école, de la possibilité, pour les enseignants, de participer aux actions de formation par apprentissage , comme cela était déjà prévu pour les actions de formation continue des adultes.

Toutefois, il existe encore un certain nombre de freins au développement de l'apprentissage au sein de l'éducation nationale, qui sont liés :

- à l'image dévalorisée de l'apprentissage, parfois encore perçue comme une voie de relégation,

- à la crainte d'une concurrence entre les différentes filières de formation ; le développement de l'apprentissage se ferait ainsi au détriment des voies professionnelles sous statut scolaire. C'est pourquoi l'élaboration des PRDFP revêt des enjeux importants, pour veiller à assurer une cohérence et une complémentarité entre ces deux formes d'enseignement.

Or, comme le souligne le CEREQ dans une récente publication 27 ( * ) , « l'échec scolaire ne caractérise plus l'univers apprenti » :

- les résultats aux examens sont désormais équivalents pour les élèves ou les apprentis et les taux d'insertion professionnelle sont satisfaisants ;

- la capital scolaire des apprentis s'est élevé : 73 % des entrants en CAP ou BEP ont au minimum suivi la voie scolaire jusqu'à la fin du collège ;

- le niveau des formations proposées s'est élevé, même si le niveau V reste encore prédominant : à la rentrée 1995, huit apprentis sur dix préparaient un CAP ou un BEP, alors qu'ils sont six sur dix en 2003.

Aussi, l'apprentissage peut également apparaître comme une filière de réussite , participant aux objectifs d'élévation des niveaux de formation.

Toutefois, des progrès restent encore à accomplir et des difficultés sont à prendre en compte :

- malgré l'élévation générale du niveau des apprentis et du niveau des formations proposées, plus de 10 % des entrants en apprentissage sont des jeunes déstructurés sur les plans scolaire et social ;

- les capacités d'accueil des entreprises sont limitées, notamment pour ces jeunes en difficulté ; en l'occurrence, le taux élevé de ruptures de contrat (de l'ordre de 25 %) peut s'avérer dissuasif ;

- les apprentis sont confrontés à des contraintes de logement et de transports , entre leurs lieux de résidence, de formation et de travail, que la future « carte de l'apprenti », instituée par la loi de cohésion sociale, devra prendre en compte ; en effet, la majorité d'entre eux sont citadins et les CFA sont le plus souvent situés dans les villes, alors que 70 % des entreprises sont en milieu rural.

Comme le suggère le HCéé dans l'avis précité, il appartient à l'éducation nationale d' identifier et clarifier les objectifs propres du service public d'éducation en matière de développement de l'apprentissage . Ce rôle doit notamment viser à corriger les inégalités :

- en contribuant à un rééquilibrage géographique de l'offre d'apprentissage ;

- en assurant la promotion des formations que les tendances spontanées du développement de l'apprentissage négligent ; or la part de l'éducation nationale a eu tendance à augmenter, en suivant la logique de demande, dans les secteurs déjà en forte croissance chez les opérateurs privés ; ces besoins concernent notamment des formations de niveau V, en priorité dans certains métiers de l'artisanat, de l'hôtellerie-restauration, de l'agroalimentaire et des services qui ont aujourd'hui du mal à recruter ; toutefois, il est important de veiller à ce que ces formations puissent se prolonger aux niveaux supérieurs ;

- en contribuant à renforcer la dimension éducative et pédagogique de l'apprentissage ; votre rapporteure estime en effet primordial d'assurer aux jeunes une bonne formation générale, leur permettant d'évoluer ou de se réorienter au long de leur carrière ; cela repose notamment sur une plus grande reconnaissance de la fonction de maître d'apprentissage , par exemple en leur délivrant une certification, en contrepartie d'un contrôle accru.

Aussi, votre rapporteure estime que l'apprentissage dès 14 ans, comme l'a proposé le Gouvernement pour répondre au défi de l'échec scolaire, ne va pas dans le sens d'une revalorisation de l'image de l'apprentissage. Le système éducatif doit en effet garantir à toutes et tous les jeunes l'acquisition d'un niveau de formation générale suffisamment élevé pour leur épanouissement et leur émancipation, leur donnant les clés de notre société pour pouvoir s'y intégrer ; en outre, les métiers d'aujourd'hui sont en constante évolution et, de plus en plus fréquemment, le monde du travail demande à chaque salarié(e) de se réorienter au cours de sa carrière, en passant par des périodes de formation continue, d'où l'importance d'une formation initiale de qualité. Enfin, l'apprentissage doit s'appuyer sur un projet professionnel solide, et votre rapporteure doute que de si jeunes élèves aient la maturité suffisante pour l'élaborer.

* 26 « L'apprentissage au sein de l'éducation nationale : un état des lieux », Jean-Jacques Arrighi et Damien Brochier, chargés de mission au Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ), Avril 2005 ; Haut Conseil de l'évaluation de l'école, Avis n° 17, juillet 2005, « L'apprentissage au sein de l'éducation nationale ».

* 27 « 1995-2003, l'apprentissage aspiré par le haut », Bref n° 217, mars 2005, Centre d'études et de recherches sur les qualifications.

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