B. L'AVANCEMENT DES PROGRAMMES NUCLÉAIRES

La loi de programmation militaire 2003-2008 rappelle qu'en matière de dissuasion, l'objectif est de « disposer, en toutes circonstances, d'une capacité autonome et suffisante pour faire peser sur tout agresseur potentiel une menace de frappe nucléaire crédible ». Il souligne la nécessité de maintenir le niveau d'invulnérabilité de nos deux composantes et d' améliorer la souplesse de choix des objectifs .

Ce « contrat opérationnel » passe par la poursuite de la modernisation des deux composantes, dont la complémentarité permet d'offrir au Président de la République le maximum de souplesse et de possibilités :

- une force océanique stratégique dotée de sous-marins nucléaires de nouvelle génération emportant un missile plus performant, le M 51,

- une composante aérienne à la fois plus visible et plus souple d'emploi, elle aussi dotée d'un nouveau missile, l'ASMP/A.

Il passe également par des moyens de simulation qui garantissent la fiabilité, et donc la crédibilité des armes nucléaires en l'absence d'essais de vraie grandeur.

1. L'équipement des deux composantes

La Force océanique stratégique (FOST) comporte désormais trois sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de nouvelle génération (SNLE NG) depuis l'admission au service actif du Vigilant, en fin d'année 2004. Le dernier SNLE de type « Redoutable », l'Inflexible, sera retiré du service en 2008, avant que la FOST ne reçoive mi-2010 le 4ème et dernier SNLE NG, le Terrible . Celui-ci a été commandé en 2000 et il est construit directement pour embarquer, dès son entrée en service, le futur missile M 51. Les dotations prévues en 2006 s'élèvent à 361,6 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 421,4 millions d'euros de crédits de paiement.

Les crédits d'équipement des forces navales consacrés à la FOST comportent, outre la construction du Terrible, le programme d'adaptation au missile M 51 des trois premiers SNLE NG. Il s'agit de développer, à l'aide de différents moyens d'essai, la composante embarquée du système d'armes de dissuasion M 51 (CESAD M 51) qui sera installée à bord des trois bâtiments. La commande de la première adaptation et le lancement de la réalisation doivent intervenir en 2006. Les dotations prévues en 2006 s'élèvent à 104,5 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 56 millions d'euros de crédits de paiement.

Enfin, dans le cadre du soutien des forces sous-marines, le maintien en condition opérationnelle des SNLE NG verra ses crédits portés à 265 millions d'euros, le Téméraire devant entrer en indisponibilité périodique pour entretien et réparation (IPER) en 2006, ce qui génère des besoins financiers supplémentaires.

Les forces aériennes stratégiques , actuellement composées de trois escadrons de Mirage 2000N, sont pour leur part appelées à évoluer avec l' arrivée du Rafale au standard F3 d'une part, et du missile ASMP/A d'autre part. Un premier escadron de Rafale F3 équipés de l'ASMP/A devrait être opérationnel fin 2009, les deux autres n'étant prévus qu'en 2018. Deux escadrons de Mirage 2000N feront l'objet des adaptations nécessaires (standard K3) pour emporter l'ASMP/A dès fin 2008 pour le premier escadron et en 2010 pour le second. C'est également en 2010 que devrait être constituée une première capacité opérationnelle de Rafale F3 équipés de l'ASMP/A sur le porte-avions Charles de Gaulle. Il faut rappeler que les appareils des trois escadrons appartenant aux forces aériennes stratégiques sont polyvalents et n'effectuent environ que 15 % de leurs missions au titre de la dissuasion.

L' adaptation des Mirage 2000N et des Rafale à l'ASMP/A des forces aériennes stratégiques mobilisera en 2006 52,5 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 39,9 millions d'euros de crédits de paiement. Par ailleurs, la rénovation de l'avionique des C 135 de l'escadron de ravitaillement en vol des forces aériennes stratégiques sera lancée l'an prochain. Les autorisations d'engagement prévues pour 2006 s'élèvent à 63,7 millions d'euros et les crédits de paiement à 17,7 millions d'euros. Enfin, une dotation de 98 millions d'euros est prévue dans les crédits de soutien pour l'activité des forces aériennes stratégiques.

S'agissant des programmes de missiles , la fabrication du M 51 comme celle de l'ASMP/A sont en cours.

Le missile balistique M 51 destiné à équiper la FOST à compter de 2010 prendra la suite des missiles de la génération M 4 entrée en service en 1985, dont est issu le M 45 actuel et dont certains composants ou certaines technologies deviennent désormais obsolètes. Le M 51 est un missile à têtes multiples d'une portée de l'ordre de 6 000 km. Plus volumineux que le M 45, il est conçu pour emporter, sans perte de portée pour un même nombre de têtes, les futures têtes nucléaires océaniques (TNO) élaborées à partir du concept de « charges robustes », validé lors de la dernière campagne d'essais dans le Pacifique. Avec le M 51, les zones de patrouilles seront plus étendues, les profils de vols plus variés et les secteurs géographiques atteignables plus nombreux. La capacité de pénétration du missile sera accrue pour tenir compte de l'évolution des défenses antimissiles. Sa précision supérieure permettra de mieux sélectionner les objectifs.

Le développement du missile M 51 a débuté en 2000 et la fabrication du premier des trois lots prévus a commencé en fin d'année 2004. Le 1 er essai en vol doit être effectué dans la seconde moitié de 2006 depuis le Centre d'essais des Landes. On sait que dans un premier temps, le M 51 emportera les têtes nucléaires TN 75 actuellement en service. A cette première version appelée M 51.1 succèdera, à compter de 2015, une seconde version appelée M 51.2 équipée de la TNO. Le contrat de développement de cette version est attendu pour 2006. Les dotations prévues en 2006 pour le M 51 s'élèvent à 792,6 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 608 millions d'euros de crédits de paiement.

Le missile aéroporté ASMP/A (air sol moyenne portée améliorée) équipera à compter de 2008 les forces aériennes stratégiques et à compter de 2010 l'aéronavale. Il disposera d'une portée et d'une capacité de pénétration des défenses nettement supérieures à celles de l'ASMP. L'ASMP/A sera équipé de la nouvelle tête nucléaire aéroportée (TNA). La commande du 1 er lot de missiles est prévue pour le printemps 2006. Les dotations prévues en 2006 s'élèvent à 217,5 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 119 millions d'euros de crédits de paiement.

Votre rapporteur souligne que le M 51 comme l'ASMP/A intègrent pleinement les conséquences de l'évolution de notre doctrine. La portée de ces armes, leur degré de précision, la modulation de leur puissance, la possibilité de leur assigner une large gamme de cibles au gré des circonstances, leur capacité de pénétration accrue sur des objectifs durcis sont autant d'éléments qui visent à rendre crédible notre stratégie, y compris à l'égard de puissances régionales dotées d'armes de destruction massive. Ces caractéristiques permettent d'adapter la menace dissuasive à l'enjeu d'une crise avec ce type de pays.

2. Le programme de simulation

La simulation doit fournir les moyens de garantir la fiabilité et la sûreté des armes nucléaires en l'absence d'essais en vraie grandeur. Elle permettra d' évaluer les conséquences du vieillissement des charges sur les armes actuelles et de valider les futures têtes nucléaires dotées de charges « robustes », en vérifiant que leurs caractéristiques sont compatibles avec les modèles définis à la suite de la dernière campagne d'essais. Enfin, à plus long terme, la simulation fournira aux concepteurs n'ayant pas été confrontée aux essais des calculateurs et des moyens expérimentaux leur permettant de confronter leurs calculs à l'expérience.

Le programme simulation se déroule selon l'échéancier prévu et sans dépassement de devis.

Les moyens de calcul sont développés dans le cadre du projet Tera . le CEA dispose depuis 2002 d'une machine « 1 teraflop/seconde soutenu » (1000 milliards d'opérations par seconde) qui multiplie par 100 sa capacité de calcul par rapport à 1996 et en fait le premier centre européen de calcul. Une deuxième machine de capacité dix fois supérieure réalisée par la société française Bull doit être livrée en cette fin d'année. La dernière phase, prévue pour 2009, vise à acquérir une capacité 100 fois supérieure à la capacité actuelle (100 teraflops/seconde soutenu).

La machine radiographique AIRIX , située à Moronvilliers dans la Marne, est opérationnelle, dans sa version initiale, depuis fin 2000. Elle est vouée à l'analyse de la dynamique des matériaux et permet d'étudier le fonctionnement non nucléaire des armes, à l'aide d'expériences au cours desquelles les matériaux nucléaires sont remplacés par des matériaux inertes. A l'instrument actuel, qui comporte un seul axe de visée, doit être ultérieurement adjoint un second instrument afin d'obtenir au cours d'une même expérience davantage de clichés et sous des angles différents. L'ensemble complet devrait être opérationnel en 2012.

Enfin, le laser Mégajoule qui sera installé au Barp, en Gironde, est destiné à l'étude du domaine thermonucléaire. Il permettra de déclencher une combustion thermonucléaire sur une très petite quantité de matière et de mesurer ainsi les processus physiques élémentaires. Le développement du projet doit s'effectuer en plusieurs étapes. La ligne d'intégration laser (LIL) , prototype à 8 faisceaux du futur laser qui en comportera 240, a été mise en service en 2002. L'installation de la première ligne du laser mégajoule doit commencer fin 2006, la mise en fonctionnement des 240 faisceaux étant prévue pour 2011 et les premières expériences d'ignition et de combustion thermonucléaire à la fin 2012. Les échéances finales ont été légèrement décalées mais en contrepartie, le principe d'une montée en puissance progressive a été retenu.

L'ensemble du programme de simulation représente un coût global de 5,7 milliards d'euros. D'après les informations fournies à votre rapporteur, le coût de fonctionnement des moyens de la simulation représentera moins de la moitié de celui des essais en grandeur réelle réalisés au Centre d'expérimentation du pacifique.

Enfin, comme votre commission l'a déjà souligné, les grands équipements liés à la simulation, c'est-à-dire le laser mégajoule et les moyens informatiques du CEA, seront ouverts à la communauté scientifique civile. Un Institut laser et plasmas a notamment été créé en Aquitaine en 2002 pour favoriser l'accès de la communauté civile à l'ensemble des moyens lasers du CEA.

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