II. EXAMEN DE L'AVIS

Réunie le mercredi 16 novembre 2005 sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Alain Milon sur le projet de loi de finances pour 2006 ( mission : Santé ).

M. Alain Milon, rapporteur pour avis, a indiqué que la mission « Santé » est dotée, en 2006, de 400 millions d'euros, soit une augmentation de 10 % par rapport à 2005, pour financer les grands enjeux de santé publique grâce à trois programmes d'inégale importance : « Santé publique et prévention », « Offre de soins et qualité du système de soins » et « Drogue et toxicomanie ».

Ces crédits ne correspondent, en réalité, qu'à une part minoritaire des moyens affectés à la politique de santé. En effet, les dépenses fiscales qui concourent à ces actions s'élèvent à 1,9 milliard d'euros, soit cinq fois plus ; par ailleurs, l'assurance maladie finance l'essentiel des mesures ; enfin, les frais de personnels sont imputés sur la mission « Solidarité et Intégration » pour un total de 280 millions d'euros. A cet égard, une présentation plus sincère du budget supposerait que ce dernier poste de dépenses soit, à l'avenir, intégré dans la mission « Santé ».

Le programme « Santé publique et prévention » comprend quatre actions destinées à mettre en oeuvre les objectifs suivants : concevoir et piloter la politique de santé publique ; promouvoir l'éducation pour la santé ; diminuer la mortalité et la morbidité évitables ; améliorer la qualité de vie des malades. Les crédits alloués au programme atteignent près de 260 millions d'euros pour 2006, soit 65 % de l'ensemble du budget.

M. Alain Milon, rapporteur pour avis , a ensuite présenté l'action « Pilotage de la politique de santé publique », dotée de 28,4 millions d'euros dont près du tiers sera affecté aux programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins pour les plus défavorisés.

Rappelant que la politique de santé publique s'appuie sur la mise en oeuvre de plans stratégiques pour la période 2004-2008 consacrés à des priorités sanitaires identifiées, il a indiqué que les trois autres actions du programme : « Déterminants de santé », « Pathologies à forte morbidité/mortalité » et « Qualité de la vie et handicaps », regroupent les crédits étatiques destinés à leur mise en oeuvre.

L'action « Déterminants de santé », rassemble ainsi les politiques d'information sur les risques de santé évitables liés à des comportements ou à un environnement à risque. Ces crédits s'élèvent à 34,7 millions d'euros, dont 18 millions d'euros pour le plan de lutte contre les drogues illicites, le tabac et l'alcool. Il a proposé d'imputer, par voie d'amendement, les crédits relatifs à ce plan, piloté par la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), sur le programme « Drogue et toxicomanie ».

M. Alain Milon, rapporteur pour avis , a ensuite indiqué que l'action « Pathologies à forte morbidité/mortalité » concentre, avec 190 millions d'euros, plus de 73 % des moyens du programme. Ces crédits augmentent de 30 % sous l'effet de deux changements contraires de périmètre : la prise en charge par l'Etat des actions de prévention sanitaire, jusqu'alors assurées par les départements, et le transfert des centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (Caarud) à l'assurance maladie. Sur ce total, 96,5 millions d'euros seront consacrés à l'INCa et à la poursuite du plan de lutte contre le cancer et 36,3 millions d'euros à la lutte contre le VIH/Sida. Il a déploré, en revanche, que les moyens affectés à la lutte contre les hépatites et aux plans « Santé mentale » et « Maladies rares » ne s'élèvent qu'à 10,2 millions d'euros, bien en deçà des prévisions. En effet, pour le seul plan « Maladies rares », la dotation annuelle de l'Etat avait dû atteindre 20 millions d'euros.

Il a enfin présenté l'action « Qualité de la vie et handicap », dotée de 6,1 millions d'euros, soit une augmentation de près de 60 % par rapport à 2005. Les mesures qu'elle recouvre concernent l'accès à la contraception et à l'IVG, le dépistage des troubles de l'apprentissage chez les enfants, la prévention, le dépistage et la prise en charge du diabète, des maladies rénales, des maladies chroniques et liées au vieillissement.

Présentant ensuite le deuxième programme « Offre de soins et qualité du système de soins » qui rassemble les actions relatives à la gestion des établissements et des personnels de santé, M. Alain Milon, rapporteur pour avis , a précisé qu'il comprend trois actions d'importance variable. Ses crédits s'élèvent à 102,4 millions d'euros, soit une diminution de 10,5 %, mais ils ne rendent que très partiellement compte des moyens réellement consacrés à l'offre de soins. L'Etat n'intervient en effet qu'à hauteur de 1 % du total des dépenses.

L'action « Niveau et qualité de l'offre de soins » a pour objet d'optimiser la formation et la répartition des professionnels de santé. Elle demeure, avec 70 millions d'euros, la plus importante du programme, malgré le transfert aux régions du financement des instituts de formation des personnels paramédicaux, prévu par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales. L'essentiel de cette enveloppe est consacré à la formation des internes en médecine, soit 51 millions d'euros. Par ailleurs, 5,5 millions d'euros sont affectés à l'année de recherche dont bénéficient les étudiants les mieux classés des internats de médecine et de pharmacie. Il a regretté, à cet égard, que cette dotation soit systématiquement inférieure aux besoins et doive faire l'objet, depuis 2003, d'une rallonge en loi de finances rectificative. Enfin, le lancement de plusieurs nouvelles activités bénéficie de 9,6 millions d'euros pour financer l'accréditation des médecins, la certification des sites dédiés à la santé et la certification des visites médicales.

Les crédits de l'action « Accessibilité de l'offre de soins » s'élèvent à seulement 1,2 million d'euros pour le développement de la télémédecine dans le cadre des contrats de plan Etat-régions et le renforcement des réseaux de santé, et ceux de l'action « Soutien », à 31 millions d'euros affectés, pour l'essentiel, aux subventions des opérateurs, soit près de 22 millions d'euros, dont 19,6 destinés aux agences régionales de l'hospitalisation (ARH).

M. Alain Milon, rapporteur pour avis , a déploré la persistance des inégalités, malgré les efforts de l'Etat et de l'assurance maladie en faveur de l'accès aux soins. Les études montrent qu'un écart demeure en termes d'espérance de vie entre les cadres et professions libérales et les ouvriers. Les catégories sociales les plus défavorisées sont aussi les plus touchées par les naissances prématurées, l'obésité, les infections bucco-dentaires, les maladies psychiatriques, le diabète et certains cancers. Il s'est inquiété, en conséquence, des réformes en cours concernant les dispositifs d'accès aux soins des plus défavorisés - l'aide médicale de l'Etat (AME) et CMU complémentaire (CMU-C) - et a souhaité qu'un bilan soit établi après une année d'application, pour adapter éventuellement ces dispositifs s'il s'avérait qu'ils ont rendu l'accès aux soins plus difficile.

Il a enfin présenté le programme « Drogue et toxicomanie », qui se décline en trois actions pilotées par la MILDT : « Coordination interministérielle des volets préventif, sanitaire et répressif », « Expérimentation de nouveaux dispositifs partenariaux de prévention, de prise en charge et d'application de la loi » et « Coopération internationale ». Il a estimé que la drogue constitue un facteur majeur de risque sanitaire et d'exclusion sociale et soulève un problème évident de sécurité intérieure.

Le projet de budget dote ce programme de 37,3 millions d'euros, traditionnellement complétés par un fonds de concours d'un montant correspondant à la valeur des biens et des espèces saisis lors de l'arrestation de trafiquants, soit 1,2 million d'euros en 2006. Il a déploré qu'il soit envisagé de confier au ministère des finances, et non plus à la MILDT, le soin d'assurer sa répartition entre les différents ministères concernés par la lutte contre la drogue, avec le risque que ces crédits soient distribués sans contrôle de leur bonne affectation à ces politiques.

M. Alain Milon, rapporteur pour avis , a indiqué que l'essentiel des crédits du programme est affecté à l'action « Coordination interministérielle des volets préventif, sanitaire et répressif », qui recevra, en 2006, 30,6 millions d'euros, dont 18,5 millions pour le financement d'actions locales.

L'action « Expérimentation de nouveaux dispositifs partenariaux de prévention, de prise en charge et d'application de la loi » est dotée de 5,5 millions d'euros, en diminution de 9 %. Cette action permet à la MILDT d'expérimenter de nouveaux dispositifs, qui pourront ensuite être pérennisés par les ministères compétents ou l'assurance maladie. C'est dans ce cadre qu'ont été testées, en 2004, les consultations « cannabis », reprises ensuite par l'assurance maladie.

La troisième action du programme est consacrée à la coopération internationale en matière de lutte contre la drogue et les moyens accordés à ce poste sont stables à 1,2 million d'euros.

Sous réserve de l'amendement proposé, il a invité la commission à donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Santé ».

Mme Sylvie Desmarescaux s'est déclarée inquiète de la persistance des inégalités en matière d'accès aux soins, dont pâtissent notamment les bénéficiaires de la CMU-C. Elle a constaté que la consommation de drogue continue de progresser, en particulier chez les jeunes, toutes catégories sociales confondues. L'une des causes de cette augmentation réside, à son sens, dans la hausse du prix du tabac, qui conduit les jeunes à choisir de consommer plutôt du cannabis. Cette situation est particulièrement grave dans les départements du Nord de la France, proches de la Belgique et des Pays-Bas où cette drogue est plus facilement accessible.

Mme Gisèle Printz a demandé quelles sont les mesures et les moyens prévus en matière de prévention du suicide. Elle a estimé encore insuffisant le nombre de structures destinées à l'accueil des jeunes après une tentative de suicide.

M. Gilbert Barbier a regretté que certains secteurs de la santé publique soient délaissés au profit des politiques prioritaires. Il s'est notamment inquiété de la diminution des crédits affectés à la lutte contre la drogue et la toxicomanie. Il a demandé si la MILDT a été auditionnée par le rapporteur et si les orientations fixées il y a deux ans ont été effectivement suivies par cet opérateur.

M. Nicolas About, président , a indiqué que la prévention du suicide constitue une priorité du présent projet de loi de finances.

M. Guy Fischer a souligné l'amélioration incontestable de la présentation budgétaire grâce à la LOLF. Pour autant, les crédits affichés pour la mission « Santé » en 2006 demeurent insuffisants et les résultats de la politique de santé ne sont pas visibles sur le terrain. Il a déploré la diminution des crédits du programme « Offre de soins et qualité du système de soins » qui risque de renforcer les inégalités en matière d'accès aux soins. Il s'est également inquiété de la diminution des crédits du programme « Drogue et toxicomanie » et a indiqué que le groupe communiste républicain et citoyen votera contre l'adoption des crédits de la mission « Santé ».

M. Nicolas About, président , a fait valoir que la qualité d'un budget ne doit pas se juger seulement à l'aune des augmentations de crédits. Il a ensuite demandé si le fait que les personnes défavorisées accèdent médiocrement aux soins s'explique par des raisons financières ou par les relations dégradées qu'elles entretiennent avec le système de santé.

M. Guy Fischer a considéré que le comportement de certains professionnels de santé, notamment des médecins spécialistes et des dentistes qui effectuent un tri parmi les patients qu'ils reçoivent, est l'une des causes de cette médiocrité d'accès aux soins par les personnes les plus défavorisées. Celles-ci sont, de ce fait, accueillies de plus en plus souvent par les centres de santé et leur situation financière s'en trouve dégradée.

Mme Sylvie Desmarescaux a constaté que le faible nombre de dentistes installés dans certaines régions leur donne une grande latitude pour choisir leurs patients.

Mme Gisèle Printz a indiqué que la situation est la même pour les ophtalmologues.

M. Paul Blanc a demandé quels sont les moyens consacrés à la lutte contre la tuberculose, dont la recrudescence est constatée dans certaines zones.

En réponse, M. Alain Milon, rapporteur pour avis , a rappelé que la lutte contre la tuberculose fait partie des compétences départementales transférées à l'Etat par la loi du 13 août 2004. La moitié des départements environ a choisi, au 31 juillet 2005, de conserver cette compétence. Tel est en particulier le cas des départements les plus touchés par cette pathologie, notamment les Bouches-du-Rhône. Les crédits affectés à cette action sont stables pour 2006.

Concernant les inégalités en matière d'accès aux soins, il a indiqué que, selon l'association « Médecins du monde », un grand nombre de personnes qui recourent à ses services n'a pas fait les démarches administratives nécessaires à l'obtention de l'AME et de la CMU C, ce qui alimente les craintes des associations sur les conséquences de la réforme de l'AME.

Il a confirmé que les mesures de prévention du suicide sont intégrées au plan « Santé mentale » qui dispose, pour 2006, de 5,8 millions d'euros. Il a ajouté que le développement des maisons de l'adolescent permet une amélioration de l'accueil des jeunes après une tentative de suicide.

Il a enfin estimé que la MILDT a largement pris en compte les critiques qui lui ont été adressées concernant son laxisme relatif en matière de lutte contre les drogues douces et a rappelé que des actions fortes sur les dangers de la consommation de cannabis sont menées depuis 2004. Il a rappelé qu'il est favorable au maintien de la compétence de cette mission pour la ventilation et le contrôle des crédits du fonds de concours afin de confirmer son rôle de coordination des politiques publiques.

La commission a ensuite adopté un amendement proposé par le rapporteur visant à transférer, sur le programme « Drogue et toxicomanie », les crédits consacrés au plan de lutte contre les drogues illicites, le tabac et l'alcool affectés au programme « Santé publique et prévention ».

Enfin, elle a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Santé » pour 2006 ainsi modifiés .

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