II. RÉDUIRE LES INÉGALITÉS ÉCONOMIQUES ET SOCIALES ENTRE LES TERRITOIRES

Le programme « équité sociale et territoriale et soutien » a fait l'objet d'un amendement gouvernemental, à la suite des violences urbaines qu'ont connues les banlieues au mois d'octobre. Le financement des mesures d'urgence a été adopté selon la répartition suivante :

Mesures d'urgence pour la politique de la ville

(en millions d'euros)

Nature de la dépense

Mesures d'urgence

Mesures
du PLF 2006

TOTAL

Associations (nationales ou déconcentrées)

80

23

103

Adultes relais (+ 3.000)

40

43

83

Equipes de réussite éducative (+ 325)

30

59

89

Internats de réussite éducative (+ 15)

7

3

10

Ateliers santé ville (+ 160)

4

7

11

Zones franches urbaines (+ 15)

20

339

359

TOTAL

181

474

655

A. UN EFFORT CENTRÉ SUR LES ZONES PRIORITAIRES ET SUR L'EMPLOI

Axe fort de la politique de la ville, la volonté de réduire les inégalités économiques et sociales entre les zones prioritaires et leur agglomération de référence se traduit d'une part, par la mise en place de dispositifs de revitalisation économique centrés sur l'emploi, d'autre part, par le financement de projets de prévention en faveur de la sécurité, de l'éducation et de la santé.

1. Le succès confirmé des dispositifs de revitalisation économique

a) Des écarts économiques persistants entre les Zus et leurs agglomérations de référence

Les quartiers prioritaires de la politique de la ville présentent systématiquement des taux de chômage plus élevés que leurs agglomérations de référence, ainsi qu'en témoignent les données suivantes :

Taux de chômage au sens du BIT en 2003 selon le sexe, l'âge et le lieu de résidence

(en pourcentage)

Zus

Partie hors Zus des agglomérations avec Zus

Agglomérations rurales ou sans Zus

2003

2004

2003

2004

2003

2004

Hommes

15-24 ans

36,7

36,2

22,8

24,0

15,2

17,0

Hommes

25-49 ans

16,1

17,8

9,0

8,7

5,2

5,6

Hommes

50-59 ans

16,0

12,9

7,6

7,2

5,4

5,8

Hommes

15-59 ans

18,7

19,3

10,0

9,9

6,3

6,9

Femmes

15-24 ans

36,3

40,8

21,9

21,6

20,7

24,1

Femmes

25-49 ans

19,2

20,9

10,1

10,3

9,5

9,2

Femmes

50-59 ans

16,1

15,4

7,8

7,1

7,4

7,7

Femmes

15-59 ans

20,8

22,4

10,8

10,7

8,0

8,4

Ensemble

15-59 ans

19,7

20,7

10,4

10,3

8,0

8,4

En effet, le taux de chômage global dans les Zus s'élève à 20,7 % , soit un point de plus qu'en 2003, alors qu'il se maintient à 10,3 % dans les agglomérations de référence . Cette progression asymétrique est particulièrement visible pour les jeunes, dont les taux de chômage en Zus progressent et atteignent, en 2004, 36,2 % pour les hommes et près de 41 % pour les femmes, contre respectivement 24 % et 21,6 % dans les agglomérations voisines.

D'autres facteurs peuvent expliquer ce différentiel persistant :

- les personnes ayant un faible niveau de formation ou de qualification sont plus exposées au risque du chômage ;

- les personnes d'origine étrangère ont souvent plus de difficultés à trouver un emploi ;

- certains des facteurs peuvent se combiner et entraîner des taux de chômage très élevés pour certaines catégories, qui cumulent les handicaps sociaux.

b) Des dispositifs de redynamisation économique complémentaires

Face à ces inégalités croissantes, plusieurs dispositifs ont été mis en place, visant à terme à créer des emplois et à réinsérer les populations les plus éloignées de l'activité professionnelle :

? Les équipes emploi insertion : un dispositif d'accompagnement indispensable

La mission des équipes emploi insertion (EEI), généralement composées de quatre personnes, est d'accompagner les personnes à la recherche d'un emploi, en leur délivrant des informations relatives aux démarches de recherche et à la formation et en les mettant en relation avec le service public de l'emploi. L'objectif fixé par le comité interministériel des villes (CIV) du 14 décembre 1999 est la création de 150 EEI dans les villes dotées d'un contrat de ville, afin de faciliter l'accès à l'emploi des habitants des quartiers sensibles.

Depuis 2000, soixante-dix équipes ont fait l'objet d'un financement de la DIV et ont permis d'accueillir et d'accompagner près de 38.000 personnes. Pour 2006, la contribution de l'Etat s'élève, pour la dernière année, à 400.000 euros, soit environ 15.000 euros par projet départemental.

Votre commission approuve la reconduction de ce dispositif pour 2006, mais regrette qu'il ne soit pas pérennisé au-delà. En effet, l'accompagnement se révèle être souvent déterminant dans les parcours de retour à l'emploi des populations les plus éloignées de l'activité.

? L'établissement public d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Epareca) : des objectifs mieux définis

L'Epareca, créé en 1996 et opérationnel depuis 1999, a pour mission de faciliter les opérations de remembrement des espaces commerciaux et artisanaux dans les quartiers prioritaires, lorsqu'elles ne peuvent être réalisées par des opérateurs privés. En tant que maître d'ouvrage, il joue le rôle de promoteur - investisseur public, en assumant les risques techniques, commerciaux et financiers des opérations qu'il pilote. Limitée à l'origine aux seules Zus, la zone d'intervention de l'Epareca a été étendue depuis 2000 4 ( * ) à l'ensemble des quartiers prioritaires des contrats de ville 2000-2006, qu'ils soient ou non classés en Zus.

Ses premiers investissements ont été réalisés en 2002, grâce à une dotation budgétaire de 19,8 millions d'euros, financée par la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat (Taca). Au 30 juin 2004, il a été saisi par 150 villes de 195 demandes d'intervention. A l'heure actuelle, 160 dossiers ont été traités ou sont en cours. La dotation 2005 s'est élevée à 2,3 millions d'euros, prélevée sur le fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac). Il dispose par ailleurs des recettes tirées de l'exploitation et de la vente des centres commerciaux dont il a la gestion.

Au printemps 2005, un contrat d'objectifs et de moyens élaboré avec les ministères de tutelle a été approuvé par le conseil d'administration. Il détermine, pour la période 2005-2008, le cadre général d'action de l'Epareca et présente les moyens financiers nécessaires à la réalisation de ses missions, sur la base des orientations et perspectives retenues par les signataires.

Au total, près d'une cinquantaine d'opérations devraient être conduites à leur terme, à raison d'une dizaine d'opérations environ engagées chaque année d'ici à 2008.

Votre commission se réjouit de la mise en place de ce contrat d'objectifs et de moyens, qui devrait permettre d'accroître l'efficacité de l'établissement public et d'accélérer le rythme de réalisation des projets en cours.

? Le fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac) : une action accrue en faveur des zones urbaines sensibles

Créé par la loi du 31 décembre 1989 et réformé par la loi de finances pour 2003 et le décret du 5 février 2003, le Fisac, anciennement fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat, est l'instrument privilégié de l'Etat pour la sauvegarde des services de proximité. Géré par la caisse nationale Organic 5 ( * ) , il accompagne les évolutions des secteurs du commerce, de l'artisanat et des services. La circulaire du 17 février 2003 a précisé et élargi les contours de ses missions : elle a renforcé notamment son action à destination des Zus comprises dans les territoires prioritaires d'un contrat de ville, en portant son taux d'intervention respectivement de 50 % à 80 % et de 20 % à 40 % pour les opérations réalisées en fonctionnement et en investissement.

Le Fisac verse des subventions, afin de soutenir financièrement les opérations collectives d'animation commerciale, qui accompagnent les projets de restructuration lourde pilotés notamment par l'Epareca. En 2004, l'Etat aura finalement accordé au fonds une dotation de 95 millions d'euros, qui a permis de financer 900 dossiers relatifs à des opérations locales (soit 32 % de plus qu'en 2003), tandis que 700 dossiers sont en attente. Les crédits plus spécifiquement consacrés aux opérations urbaines représentent 31,2 millions d'euros en 2004 (222 dossiers), soit une augmentation de 19,1 % par rapport à 2003 (26,2 millions d'euros pour 208 dossiers).

c) Le succès inégal des systèmes d'exonérations fiscales et sociales

? L'essoufflement des zones de redynamisation urbaine (ZRU)

Créées par la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, les 416 ZRU constituent un zonage intermédiaire de la politique de la ville, entre les Zus, qui regroupent 751 quartiers défavorisés, et les zones franches urbaines (ZFU), ciblées vers 85 territoires caractérisés par une situation économique et sociale particulièrement difficile.

En vue de maintenir et de développer l'activité économique dans les quartiers, les entreprises implantées dans les ZRU bénéficient d'une exonération de la taxe professionnelle et de l'impôt sur les sociétés, ainsi que d'une exonération de cotisations sociales patronales comme pour les ZFU, mais dont la durée n'est que de douze mois.

Malgré cet avantage réel, les salariés exonérés nouvellement embauchés sont en constante diminution, notamment depuis 2001 et plus encore depuis 2004. La création de quarante et une nouvelles zones franches urbaines (ZFU) dotées d'un régime d'exonérations sociales plus avantageux et sélectionnées parmi les ZRU d'au moins 10.000 habitants explique en partie la moindre attractivité du dispositif d'exonération des ZRU. En outre, il a été concurrencé par la mise en place de dispositifs similaires à destination des salariés disposant de moyens et bas revenus (dispositif « Aubry II » en 2002 et « Fillon » en 2003). Pourtant, au 1 er janvier 2004, on comptait environ 35.000 établissements implantés dans 331 des 350 ZRU de France métropolitaine, contre 33.000 en 1999, soit une légère progression.

Nombre d'embauches exonérées en ZFU et en ZRU

2002

2003

2004

En ZRU

3.518

3.217

2.535

En ZFU

7.662

7.992

5.700

Source : Dares - Tableau de bord des politiques d'emploi

Ainsi, le succès relatif des ZFU au regard du nombre d'embauches réalisées s'expliquerait notamment par la durée plus longue d'exonération de charges sociales patronales dont les entreprises bénéficient (cinq ans au lieu d'un an seulement pour les ZRU).

Néanmoins, la loi d'orientation du 1 er août 2003 a prorogé jusqu'au 31 décembre 2008 le régime d'exonérations sociales et de taxe professionnelle et jusqu'à fin 2009, celui de l'exonération d'impôt sur les bénéfices pour les entreprises nouvelles.

Votre commission estime que cette prolongation du dispositif n'aura que peu de conséquences sur un bilan globalement décevant. Pour obtenir des améliorations significatives, il faudrait aligner les avantages accordés aux entreprises implantées en ZRU sur ceux dont bénéficient celles qui sont installées dans les ZFU.

Le succès incontestable des ZFU

Il existe aujourd'hui quatre-vingt-cinq zones franches urbaines :

- quarante-quatre, dites « ZFU 1997 », ouvertes au 1 er janvier 1997 par le pacte de relance pour la ville, dont la durée de vie a été prolongée jusqu'au 31 décembre 2007 ;

- quarante et une nouvellement créées, dites « ZFU 2004 », ouvertes par la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1 er août 2003 jusqu'au 31 décembre 2008 ;

- quinze zones nouvelles qui devraient être créées en 2006, dans le cadre des mesures d'urgence prises par le Gouvernement.

Dans son précédent avis 6 ( * ) , votre commission a détaillé la réforme du régime d'exonérations fiscales et sociales appliqué aux ZFU. Ses premiers effets se révèlent être très positifs, notamment en terme de créations d'emplois :

- à la fin de l'année 2004, environ 13.500 établissements bénéficiaient d'une exonération de cotisations sociales patronales du fait de leur implantation dans une des quatre-vingt-cinq ZFU, dont plus de 10.000 dans les quarante-quatre « ZFU 1997 » et environ 3.000 dans les quarante et une « ZFU 2004 » ; au cours de la période 1999-2004, le parc d'établissements en ZFU a progressé à un rythme six fois supérieur à celui observé dans les ZUS et cinq fois supérieur à celui des agglomérations de référence ;

- en 2004, 68.600 salariés ont bénéficié de cette exonération et l'agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss) prévoit 88.400 bénéficiaires en 2006.

Etablissements bénéficiant d'une exonération de charges sociales dans les ZFU

Zones franches urbaines

1997

2001

2002

2003

2004

Nombre d'établissements bénéficiant de l'exonération de charges sociales patronales en ZFU

5.100

10.700

10.000

10.800

13.500

Nombre de salariés total dans les établissements bénéficiant de l'exonération

n.d.

80.100

77.200

81.300

90.500

dont : nombre de salariés exonérés

28.400

65.000

60.600

58.800

68.600

Champ : ZFU de première génération et de seconde génération (pour 2004) de France entière.

Note : les effectifs salariés sont en équivalents temps plein.

Source : Acoss, situation au 31 décembre 2004 .

L'augmentation du nombre de salariés bénéficiaires devrait ainsi entraîner une montée en charge rapide de la compensation versée par l'Etat à la Sécurité sociale au titre des exonérations de charges accordées. Pour 2006, ce montant est estimé à 360 millions d'euros.

Mais l'article 93 du projet de loi de finances pour 2006 prévoit que le bénéfice des exonérations sociales ne portera plus que sur la part du salaire inférieure à 1,4 Smic, contre 1,5 actuellement. Effective à compter du 1 er janvier 2006, cette nouvelle exonération s'appliquerait alors à 6,7 % de la masse salariale exonérée et représenterait une économie d'au moins 21 millions d'euros. En conséquence, les crédits de paiement liés aux compensations d'exonérations de charges sociales en ZFU s'élèveront pour 2006 à 339 millions d'euros, auxquels il faut ajouter 20 millions d'euros, permettant de financer la mise en place et la montée en puissance des quinze nouvelles ZFU créées dans le cadre du plan d'urgence pour les banlieues.

Le succès de ce dispositif provient du fait qu'il a été bien perçu du monde des entreprises, car il encourage la création et le développement des entreprises dans des quartiers, pour lesquels la revitalisation économique est essentielle pour l'amélioration de la vie quotidienne des habitants et leur accès à l'emploi.

Votre commission tient également à souligner que les meilleurs résultats sont enregistrés dans les ZFU où la mise en oeuvre du dispositif d'exonérations fiscales et sociales a été accompagnée en permanence par une véritable politique d'accueil et de soutien aux entreprises, notamment via les plates-formes d'appui à la création d'entreprises.

Toutefois, au-delà de ce succès incontesté, votre commission s'était inquiétée de l'absence d'une offre immobilière adaptée pour satisfaire rapidement les attentes des entreprises désirant s'implanter dans les ZFU, ce qui aurait pu freiner la montée en puissance du dispositif.

En réponse à cette inquiétude, le projet de loi portant engagement national pour le logement, actuellement en cours d'examen par le Parlement, prévoit des mesures pour mobiliser des ressources foncières supplémentaires, en favorisant notamment les cessions de terrains de l'Etat et de ses établissements publics, et en donnant au préfet un pouvoir renforcé pour l'octroi des permis de construire. Ainsi, on peut espérer que le mouvement d'implantation et de création d'entreprises dans les ZFU va se poursuivre au même rythme, afin que le nombre d'emplois créés continue d'augmenter régulièrement.

Toutefois, si l'essor de ce dispositif devait se traduire en cours d'année par une augmentation des crédits affectés à la compensation des exonérations de charges sociales, votre commission a obtenu du Gouvernement l'engagement que les fonds nécessaires ne seraient pas prélevés sur le FIV ou sur les actions de prévention de la politique de la ville 7 ( * ) .

* 4 Article 90 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU) du 13 décembre 2000.

* 5 Caisse de retraite des artisans, des chefs d'entreprises et des commerçants.

* 6 Projet de loi de finance pour 2005, rapport pour avis « Ville et habitat » n° 78, Valérie Létard.

* 7 Voir « Audition des ministres », p. 60.

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