B. LES CHARGES FINANCIÈRES DES BRANCHES DU RÉGIME GÉNÉRAL, UN RÉVÉLATEUR DES DIFFICULTÉS ACTUELLES
1. L'explosion des charges financières des branches du régime général en 2007
Si la dette transférée à la CADES est un point important à considérer, on doit également porter une attention toute particulière à l'évolution des charges financières des différentes branches, qui révèlent les difficultés auxquelles ils doivent faire face.
Or, de ce point de vue, on constate une tendance très nette à la hausse des charges financières, particulièrement marquée en 2007 , après deux années de charges financières plus maîtrisées pour l'assurance maladie grâce aux transferts opérés vers la CADES.
(en millions d'euros)
Source : commission
des finances du Sénat, d'après les réponses au
questionnaire de votre rapporteur pour avis pour la branche maladie en 2002 et
2003 et d'après les données de la commission des comptes de la
sécurité sociale pour les données 2004 à 2007 de
l'ensemble des branches
Cette tendance illustre les difficultés auxquelles est confronté le régime général aujourd'hui.
Cette évolution souligne la nécessité de poursuivre les réformes et conduit à s'interroger sur l'éventualité d'un nouveau transfert de déficit vers la CADES, sous la réserve précédemment mentionnée que ce transfert s'accompagnerait automatiquement d'un accroissement des ressources de cette caisse.
2. Les dettes de l'Etat à l'égard de la sécurité sociale pèsent sur la trésorerie du régime général
Il convient de rappeler que les dettes de l'Etat sont à l'origine d'une partie des frais financiers que doit supporter la sécurité sociale. En effet, ces dettes ne pèsent pas sur les comptes du régime général, qui possède une comptabilité en droits constatés, mais uniquement sur sa trésorerie.
Elles entraînent toutefois des frais financiers qui s'élèvent à plusieurs dizaines de millions d'euros. Ainsi, leur montant est estimé à 160 millions d'euros pour le régime général en 2006. Pour la première fois, ils seront pris en charge par une affectation d'une fraction de droits sur les tabacs au régime général de la sécurité sociale, prévue par l'article 23 du projet de loi de finances pour 2007.
Ces dettes sont très importantes, puisqu'elles atteignaient, au 31 décembre 2005, 3,6 milliards d'euros à l'égard du régime général et plus de 5,1 milliards d'euros à l'égard de l'ensemble des régimes obligatoires de sécurité sociale . A titre de comparaison, les dettes nettes au 31 décembre 2005 représentaient ainsi plus de 37 % du déficit prévisionnel 2006 du régime général (31 % du déficit constaté en 2005).
En outre, ainsi que le souligne le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) de septembre 2006, « l'apurement de ses dettes par l'Etat à la fin du premier semestre 2006 apparaît très modeste : il a en effet été payé 254 millions d'euros sur les 5.271 millions d'euros dus qui ressortent de la situation nette au 31 décembre 2005, ce qui représente un peu moins de 5 % ».
Seules la CNAF et la CNAV profitent véritablement de ces apurements qui portent sur le champ des prestations logement (84 millions d'euros), l'exonération relative aux jeunes entreprises innovantes (59 millions d'euros) et les cotisations vieillesse pour certains militaires (101 millions d'euros).
Par ailleurs, d'après le rapport de la CCSS précité, sur la base de l'examen des dotations budgétaires 2006 consacrées aux remboursements par l'Etat des principales prestations versées par les organismes de sécurité sociale pour son compte, et à la compensation des exonérations spécifiques (hors allègements généraux), les dettes de l'Etat pourraient s'alourdir en 2006 .
Sur le champ des exonérations spécifiques , le rapprochement entre le coût estimé des dispositifs (3.465 millions d'euros) et les dotations budgétaires initiales (2.880 millions d'euros) fait apparaître une sous-budgétisation de 585 millions d'euros. Les principaux dispositifs sous financés sont les exonérations DOM (206 millions d'euros), l'apprentissage (153 millions d'euros) et les exonérations liées aux services à la personne (132 millions d'euros).
S'agissant du champ des prestations sociales, l'insuffisance actuelle de financement s'établit à 660 millions d'euros et concerne en particulier l'aide médicale d'Etat (257 millions d'euros), l'allocation aux adultes handicapés (65 millions d'euros), l'allocation de parent isolé (175 millions d'euros) et les aides au logement (161 millions d'euros).
Dès lors, le rapport précité de la CCSS précise que, « hors mesures éventuelles figurant dans la loi de finances rectificative pour 2006, ce seraient donc 1.250 millions d'euros de dettes supplémentaires qui interviendraient en 2006, soit + 25 % par rapport à la situation fin 2005 ».
Etat semestriel des dettes de l'Etat envers les
régimes obligatoires au 30 juin 2006,
par nature de dettes
(situation nette)
(en millions d'euros)
Prestations versées pour le compte de l'Etat ou prises en charge par l'Etat |
1.175,52 |
Champ logement |
11,07 |
Champ santé-solidarité |
1.164,45 |
Dont |
|
Allocation de parent isolé (API) |
232,68 |
Allocation aux adultes handicapés (AAH) |
98,64 |
Allocation spéciale d'invalidité (ASI) |
118,97 |
Aide médicale d'Etat (AME) |
653,98 |
Exonérations de cotisations sociales |
3.095,90 |
Exonérations ciblées |
1.417,45 |
Allègements généraux |
1.678,45 |
Divers autres dispositifs |
746,02 |
Total général |
5.017,43 |
Source : commission des comptes de la sécurité sociale (septembre 2006)
Etat semestriel des dettes de l'Etat envers les régimes obligatoires au 30 juin 2006, par caisse ou régime (situation nette)
(en millions d'euros)
Régime général |
3.432,55 |
CNAMTS-AM |
1.676,46 |
CNAMTS-AT |
174,88 |
CNAF |
906 |
CNAVTS |
675,21 |
Autres |
1.584,88 |
Dont |
|
CCMSA |
503,27 |
FFIPSA |
648 |
CRPCEN |
49,73 |
SNCF |
91,6 |
RATP |
2 |
CANAM |
139 |
CANCAVA |
55,63 |
ORGANIC |
86,68 |
Total général |
5.017,43 |
Source : commission des comptes de la sécurité sociale (septembre 2006)
Cette photographie permet également de faire ressortir les insuffisances des prévisions budgétaires et la sous-évaluation manifeste de certaines dépenses en loi de finances initiale : allocation de parent isolé, allocation adulte handicapé, allocation spéciale d'invalidité, aide médicale d'Etat, etc.
Signalons que l'aide médicale de l'Etat représente à elle seule presque la moitié du montant des dettes du champ santé-solidarité et que le montant de la dette sur ce poste de dépenses est près de trois fois supérieur au montant des dépenses inscrites en loi de finances initiale : 654 millions d'euros contre 233 millions d'euros. En effet, si les crédits dédiés à l'AME sont inscrits au sein de la mission « Solidarité et intégration » du budget de l'Etat, les dépenses afférentes à ce poste sont supportées par l'assurance maladie qui reçoit ensuite le remboursement par l'Etat des prestations en nature servies à certaines catégories de personnes qui ne peuvent fournir d'effort contributif et pour lesquelles aucun employeur n'est susceptible de cotiser à l'assurance maladie .