C. LA LUTTE CONTRE LE TÉLÉCHARGEMENT ILLÉGAL ET POUR LE RESPECT DU DROIT D'AUTEUR

1. Un phénomène en expansion

L'an dernier, votre rapporteur avait fait état de l'étude du CNC et de l'Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA) sur le développement des phénomènes de téléchargement illégal sur internet. Cette analyse, conduite sur la période du 1er août 2004 au 31 juillet 2005, faisait clairement apparaître l'ampleur du phénomène.

Même si le téléchargement illégal est par définition difficile à mesurer, il est probablement en expansion du fait de la généralisation du très haut débit et de l'évolution des techniques et des réseaux, qui permettent la mise à disposition et le partage à très large échelle de fichiers de contenus protégés.

En outre, l'année 2006 est marquée par le développement de l'internet dit « communautaire », qui associe des contenus « amateurs » à des contenus professionnels, sans qu'il soit toujours facile pour un internaute de faire la distinction entre ce qui distingue la consommation « communautaire » de la contrefaçon d'oeuvres. Sur des sites tels que Utube, Dailymotion, Myspace, GoogleVidéo, circulent ainsi un grand nombre d'oeuvres protégées, qui sont copiées et téléchargées à des milliers, voire des millions, d'exemplaires.

Il est donc indispensable que la lutte contre la contrefaçon se perfectionne à la même vitesse que les techniques de contrefaçon elles-mêmes, au plan technique comme juridique. Là réside aussi la difficulté, le droit devant toujours être adapté à l'évolution de plus en plus rapide des technologies et des comportements. Telle est l'ambition de la loi dite DADVSI.

2. La loi DADVSI du 1er août 2006

La loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information, dite loi DADVSI, a pour objectif de garantir le respect du droit d'auteur et la copie privée. Elle introduit une règle de protection juridique des mesures techniques de protection et des dispositifs d'information sur le régime des droits, afin d'empêcher les utilisations des oeuvres qui ne sont pas autorisées par les titulaires de droits.

Elle affirme un principe nouveau, l'interopérabilité, principe qui a été validé par le Conseil Constitutionnel. Elle tend à concilier l'avenir de la création musicale et cinématographique française et celui du logiciel libre ainsi que l'accès des internautes à la culture.

Enfin, la loi initialement votée, avait prévu que les échanges illicites de fichiers sur internet seraient passibles de simples contraventions. Le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition et stipulé que ces échanges constituaient des actes de contrefaçon. Ce qui signifie que les peines applicables sont celles du délit de contrefaçon, soit un retour à la situation antérieure. Suite à cette décision, le ministre de la culture et de la communication a réaffirmé la nécessité que les sanctions soient « justes et proportionnées en fonction de la gravité des faits » et il a souhaité saisir le Garde des Sceaux « afin que les poursuites soient orientées vers les cas les plus graves ». Votre rapporteur insiste pour que ce volet répressif de la loi s'accompagne d'importantes actions de prévention à l'égard des internautes.

Rappelons que sont ainsi visés les actes répréhensibles suivants :

- toute importation, fabrication ou activité de diffusion ou de promotion en faveur de procédés technologiques conçus ou spécialement adaptés pour porter atteinte à une mesure technique de protection ou à un dispositif d'information sur le régime des droits (six mois d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende) ;

- toute importation ou distribution d'oeuvres, d'interprétations, de phonogrammes, de vidéogrammes, de programmes ou de bases de données dont un élément d'information relatif au régime des droits a été supprimé ou modifié dans le but de porter atteinte à un droit d'auteur ou à un droit voisin, de dissimuler ou de faciliter une telle atteinte (six mois d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende) ;

- l'atteinte portée aux mesures techniques de protection ou aux dispositifs d'information sur le régime des droits, autrement que par l'usage de moyens déjà existants conçus ou spécialement adaptés à cette fin (amende de 3 750 euros).

Un décret en Conseil d'Etat doit compléter ce dispositif avec des sanctions contractuelles visant les détenteurs et utilisateurs de moyens existants conçus ou spécialement adaptés pour porter atteinte à une mesure technique de protection ou à un dispositif d'information sur le régime de droits.

En outre, rappelons que sur l'initiative du Sénat, la loi DADVSI a créé une autorité administrative indépendante -l'Autorité de régulation des mesures techniques de protection- composée de 6 membres et notamment chargée de :

- veiller à ce que les mesures techniques de protection n'aient pas pour conséquences d'entraîner dans l'utilisation d'une oeuvre des limitations supplémentaires et indépendantes de celles vraiment voulues par le titulaire de droit,

- et rendre compte des orientations qu'elle a fixées en matière de périmètre de la copie privée.

Le décret relatif à l'Autorité est en cours de finalisation et devrait être publié d'ici la fin 2006.

Votre rapporteur se réjouit du fait que des agents du CNC pourront être mobilisés à titre d'expert par cette autorité, ce qui sera utile pour faire valoir les intérêts légitimes des titulaires de droits dans le secteur du cinéma et de l'audiovisuel.

Pour ce qui concerne la mise en oeuvre concrète des textes, l'ALPA a reçu du CNC des moyens budgétaires accrus (308 000 € en 2006, soit un doublement de la subvention sur deux ans) pour accroître ses capacités de veille et de repérage des infractions sur internet.

Ainsi, à titre d'exemple, une action pour contrefaçon vient d'être intentée suite à ses investigations, le 23 novembre 2006, contre Googlevideo par le producteur Flach Film, pour avoir laissé mettre à disposition, gratuitement, le documentaire « Le Monde selon Bush », qui a fait l'objet de 43 000 connexions gratuites (alors que le même titre était exploité sur un site payant de vidéo à la demande).

Votre rapporteur tient ici à rappeler la contribution essentielle du Sénat dans l'élaboration de cette loi, notamment sous l'impulsion du rapporteur de votre commission, M. Michel Thiollière.

3. L'initiative de la Commission européenne relative à la copie privée

Alors que notre pays vient, avec ce nouveau cadre juridique, de se mettre en conformité avec le droit communautaire, la Commission européenne a le projet d'adopter, à brève échéance, une recommandation sur la copie privée. Celle-ci remettrait en cause les systèmes actuels de rémunération au titre de la copie privée, alors que ces derniers constituent une source légitime de revenus pour les artistes et créateurs.

En effet, la Commission européenne semble vouloir supprimer la rémunération pour copie privée et la remplacer par une généralisation des mesures techniques de protection ou DRM (Digital Rights Management).

Cette initiative a suscité de vives réactions de la part des professionnels, tant Français qu'Européens (auteurs, artistes plasticiens, compositeurs, artistes interprètes, éditeurs et producteurs de la musique, des arts graphiques et plastiques comme du cinéma), qui se sont rassemblés au sein du collectif « Culture d'abord! » pour dénoncer cette menace sur le droit d'auteur.

Rappelons que la rémunération par redevance au titre de la copie privée existe dans 20 des 25 Etats membres de l'Union européenne. Elle permet à toute personne de réaliser des copies d'oeuvres protégées pour son usage privé, à des fins non commerciales, et reconnaît la légitimité d'une juste rémunération des ayants droit pour cet usage.

Les professionnels soutiennent que les mesures techniques de protection ne sauraient se substituer aux systèmes actuels de rémunération pour copie privée et, qu'en outre, la redevance pour copie privée ne freine en rien le développement des équipements électroniques, ni celui des services en ligne (tant pour le cinéma que pour la musique).

Les ministres européens de la culture se sont réunis le 13 novembre dernier sur ce sujet et votre rapporteur demandera au ministre de faire le point de la situation.

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